Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/II. — Littérature en Amérique

Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 1p. 268).

II. — Littérature en Amérique. Antérieurement à la guerre de l’Indépendance, il n’y a pas, à proprement parler, de littérature spéciale aux États-Unis. Des poésies, des traductions de la Bible, des ouvrages de métaphysique, quelques travaux historiques et politiques, les Observations sur l’entretien des noirs, de John Woolman, et enfin les œuvres de Franklin ; forment le bilan littéraire de cette contrée depuis l’établissement de la colonie jusqu’à sa déclaration d’indépendance. De tous les écrivains de cette période, Franklin est le seul dont le nom soit resté, et ce succès n’est pas dû seulement à l’importance politique de ses œuvres, mais à leur forme élégante, pittoresque, et à la pureté du style. Ses ouvrages les plus célèbres sont : l’Almanach du Bonhomme Richard, traité de morale et d’économie domestique dont le succès fut universel, et dont des milliers d’exemplaires furent vendus en France ; puis son Autobiographie, ses Essais et sa Correspondance, où se trouve la délicieuse lettre à Mme  Helvétius sur les Éphémères. « Il est impossible, dit avec beaucoup de justesse M. Lasseau, de lire Franklin sans estimer sa pensée et sans aimer sa parole. » Dans le laps de temps qui s’est écoulé depuis la révolution américaine jusqu’à nos jours, la littérature a pris aux États-Unis un immense développement, et, grâce à la liberté dont jouit ce pays, tous les genres ont été cultivés et présentent un nombre d’ouvrages étonnant, pour une nation qui ne compte pas encore un siècle d’existence. L’abondance des matières nous obligera de les diviser par genres, afin do mettre plus de clarté dans ce dénombrement, nécessairement très-succinct.

Théologie et philosophie. Les ouvrages abondent sur cette matière toujours chère aux protestants, qui n’en sont pas encore arrivés à notre indifférence en matière de religion. Nous citerons principalement les écrits de Jonathan Edwards, du docteur Charles Chauncey, de Joseph Bellamy, Samuel Hopkins. Th. Dwight et J. Witherspoon ; les Esquisses de la science morale, par le docteur Alexander ; la Philosophie mentale, do Th. Upham ; les écrits de Hickok ; de Tappan ; de Fr. Bowen, philosophe de l’école de Locke ; ceux de Marsh, de Green, d’Emerson et de Parker ; les œuvres des écrivains orthodoxes Worcester, M. Stuart, L. Woods, des unitaires H. Ware, A. Norton, B. Whitman et W. E. Channing, dont on cite l’Argument moral contre le calvinisme, l’Essai sur la littérature nationale, enfin ses Remarques sur John Milton et sur Napoléon Bonaparte. Telle est la phalange d’écrivains moralistes qui représentent d’une manière complète l’ensemble des idées philosophiques de l’Amérique anglaise.

Poésie. L’époque de la révolution produisit le premier poète national, J. Trumbull, qui, dans son poème comique de Mac-Fingal, attaqua sans pitié les adversaires de la liberté. Après lui, vient, par ordre de date, T. Dwight, auteur d’une épopée, la Conquête de Canaan, et d’un Village florissant, qui est la contre-partie du Village abandonné, de Goldsmith, et dont le style excellent influa sur la littérature de l’époque. Barlow, poète et commerçant, publia un poème épique, la Colombiade, et la Bouillie de maïs, œuvre plus modeste, mais remplie d’aisance et de facilité. À côté de Barlow, il convient de placer Philippe Freneau, poète patriotique d’origine française, et John Pierpont, qui a publié, en 1816, les Chants de la Palestine, d’une harmonieuse versification, ainsi que des odes qui sont de véritables chefs-d’œuvre et ses principaux titres à la renommée. W. Cullen-Bryant publia, en 1821, des Méditations sur la mort, poésies d’une haute portée philosophique, et le magnifique poème des Ages, dans lequel il passe en revue l’histoire de l’Amérique depuis sa découverte jusqu’à la guerre de l’Indépendance, et où il donne d’admirables descriptions des scènes de la nature dans ce merveilleux pays. Enfin arrivent J. Rodman Drake, qui a publié, entre autres ouvrages, le Lutin coupable, une pièce patriotique intitulée le Drapeau américain, une satire, Fanny, et le Château d’Alnwick, souvenir d’un voyage en Angleterre ; Green Halleck, l’auteur de Marco Botzaris. — Richard Wilde, Hillhouse, Morris, Howard et Payne, méritent, à des titres divers, d’être également cités, sans oublier non plus quelques charmantes pièces de M. Emerson, telles que l’Abeille sauvage, le Problème, etc., et les drames en vers de Parker Willis : Tortesa l’usurier et Bianca Visconti. Parmi les poëtes tout à fait contemporains, nous mentionnerons : H. W. Longfellow, qui a publié les Voix de la Nuit, des Ballades, un drame intitulé l’Étudiant espagnol, des Poèmes sur l’esclavage, le Bord de la mer, la Légende dorée, le Chant de Hiawatha, et, en 1858, Comment Miles Standish fit sa cour ; Greenleaf Whittier, l’adversaire déclaré de l’intolérance religieuse, dont on a Mog-Megow, les Légendes de la Nouvelle-Angleterre, l’Étranger à Lowell, la Fiancée de Pennacook, etc., etc. ; Wendel Holmes, poète satirique ; Edgard Poe, popularisé chez nous comme romancier, mais dont l’Amérique possède de nombreuses poésies, entre autres le Ver vainqueur, Annabel Lee, élégie composée sur la mort de sa femme, et le Corbeau, trois admirables pièces où l’étrange et le fantastique sont la note dominante ; Lowel, auteur du Fils du Pauvre, admirable poème philosophique, d'une élégie Sur la mort d'un enfant, qui laisse loin derrière elle les stances trop vantées de Malherbe, et enfin de la Fable pour les Critiques, où il a successivement bafoué la plupart de ses confrères en Apollon. Bayard Taylor, auteur des Poèmes de l’Orient, et Butler ferment la liste des poëtes américains, auxquels on peut ajouter, pour être complet, les noms de quelques femmes célèbres à un titre quelconque : Lydia Sigourney, Hannah Gould, les sœurs Davidson, les sœurs Warfield,Mmes  Child, Mac-Intosch et Fuller-Ossoli.

