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640. Quand Girart fut allé en France, la comtesse fit trêve à sa douleur : pour l’âme de son fils[1], elle se mit à donner largement de son avoir. Puis, pleine d’espérance, elle se rendit à Vezelai. Elle fonda un moutier en l’honneur de sainte Madeleine en qui elle se fiait, et l’enrichit le plus qu’elle put. |
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641. Lorsque la comtesse fut venue à Vezelai, la pauvre gent du royaume s’y rendit, à cause des grandes charités qu’elle accomplit afin que Dieu protège son époux, où qu’il soit. Et celui[2] qui connaît la pureté de son cœur lui montra par des signes apparents qu’elle n’avait pas à se décourager de l’aimer et de le servir, car il lui en savait gré. |
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642. Cette dame était l’ennemie de tout homme qui, par cupidité, rend un faux jugement. Elle ne chevauchait pas en cachette, mais, un mois d’avance, elle faisait connaître son intention, de sorte que les pauvres gens venaient se placer sur son chemin. Et elle levait souvent ses yeux vers Dieu, le priant de lui tenir compte des aumônes qu’elle leur faisait. Elle descendit à Vezelai. La nuit, en son sommeil, elle songea qu’elle voyait un diable en forme de serpent qui lui voulait faire boire de son venin, comme si c’eût été du piment[3], quand la puissance céleste vint l’en défendre. Le lendemain, elle conta ce songe au moine Garcen. |
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613. « Moine, écoutez mon songe ; d’où peut-il venir ? J’ai vu un diable sous la forme d’une couleuvre qui cherchait à me faire périr par son mauvais venin, voulant me faire boire dans un vase de cuivre[4], lorsque du ciel il commença à pleuvoir de la manne. Aussitôt le serpent s’enfuit sous un chêne. — Dame, c’est qu’il est affligé de l’œuvre sainte que tu as entreprise, et du grand bien que tu fais aux pauvres. Dieu te protège, qui peut lier et délier ! » |
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644. Après avoir donné la charité aux malheureux, du pain, de la viande, de la venaison, des deniers, elle se rend à la construction. Elle se tient à l’ombre d’un laurier, avec elle Garcen et Aibeline. Elle vit un pèlerin qui ne cessait de travailler, portant de la pierre, du mortier, de l’eau dans des baquets. « Où loge ce pèlerin, dame Aibeline[5] ? Je le vois constamment à matines ou à la messe, puis toute la journée il travaille de grand cœur. — Dame, en une vieille maison branlante, car il ne veut pas loger dans ma maison de pierre. Il est avec une boiteuse très misérable, qu’il entretient avec son gain. Il n’a ni draps, ni lit, mais simplement son esclavine ; et il ne parlerait pas actuellement à la reine, jusqu’à tant que l’heure soit arrivée où le travail cesse. » |
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645. La comtesse le mande au moment où il quitte l’ouvrage, et, quand elle le voit venir, elle se lève, le tire à part, et lui dit sa pensée : « Sire, puisque tu aimes Dieu et qu’il t’aime aussi, je te dirai ce que j’ai résolu de faire. Je veux porter avec toi, aux fondements, de l’eau, des pierres, du sable, peu ou prou. Je te donnerai, si tu veux, de l’or et de l’argent. — Dame, je ne veux rien recevoir. — Sire, fais le[6] pour Dieu le grand et pour sa Madeleine que tu aimes tant. — Eh bien ! pour l’amour d’elle, je ferai ce que tu me demandes. Mais dis-moi à quelle heure, comment et quand ? — Demain, à minuit, avant le chant du coq. Je mènerai mon chapelain, un vieillard aux cheveux gris. » |
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646. Ils firent ainsi qu’il était convenu. Ils montent le sable du bas[7] où il se trouve, le portant en sac avec une perche[8]. Ils avaient déjà fait ce métier pendant près d’un mois, quand vint un messager envoyé par Girart pour annoncer à la comtesse qu’il n’a qu’à se louer de l’accord ; que le roi, plein d’affection pour lui, l’emmène en France. La comtesse en rend grâces à Dieu. |
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647. Ce messager avait nom Ataïn ; il était, à titre héréditaire, chambellan du duc. La nuit, il coucha dans la chambre[9] avec deux de ses cousins, nommés l’un Baudouin, l’autre Crépin. La comtesse se leva pendant la nuit. Ataïn prit le cierge qui était à sa portée, et descendit devant elle par les degrés de marbre. Là étaient le chapelain et le pèlerin. « Allez-vous en, bel ami[10], et dormez tranquillement jusqu’au matin, car je ne veux pas que personne me sache ici. » Le gars[11] s’en retourna, de mauvaise humeur, la tête basse. Il appela Crépin et Baudouin, et leur conta avec malveillance comment chaque nuit un homme emmenait en secret la comtesse, et ils s’imaginèrent ce qui n’était pas. |
