Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/France (Histoire de), de M. Laurentie


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France (Histoire de), de M. Laurentie (1841 ; 2e édit., 1857, 8 vol. in-8º). Travail consciencieux dans ses trois premiers volumes, où l’auteur s’applique à résumer, d’après nos grands historiens, les premiers âges de la monarchie, cette Histoire de France devient, à partir de l’époque moderne, une œuvre de parti, écrite au point de vue exclusivement catholique et dont il ne faut accepter les conclusions qu’avec la plus grande défiance. M. Laurentie appartient à cette école d’historiens qui, au lieu de mettre les faits sévèrement contrôlés sous les yeux du lecteur et de le constituer juge, laissent soigneusement de côté tout ce qui pourrait nuire à leur cause, feignent d’ignorer ce qu’ils ne veulent pas savoir, font sortir des textes les conclusions les plus inattendues et s’efforcent d’égarer les esprits par des rapprochements plus ingénieux que solides. De même que M. Capefigue vous démontrera, par des textes, que la cour des Valois fut la plus brillante et la plus spirituelle des cours françaises, et taira toute cette ignoble corruption qui l’a rendue la honte du xvie siècle, ainsi M. Laurentie, par des textes également, vous fera voir que la révocation de l’édit de Nantes s’est accomplie avec la plus grande douceur ; que le roi réprimandait les dragons, ses missionnaires bottés, dès qu’ils se permettaient la moindre licence, et que, d’ailleurs, la plupart des villes réformées accueillirent la révocation de l’édit avec satisfaction. « La preuve, dit M. Laurentie, c’est que l’on conserve encore, dans plusieurs ville du Midi, des déclarations où les municipalités remercient le roi de leur avoir donné la force de vaincre des habitudes d’hérésie où la croyance avait peu de part ! » Et que vouliez-vous qu’ils dissent, ces pauvres gens, menacés de la confiscation et de l’exil, torturés par les missionnaires, bottés ou non pillés par les ordres mêmes du roi et fusillés ou pendus au moindre signe de résistance ? Prendre de telles déclarations pour des documents sérieux, n’est-ce pas se moquer du lecteur ? Prétendre que le nombre des protestants chassés de France par cette cruelle et lâche persécution ne s’élève qu’à 67,732, pas un de moins ni de plus, lorsque les estimations les plus modérées le portent à un demi-million, n’est-ce pas en prendre bien à l’aise avec les documents ? Il est vrai que c’est aussi sur un document que s’appuie M. Laurentie, un document très-sérieux, dit-il, un mémoire « composé par le duc de Bourgogne ! »

On ne peut s’attendre à ce que cet historien impartial de la révocation de l’édit de Nantes, révocation qu’il appelle un bienfait public et qu’il considère comme ayant été l’expression de la pensée de la société française tout entière, garde quelque pudeur lorsqu’il fera l’historique de la Révolution. D’après le même système, les épisodes douloureux qu’il a si soigneusement dissimulés, tant qu’il s’agissait d’encenser Louis XIV et Letellier, ici il les accumulera comme à plaisir, et, ne les jugeant pas assez forts, il trouvera encore moyen de les exagérer. Il ne lui suffira pas de dire que les massacreurs dé septembre ont accompli une odieuse besogne ; il affirmera qu’ils ne se contentaient pas de tuer, mais qu’ils « mangeaient les cadavres ! » (T. VI, p. 452.) Toutes les légendes aujourd’hui réputées controuvées, le verre de sang bu par Mlle de Sombreuil ; le « Fils de saint Louis, montez au ciel, » de l’abbé Edgeworth ; le roulement de tambours ordonné par Santerre, trouvent naturellement leur place dans cette Histoire avec une foule d’autres, plus ou moins apocryphes, que l’esprit de parti a racontées et répandues. C’est l’histoire telle qu’on l’enseigne dans les séminaires, genre Loriquet.


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