Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/France et Marie


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France et Marie, roman par H. de Latouche (Paris, 1836). On peut considérer ce roman, un des meilleurs de Latouche, comme composé de deux parties très-distinctes. La première offre un tableau de cette époque qui succéda aux secousses de la Révolution française, alors que Napoléon, premier consul, commençait à peser de toute sa puissance sur les agitations convulsives de la nation et cherchait à niveler, avec sa main de fer, le terrain si profondément remué. Quelques émigrés rentrent en France pour tenter un dernier etfort en faveur des Bourbons. Au milieu d’eux et à leur tête se dessine le caractère audacieux et héroïque de Georges, le conspirateur infatigable. Le héros du roman, Roger, est un jeune noble entraîné dans la conspiration plutôt par les circonstances que par conviction. Dominé par l’énergie de Georges, ce fils de paysan, dont la supériorité, ressortant au milieu de ces débris de l’ancien régime, semblait déjà prédire leur impuissance à rien restaurer, et proclamer, dans les rangs mêmes de la féodalité, le triomphe de la démocratie, Roger se voit bientôt compromis de la manière la plus sérieuse. Enfin, arrêté avec les autres conspirateurs, il est condamné à mort. C’est ici que l’auteur a abandonné le côté historique pour ne plus s’occuper que de l’action purement romanesque. Roger est sauvé par une femme qu’il aime et qui obtient sa grâce. Il l’épouse et part avec elle pour l’exil. Mais un vieil émigré, mort en Angleterre, avait confié sa fille au père de Roger, et, celui-ci étant mort à son tour, Marie devient la pupille de Roger lui-même. Dans leurs derniers entretiens, les deux pères avaient formé le projet d’unir leurs enfants, et Marie avait été élevée dans l’espoir d’être un jour la femme de ce jeune Roger qu’elle ne connaissait pas encore. Aussi lui suffit-il de le voir pour l’aimer, et cet amour ne tarde pas à venir porter le trouble dans l’âme de Roger. La femme qui l’a sauvé de la mort et qu’il a épousée a plutôt agi par dévouement que par amour ; aussi, dès les premiers mois qui suivent son mariage, elle n’a plus guère que de l’amitié à offrir à son mari en échange de son ardente passion, et Roger finit par la négliger pour porter toutes ses attentions sur Marie. Toute cette partie est très-finement observée et supérieurement rendue. Quant au dénoûment, il nous paraît exagérément mélodramatique. Marie, dont l’amour s’est accru jusqu’à la folie, tue l’enfant que Roger a eu de sa femme et se tue ensuite. Roger, après avoir blessé mortellement dans un duel le frère de sa femme, meurt aussi dans le délire d’une fièvre ardente. A part les rares taches semées çà et là dans ce livre, c’est, nous le répétons, un des meilleurs qui soient sortis de la plume de Latouche, et on le lit d’un bout à l’autre sans éprouver un seul instant de fatigue ou d’ennui.


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