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648. La comtesse, ayant assez travaillé, entendit les matines, puis alla dormir sous ses rideaux. Ataïn fut là de service et s’acquitta de ses fonctions. Quand il vit la dame couchée, étendue dans le lit, n’ayant que sa chemise de fine toile — elle avait une figure agréable, un teint délicat, et la peau blanche comme fleur d’épine[12], — il lui mit, le gars, la main sur la poitrine, et commençait déjà à lui manier le corps et les seins, et à la baiser sur la bouche, quand elle l’égratigna. « Il vous en coûtera cher (dit-elle), garçon de cuisine ! — C’était pour jouer, dame pèlerine. Le pèlerin dort plus loin, couché sur le dos ». Elle appela Garcen et Aibeline, leur disant : « Débarrassez-moi de cette brute qui m’énerve. » |
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649. L’impudent gars répondit alors : « Je ne sais pourquoi, à cause de Madame, je feindrais : je vaux mieux que le pèlerin avec qui elle va. Pourquoi sort-elle à une telle heure ? Voilà ce que je voudrais savoir. — Vil gars, est-ce que j’ai à vous en rendre compte ? Si tu en dis un mot de plus, je te ferai pendre. » Et le garçon descend les degrés, va à son hôtel ceindre son épée, monte à cheval et court faire au duc Girart des rapports pour lesquels il eût mérité la pendaison, car c’est la perversité et le mensonge qui l’inspirent. |
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650. Il rencontra le duc qui rentrait ; il le prit à part et lui conta pour vérité un grand mensonge. Le comte l’ouït ; il en fut fort affligé. Pour un peu, il se serait emporté contre le messager. « Si c’est un mensonge que tu me dis, que Dieu te protège ! » dit-il, « car je suis bien étonné qu’elle ait conçu une telle pensée ! |
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651 — Sire, elle a jeté son dévolu sur un pèlerin. La nuit, elle sort avec lui quand le monde dort, en bas du château, où sont les jardins. — Je ne veux pas que mon serviteur m’apporte des nouvelles qui, à l’examen, se trouvent fausses. — Si je ne puis prouver mon dire, alors j’ai tort et je consens à mourir dans les tourments. » Lorsque le comte entendit ces paroles, il en fut si affligé, que jamais aucune nouvelle ne l’avait déconcerté à ce point. Il ne mangea de la journée et la nuit ne put dormir. |
En qual trabail eſteit li tiens iouenç
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652. Girart se leva le matin, sans perdre de temps. Tandis qu’il chevauchait, il disait entre ses dents : « Ah ! comtesse amie, belle personne, intelligente, courtoise et sage, simple, affectueuse, douce, bien élevée, en quelles peines s’est passée ta jeunesse. À cause de moi, tu as vécu longtemps en grande pauvreté, et jamais tu ne m’as rappelé ta riche parenté, mais tu m’as conseillé et servi loyalement. C’est ton intelligence qui m’a tiré de la misère, ta sagesse qui m’a rendu mon rang. Et, si jamais tu as pu concevoir une idée pareille, où avais-tu l’esprit ? Que Dieu maudisse ces gens qui brouillent ceux qui s’aiment. Tu[13] en auras les yeux arrachés, ou tu seras pendu ! » Andicas, qui était homme sage, lui dit : « Sire, d’où vous vient ce tourment ? Vous avez la figure noire comme de l’encre[14]. Appelez Bedelon et vos parents, qui vous conseilleront, si vous le voulez bien. — Sire, que vous dirais-je ? J’ai de la peine[15]. |
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653. — Sire comte, » dit Bedelon, « je ne veux pas vous cacher la vérité : vous avez trop le sens d’un jeune homme et le cœur léger, quand vous vous en fiez à un gars au sujet de votre femme. Je vous dirai ce qu’elle m’a conté l’autre jour. Lorsque le roi fonda le moutier Sainte-Sophie, il interdit au peuple de son empire et de Constantinople de contribuer à la dépense, ne fût-ce que pour un denier[16]. Mais une pauvre femme en eut le désir. Avec le pauvre gain qu’elle se procurait légitimement par son métier, en cousant, en filant, elle achetait de l’herbe pour donner à manger aux bêtes de somme[17], tandis qu’elles se reposaient à l’ombre. La nuit, tandis que tout le monde dormait, elle apportait en un vase de l’eau pour mettre sur le mortier. Quand le moutier fut bâti avec ses clochers, le roi, qui y avait mis des sommes immenses, demanda à Dieu le véridique quelle récompense il en aurait. Et Dieu lui fit savoir par messager que la pauvre femme aurait meilleure récompense que le roi, malgré tout l’or qu’il avait dépensé, et c’est à cela que Madame a eu égard[18]. |
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654. « J’ai vu le moutier Sainte-Sophie, et je ne crois pas qu’il y ait jamais eu, et que jamais il y ait le pareil[19]. C’est un nom divin qu’on invoque[20]. » Ce discours fini, le comte se sentit envie de dormir. Il mit pied à terre et dormit sur l’herbe. Pendant son sommeil, il eut un songe. S’étant éveillé, il monta sur son palefroi et dit : « En route ! |
E tenie un calice de mer or fin
