Gatienne/Texte entier

Calmann Lévy, éditeur (p. --tdm).

GATIENNE
CALMANN LÉVY, ÉDITEUR




DU MÊME AUTEUR


Format grand in-18.




Marco 
 1 vol.
Contes en l’air 
 —



Coulommiers. — Typ. Paul BRODARD.
Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/7

GATIENNE




PREMIÈRE PARTIE




I


— Quatorze avril ! murmura Robert d’un ton maussade, regardant son frère en dessous.

Alban fumait une cigarette et feuilletait une revue.

Il demanda distraitement :

— Tu comptes les jours ?

— Demain le terme, répondit brièvement Robert.

— Ah ! ah !… Comment diable t’arranges-tu pour être toujours sans le sou ? demanda Alban tout à coup, en rejetant d’un air d’ennui sa brochure sur la table.

Les deux frères, assis devant le café de l’Avenir, qui fait le coin du quai et de la place Saint-Michel, attendaient l’heure du cours de pathologie du docteur X… ; tous les deux étudiaient la médecine.

Une heure sonnait. Robert se leva, acheva de vider sa tasse et répondit en haussant les épaules :

— Je fais comme les autres, ni plus ni moins ; tandis que toi…

— Moi… je travaille, appuya Alban.

Il s’était levé aussi, et, changeant de ton, il vint passer son bras sous celui de Robert, qui s’éloignait mécontent.

— Voyons, ne te fâche pas, tu sais bien que ma bourse est la tienne ; seulement, vois-tu…

— Oh ! je t’en prie, interrompit Robert, ne sois pas ridicule : laisse là ta morale et prête-moi dix louis.

— Sur gages ? riposta Alban, qui riait.

Et Robert, s’égayant aussi :

— Soit ; sur la fidélité de Julie.

— Ou la vertu de mademoiselle Jeanne.

— Impossible ! La drôlesse en a disposé.

— Déjà !

— En faveur de Bargemont, qui est arrivé premier de la longueur d’une pelisse de loutre. J’étais à sec.

— Eh bien, reprit Alban avec un embarras qu’il dissimulait, cède-moi tes droits sur l’amitié de Gatienne.

Robert eut un mouvement.

— Mes droits ! Que veux-tu dire ?

— Elle te préfère.

— J’en doute. Mais quand cela serait ! As-tu des projets sur elle ?

— Non… seulement, si tu veux me faire plaisir, Robert, — et il serra le bras de son frère, — tu laisseras cette jeune fille tranquille.

— L’aimes-tu ? dit Robert brusquement.

— Eh bien… oui. Et toi ?

— Moi… en ma qualité d’ainé, je te prie, tout simplement, de porter ailleurs tes soupirs. Comprends-tu ?

Alban baissa la tête, très ému. C’était un beau garçon ; vingt-deux ans à peine, presque imberbe, un joli visage d’une douceur qui charmait.

Au reste, grands tous les deux et de belle tournure, les deux frères se ressemblaient par les traits, la couleur des cheveux et des yeux d’un brun clair, le sourire aux dents fines, parfois le regard ; avec cette différence qu’une naïve bonté, éclatait dans les yeux d’Alban, tandis que ceux de Robert se veloutaient d’une expression de tendresse séductrice où la franchise faisait défaut.

Robert l’emportait près des femmes : il les aimait et savait les prendre.

Alban, travailleur et chaste, était timide. Une féminité de caractère l’attachait, soumis, à ce frère, hardi compagnon et séducteur enragé.

Robert aussi aimait son frère, mais un peu comme il aimait les femmes ; il le tyrannisait, le domptait, et se serait jeté dans le feu pour lui.

Ils n’échangèrent plus un mot et remontèrent le quai des Augustins jusqu’au pont Neuf.

Là, Robert s’arrêta au kiosque, prit un journal, et, feignant de le parcourir, leva vivement les yeux vers le deuxième étage de la maison qui lui faisait face.

— Viens-tu ? ne put s’empêcher de dire Alban. essayant de l’entraîner.

Mais Robert se dégagea, et, d’un joli geste moqueur :

— Je ne te retiens pas, va !…

— Tu manqueras le cours.

— Je prendrai tes notes. À ce soir !

Et, sifflotant, il se dirigea vers la maison observée.

Au bout d’un long couloir commençait un escalier de pierre, à droite d’une loge entièrement vitrée. Le pied sur la première marche, Robert se pencha, frappa aux vitres et cria :

— Hé ! madame Durand ! vous monterez ma quittance demain matin.

