Gaspar Ruiz et autres récits/Notice bibliographique

Traduction par Philippe Neel.
Gaspar RuizGallimard (p. 8-10).



NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE


Le recueil dont voici la traduction parut au début de 1908 sous le titre de « A Set of Six » chez Methuen et Co, à Londres. Les contes qui le composent avaient été écrits au cours des trois années précédentes. « Gaspar Ruiz » fut achevé en janvier 1905, c’est-à-dire à une époque où l’esprit de Joseph Conrad baignait encore dans l’ambiance sud-américaine au milieu de laquelle il avait vécu pendant les deux années qu’il consacra à imaginer et à écrire son roman : « Nostromo », achevé au début de septembre 1904. Dans une lettre que Joseph Conrad écrivait à son ami R. B. Cunninghame Graham, le 30 mars 1923, il dit : « J’ai trouvé l’idée de Gaspar Ruiz dans un livre du capitaine de vaisseau Basil Hall, Journal des Années 1820-21-22, un ouvrage dont vous avez peut-être entendu parler. Hall était un ami du général San Martin. L’original de Gaspar Ruiz est un homme nommé Benavides, franc-tireur sur la frontière méridionale du Chili pendant les guerres de l’Indépendance. Hall lui consacre une page ou deux — d’après ce qu’il avait entendu dire. Il m’a fallu inventer toute son histoire, trouver des raisons à ses changements de partis, et le cadre du récit. Et maintenant la composition et l’écriture de tout cela ne me semblent plus guère que le souvenir d’un rêve. » Gaspar Ruiz parut d’abord dans les numéros du « Pall Mall Magazine » de juillet à octobre 1906. Au cours de l’été 1920, Joseph Conrad tira lui-même de ce conte un scénario de film intitulé « Gaspar, the Strong man » (Gaspard, l’homme fort) qui n’a pas été utilisé jusqu’à ce jour.

Un Anarchiste, écrit au cours de l’année 1905 et l’Indicateur, terminé à Londres le 11 janvier 1906, parurent dans le « Harper’s Magazine », respectivement en août et décembre 1906. Le narrateur dans l’Indicateur est visiblement inspiré d’Henri Rochefort.

La Brute dont le manuscrit porte ce titre : « The Brute, a piece of invective » a dû être écrit au cours de l’année 1906 : nous n’avons pu trouver aucune référence à ce sujet dans les papiers de l’écrivain ; ce récit fut publié pour la première fois le 5 décembre 1906, dans le supplément du « Daily Chronicle ».

Le Duel fut entrepris au mois de janvier 1907 pendant le second séjour que Joseph Conrad fit à Montpellier. L’atmosphère française où il se trouvait alors et qui lui avait été si familière trente ans auparavant, quelques entretiens échangés avec un officier d’artillerie rencontré dans un café de la place de la Comédie, enfin les souvenirs militaires de sa propre famille, dont plusieurs membres avaient appartenu aux régiments polonais des armées napoléoniennes, sont en grande partie responsables du caractère de ce récit.

La composition en fut interrompue par les vives inquiétudes que lui inspira la santé des siens à la fin de l’hiver et au printemps 1907, en même temps que par l’achèvement de « l’Agent Secret ». Il ne fut terminé qu’en septembre suivant, à Pent Farm (Kent) et il parut dans le « Pall Mall Magazine » de janvier à mai 1908 ; il y eut la même année une édition américaine en un volume séparé, sous le titre « The Point of Honor » (McClure Co, New-York).

« Il Conte » fut écrit en peu de jours et terminé le 4 décembre 1907 à Someries, Luton, Bedforshire. Il fut publié au mois d’août de l’année suivante dans le Cassell’s Magazine, sous le titre erroné de « Il Conde » au lieu de « Il Conte ». Il avait été inspiré à Conrad par le récit d’une aventure arrivée quelque temps auparavant au comte Szembek pendant qu’il était à Naples. Joseph Conrad avait fait la connaissance de ce gentilhomme polonais pendant son séjour à Capri, de janvier à mai 1905 et c’est de lui-même qu’il en tint le récit. Dans l’édition originale du recueil de ces contes, chacun d’eux porte un sous-titre. « Gaspar Ruiz », a romantic tale ; « The Informer », an ironic tale ; « The Brute », an indignant tale ; « An Anarchist », a desperate tale ; « The Duel », a military tale et « Il Conte », a pathetic tale.

Joseph Conrad écrivait à son éditeur Algernon Methuen, le 26 janvier 1908 : « Chacun de ces contes est le récit d’incidents, d’une action et non pas un récit d’analyse. Ils sont tous dramatiques, dans une certaine mesure, mais sans rien de lugubre. Tous, sauf deux, empruntent leur signification à un motif sentimental, bien qu’ils ne soient pas, cela va sans dire, des histoires sentimentales au sens conventionnel du mot. Ce ne sont pas là des études : ces contes n’abordent aucun problème. Ce sont de simples récits où j’ai fait de mon mieux pour retenir simplement l’intérêt du lecteur. Je puis peut-être ajouter que dans ce recueil j’ai visé une certaine virtuosité de style. » Et dans une lettre à Edward Garnett du 21 août 1908, Conrad dit à propos du « Duel » : « Ma première intention était d’intituler ce conte « Les Maîtres de l’Europe », mais j’ai écarté ce titre comme un peu prétentieux. En tout cas j’ai essayé consciencieusement d’y mettre autant d’atmosphère napoléonienne que le sujet pouvait le comporter[1]. »

G. J.-A.
  1. Correspondance inédite.