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655. « Avancez, mes deux amis[21], » dit-il, « je vous conterai le songe que je viens d’avoir. Je voyais la comtesse sous un pin ; ses vêtements étaient blancs comme parchemin, et plus couverts de fleurs qu’une aubépine. Elle tenait un calice d’or épuré avec lequel elle me faisait boire de ce saint vin que Dieu fit avec de l’eau aux noces d’Architeclin[22]. — Sire, c’est bon signe, je te le prédis ; par elle il te viendra une grande joie que Dieu te destine[23]. » Ils lui font manger, près d’une saussaie, un peu de pâté de poisson et de poulet ; puis Girart fit venir le messager. |
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656. Le comte Girart appela Ataïn. « Dis-moi, comment iras-tu, de quel côté ? — Sire, tu ne mèneras pas plus de trois compagnons. Fais aller ta gent du côté de Senesgart. » Girart fit ainsi ; il mit pied à terre en un défrichement jusqu’à la tombée de la nuit. Ils descendent sous le château, en un jardin ; ils attachent leurs chevaux à distance les uns des autres. Ce gars est riche aujourd’hui de mille marcs ; demain, il n’aura plus rien. |
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657. Le gars les conduisit jusqu’à la maison[24] sans qu’ils fussent découverts, car il n’y avait pas de sentinelle. Il les fit mettre à couvert sous une voûte, jusqu’au moment où vint la comtesse avec le clerc Gui[25]. Le pèlerin tenait le sac et le bâton. Ils les suivirent de loin. Enfin, la comtesse s’arrêta, en un champ, tandis qu’ils restaient cachés derrière un buisson. Une lueur plus vive que celle d’une torche descend du ciel sur la comtesse. Girart vit le pèlerin qui emplissait de sable le sac qu’elle lui tendait agenouillée. Girart le vit ; il en fut heureux. Il appela Andicas et Bedelon : « Seigneurs, il faudrait avoir le cœur mauvais et félon pour croire ce que peut dire sur ma femme un fou ou un gars. — Comte, tu peux bien voir se vérifier ta vision. Puisse Dieu te confondre, et ce sera justice, si jamais tu chausses éperon pour la guerre ! — Je m’en garderai bien, » dit-il, « Dieu me pardonne ! » Et le gars s’enfuit ; il aime mieux se réfugier dans les bois que dans sa maison. |
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658. Girart se tenait, lui quatrième, dans sa cachette. Une lueur descendit du ciel, par la volonté divine, au grand ébahissement du comte et des siens. Il vit Berte, sa femme, qui tenait le sac, l’autre y mettait le sablon qu’il tirait du sol, et le chapelain Gui.....[26] Girart, à cette vue, fut transporté de joie : « Pèlerin, » dit-il, « vous ne serez pas battu pour cela ; au contraire, je compte bien vous donner bonne récompense. » |
Del pie deſtre marchat denant ſoſ dras
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659. Le sablon était pesant et grand le sac. Le pèlerin le tenait contre lui et marchait derrière ; la comtesse allait devant, à petits pas. Du pied droit, elle marcha sur sa robe et tomba en avant à terre. Cependant la perche [qui supportait le sac] resta droite. « Mauvais homme, relève-la, » dit Andicas[27], Girart y courut, disant : « Misérable que je suis ! Comtesse amie, comme ton cœur est pur ! Comme le mien est mauvais, félon, diabolique ! Tu t’es abîmé le visage et le front ! — Non, sire. Dieu merci ! Et toi, comment es-tu ici ? — Amie, » dit Girart, « tu le sauras bientôt[28]. » |
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660. « Pèlerin, laisse-moi porter, car c’est mon affaire ; je veux en ceci tenir compagnie à ma dame, et être de moitié avec elle au gain. Je vous donnerai tout ce qui vous sera nécessaire, vivres en abondance, deniers, vêtements, bain. — Oui, sire, » dit-il, « si je reste avec vous ; mais je préfère servir celui[29] de qui nul n’a lieu de se plaindre. » Le comte prit la perche, qui était neuve et de chêne[30], et la comtesse, marchant la première, ne lâche pas son bout et se montre vaillante[31] jusqu’à ce qu’ils soient arrivés au moutier où les cloches sonnent. |
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661. Girart vit cette lumière resplendissante, il vit que la perche se tenait toute droite, sans incliner ni peu ni prou. Il se sentit alors le cœur rempli de piété et d’humilité. Il soutenait la perche par derrière, elle par devant, jusqu’à ce qu’ils furent entrés au moutier. Les clercs chantèrent entre eux[32] un chant d’actions de grâces pour ce grand miracle. Le comte ouït le service au point du jour. |
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662. Le comte ouït un court service le matin. Il entra, avec ses privés, en une chambre voûtée, blanche comme neige : « Comtesse, » dit le comte, « tu appartiens véritablement à Dieu : il fait pour toi de grands miracles, à ce que je vois. — Sire, non pas pour moi, mais pour le pèlerin et pour la Madeleine.....[33] pour qui Dieu ressuscita le juif[34]. — Je manderai, » dit-il, « Barthélemi, l’évêque d’Autun, et André, pour mettre par écrit les miracles [qui viennent d’avoir lieu]. — À Dieu ne plaise ! » répondit la comtesse ; « on verrait venir ici une trop grande foule. Je ne veux pas qu’il y soit employé d’autre argent que le vôtre et le mien, et en purs alleus, non pas en fiefs[35]. » |
