Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/BEAUFORT (François de Vendôme, duc DE)

Administration du grand dictionnaire universel (2, part. 2p. 433-434).

BEAUFORT (François de Vendôme, duc dk), né à Paris en 1616, mort en 1669. Fils de César de Vendôme, bâtard de Henri IV et de Gabrielle d’Estrées, il entra fort jeune au service, combattit sous le ministère de Richelieu, dans la guerre générale qui éclata contre la maison d’Autriche, assista à la bataille d’Avein, aux sièges de Corbie (1636), de Hesdin et d’Arras (1640), et passa en Angleterre au moment de la découverte de la conspiration de Cinq-Mars. Il ne revint en France qu’après la mort de Richelieu (1642). La reine Anne d’Autriche s’empressa de le recevoir avec la plus grande bienveillance, parce que, à l’époque de la conspiration de Cinq-Mars, Beaufort avait mieux aimé, dit-on, s’expatrier que de faire des aveux compromettants pour cette princesse. La veille de la mort de

Louis XIII, Anne d’Autriche confia au duc de Beaufort la garde de ses deux enfants, dans la crainte d’une tentative d’enlèvement de la part du duc de Condé ou du duc d’Orléans. Une pareille marque de confiance montre assez de quelle faveur jouissait celui dont la reine avait dit devant sa cour : « Voilà le plus honnête homme de France ! » Toutefois, l’accord dura peu de temps. Irrité de voir l’influence de Mazarin grandir de jour en jour et son crédit baisser, de Beaufort se rendit plus qu’incommode, il traita Mazarin avec autant de hauteur que de mépris, et ne fut pas plus respectueux envers la régente. « Il refusa, dit le cardinal de Retz dans ses intéressants mémoires, tous les avantages que la reine lui offrait avec profusion ; il fit vanité de donner au monde toutes les démonstrations d’un amant irrité ; il ne ménagea en rien le duc d’Orléans ; il brava, dans les premiers jours, le prince de Condé ; il outra ensuite, par la déclaration publique qu’il fit contre Mme de Longueville en faveur de Mme de Montbazon, dont il était épris. Cette déclaration était relative à la contrefaçon qu’on accusait celle-ci d’avoir faite de lettres de Mme de Longueville à Coligny. Enfin, il forma la cabale des Importants, et, selon le style de ceux qui ont plus de vanité que de sens, il ne manqua pas, en toute occasion, de donner de grandes apparences aux moindres choses. L’on tenait cabinet mal à propos, l’on donnait des rendez-vous sans sujet ; les chasses mêmes paraissaient mystérieuses. Enfin, il manœuvra si adroitement qu’il se fit arrêter au Louvre par le capitaine des gardes de la reine. » Renfermé au donjon de Vincennes (1643), il parvint à s’échapper en 1649 ; la cour ne fit rien pour le reprendre, et bientôt après, un arrêt du parlement, prononcé sans débats, le déclarait, sur sa requête, justifié de l’accusation portée contre lui. Placé tout naturellement dans le parti des mécontents, de Beaufort embrassa avec ardeur la cause de la Fronde et du parlement contre la cour.

« Ce fut un précieux allié pour le coadjuteur, dit M. Henri Martin, que ce petit-fils de Henri IV, beau, brave, et facile à mener par son peu de cervelle : Beaufort eut un plein succès aux Halles, grâce à ses locutions populaires et à ses longs cheveux blonds ; et l’adroit Gondi, renforçant de cette popularité naissante sa propre popularité, acquit dans le parti une prépondérance décidée. » Beaufort en effet devint, avec le prince de Conti, les ducs de Longueville et de Bouillon, l’un des chefs des Parisiens ; mais il fut surtout l’instrument dont on se servit pour soulever le peuple. Doué des qualités qui plaisent à la multitude, courageux jusqu’à la témérité, présomptueux, vert-galant, joignant à une mine fière et audacieuse un langage grossier et poissard, il était devenu l’idole de la populace, qui l’avait surnommé le roi des Haltes. À la cour, et même dans son parti, Beaufort était l’objet d’incessantes railleries. Sous ses vaniteuses prétentions, qui en imposaient à la foule, il n’y avait qu’orgueilleuse insuffisance. Son incapacité, qui ne pouvait échapper aux habiles, son étourderie constante, son absence de toute qualité propre à un chef de parti, son esprit borné et sa crasse ignorance, ne servaient qu’à rendre plus singulières son arrogante vanité et son excessive présomption. La façon dont il estropiait la langue prêtait surtout à rire à ses dépens. Pour ne citer qu’un mot, une balle lui ayant fait une contusion au bras, il n’avait reçu, disait-il, qu’une confusion. Fier de son sobriquet de roi des halles, il quitta son palais, vint habiter une maison de la rue Quincampoix, se fit nommer marguillier de l’église Saint-Nicolas-des-Champs, et se trouva ainsi au centre de son royaume. Ayant remarqué, à un certain moment, que les partis tendaient à se rapprocher, il demanda un jour au président Bellièvre, s’il ne changerait pas la face des affaires en donnant un soufflet au duc d’Elbeuf. « Je ne crois pas, lui répondit le grave magistrat, que ce soufflet puisse changer autre chose que la face du duc d’Elbeuf. » Pendant la seconde Fronde, devenue une guerre civile, Beaufort fut choisi pour lieutenant par le prince de Condé. Une violente inimitié s’étant alors élevée entre lui et son beau-frère, le duc de Nemours, ils se battirent en duel derrière l’hôtel de Vendôme, chacun des adversaires ayant avec lui quatre seconds. Le duc de Nemours fut tué, et le marquis de Villars, second de Nemours, tua d’Héricourt, son adversaire, qu’il ne connaissait point. Beaufort ne retira aucun avantage de la Fronde. On lui fit quelques belles promesses, qu’on ne tint pas, et il signa la paix avec autant de légèreté qu’il en avait montré en se révoltant. Lorsque Louis XIV revint à Paris en 1653, Beaufort vint lui offrir ses services, et fut depuis lors un sujet soumis. Mis à la tête des flottes, il se signala en 1664 et 1665 dans des expéditions qu’il dirigea contre les Corsaires africains ; puis fut chargé, en 1669, d’aller secourir les Vénitiens, attaqués dans l’Île de Candie par les Turcs, sous les ordres du fameux grand vizir Achmet-Kiuperli. Vainement le duc de Beaufort fit, à la tête de ses 7, 000 Français, des prodiges de valeur, il ne réussit qu’à retarder de quelques semaines la reddition de Candie. Dans une sortie qu’il fit quinze jours après son arrivée, le petit-fils d’Henri IV disparut, et on chercha inutilement son cadavre parmi les morts. Bien que, selon toute vraisemblance, il ait péri en combattant, l’incertitude qui plana sur sa mort a donné lieu à de nombreuses conjectures. Quelques-uns de ses contemporains prétendirent que, fait prisonnier, il avait terminé ses jours en Turquie, pendant que d’autres ont cru voir en lui le masque de fer.