Gœtz de Berlichingen à la main de fer/Acte II

Traduction par Jacques Porchat.
Théâtre de GoetheLibrairie de L. Hachette et Cietome I (p. 171-193).
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ACTE DEUXIÈME.

Bamberg. — Une salle.

L’ÉVÊQUE, ADÉLAÏDE, jouant aux échecs, LIEBETRAUT, une guitare à la main, DAMES, COURTISANS, autour de lui, près de la cheminée.
LIEBETRAUT, il chante en s’accompagnant.

Avec son arc et ses flèches
Cupidon prend son vol,
Le flambeau allumé ;
Il veut vaillamment combattre
Et bravement triompher
Par la force des armes.
Allons ! allons !
Ah ! ah !
Ses armes retentissent,
Ses ailes frémissent,
Ses yeux s’enflamment.

Il trouve les cœurs
Hélas ! sans défense ;
Toutes les belles s’empressent
De le prendre sur leurs genoux ;
Il jette ses flèches
Dans le feu ;
Les belles le caressent,
Le pressent, le bercent.
Hei ei o ! Popeyo ![1]

ADÉLAÏDE.

Vous n’êtes pas à votre jeu. Échec au roi.

L’ÉVÊQUE.

Il y a encore de la ressource.

ADÉLAÏDE.

Vous n’irez pas loin. Échec au roi.

LIEBETRAUT.

Je ne jouerais pas ce jeu-là, si j’étais un grand seigneur, et je le défendrais à ma cour et dans tout le pays.

ADÉLAÏDE.

C’est vrai que ce jeu est la pierre de touche de l’esprit.

LIEBETRAUT.

Ce n’est pas pour cela ! J’aimerais mieux, troublé dans le plus profond sommeil, entendre le gémissement de la cloche funèbre et des oiseaux de mauvais présage, le cri de la conscience, ce chien de garde grondeur, que des fous, des cavaliers et d’autres bêtes criant sans cesse : « Échec au roi ! »

L’ÉVÊQUE.

Mais à qui viendront de pareilles idées ?

LIEBETRAUT.

À un homme, par exemple, qui serait faible et qui aurait la conscience robuste, ce qui va le plus souvent ensemble. Ils appellent cela un jeu royal, et disent qu’on l’inventa pour un roi, qui récompensa l’inventeur par un océan de richesses. Si cela est vrai, il me semble que je vois l’homme. Il était mineur par l’esprit ou l’âge, sous la tutelle de sa mère ou de sa femme ; sa barbe n’était qu’un léger duvet, avec quelques poils jaunâtres autour des tempes ; il était souple comme un jeune saule, et jouait volontiers aux dames et avec les dames, non par passion, Dieu nous en garde ! mais par simple passe-temps. Son gouverneur, trop actif pour un savant, trop roide pour un homme du monde, inventa, in usum Delphini, ce jeu si bien assorti à Sa Majesté… et ainsi du reste.

ADÉLAÏDE.

Mat !… Liebetraut, vous devriez combler les lacunes de nos chroniques. (Ils se lèvent.)

LIEBETRAUT.

Les lacunes de nos généalogies ! ce serait plus profitable. Depuis que les mérites de nos ancêtres servent au même usage que leurs portraits, à tapisser les vides de nos chambres et de notre caractère, il y aurait quelque chose à gagner.

L’ÉVÊQUE.

Il ne veut pas venir, disiez-vous !

ADÉLAÏDE.

Je vous en prie, ôtez-vous cela de l’esprit.

L’ÉVÊQUE.

Qu’est-ce que cela veut dire ?

LIEBETRAUT.

Quoi donc ? Les raisons se défilent comme un chapelet. Il est tombé dans une sorte d’abattement, dont je saurais aisément le guérir.

L’ÉVÊQUE.

Faites ; courez chez lui.

LIEBETRAUT.

Ma commission !

L’ÉVÊQUE.

Je te donne des pouvoirs illimités. N’épargne rien, pourvu que tu le ramènes.

LIEBETRAUT.

Oserai-je vous mêler là dedans, madame ?

ADÉLAÏDE.

Avec discrétion.

LIEBETRAUT.

Voilà une commission bien large.

ADÉLAÏDE.

Me connaissez-vous assez peu, ou êtes-vous assez jeune, pour ne pas savoir sur quel ton vous devez parler de moi à Weislingen ?