Fai uenir le garcon fol meſcrut
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663. — Comtesse, je te dirai comment je suis venu. Ataïn me conta que vous aviez un amant. — Oui, Dieu merci, j’en ai un : je l’ai tant cherché ! — Je le veux ainsi, » dit Girart, « si Dieu m’aide ; cela me fait bien au cœur de vous avoir vu travailler tous deux, d’avoir assisté à ce miracle que Dieu a fait pour vous par grande grâce. Jamais plus je ne porterai bouclier pour la guerre. Faites venir ce misérable garçon. — Sire, » dit Andicas, « il est perdu, car je l’ai vu s’enfuir par les bois ramus. — Amenez-moi donc le pèlerin aux cheveux blancs. Il semble bien sage et avisé, puisqu’il ne s’est pas dérangé de faire le service de Dieu. » |
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664. Le moine Garcen s’adressa à la comtesse : « Dame, vous pouvez maintenant voir la vérification de votre songe[36]. Jamais on n’en vit aucun s’expliquer mieux. Le diable, c’est le gars plein de fausseté qui voulait vous brouiller avec le duc et vous causer de la honte, et il se sauve comme faisait le diable[37] — Don, priez au pèlerin de venir à nous, car il aime Dieu de cœur et....[38] » |
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665. Le pèlerin entra. Il était de haute taille ; il avait la barbe longue, la tête grise. « Pèlerin, » dit le comte, « avancez. Pour l’amour de ma dame, que vous aimez, je vous donnerai cinq cents besants de mon or. » Le pèlerin répondit : « Il ne m’en faut pas tant. Que seulement Dieu me donne de quoi manger dans ma pénitence, et la récompense dans la terre de vie, car il est juste dispensateur. » Girart examina ses traits avec attention : « Pèlerin, » lui dit-il, « j’hésite sur votre compte. « Puis il ajouta aussitôt : Tu es Guintrant[39], le comte allemand, mon parent, mon homme, habile à parler le tiois et le roman, bon et vaillant chevalier. Pour moi, tu t’es battu je ne sais combien de fois, et tu as ravagé bien des terres de Charles. — J’en suis maintenant pénitent et gémissant. — Pourquoi n’es-tu pas retourné dans ta terre depuis vingt ans ? » |
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666. Girart baisa Guintrant et lui fit mille caresses. Il dit à Hugues et à Guilemer : « Cherchez lui des vêtements de vair et de gris. » Puis il s’interrogea sur sa vie : « Où as-tu été ? — Sire, outre mer. J’allai au saint Sépulcre. À notre retour, un mécréant me prit qui me fit mener, avec mille autres captifs, à la peine, pour porter de la pierre à la construction de châteaux et de remparts. J’y suis resté plus de quinze ans, sans pouvoir m’échapper, quand Dieu me livra les reliques de sa Madeleine. |
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667. « Celui qui fit sortir Jonas du ventre de la baleine, me choisit pour délivrer sa Madeleine[40]. C’est pour cela que je suis son serf et travaille pour elle. Dieu t’a accordé une marque particulière de bienveillance[41], lorsqu’il a daigné lui fixer sa demeure sur ta terre. — Et je la servirai » car elle nous protège, et je compte vous concéder encore un bénéfice ; mais parle-nous du pays d’où Dieu t’amène. |
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668. — Sire, ce serait un long conte, et qui vous ennuierait. Où que j’aie été, me voici revenu. — Vous ne me quitterez plus désormais, cousin. Je vous donnerai le fief du Pui, et Dombes et Bellei jusqu’à Mont-Joux[42]. — Ne plaise à Dieu que jamais j’ambitionne aucune terre, sinon celle qu’occupera mon cercueil ! » Maintenant Girart et les siens servent Dieu de tout cœur. S’il a pris la sainte, c’est pour qu’elle leur soit favorable, à eux qui expient leurs péchés en versant des larmes abondantes[43]. |
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669. Le comte dit, tout souriant : « Apportez des vêtements pour ce mien parent. » Ceux à qui il donna cet ordre obéirent promptement. Ils lui[44] présentent du cendé[45], des étoffes de lin[46], une pelisse et un bon et précieux manteau. Mais il repousse tout cela, n’en voulant rien prendre. Le comte alors jura par son serment qu’il lui fallait s’en revêtir : « Cousin, » dit-il, « faites, au nom de Dieu, ce que je désire. Je n’ai plus d’amis, de bons parents qui me sachent bien conseiller, sinon Bertran et Fouque à qui la pauvre gent s’adresse pour obtenir droit et justice. Or, ma terre est si grande, s’étend si loin, qu’ils ne peuvent souvent venir à moi. Et vous n’êtes plus un jeune homme, capable de tirer vanité de son vêtement. D’ailleurs, je vous prends à témoin saint Barthélemi qui, en riches vêtements[47], servit Dieu honorablement. » Le pèlerin finit par se laisser faire. |