En deux sauts, il eut atteint le premier étage. Une seconde après, il apparaissait à l’étroit balcon d’une fenêtre qui donnait sur le quai et surprenait Alban, demeuré immobile près du kiosque, les yeux levés. Il le menaça du doigt, en riant ; le jeune homme, confus, s’éloigna d’un pas rapide.

— Ouf ! murmura Robert.

Il tira ses rideaux et s’arrêta un instant au milieu de la chambre, le menton levé, écoutant au-dessus de lui.

Du plafond pendait une veilleuse au globe rose et blanc, qui brûlait encore. Le jeune homme eut un rire en apercevant ce témoin oublié de sa nuit passée. Et ses yeux se portèrent sur l’élégante couchette capitonnée de satin de Chine vert clair, boutonné de jaune, enfoncée sous ses draperies.

Un parfum de jeunesse et de folies emplissait ce réduit, où des lilas frais mettaient leur senteur printanière. Des meubles bas, des tapis, de grands vases du Japon couronnés de plantes vertes donnaient à cette chambre une langueur de boudoir.

Seul, le cabinet voisin rappelait l’étudiant. Là-bas, les livres, les pipes, les bocks, les tibias, les crânes montés en coupes ; ici, les fleurs, les pièges de la mollesse, les complices de la volupté . Un trottinement de souris courut sur le plafond que Robert interrogeait : un pas léger qui allait et venait.

Le jeune homme effila sa moustache, et la tête nue, en voisin, il sortit de chez lui.

Il monta un étage, sonna.

— Bonjour, mademoiselle.

Une vieille personne en cornette blanche et robe noire venait d’ouvrir.

Ils causèrent : elle l’appelait familièrement Robert.

Il s’était assis sur le tabouret du piano, qui meublait presque à lui seul un petit salon très simple.

— Gatienne est allée prendre sa leçon ? dit-il.

À cheval sur le tabouret, il faisait crier la vis en se tournant et se retournant par manière de jeu.

— Vous ne le savez peut-être pas ? riposta mademoiselle Prieur.

Elle s’était plantée devant lui.

— Je la croyais rentrée, répondit-il maladroitement.

— Je M’en doute, dit-elle.

Il fit pirouetter son siège et se mit en face du piano. Dans la glace qui le surmontait, il suivait les mouvements inquiets de la vieille fille.

— Elle a ses nerfs, dit-il.

Et il chantonna un motif de la Favorite.

— Vous n’allez pas au cours ? demanda mademoiselle Prieur en époussetant la cheminée ; car elle achevait sans façon de ranger son ménage.

— Le docteur X… est malade, répondit effrontément Robert.

— Ah !… tant pis ! Je crois qu’Alban travaille plus que vous.

— Oh ! lui, il est dans la peau d’un savant.

— Et vous ?

Il se retourna en riant.

— Moi, dit-il, j’en aurai le bonnet.

— À quand votre thèse, docteur ?

— En septembre.

— Et après ?

— Après ?

— Vous quitterez Paris, sans doute ? Retournerez-vous vous fixer à Loches ?

— Le ciel m’en préserve !

— Et alors ?

— Peuh ! cela dépend. Je voyagerai…

— Tiens ! vos plans sont changés : je croyais que vous deviez succéder à votre père ; vous avez là-bas une clientèle toute faite…

— Oui, c’était le projet du bonhomme quand il m’envoya à Paris. Mais il est mort, j’ai de la fortune…

— Et vous renoncez à cet avenir tranquille qu’il avait rêvé pour vous ? Vous avez tort. Il vous faudra cependant bien une position pour vous marier.

Robert eut un beau rire ; il s’écria :

— Me marier !

Puis il répéta cette exclamation en dodelinant sa tête brune dans une hilarité croissante.

Mademoiselle Prieur le regardait fixement, avec une rougeur subite sur sa blanche et belle figure de vieille fille honnête.

— Ah ! dit-elle simplement.

Et le jeune homme se tut.

Il y eut un silence.

Tout à coup elle s’approcha de Robert.

— C’est demain le terme, dit-elle à demi-voix. Est-ce vous qui donnerez congé, ou bien moi ?

— Mais…, voulut dire Robert.

— Pas un mot. Vous me comprenez. Et ne revenez plus ici… jamais ! C’est pourquoi il vaut mieux quitter la maison, l’un ou l’autre. Décidez-vous, vite, j’entends Gatienne.

Robert pensait :

— J’ai trois mois pour déménager.

Et il répondit :

— Je partirai.

La porte s’ouvrit d’un coup.

Une belle fille entra en courant dans la clarté de ses jupes, de son gai chapeau de printemps, en criant follement.

— Bonjour, grand’mère !

