Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Athos (mont) (supplément)

Administration du grand dictionnaire universel (16, part. 1p. 247).
Athous  ►

* ATHOS (mont). — Nous compléterons ce que nous avons dit au tome 1er du Grand Dictionnaire, page 863, par les renseignements suivants, empruntés à l’excellent Itinéraire de l’Orient de M. Isambert : « Le promontoire terminé au S. par le mont Athos était connu dans l’antiquité sous ce nom et sous celui d’Acté. Selon Homère, Junon s’y arrêta dans sa fuite de l’Olympe à Lemnos. Les Hellènes y fondèrent les cinq villes de Dium, Cléones, Thyssus, Olophyxus et Acrothoum, dont l’histoire n’a conservé que les noms. S’il faut en croire la tradition, les premiers couvents de l’Athos remontent à l’impératrice Hélène, mère de Constantin. Plus tard, grâce au zèle des empereurs, le promontoire se couvrit de monastères. Chacune des nations du culte grec voulut avoir son couvent au mont Athos, qui devint ainsi un but de pèlerinage et une sorte de terre sainte. Lors de l’invasion turque, les moines du Monte Santo se soumirent à Mahomet II, avant la prise de Constantinople. Par cette conduite habile, ils obtinrent le maintien de tous leurs privilèges et le droit de former une espèce de république qui existe encore de nos jours. Cependant, en 1821, les moines, s’étant déclarés en faveur de l’insurrection grecque, virent un grand nombre de leurs couvents pillés et durent héberger jusqu’en 1830 un corps de 3,000 soldats. De plus, les terres qu’ils possédaient dans le Péloponèse furent confisquées sous le gouvernement de Capo d’Istria. Depuis ce temps, grâce à la munificence de la Russie, les couvents se sont relevés, mais ils n’ont pas recouvré leur ancienne splendeur.

Le mont Athos compte une vingtaine de couvents et de nombreux ermitages renfermant environ 3,000 moines. Les intérêts généraux des couvents sont réglés par le saint synode de Karyæ. Cette assemblée est formée de 20 députés, nommés chaque année par les moines, et de 4 présidents chargés du pouvoir exécutif. Un des présidents a le pas sur les trois autres et se nomme le premier homme d’Athos. Le synode a sous ses ordres une cinquantaine de soldats chrétiens ; il ne se mêle que des intérêts temporels et généraux, car "chaque couvent est indépendant et possède son administration particulière. Les couvents sont de deux classes : les cénobites et les idiorhythmiques. Dans les premiers, les moines sont soumis à une vie commune et obéissent à un abbé. Dans les seconds, ils vivent à leur guise ; le couvent ne fournit que le pain et le vin. La communauté est dirigée par deux ou trois Pères élus chaque année. Les moines, comme tous les Orientaux, sont fort sobres et mangent rarement de la viande ; ils ont, dans l’Église grecque, une grande réputation de sainteté. Mais il est permis de douter que leur abstinence et leurs pratiques superstitieuses suffisent à entretenir une grande pureté de mœurs, si l’on se rappelle cette loi, regardée comme indispensable, qui interdit l’entrée de la péninsule sacrée, non-seulement aux femmes, mais encore aux femelles des animaux. Si le touriste ne visite pas le mont Athos avec le zèle religieux des milliers de pèlerins grecs qui y affluent de tous les points de l’Orient, s’il a peine à retenir un sourire à l’aspect singulier de cette religion pétrifiée, qui a conservé en plein xixe siècle les superstitions du moyen âge et les pratiques minutieuses du Bas-Empire, il rendra souvent justice à la naïve piété de ces pauvres religieux ; il pourra d’ailleurs faire dans ces couvents des études du plus haut intérêt. Il y trouvera une mine inépuisable de monuments byzantins, de sceaux, de chartes, de manuscrits enluminés, de reliquaires curieusement fouillés. Il visitera avec intérêt les bibliothèques qui reposent en paix sous une épaisse couche de poussière. Les manuscrits sont au nombre de 13,000 et se rapportent presque tous à la théologie ; mais il reste peut-être des découvertes à faire, car autrefois les bibliothèques, soigneusement rassemblées, étaient riches en chefs-d’œuvre classiques. Quant aux moines actuels et aux séminaristes du mont Athos, qui passent pour les plus savants de l’Orient, ils connaissent à peine les titres de quelques-uns de leurs livres. C’est, du reste, une excursion unique dans son genre, que de parcourir ce pays sauvage et pittoresque, couvert de vieux couvents byzantins, de chapelles, d’ermitages, et uniquement peuplé de moines et d’anachorètes.

Parmi les vingt couvents de l’Athos, quelques-uns seulement méritent d’être visités : ce sont surtout ceux de Lavra et de Zographou. La tournée complète demanderait quinze jours ; mais, en une semaine, on a largement le temps d’explorer tout ce qu’il y a de vraiment curieux. On doit se munir à Karyæ d’une lettre de recommandation circulaire. On trouvera aussi, dans ce village, des mulets, qui sont indispensables pour faire le voyage, car les chevaux ne peuvent passer dans les sentiers des montagnes. Les couvents sont placés en vue de la mer, sur la côte E. et O. »