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670. D’abord on le fait baigner, tondre et raser, on lui ôte ses habits et on lui met les neufs. Alors il eut bien l’air d’un baron. Girart, plein de joie, le fit asseoir près de lui : « Que chacun, » dit-il, « me donne son avis ; je vais vous faire part de mes projets. De la terre que je tiens, je veux qu’il en revienne à Dieu une part suffisante pour que cinq cents pauvres[48] et mille confrères en puissent vivre. — Sire, » dit Andicas, « ce n’est pas beaucoup, eu égard à la grande guerre dont tu as la faute, qui a fait sortir de leur pays cent mille hommes. Ton père, de son côté, n’en a pas fait périr un moindre nombre. Mais, puisque Dieu, plein d’affection pour toi, te fait savoir[49] qu’il veut te prendre avec lui, toi et ta femme, rends-toi, ta personne et ta terre, à lui et à sa mère ; ne garde plus ni cité ni mur en pierre de taille. — Sire, notre empereur n’y consentirait pas, car il perdrait le service qui lui est dû. » |
E autre ten trameſt en uaubeton
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671. Ensuite il[50] demanda à Bedelon : « Et vous, que me conseillez-vous au sujet de cet avis ? — Sire, si vous le voulez suivre, je le tiens pour bon, puisque Dieu t’a donné des signes si visibles [de sa volonté[51]], et qu’il t’en a manifesté un autre à Vaubeton, alors qu’il t’a brûlé et réduit en charbon ton enseigne[52]. À cause du tort que tu as eu envers Charles, il ne t’a laissé de ta terre ni tour ni donjon. Maintenant que Dieu te l’a rendue, fais-lui en don. — Cousin Guintrant, je vous en semons : donnez-moi un bon conseil. — Sire, par le commandement de Dieu, David a dit : Beati qui custodiunt judicium et faciunt justitiam in omni tempore[53]. Droite justice vaut bonne prière. — Eh bien ! je la laisserai[54] à Fouque. Je ne sais homme plus capable de tenir grande terre. Jamais les traîtres félons, les faux menteurs, les mauvais larrons n’ont eu la paix avec lui. Pour les chevaliers, il n’y a pas un compagnon pareil, qui les chérisse autant et leur fasse tant de présents. Il a quatre fils qui sont d’aimables jeunes gens. Quand le roi tiendra sa cour, sans qu’il soit besoin de les convoquer, l’un portera l’épée, l’autre le bâton, le troisième lui chaussera l’éperon, et le quatrième portera son gonfanon en bataille. Les Bretons tiendront le droit de porter les premiers coups[55] de moi et de mon père le duc Drogon, ainsi que tous les offices domestiques, car tels sont les fiefs de Roussillon. » |
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672. Le comte les quitta et vint trouver son épouse : « Dame, je vais m’entretenir avec vous, en l’amour de Dieu, car vos conseils m’ont toujours été profitables, et m’ont fait recouvrer puissance et honneur. — Sire, si je vous ai été d’aucun secours, j’en rends grâces à Dieu. Mais vous, que lui donnerez-vous de votre terre ? — Tous mes alleus francs que je tiens de mes ancêtres, et de plus celui qui appartint à Boson le combattant, le meilleur chevalier qu’on ait vu, qu’on puisse voir jamais. Rappelez-vous comme il vous arracha au feu, lorsque Charles prit Roussillon par trahison[56]. Pour lui prieront de nombreux moines. Je fonderai treize[57] moutiers ; en chacun il y aura un abbé ou un prieur. Dans la vallée de Roussillon, où coule la Seine, là sera enseveli notre fils[58] et nous auprès. Cités, villages, forêts, châteaux, tours, chevaliers, bourgeois, vavasseurs, laboureurs, religieux occupés à la prière[59], tous auront besoin d’un protecteur. Je leur donnerai Fouque[60] : je ne sais meilleur. Aidé de la puissance du roi empereur, il abaissera l’orgueil. Maintenant les chevaliers entrent en un long repos ; ce sera un temps propice pour les chiens, les autours, les faucons, les fauconiers, les veneurs[61]. Et que feront alors les damoiseaux audacieux, toujours prêts à chevaucher ? Ceux qui voudront prouver leurs forces et leur valeur, qu’ils aillent guerroyer les païens, car la guerre a trop duré entre nous[62]. Comme le dit la loi du Rédempteur, Notre-Seigneur laisse monter le pécheur aussi haut que le mont Liban, puis il descend aussi vite qu’un oiseau du ciel[63]. |
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673. « Voici que mon lignage et moi nous sommes arrivés à notre fin ; il ne reste plus que Fouque qui aime de cœur Dieu et la paix. Il a quatre fils, jeunes blondins, de la nièce de Charles, fille de sa sœur[64]. Pour rien au monde, ils ne se sépareront du roi. C’est à eux, quoi qu’il arrive que reviendra ma terre. |
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674. « Guintrant et Bedelon et Andicas, prenez chacun mille mas de mes alleus, je fournirai l’argent et prendrai les mesures. Vous, vous ferez moutiers, tours et clochers. — Sire, tu iras devant, nous te suivrons, et nous ferons tout ce que tu voudras. Il n’y a plus place ici pour orgueil ni pour vanité. » Les œuvres sont commencées, les guerres sont finies. La chanson est finie ; j’en suis tout las. Si tu la tiens à haut prix, toi qui la diras[65], tu en pourras avoir bonne paie, en argent et en vêtements. Disons maintenant Tu autem Domine[66].