LIEBETRAUT.

Sur le ton d’un appeau à cailles, je pense.

ADÉLAÏDE.

Vous ne deviendrez jamais sage !

LIEBETRAUT.

Le devient-on, madame ?

L’ÉVÊQUE.

Allez, allez ! Prenez le meilleur cheval de mon écurie ; choisissez vos gens et amenez-le-moi !

LIEBETRAUT.

Si je ne l’attire par magie, dites qu’une vieille femme, qui fait passer les verrues et les taches de rousseur, entend mieux la sympathie que moi.

L’ÉVÊQUE.

De quoi cela servira-t-il ? Berlichingen s’est emparé de lui. S’il vient nous voir, il voudra repartir.

LIEBETRAUT.

La question n’est pas de savoir s’il voudra, mais s’il pourra. Le serrement de main d’un prince et le sourire d’une belle femme ! Point de Weislingen qui s’en détache. J’y cours et me recommande à Votre Grâce.

L’ÉVÊQUE.

Bon voyage !

ADÉLAÏDE.

Adieu ! (Il sort.)

L’ÉVÊQUE.

S’il est une fois ici, je me repose sur vous.

ADÉLAÏDE.

Voulez-vous m’employer comme gluaux ?

L’ÉVÊQUE.

Non pas.

ADÉLAÏDE.

Eh bien, comme chanterelle ?

L’ÉVÊQUE.

Non, c’est le rôle de Liebetraut. Je vous en prie, ne me refusez pas ce que nul autre ne peut faire pour moi.

ADÉLAÏDE.

Nous verrons !


Jaxthausen.


JEAN DE SELBITZ, GŒTZ.
SELBITZ.

Tout le monde vous approuvera d’avoir déclaré la guerre à ceux de Nuremberg.

GŒTZ.

Cela m’aurait mangé le cœur, si j’avais tardé à leur solder ce compte. Il est manifeste qu’ils ont livré mon vassal aux Bambergeois. Je les ferai souvenir de moi.

SELBITZ.

Ils ont une vieille rancune contre vous.

GŒTZ.

Et moi contre eux : je suis charmé qu’ils aient commencé.

SELBITZ.

Les villes impériales et les prêtres sont ligués de tout temps.

GŒTZ.

Ils ont leurs motifs.

SELBITZ.

Il nous faut la leur donner chaude.

GŒTZ.

Je comptais sur vous. Plût à Dieu que le bourgmestre de Nuremberg, avec sa chaîne d’or autour du cou, tombât dans nos filets ! Avec tout son esprit, il aurait de quoi s’étonner.

SELBITZ.

J’apprends que Weislingen est de nouveau dans votre parti : se joindra-t-il à nous ?

GŒTZ.

Pas encore ; il a ses raisons pour n’oser pas de sitôt nous secourir ouvertement ; mais il suffit, pour le moment, qu’il ne soit pas contre nous. Le prêtre est sans lui comme la chasuble sans le prêtre.

SELBITZ.

Quand nous mettrons-nous en campagne ?

GŒTZ.

Demain ou après-demain. Il passera bientôt des marchands de Bamberg et de Nuremberg, venant de la foire de Francfort. Nous ferons une bonne prise.

SELBITZ.

Dieu le veuille ! (Ils sortent.)

Bamberg. La chambre d’Adélaïde.

ADÉLAÏDE, UNE FILLE D’HONNEUR.
ADÉLAÏDE.

Il est là, dis-tu ? J’ai peine à le croire.

LA FILLE D’HONNEUR.

Si je ne l’avais vu moi-même, je dirais que j’en doute.

ADÉLAÏDE.

L’évêque peut enchâsser Liebetraut dans l’or : il a fait un coup de maître.

LA FILLE D’HONNEUR.

Je l’ai vu, comme il allait entrer dans le château. Il montait un cheval blanc. L’animal s’est effrayé, au moment où il approchait du pont, et il refusait d’avancer. Le peuple était accouru de toutes les rues pour voir Weislingen, et se félicitait de l’indocilité de sa monture. On le saluait de tous côtés, et il saluait tout le monde. Il se tenait à cheval avec une agréable insouciance, et, par ses caresses et ses menaces, il a fait passer enfin à son destrier la porte du château, avec Liebetraut et quelques hommes.