3" Roman. Le genre du roman est relativement aussi cultivé en Amérique qu’en Angleterre, mais on ne trouve le nom d’aucun auteur important avant le commencement de ce siècle. En tête des romanciers américains, se place Fénimore Cooper, dont les ouvrages ont été traduits dans toutes les langues de l’Europe, et qu’on a surnommé, non sans raison, le Walter Scott de l’Amérique. Viennent ensuite Washington Irving et Longfellow, qui sont de spirituels conteurs, et dont le dernier est surtout connu par ses deux volumes Outre-mer et Hyperion ; Edgar Poë, qui a publié des nouvelles et des contes fantastiques, dont les plus justement admirés sont le 'Scarabée d'or', le Pendule et la Lettre volée. Après cet auteur, on peut encore citer la Case de l'oncle Tom, éloquent plaidoyer de Mme  Beecher-Stowe en faveur de l’affranchissement des nègres, ouvrage qui, traduit en plusieurs langues, s’est répandu en Europe à une quantité incalculable d’exemplaires ; Opulence et Misère, de Mme  Stephens ; Transformation et le Vieux Foyer, de Hawthorne ; enfin le Vaste Monde, d’Elisa Wetherell, et Ruth Hall, de Fanny Fern.

Histoire. De même que les romanciers, les historiens américains ne datent guère que du commencement du siècle. Le plus célèbre en France est W. Prescott, dont on connaît l’Histoire de la Conquête du Mexique, celles de Ferdinand et d’Isabelle, de la Conquête du Pérou et de Philippe II.’V 'Histoire des colonies anglaises dans l’Amérique du Nord. par Marshall, fut le premier essai d’une histoire locale ; elle fut bientôt suivie de l’Histoire des États-Unis, de Graham ; de l’Histoire de l’État du Maine, par W. Williamson. Les Esquisses historiques du MichiganAa Collection de la Société historique de New-York, l’Introduction à l’histoire de la Virginie, par Camphell ; des Histoires de la Géorgie, du Kentucky et de la Pensylvanie, documents nombreux et précieux dus au zèle de patriotes savants, apportèrent bientôt d’immenses matériaux aux

historiens nationaux, qui ont produit des ouvrages très-remarquables, parmi lesquels nous mentionnerons:la Vie de Washington et l’Histoire des Etais-Unis, de Bancroft ; l’Histoire de la Conspiration de Pontiac, de Parkman ; celle des Hommes du iVord, par Wheaton ; l’Histo— e navale des État-Unis, de F. Cooper ; la Biographie des Indiens, de Thatcher ; l’Histoire des Tribus indiennes de l’Amérique du Nord, par Mac-Kenney et Hall, et enlm les Recherches algiques et Oneota, ou la race rouge en Amérique, très-remarquables ouvrages de Schoolcraft. Parmi les œuvres purement bibliographiques publiées en Amérique, nous ne pouvons nous dispenser de citer la Biographie américaine, éditée par M. Jared Sparks ; la Vie et les Écrits de Washington, par le même ; les Portraits des Loyalistes américains, de Sabine ; deux Vies de Jefferson, l’une de Rayner et l’autre de Randall; les Vies de Goldsmith, de Washington et de Mahomet, par Washington Irving, etc., etc.

Voyages. Comme les Anglais, les Américains sont voyageurs, et, une fois de retour dans leur patrie, ils aiment à rendre compte de leurs impressions. Les ouvrages de ce genre les plus remarquables en Amérique sont : le Compte rendu de l’expédition d’exploration des États-Unis, par Ch. Wilkes ; Une Année en Europe, par Griscom ; les Lettres d'Europe, par Carter ; Visite à Constantinople et à Athènes, par W. Colton ; les Incidents de voyage, de Stephens, et les nombreux ouvrages de Bayard Taylor et du colonel Frémont.