(Ce qui suit ne se trouve que dans le ms. de Paris.)
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675. Voici finis le livre et la chanson de Charles et de Girart, les puissants barons, et de Fouque et de Boson, les brabançons[67]. Les coups qu’on se porta furent si durs et si douloureux que, de part et d’autre, on en resta éclopé. À la fin, Charles triompha de Girart et des siens. Par suite, celui-ci vécut vingt-deux ans par les champs, ramassant le charbon dans la douleur et dans les pleurs[68]. Puis il recouvra son duché, par la foi que je vous dois, et vécut en homme bon et religieux. Il bâtit de nombreux monastères. L’abbaye de Vezelai est un des principaux. Girart et Berte, la bonne dame, firent faire plus de quatre cents églises et les dotèrent toutes richement, en châteaux, en villages, en riches maisons. Dans toutes, ils placèrent des clercs, abbés ou prieurs. Aussi loin que s’étend la Bourgogne, où est Dijon, il y a bien peu d’églises qui n’aient pas été fondées par eux. Sainte Église fait pour eux deux de grands biens, de grandes aumônes, de grands pardons, et c’est justice, car ils l’ont enrichie[69]. | |
676. Si Girart fit dans les premiers temps beaucoup de mal, il l’amenda largement à la fin. Il accomplit une grande pénitence en un moutier bon et riche qu’il fit bâtir lui-même. Il y mit cent damoiselles et y fit un bâtiment pour les moines[70]. Les clercs n’y font que prier Dieu pour lui et pour dame Berte, son épouse. Il leur assigna mille marcs de rente, rien de moins. Celui-là peut s’en convaincre qui voudra y aller voir. Tout homme qui aime Dieu et Jésus-Christ doit bien aimer dame Berte, la duchesse, car elle a fait et fait encore tant de bien. Prions Dieu tous ensemble qu’elle en soit récompensée, la bonne chère dame, la meilleure qui ait jamais été et puisse être. | |
677. À Vezelai l’abbaye sont ensevelis le duc et la duchesse, selon ce qu’on rapporte. Oyez tous la chanson, joyeux ou affligés, les joyeux pour que les prouesses qu’ils auront entendues les rendent plus aptes à toute prouesse, les affligés pour qu’ils en parlent de science plus certaine et se gardent de faire la guerre et de causer des désastres ; pour les uns et pour les autres, ce sera profit. En cette chanson est tout écrit comme on peut faire la guerre et vivre en paix[71]. | |
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- ↑ Voy. § 620.
- ↑ Dieu.
- ↑ Boisson épicée.
- ↑ C’est, de la part d’un serpent, un procédé bien compliqué et dont on se représente difficilement la mise en œuvre. Il faut considérer que la tirade est en ovre, rime fort rare, qui a amené covre, cuivre. On verra plus loin, § 655, la contre-partie de ce songe.
- ↑ C’est Berte qui parle.
- ↑ C’est-à-dire, « permets que je prenne part à ton travail. »
- ↑ De la colline.
- ↑ Le sac était suspendu à une perche que Berte et le pèlerin portaient chacun par un bout ; voir § 659.
- ↑ La chambre, c’est ordinairement la chambre à coucher, voir le glossaire de Flamenca au mot cambra. Il y avait, dans les habitations du moyen-âge, deux pièces principales, la salle, qui était la salle à manger et le lieu de réception, et la chambre, qui servait de chambre à coucher commune, et au besoin de garde meuble. Au § 216, on a vu que, dans le palais du roi, à Paris, il y avait une salle et une chambre, et que dans cette dernière pièce était conservé le trésor du roi. On voit au § 42 du capitulaire de villis, que dans les fermes, la camera était la pièce où on mettait les lits et les ustensiles ou armes de tout genre.
- ↑ C’est la comtesse qui parle à Ataïn.
- ↑ On sait que gars, garçon, signifie, au moyen âge, un valet de bas étage.
- ↑ Voy. cependant p. 260. n. 1.
- ↑ S’adressant à l’auteur des faux rapports.
