Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/DUGAZON (Louise-Rosalie LEFÈVRE, dame), célèbre chanteuse, femme du précédent

Administration du grand dictionnaire universel (6, part. 4p. 1357).

DUGAZON (Louise-Rosalie Lefèvre, dame), célèbre chanteuse, femme du précédent, née à Berlin en 1753, de parents français, morte en 1821. Elle vint à Paris dos l’Age de huit ans, et débuta à la Comédie - Italienne comme danseuse. Bientôt son zèle et son intelligence la firent remarquer, et on lui confia de petits rôles dans lesquels elle déploya un talent qui donnait de grandes espérances. En 1774, elle créa son premier

rôle, Pauline, dans le Sylvain de Grétry, et y obtint un succès d’enthousiasme. À cette époque, Dugazon, qui commençait à se faire connaître, remarqua ses dispositions scéniques et fit de Louise Lefèvre sa femme et son élève ; mais leur union ne fut pas heureuse, et ils ne tardèrent pas à se séparer ; plus tard, leur divorce fut même prononcé. Mme Dugazon possédait une figure charmante, une tournure enchanteresse, une voix émue et émouvante. Son jeu plein de sensibilité, de finesse et de chaleur communicative, enlevait les spectateurs. Aussi quels applaudissements dans Biaise et Babet, AJexis et Justine ! Mais c’est surtout dans la Nina de Dalayrac qu’elle déploya un talent hors ligne. La romance : Quand le bien-aimé reviendra, chantée par elle, a fait verser bien des larmes. Au milieu de ces triomphes, l’embonpoint vint envahir cette taille si souple et si frêle ; alors, Mme Dugazon dut renoncer aux amoureuses pour prendre l’emploi des mères, qui lui valut de nouvelles ovations. Aussi a-t-elle donné son nom aux deux emplois encore appelés dugazons et mères dugazons. En 1792, cette excellente actrice quitta la scène pour cause de santé, y reparut en 1795, et renouvela ses premiers succès dans Marianne, le Prisonnier et le Calife de Bagdad. M»» Dugazon, lors de la fusion des deux Onéras-Comiques à la salle FavarC, en 1801, lut nommée sociétaire et membre du conseil d’administration, puis se retira définitivement en 180G.

Dugazon (PORTRAIT DE LA), par J.-B. Isabey. Isabey, le célèbre miniaturiste, a fait de la Dugazon un délicieux portrait, qui a été gravé en couleur par Monsaldy, sous ce titre : Mma Dugazon. Dédié à son fils par son ami Isabey. Dans ce portrait, la charmante actrice paraît âgée de trente-cinq à quarante ans ;.elle a un léger embonpoint qui ne lui messied pas ; sa physionomie est spirituelle et piquante ; elle est vue de face, vêtue d’une robe Dlanche et la tête enveloppée d’un voile de mousseline* transparente qui laisse voir des volubilis posés dans une chevelure frisottante.

Nous connaissons plusieurs autres portraits gravés de la Dugazon. Un des meilleurs est celui que F. Coutellier a gravé en couleur à l’époque où M’»e Du Gazon (son nom est ainsi écrit Sur l’estampe) jouait à la Comédie-Italienne, où elle avait été reçue en 1770. Rien de mutin et de provoquant comme le minois de l’aimable artiste ; elle est coiffée à la Marie-Antoinette, avec un grand chapeau do

paille orné de roses ; elle a de grands yeux, une bouche mignonne, une mouche assassine posée sur le haut de la joue, le nez retroussé a la Roxelane, le corsage décolleté.... Ce portrait a été reproduit, en contre-partie, par Lebeau et accompagné de ces huit vers pitoyables :

Charmer en cour comme au village

Et plaire dans chaque saison.

De tous les coeurs avoir l’hommage

Tel est le lot de Du Gazon.

Que ses talents et sa finesse

Sont divins, délicieux !

Grâce à leur séduisante yvresse (lie),

Le spectateur se croit aux cieux.