ADÉLAÏDE.

Comment te plaît-il ?

LA FILLE D’HONNEUR.

Comme il est rare qu’un homme m’ait plu. Il ressemble à l’empereur, (elle montre le portrait de Maximilien) comme s’il était son fils : seulement le nez un peu plus petit ; les mêmes yeux caressants, brun clair ; comme lui, de beaux cheveux blonds, et tourné comme une poupée ; un peu de tristesse sur le visage… Je ne sais… il m’a charmée.

ADÉLAÏDE.

Je suis impatiente de le voir.

LA FILLE D’HONNEUR.

Ce serait un mari fait pour vous.

ADÉLAÏDE.

Folle !

LA FILLE D’HONNEUR.

Les enfants et les fous… (Entre Liebetraut.)

LIEBETRAUT.

À présent, madame, que mérité-je ?

ADÉLAÏDE.

Des cornes de votre femme ! Car, à juger par ceci, vous avez déjà, par votre babil, détourné de son devoir l’honnête femme de plus d’un voisin.

LIEBETRAUT.

Non pas, madame, je l’ai ramenée à son devoir, voulez-vous dire : car, si cela est arrivé, je l’ai cajolée sur le lit de son mari.

ADÉLAÏDE.

Comment avez-vous fait pour l’amener ?

LIEBETRAUT.

Vous savez trop bien comme on prend les bécasses : dois-je encore vous enseigner mes ruses ?… J’ai fait d’abord comme si je ne savais rien, et n’avais rien appris de sa conduite ; et par là je l’ai mis dans la fâcheuse nécessité de me conter toute l’histoire. Je l’ai aussitôt considérée d’un tout autre côté que lui ; je ne pouvais deviner… je ne pouvais comprendre… et ainsi de suite. Après, j’ai parlé de Bamberg à tort et à travers, les grandes choses, les petites ; j’ai réveillé certains vieux souvenirs, et, quand j’eus occupé son imagination, je renouai effectivement une quantité de fils que je trouvais rompus. Il ne savait ce qui se passait en lui ; il sentait pour Bamberg un nouvel attrait ; il voulait… sans vouloir. Comme il descendait dans son cœur, et cherchait à débrouiller cela, beaucoup trop occupé en lui-même pour être sur ses gardes, je lui jetai autour du cou une corde formée de trois fils bien forts, faveur des dames, faveur des princes et flatterie, et voilà comme je l’ai traîné ici.

ADÉLAÏDE.

Que lui avez-vous dit de moi ?

LIEBETRAUT.

La pure vérité : que vous aviez des difficultés au sujet de vos biens… que vous aviez espéré, comme il avait tant de crédit auprès de l’empereur, qu’il pourrait aisément terminer cela.

ADÉLAÏDE.

Bien !

LIEBETRAUT.

L’évêque vous l’amènera.

ADÉLAÏDE.

Je les attends… (Liebetraut se retire) dans des dispositions avec lesquelles j’attends rarement une visite.

Forêt de Spessart.

BERLICHINGEN, SELBITZ, GEORGE, en cavalier.
GŒTZ.

Tu ne l’as pas trouvé, George ?

GEORGE.

Il était parti la veille pour Bamberg avec Liebetraut et deux serviteurs.

GŒTZ.

Je ne comprends pas où cela doit aboutir.

SELBITZ.

Moi, je le comprends : votre réconciliation a été un peu trop prompte pour être durable. Ce Liebetraut est un drôle rusé, par qui il s’est laissé enjôler.

GŒTZ.

Crois-tu qu’il viole notre alliance ?

SELBITZ.

Le premier pas est fait.

GŒTZ.

Je ne crois pas. Qui sait s’il n’était pas forcé d’aller à la cour ! On lui doit encore de l’argent. Espérons pour le mieux.

SELBITZ.

Plût à Dieu qu’il le méritât et qu’il agît pour le mieux !

GŒTZ.

J’imagine une ruse : nous habillerons George de la dépouille du cavalier bambergeois, et nous lui ferons prendre son sauf-conduit ; il ira jusqu’à Bamberg et verra ce qui se passe.

GEORGE.

Voilà ce que j’ai longtemps espéré !

GŒTZ.

C’est ta première course. Sois prudent, mon garçon : je serais fâché qu’il t’arrivât malheur.

