Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Avesta, zoroastre et le mazdeisme (supplément 2)

Administration du grand dictionnaire universel (17, part. 1p. 425).

Avesta (L’), Zoroastre et le Masdéisme, par Abel Hovelacque (Paris, 1880, in-8o). Cette étude sur la doctrine religieuse, liturgique et morale des livres sacrés de l’ancien Iran n’est pas une étude de mythologie comparée ; l’auteur n’y recherche pas les rapports de l’Avesta avec les Védas, l’influence réciproque du mazdéisme sur le sémitisme, et les causes qui ont réduit le zoroastrisme à ne plus compter qu’un petit nombre de sectateurs. M. Hovelacque s’occupe exclusivement d’une période bien définie de la civilisation iranienne : celle au cours de laquelle furent composés, enseignés et compris par les adhérents du mazdéisme les textes zends que nous possédons.

Tout d’abord, il nous raconte la découverte de l’Avesta et l’historique de son interprétation : Opinions des anciens et des modernes, Anquetil-Duperron et ses contemporains, Eugène Burnouf et son œuvre. Cette introduction générale est suivie d’un mémoire critique sur les textes que nous possédons, notamment sur les Gathâs, dont la langue est plus archaïque, et d’observations sur Zarathoustra (Zoroastre), le prophète auquel les légendes nationales rapportent l’honneur d’avoir établie la vraie religion. Cette religion, c’est le dualisme, c’est 1 opposition des deux principes ennemis, du bien et du mal, qui distingue si profondément le mazdéisme des anciennes croyances aryennes, d’où il est pourtant sorti. Les divinités bienfaisantes et malfaisantes, qui aident dans leur œuvre respective Ahouramazdà et Angrômaïnyous (Ormuz et Ahriman), les Yazatas et les Daévas (bons génies et démons), etc., sont chacun l’objet d’une notice spéciale, dont la lecture nous permet de comprendre la conception caractéristique du mazdéisme : à savoir que, la création ne pouvant subsister que par l’équilibre des forces opposées qu’elle met en jeu, ces forces doivent être mues par deux principes continus, l’un utile, l’autre nuisible à l’humanité. Or, le devoir de l’homme placé entre les deux mondes de la lumière et des ténèbres, du bien et du mal, consiste, cela ressort clairement des textes analysés par M. Hovelacque dans les livres III et IV de son ouvrage, à se ranger du côté des dieux lumineux et purs pour combattre avec eux et sous leur direction secourable les esprits du mal physique et moral. Autrement, lorsque viendra la mort, au lieu de passer sous le pont de Kinvat, qui conduit aux demeures bienheureuses d’Aboaramazdâ, il en sera précipité dans l’abîma ténébreux par le méchant Ander (Andra). La morale de l’Avesta ne pouvait donc qu’être relativement


pure, et l’on y trouve en effet d’excellents préceptes : éloge du travail, de la vie agricole, de la bienfaisance, de la charité, de la vérité. Sans le ritualisme, qui l’a gâtée et rabaissée, elle serait bien supérieure à la plupart des autres morales religieuses. « Assurément, conclut M. Hovelacque, le mazdéisme a vicié dans son fondement même la morale qu’il enseignait en tant qu’il la regardait comme dépendante d’une foi religieuse et qu’il la déduisait d’une révélation ; la conscience actuelle des groupes les plus avancés de l’humanité réprouve cette idée. En définitive, il faut savoir gré aux antiques mazdéens de ce qu’ils n’ont introduit le déisme dans leur morale qu’en ce qui concerne une révélation primitive ; c’est une faute assurément, mais partout ailleurs ils se sont montrés humains et avant tout amis du travail, qui seul peut légitimement donner à l’homme, ainsi que nous l’apprend l’expérience, une conscience nette de sa propre dignité. »