- ↑ Par suite de l’émotion. L’effet des vives émotions, de la colère principalement, sur le teint, est très ordinairement représenté, dans les textes du moyen âge, par des expressions telles que celle-ci, ou « noir comme charbon. »
- ↑ Ja sui soffrenç, ou ieu sui sufrens (P. v. 8631), est susceptible, en ancien français, d’un sens spécial qui s’appliquerait à la situation particulière où croit être Girart.
- ↑ Afin d’accaparer tout le mérite de la fondation.
- ↑ Employées au charroi des matériaux.
- ↑ On considérait comme une œuvre méritoire entre toutes de travailler matériellement à la construction des églises. On lit dans la légende de saint Silvestre, que l’empereur Constantin, converti par Silvestre, s’étant rendu à l’église Saint-Pierre de Rome, et y ayant confessé ses péchés, prit une bêche, se mit à creuser le sol pour faire les fondements d’une basilique, et emporta successivement sur ses épaules douze hottes pleines de terre ; Douhet, Dictionnaire des légendes, col. 1147 ; pour les sources, cf. col. 1153, note 622, et surtout Dœllinger, Fables relatives à la papauté, essai intitulé Constantin et Silvestre.
- ↑ La grandeur et la richesse de Sainte-Sophie paraissent avoir
frappé vivement les Occidentaux. Voici un témoignage que fournit le
roman des Sept Sages (édit. Keller, Tubingue, 1838) :
Molt par i a riche abbeye ;
En l’abbeye a grant tresor,
Car li bachin i sont tuit d’or
Ki sont soz les lampes pendus,
Che dient cil quels ont veüs ;
Kis porroit vendre, par raison,
L’avoir valent de Monbrison.Voir aussi la description que fait de Sainte-Sophie le chevalier historien Robert de Clari, éd. Riant, pp. 67-8 ; éd. Hopf, § lxxxv (Chroniques gréco-romanes, Berlin, 1873, p. 67).
- ↑ Cela veut dire probablement que sophia, attribut de la divinité et employé au moyen âge comme synonyme de sapientia (voy. du Cange, sophia), a fait partie de la série plus ou moins longue des noms de Dieu, que l’on invoquait et auxquels on attribuait des vertus préservatrices. Nous avons plusieurs de ces listes des noms divins ; voy. ci-dessus, p. 84, n. 1, mais je n’y vois pas figurer sophia.
- ↑ Andicas et Bedelon.
- ↑ On sait que l’architriclinus du récit des noces de Cana (Jean, II, 8, 9) est devenu, pour les gens du moyen âge, un nom propre ; voy., par ex., Du Cange, architriclinus 2.
- ↑ Ce songe est la contrepartie de celui de Berte, ci-dessus, §§ 642-3.
- ↑ Du pèlerin, cf. § 644.
- ↑ Le chapelain de Berte, qui sera mentionné de nouveau au § suivant, et dont la présence à cette œuvre pieuse a été annoncée à la fin du § 645.
- ↑ E le capelan Gui sest quam vol iac ; ce vers ne se trouve que dans Oxf.
- ↑ À Girart.
- ↑ Les deux miracles opérés en faveur de Berte (la lueur qui descend du ciel, §§ 657-8, et la perche suspendue en l’air, § 659) sont encore racontés dans la Vie latine de Girart de Roussillon, mais le premier est rapporté à la fondation de Vézelai, et le second à celle de Pothières. Voy. Romania, VII, 192, 194, et, p. 229, la note sur les §§ 83-101.
- ↑ Dieu.
- ↑ Lo tinal nou de casaing, Oxf., traduction douteuse : la leçon de P. (v. 8734) non ac desdenh, est claire, mais visiblement due à la correction d’un copiste.
- ↑ Ici encore la leçon de P. (v. 8735, E la comtessa es vana e sos cap fenh, est refaite, et celle d’Oxf., E la contesse enant non giquis faing semble corrompue. Je traduis comme s’il y avait non gic nis faing.
- ↑ D’après P. (v. 8743) ; « tous trois » Oxf., peut-être le prêtre, le diacre et le sous-diacre.
- ↑ Oxf. ufazanz preu, P. (v. 8752) on fa son priu.
- ↑ Il est bien question, dans la légende de Marie Madeleine, d’un mort ressuscité, mais ce mort était chrétien.
- ↑ Afin de s’approprier tous les bénéfices spirituels de la fondation. Pour cette idée, voir la légende racontée au § 653.
- ↑ Cf. §§ 642-3.
- ↑ J’interprète librement ; le texte est obscur et peut-être corrompu (P. v. 8779).
- ↑ Je n’entends pas e non fait conge Oxf., e noi fai conge P. (v. 8781).
- ↑ Mentionné plus haut au nombre des vassaux de Girart, §§ 146, 304, cf. p. 158, n. 4.
- ↑ Selon un passage qu’on a pu lire au § 612, le corps de sainte Marie-Madeleine aurait été rapporté d’outre-mer, des terres païennes. Mais il n’a pas été dit jusqu’ici que le corps eût été rapporté par Guintrant.
- ↑ Je devine : le texte est obscur et probablement corrompu.
