Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Francesca (Pietro Borghèse, dit della)


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FRANCESCA (Pietro Borghèse, dit della), peintre italien, né à Borgo-San-Sepolcro en 1397, mort à Rome en 1483. Il ne connut pas son père ; mais sa mère, quoique jeune encore, voulut rester veuve pour se vouer tout entière à son éducation. Suivant l’usage italien, l’enfant avait été surnommé Pietro della Francesca (Pierre, fils de Françoise), nom que Borghèse, par reconnaissance pour le dévouement de sa mère, voulut porter toute sa vie. Jusqu’à l’âge de quinze ans, Pietro étudia les mathématiques avec un rare succès. A cette époque, on ne sait pour quel motif, il tourna toute son application vers l’art du dessin et y excella bientôt. Vasari, Lanzi, Baldinucci, qui parlent fort longuement de Borghèse, négligent, selon leur coutume, d’être clairs et précis. Le nom de son premier maître ne nous a pas été conservé ; ce fut sans doute quelque peintre obscur de Borgo. On ne sait pas également à quelle heureuse circonstance il dut d’être remarqué par le dernier comte d’Urbin, Guido Antonio di Montefeltro ; mais il est certain qu’il fut chaudement protégé par ce grand seigneur, qui lui fit donner une instruction exceptionnelle, et qu’il jouit constamment de la même faveur auprès du duc Frédéric de Montefeltro, successeur de Guido Antonio. Le comte d’Urbin l’employa à la décoration de son palais et lui commanda les portraits de divers membres de sa famille ; ces portraits signalèrent les débuts de Pietro, et il faut, avec Vasari, en regretter la perte, occasionnée par les guerres qui désolèrent l’Italie ; c’étaient de remarquables tableaux, de petites proportions, à en juger par les deux seuls qui sont arrivés jusqu’à nous : le portrait du duc Frédéric de Montefeltro et celui de sa femme, Battista Sforza ; on les voit à la galerie publique de Florence. Vasari parle aussi d’une chapelle de Saint-Augustin, peinte par Borghèse ; il l’a vue, dit-il, à Ancône, et en constate les grandes qualités, bien qu’elle fût déjà détériorée par l’humidité. Cette chapelle (elle n’existe plus de nos jours) était le dernier vestige de grandes fresques que Borghèse aurait exécutées au palais de Schifanoja pour le duc de Ferrare. Ce qu’il y a de certain, c’est que le peintre toscan, déjà auteur de travaux recommandables, fut choisi par Nicolas V pour décorer le Vatican. Il y peignit deux fresques immenses, dont on trouve la reproduction dans la bibliothèque Vaticane, et dans lesquelles il avait introduit un grand nombre de portraits de personnages célèbres du xvie siècle. Malheureusement, elles étaient déjà, en mauvais état au commencement du xvie siècle, quand Raphaël fut chargé de les remplacer par ses immortels chefs-d’œuvre. Il ne reste plus rien également des travaux de Borghèse à Milan, à Pesaro, à Borgo, et c’est sans aucune certitude que quelques auteurs lui attribuent des fresques de l’église Saint-André de Ferrare. Il existe cependant à Arezzo, dans l’ancien couvent des Augustins, une Résurrection du Christ, peinture à l’huile qui rappelle la manière du Pérugin, mais à un degré bien inférieur. Les qualités de cette composition n’en sont pas moins remarquables. Le Christ est d’un jet bien voulu et drapé comme on drapait alors, c’est-à-dire magnifiquement, avec un sentiment de la silhouette et des plis qu’on n’a jamais dépassé. Une reproduction ou une variante se trouve dans un formulaire italien, manuscrit du temps, illustré d’une foule de tableaux religieux très-intéressants. Ce volume précieux est à l’Arsenal. On cite encore de ce vieux maître un Songe de Constantin, dont Baldinucci et Tiraboschi font le plus grand éloge, et que la Biographie Michiaud signale comme existant encore à Arezzo. Justesse des raccourcis, entente parfaite des effets de lumière, connaissance spéciale du jeu des muscles, magnificence des draperies, telles sont les qualités que les auteurs attribuent aux compositions de Borghèse. La Résurrection du Christ, seule peinture qui nous reste de lui, ne justifie ces éloges que dans certaines limites, mais assez néanmoins pour faire vivement regretter que l’œuvre de ce vieux maître ait été aussi peu respecté. Pietro della Francesca avait près de soixante ans lorsqu’il peignit les fresques d’Arezzo, et il paraissait être loin de vouloir déposer encore le pinceau, quand il fut frappé de cécité. Obligé de renoncer à la peinture, il se consola dans l’étude des mathématiques, qu’il n’avait pas cessé d’aimer, et se mit à composer ses traités de géométrie et de perspective, que l’un de ses élèves, Fra Luca Paccioli, écrivit sous sa dictée, et dont la bibliothèque Vaticane possède des copies prises, dit-on, sur les manuscrits originaux. Borghèse eut de nombreux élèves, parmi lesquels, outre Paccioli, il faut distinguer Tolentino, Pietro da Castel et surtout le Cortonais Luca Signorelli. Avant de mourir, Pietro della Francesca exprima le vœu d’être inhumé dans son pays, près de la maison qui l’avait vu naître ; cette volonté fut exécutée religieusement. Ses élèves accompagnèrent ses restes de Rome à Borgo-San-Sepolero ; c’est à eux qu’est dû le monument qu’on voit dans l’église, et qui porte le nom de Francesca et la date de l’inhumation (1483). L’abbé de Fontenay, dans la notice consacrée à ce maître, le fait mourir en 1443 ; on voit que c’est une erreur grossière.


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