Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/CHARLES V, le Sage, roi de France, fils du roi Jean

Administration du grand dictionnaire universel (3, part. 4p. 1008).

CHARLES V, le Sage, roi de France, fils du roi Jean, né à Vincennes en 1337, mort en 1380. Lieutenant général du royaume pendant les deux captivités de son père, il eut à lutter contre les intrigues de Charles le Mauvais, qui aspirait à la couronne comme petit-fils de Louis le Hutin ; contre la jacquerie, contre l’opposition des états généraux et les entreprises démocratiques d’Étienne Marcel. Malgré sa jeunesse, il montra, au milieu de difficultés sans cesse renaissantes, une habileté trop souvent mêlée de perfidie et de duplicité. On l’a même accusé d’avoir trempé dans le meurtre de l’énergique Marcel. À son avènement (1364), la France, démembrée par le traité de Brétigny et accablée d’une dette énorme, déchirée par les factions, par les entreprises de Charles de Navarre et par les ravages des grandes compagnies, s’affaissait dans la misère et l’anarchie. Le nouveau roi, prudent, habile, patient et réfléchi, peu scrupuleux sur les moyens, formé au milieu des guerres civiles dans l’art d’attendre les événements et d’en tirer parti, était peut-être l’homme qui convenait le mieux à une telle situation. Il eut d’ailleurs la bonne fortune d’être servi par des hommes qui agissaient efficacement, et il put diriger les affaires sans quitter son hôtel Saint-Paul, et gagner des batailles sans jamais paraître à la tête de ses armées. Par la victoire de Cocherel, le vaillant Duguesclin brisa dès les premiers jours les espérances de Charles le Mauvais. Il fut moins heureux dans la guerre de la succession de Bretagne, et il perdit la bataille d’Auray (1365), qui fit triompher Montfort, le protégé des Anglais. Mais Charles V, en politique habile, se résigna à reconnaître Montfort comme duc, sous la condition de l’hommage, dans la crainte de le pousser entièrement dans les bras des Anglais. Cette modération lui gagna l’amitié de la noblesse bretonne et fit passer à son service un autre capitaine breton, Olivier de Clisson. En même temps, il délivra la France des grandes compagnies en en faisant passer une partie au service du marquis de Montferrat, et en envoyant le reste en Espagne, sous le commandement de Duguesclin, soutenir Henri de Transtamare contre Pierre le Cruel (1367). Le despotisme des Anglais dans les provinces françaises que leur avait assurées le traité de Brétigny fournit une occasion de recommencer les hostilités. Charles accueille les plaintes des habitants, fait secrètement des préparatifs de guerre, prépare avec beaucoup d’intelligence et d’activité un grand mouvement national, et cite enfin le prince de Galles à comparaître devant le parlement de Paris pour répondre sur les plaintes portées contre lui. Les délais étaient à peine expirés que le comte de Saint-Pol et le sire de Châtillon envahissaient le Ponthieu, rapidement conquis (1369), et que l’insurrection contre la domination anglaise se propageait dans le Quercy, le Rouergue, le Périgord, le Limousin, l’Agénais, etc. Duguesclin, Clisson, Boucicaut se couvrirent de gloire dans cette guerre nationale, où les succès se multiplièrent si rapidement qu’en 1378 les Anglais ne possédaient plus guère en France que Calais, Bordeaux et Bayonne. La fin du règne de Charles V se passa à guerroyer contre les débris des grandes compagnies, contre les révoltés du Languedoc et contre la Bretagne soulevée en faveur de son duc, et qu’on avait tenté prématurément de réunir à la France. Ce prince était faible et maladif, et ne pouvait supporter le poids d’une armure. On lui doit la réorganisation de l’administration des finances, l’institution de l’appel comme d’abus, atteinte portée à la juridiction ecclésiastique, la création d’une marine marchande, l’extension des privilèges et de la juridiction de l’Université, enfin la fondation de la Bibliothèque royale, car il en a rassemblé le premier fonds dans la Tour de la librairie, au Louvre. Ce premier fonds comprenait environ mille manuscrits. Il aimait et protégeait les lettres, et c’est pour lui que fut composé le Songe du Vergier. Aussi, quelques historiens expliquent-ils son surnom de Sage par Savant. Il avait trop appris à craindre le peuple pour l’aimer. La construction de la forteresse de la Bastille et les efforts qu’il fit pour faire tomber en désuétude les états généraux portent l’empreinte de ses défiances à cet égard. C’est lui qui fixa à quatorze ans l’âge de la majorité des rois. Il eut de son épouse Jeanne de Bourbon deux fils, Charles VI et Louis d’Orléans.