- ↑ Voy. p. 4, n. 1. — C’est la leçon d’Oxf. ; dans P. (v. 8823) il y a « et toute la terre jusqu’à Mauguio. »
- ↑ Mot à mot, si j’entends bien, « des muids de larmes ».
- ↑ Au pèlerin.
- ↑ Voy. p. 89, n. 2.
- ↑ Cansil peut-être simplement une chemise.
- ↑ Allusion à un passage de la légende de saint Barthélemi. On y voit une idole renvoyer ceux qui venaient la consulter à Barthélemi, qu’elle désigne comme étant vêtu d’une robe de pourpre et couvert d’un manteau blanc décoré de pierres précieuses.
- ↑ « Moines » selon P. (v. 8833).
- ↑ Par les miracles rapportés plus haut.
- ↑ Girart.
- ↑ Toujours par les miracles.
- ↑ Voy. §§ 168-9.
- ↑ Psalm., cv, 3.
- ↑ La terre ; cf. §§ 672-3.
- ↑ La mention des Bretons est inattendue, car on a vu plus haut
(§§ 147, 323, 381, 428, 449) qu’ils dépendaient de Charles et non de
Girart. Quant au privilège si recherché de commencer l’action, voy. ci-dessus,
p. 149, n. 4. On a vu, au § 484, le même privilège revendiqué
par un Champenois. À la bataille de Lincoln, en 1217, les Normands,
faisant partie de l’armée anglaise, le réclament comme un
droit ;
... sachiez que li Normant
Deivent les premiers cops avant
Aveir en chescune bataille.
(Hist. de Guillaume le Maréchal, vv. 16211-3) - ↑ Ci-dessus, §§ 427-9
- ↑ Trente, selon P. (v. 8909).
- ↑ Celui dont la mort est contée au § 620.
- ↑ Traduction douteuse.
- ↑ Fouque sera l’avoué des établissements religieux auxquels Girart aura laissé ses biens.
- ↑ La paix et la chasse sont deux idées qu’on associe volontiers ; voy. § 633.
- ↑ Ou « entre nous et les païens » ; la phrase est mal rédigée. Au fond, il doit y avoir l’idée si souvent exprimée au moyen âge, que les chrétiens feraient mieux de tourner leurs armes contre les païens, au lieu de se déchirer entre eux ; cf. § 124 et la note.
- ↑ Probablement Ps. xxxvi, 35-6.
- ↑ Cf. p. 264, n.
- ↑ L’auteur s’adresse au jongleur qui dit la chanson.
- ↑ Formule qui se dit à la suite de certains offices. Le poëme de
Horn et de Rimel se termine de même :
Tomas n’en dirrat plus, tu autem chanterat ;
Tu autem, Domine, miserere nostri. - ↑ Los Braimansos (v. 8950). C’est la première fois que Fouque et Boson sont ainsi qualifiés. Il est probable que « brabançon » est ici à peu près l’équivalent de guerrier. On sait qu’au xiie siècle et encore au xviie siècle on appelait ainsi des troupes mercenaires, sans doute originaires, au moins, en général, du Brabant. Gautier Map les stigmatise sous Henri II, comme des troupes de pillards, formées de l’écume de la société (De nugïs curialium, éd. Wright, p. 60). Richard-Cœur-de-Lion en eut beaucoup à son service, et au temps de la croisade albigeoise on les trouve parmi les soudoyers du comte de Toulouse.
- ↑ Cf. § 534.
- ↑ Après avoir parlé des églises fondées par Girart, l’auteur du roman
bourguignon dit de même :
Bien y doit on pour eulz prier, lire et chanter,
Quant si bien les voussirent de leur propre renter.
(Éd. Mignard, p. 248.) - ↑ J’interprète ainsi e i fetz mongier (v. 8974). Il s’agit probablement, d’après la mention des clercs qui suit immédiatement, d’un monastère double, où les religieux et les religieuses vivaient dans la même enceinte, quoique dans des bâtiments séparés ; voy. Du Cange, Monasterium duplex. Telle était l’abbaye de Sempringham, qui a été célébrée par un poème satirique ; voy. Th. Wright, The political Songs of England, (London, 1839), pp. 137-48 et 371.
- ↑ La traduction de ces derniers vers, dont le texte est en partie corrompu, est conjecturale.
- ↑ Ambaissatz (v. 8996). Cela peut se rapporter à l’ambassade de Pierre de Mont-Rabei (§§ 235 et suiv.) ou à quelque autre ; le sens même du mot n’est pas sûr,
- ↑ Chiffre évidemment très exagéré ; voy., pour la durée des guerres successives entre Charles et Girart, p. 260, n. 1.
- ↑ Suivent, dans le ms., deux vers dont l’écriture est devenue illisible ; puis ce vers : Pennula scriptoris requiescat fessa laboris. Le même vers se retrouve à l’explicit d’un Tite-Live de la Laurentienne, avec la variante plena au lieu de fessa, Bandini, Catal. codd. latinorum Biblioth. Mediceæ Laurentianæ II, 692.