Puis :

— Bonjour, Robert ! — Bonjour, Follette !

Et le petit chien griffon, qu’elle éveilla d’une impétueuse avalanche de baisers, se jeta à bas du fauteuil où il dormait et bondit autour d’elle avec des cris de joie aigus qui trouaient l’oreille.

— As-tu bientôt fini ? grondait mademoiselle Prieur, battant l’air de ses mains pour imposer silence à ce vacarme.

Elle vocalisa :

— Oui…, grand’mère.

Et, s’adressant à Robert qui s’était levé :

— Restez là, vous me tournerez les pages ; je vais vous chanter la sérénade de Gounod, je la sais maintenant :

      Le printemps chasse les hivers…

D’un geste, elle enleva son chapeau, découvrant un fin visage de brune, long et pâle, que des yeux noirs illuminaient et veloutaient tour à tour.

— J’ai la migraine, déclara d’un ton sec mademoiselle Prieur.

Et, s’approchant du piano, elle le ferma brusquement.

— Hou ! hou ! lui fit Gatienne dans le nez, c’est de la malice que vous avez, ça se voit. — N’est-ce pas, Robert ? Tiens ! quel air vous faites, vous aussi ! Est-ce que vous vous êtes querellés ?

Les yeux de Robert prirent, pour lui répondre, une expression de tendresse désespérée ; mais la vieille fille le regardait fixement.

Il salua et sortit.

Une minute après, on sonnait.

Gatienne accourut. Robert avait oublié le journal dans sa poche. En le remettant à la jeune fille troublée, il lui serra la main et murmura :

— Ce soir, un billet sous votre porte ; je vous expliquerai tout.


II


La « grand’mère » de Gatienne n’avait jamais connu les joies maternelles. Vieille fille, elle s’était embarrassée sur le tard d’une gamine, orpheline de père et de mère, qui, du jour où elle aperçut mademoiselle Prieur, s’attacha à ses jupes comme un pauvre petit chien perdu et ne la voulut plus quitter.

— Tu seras ma grand’mère, veux-tu, la dame ? demanda la petite.

Et mademoiselle Prieur emmena l’enfant.

La rencontre était bonne pour toutes les deux.

Gatienne, de souche plébéienne, mais d’un sang pur, d’un tempérament sain, était née dans les montagnes de l’Auvergne. Sa mignonne tête ronde, toute bouclée, n’accusait aucune Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/21 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/22 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/23 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/24 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/25 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/26 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/27 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/28 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/29 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/30 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/31 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/32 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/33 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/34 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/35 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/36 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/37 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/38 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/39 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/40 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/41 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/42 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/43 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/44 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/45 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/46 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/47 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/48 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/49 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/50 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/51 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/52 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/53 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/54 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/55 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/56 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/57 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/58 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/59 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/60 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/61 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/62 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/63 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/64 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/65 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/66 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/67 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/68 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/69 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/70 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/71 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/72 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/73 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/74 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/75 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/76 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/77 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/78 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/79 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/80 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/81 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/82 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/83


X


Mademoiselle Prieur venait de sortir ; la jeune fille était seule.

Au coup de sonnette, elle reconnut Robert et se mit debout, d’un tressaillement.

Une minute, elle hésita, les mains pressées sur sa poitrine qui se gonflait. Puis une audace violente traversa son regard, et, d’un pas ferme, elle se dirigea vers la porte.

Robert entra.

Madame Durand l’avait prévenu : « Grand’mère » n’était pas là. Il s’approcha de Gatienne les bras ouverts.

Elle recula d’un pas, et si hautaine, qu’il s’arrêta. Alors il joignit les mains, et, suppliant :

— Ma femme, ma femme bien-aimée !

— À qui parlez-vous ? dit-elle.

Sa voix d’argent n’avait pas un frisson. Elle était toute blanche ; aucun trouble ne voilait la pureté de son regard.

Robert éprouva un saisissement bizarre, un malaise qui troubla son cerveau, comme s’il venait d’y recevoir un choc. Il sentit que ses désirs se brisaient contre un marbre très pur et très froid. Il eut le sentiment de la lutte qu’il devrait soutenir contre cette femme.

Il la devina très puissante dans sa volonté, résistante, invincible peut-être. Et ses nerfs craquèrent dans l’appel qu’il fit à ses forces, tandis qu’une joie mauvaise lui venait au cœur. N’était-il pas le maître, après tout ? Ne lui appartenait-elle pas à jamais sous la menace de révéler sa faute ?

Il prit un air froid.

