Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/ARMAGNAC (Bernard VII, comte D’), frère du précédent

Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 2p. 644-645).

ARMAGNAC (Bernard VII, comte d’), frère du précédent, lui succéda en 1391. C’était un vaillant capitaine, mais un homme ambitieux, violent et bien digne de la célébrité orageuse qui l’attendait. Il avait débuté par dépouiller plusieurs de ses parents de leurs fiefs. Puis il les avait fait jeter dans une citerne après leur avoir fait crever les yeux. Gendre du duc de Berry, il gouverna pour lui le Languedoc, conquit un assez grand nombre de places sur les Anglais, en Guienne, et obligea Bordeaux à capituler. En 1410, il maria sa fille au jeune duc Charles d’Orléans, et devint dès lors l’âme de la faction d’Orléans contre la maison de Bourgogne. Ce fut lui qui empêcha le parti de se dissoudre et qui eut le triste honneur de lui donner son nom, nom sinistre, imprimé en lettres de sang dans nos annales. {V. Armagnacs.) Dans la guerre civile, il se signala par ses excès et sa cruauté, combattit d’abord contre la cour, fit sa paix en 1413, entra dans Paris avec ses sicaires du Midi et contribua à écraser le parti bourguignon. Il devint alors tout-puissant, se fit nommer connétable et placer à la tête de l’armée royale, qui prit ses couleurs. Charles VI lui-même porta sur ses armes la bande blanche d’Armagnac, comme ce malheureux prince, jouet des factions, avait porté la croix de Saint-André des Bourguignons. Bientôt le comte d’Armagnac concentra entre ses mains tous les pouvoirs, guerre, finances, administration, fit peser sur Paris et sur les provinces une tyrannie insupportable, écrasa le peuple d’impôts, et, sous le prétexte d’intelligences avec la faction de Bourgogne, exila ou livra au supplice un grand nombre de bourgeois, de gentilshommes, de prêtres, de docteurs, etc. Il en arriva, secondé par le prévôt Tannegui Duchâtel, à interdire, sous peine d’être pendu par la gorge, de se baigner dans la rivière, prescription qui avait pour but d’empêcher que les baigneurs ne découvrissent au fond de l’eau les cadavres qu’on y jetait la nuit une pierre au cou. Cependant la guerre civile continuait toujours, sans résultats décisifs, sur les bords de la Somme et de l’Oise. Mais c’était maintenant le duc de Bourgogne qui s’appuyait sur les Anglais. Armagnac, au contraire, agissait vigoureusement contre eux, sans pouvoir cependant leur arracher Harfleur. La reine Isabeau, qui l’avait soutenu jusqu’alors, mais dont il méditait la perte, et qui le soupçonnait avec quelque raison de la mort du dauphin, devint son ennemie implacable. Il révéla ses désordres au roi et la fit reléguer à Tours. Cette princesse se jeta alors avec furie dans le parti de Bourgogne, et souleva des mouvements de tous côtés. Armagnac remporta quelques avantage sur ses ennemis ; mais la haine que le peuple portait à ce diable sous une peau d’homme rendit facile un nouveau triomphe de la faction contraire. Le 30 mai 1418, les Bourguignons rentrèrent triomphants dans Paris, dont Perrinet-le-Clerc leur avait ouvert une des portes. Le peuple et les bourgeois prirent les armes en leur faveur. Armagnac s’enfuit de son hôtel, se cacha chez un maçon, mais fut arrêté, enfermé à la Conciergerie, et massacré quelques jours après dans sa prison, victime, à son tour, des épouvantables représailles qui signalaient alternativement le triomphe de chacune des deux factions.