— Vous repoussez mes tendresses ? Soit ; je ferai néanmoins mon devoir. Une réparation vous est due. Si je vous aimais moins, je m’en dispenserais ; on n’épouse pas toutes les filles qu’on séduit. Mais je vous aime. Me comprenez-vous ?

La jeune fille s’était rassise près de la fenêtre, où elle brodait, penchée, le profil perdu, le doigt levé à temps régulier avec le vol du fil au bout de l’ongle.

Se tournant à demi :

— Et moi, vous dois-je quelque réparation ?

— Vous devez à votre dignité d’accepter mon nom.

— Vous croyez ?

— Je m’étonne, Gatienne, que votre pudeur ne vous en avertisse pas.

Une faible rougeur courut sur la joue de Gatienne, et sa main qui se levait trembla.

La colère venait à Robert ; il ajouta brutalement :

— Tu es à moi enfin ; tu m’appartiens.

— Comme l’objet volé appartient au voleur, jusqu’à ce qu’on le lui reprenne. Je me suis reprise, Robert.

Alors il devint grossier :

— As-tu repris aussi ton honneur qui est resté dans mes bras ? Tu oublies trop, ma fille, que tu as perdu le droit de te poser en vertu.

Gatienne s’était retournée d’un bond, menaçante :

— Je ne l’ai pas oublié : c’est pourquoi je vous hais et vous méprise.

Il se leva, fou, bégayant.

— Tais-toi, Gatienne, tois-toi !… Tiens, ne m’affolle pas. Je t’aime à faire un crime. Tu n’as donc rien dans le cœur ?… Et moi, misérable, j’ai soif de toi, de ta beauté. Je t’aime, je te veux, tout mon être délire de cette passion de toi ! Oh ! ne me repousse plus !…

— Ne m’approchez pas, ou j’appelle.

— Écoute-moi, mais écoute-moi donc !… Tu ne comprends pas que tu brises ta vie comme la mienne ? Car je ne te lâcherai pas ; j’ai mis ma griffe sur toi, je t’ai marquée à mon nom… tu m’appartiens. Toute la vie, je serai à tes côtés, dans ton ombre. Tu n’aimeras pas un autre homme, tu n’auras pas d’enfants… Je rendrai ton déshonneur public. Le monde te repoussera. Tu vivras et mourras flétrie… Rien, entends-tu ? ne peut te sauver que mon amour. Ô Gatienne, aime-moi, sois ma femme !…

— Me relever d’une faute par une lâcheté ? Jamais. C’est alors que je serais déshonorée, répondit gravement la jeune fille, dont le front se levait dans une fierté sauvage. C’est alors que je serais avilie devant ma conscience. Notre union ne serait de ma part qu’un calcul ignoble dont la pensée me fait horreur ? Non, je suis libre et je resterai libre. Vos droits sur moi, je les nie. Je m’appartiens, et je me garde… Vous pouvez partir…

— Tu es ma maîtresse, dit-il les poings serrés ; je vais le déclarer à ta grand’mère.

— Croyez-vous que je vous estimerai davantage quand vous l’aurez tuée ?

— Mais que veux-tu donc ?… Ah ! je le vois maintenant, tu rêves un autre amour ! Prends garde, Gatienne, prends garde, je me vengerai !…

— Je me défendrai, répondit la vaillante fille, droite et superbe.

Il bégaya :

— Tu me braves ?…

— Non, dit-elle, le doigt tendu ; je vous chasse. Sortez !


DEUXIÈME PARTIE




I


En 1876, il existait dans la rue des Moines, aux Batignolles, un salon modeste, mais infiniment agréable, dont une jeune femme, un peu effacée, faisait discrètement les honneurs.

Son mari, un Polonais, Albert Powski, composait une musique originale, mélodique plutôt que savante, à laquelle il employait tous les moments de loisir que lui laissaient ses fonctions d’ingénieur dans une grande Compagnie.

Sur cette musique, d’une saveur sauvage, la mère de la jeune femme, la comtesse de M…, brodait des vers exquis. Et Vanda, la sœur d’Albert, chantait ces mélodies.

Autour de ce groupe d’artistes mondains se Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/90 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/91 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/92 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/93 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/94 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/95 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/96 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/97 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/98 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/99 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/100 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/101 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/102 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/103 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/104 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/105 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/106 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/107 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/108 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/109 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/110 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/111 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/112 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/113 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/114 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/115 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/116 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/117 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/118 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/119 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/120 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/121 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/122 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/123 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/124 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/125 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/126 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/127 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/128 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/129 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/130 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/131 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/132 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/133 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/134 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/135 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/136 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/137 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/138 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/139 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/140 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/141 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/142 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/143 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/144 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/145 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/146 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/147 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/148 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/149 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/150 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/151 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/152 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/153 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/154 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/155 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/156 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/157 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/158 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/159 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/160 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/161 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/162 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/163 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/164 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/165 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/166 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/167 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/168 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/169 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/170 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/171 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/172 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/173 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/174 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/175 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/176 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/177 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/178 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/179 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/180 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/181 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/182 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/183 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/184 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/185 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/186 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/187 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/188 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/189 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/190 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/191 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/192 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/193 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/194 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/195 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/196 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/197 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/198 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/199 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/200 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/201 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/202 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/203 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/204 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/205 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/206 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/207 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/208 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/209 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/210 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/211 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/212 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/213 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/214 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/215 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/216 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/217 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/218 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/219 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/220 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/221 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/222 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/223 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/224 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/225 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/226 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/227 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/228 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/229 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/230 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/231 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/232 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/233 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/234


XIII


Fabrice rentra chez lui plus tôt que de coutume. Gatienne venait de sortir.

— Où est-elle allée ? dit-il à Clotilde.

— Je ne sais pas.

Ils causèrent. La jeune fille paraissait au courant de leurs opérations financières ; elle assura Fabrice que son mariage suivrait de près ce magnifique coup de fortune que le génie de Robert avait découvert dans la valeur dépréciée des mines de Houdan.

— Tant mieux ! dit-il. Mais où est allée Gatienne ?

— Elle ne l’a pas dit. Tu signeras l’acte ce soir, n’est-ce pas, Fabrice ; tu me le promets ?

— Sans doute. Les enfants sont seuls ?

— Matta les garde. Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/236 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/237 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/238 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/239 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/240 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/241 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/242 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/243 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/244 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/245 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/246 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/247 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/248 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/249 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/250 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/251 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/252 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/253


TROISIÈME PARTIE




I


Dans les premiers jours du mois de février, quatre mois environ après la mort de Robert, Fabrice reçut un télégramme de Marseille : la malle des Indes venait d’entrer dans le port, Alban de Lalande annonçait son arrivée prochaine à Paris.

Il venait régler la succession de son frère, liquider sa situation dans la maison de banque « le Crédit des rentiers ». Cette maison s’effondrait.

Depuis la disparition de Robert, son associé s’était borné à une surveillance de premier employé, sans rien tenter, sans rien entreprendre pour soutenir la fortune de leurs brillants débuts financiers. Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/255 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/256 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/257 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/258 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/259 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/260 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/261 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/262 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/263 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/264 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/265 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/266 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/267 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/268 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/269 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/270 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/271 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/272 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/273 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/274 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/275 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/276 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/277 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/278 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/279 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/280 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/281 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/282 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/283 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/284 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/285 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/286 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/287 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/288 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/289 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/290 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/291 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/292 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/293 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/294 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/295 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/296 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/297 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/298 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/299 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/300 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/301 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/302 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/303 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/304 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/305 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/306 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/307 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/308 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/309 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/310 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/311 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/312 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/313 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/314 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/315 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/316 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/317 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/318 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/319 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/320 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/321 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/322 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/323 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/324


VIII


Ici encore, on déménageait. C’est-à-dire dans toutes les chambres s’éparpillaient des caisses remplies de chiffons de femmes ; car le pavillon devait rester meublé pour les fantaisies de retour, les escapades d’une soirée, les caprices d’une nuit de poésie, où l’on voudrait s’aimer, les fenêtres ouvertes au parfum des bois, au chant du rossignol.

Un babillement de femmes emplissait la maison. Du haut en bas roulaient des rires, des appels pressés, des refrains qui voletaient se brisant à des bavardages infinis. Un frou-frou courait par les escaliers. Cela sentait bon, la joie, le plaisir. Des ouvrières arrivaient affairées, les bras lourds de cartons précieux qu’on ouvrait dans un Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/326 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/327 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/328 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/329 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/330 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/331 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/332 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/333 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/334 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/335 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/336 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/337 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/338 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/339 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/340 Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/341

Puis il l’étreignit, toute molle et fléchissante, se pencha sur son visage blanc, dont les yeux regardaient le ciel, et colla sa bouche sur ses lèvres, qui s’écartaient comme exhalant encore leur prière d’amour.

Et, dans ce terrible et dernier baiser, Fabrice disait à Gatienne qu’elle emportait l’absolution complète de sa conscience et de son cœur.


FIN

Coulommiers. — Imp. Paul BRODARD.

TABLE DES MATIÈRES

(ne fait pas partie de l’ouvrage original)


Première partie


Deuxième partie
 123
 200


Troisième partie
 246
 286