GEORGE.

Laissez seulement ! Je ne serai pas embarrassé, quand même toute une troupe fourmillerait autour de moi ; je m’en inquiète comme si c’étaient des rats et des souris. (Ils sortent.)

Bamberg.

L’ÉVÊQUE, WEISLINGEN.
L’ÉVÊQUE.

Tu ne veux pas te laisser retenir plus longtemps ?

WEISLINGEN.

Vous ne demanderez pas que je viole mon serment.

L’ÉVÊQUE.

J’aurais pu demander que tu ne le prêtasses pas. Quel esprit te guidait ? Ne pouvais-je te délivrer sans cela ? Ai-je si peu de crédit à la cour impériale ?

WEISLINGEN.

C’est fait : pardonnez-moi, si vous pouvez.

L’ÉVÊQUE.

Je ne puis comprendre ce qui t’obligeait le moins du monde de faire ce pas. Renoncer à moi ! N’y avait-il pas cent autres conditions pour ta délivrance ? Ne tenons-nous pas son vassal ? N’aurais-je pas assez donné d’argent, et ne l’aurais-je pas derechef apaisé ? Nos projets contre lui et ses compagnons auraient suivi leur cours… Ah ! je ne songe pas que je parle à son ami, qui travaille maintenant contre moi, et qui peut aisément détruire l’effet des mines qu’il a lui-même creusées.

WEISLINGEN.

Monseigneur !

L’ÉVÊQUE.

Et pourtant… lorsque je revois ton visage, que j’entends ta voix… c’est impossible, impossible !

WEISLINGEN.

Adieu, monseigneur.

L’ÉVÊQUE.

Je te donne ma bénédiction. Autrefois, quand tu partais, je te disais : « Au revoir. » À présent !… puissions-nous ne nous revoir jamais !

WEISLINGEN.

Les choses peuvent beaucoup changer.

L’ÉVÊQUE.

Peut-être te reverrai-je une fois, comme ennemi, devant mes murailles, ravager les campagnes qui te doivent aujourd’hui leur état florissant.

WEISLINGEN.

Non, monseigneur.

L’ÉVÊQUE.

Tu ne peux dire non. Les États séculiers, mes voisins, ont tous une dent contre moi. Aussi longtemps que je t’avais… Allez, Weislingen ! Je n’ai plus rien à vous dire. Vous avez mis à néant un grand ouvrage ! Allez !

WEISLINGEN.

Et je ne sais que répondre. (L’évêque sort. Franz entre en scène.)

FRANZ.

Adélaïde vous attend. Elle est souffrante, et ne veut pas néanmoins vous laisser partir sans adieu.

WEISLINGEN.

Viens.

FRANZ.

Il est donc certain que nous partons ?

WEISLINGEN.

Dès ce soir.

FRANZ.

C’est pour moi comme si je devais quitter ce monde.

WEISLINGEN.

Pour moi aussi, et, de plus, sans savoir où je vais.

La chambre d’Adélaïde.

ADÉLAÏDE, LA FILLE D’HONNEUR.
LA FILLE D’HONNEUR.

Vous semblez pâle, madame.

ADÉLAÏDE.

Je ne l’aime pas, et pourtant je voudrais qu’il restât. Vois-tu, je pourrais vivre avec lui, quoique je n’en voulusse pas pour mari.

LA FILLE D’HONNEUR.

Croyez-vous qu’il parte ?

ADÉLAÏDE.

Il est chez l’évêque pour lui faire ses adieux.

LA FILLE D’HONNEUR.

Plus tard il lui reste encore à soutenir un pénible combat.

ADÉLAÏDE.

Que veux-tu dire ?

LA FILLE D’HONNEUR.

Que demandez-vous, madame ? Vous avez pris son cœur à l’hameçon, et, s’il veut se dégager, il saignera. (La fille d’honneur se retire. Entre Weislingen.)

WEISLINGEN.

Vous êtes souffrante, madame ?

ADÉLAÏDE.

Cela doit vous être indifférent. Vous nous quittez, vous nous quittez pour toujours : que vous importe si nous vivons ou mourons ?

WEISLINGEN.

Vous me méconnaissez.

ADÉLAÏDE.

Je vous prends tel que vous vous donnez.

WEISLINGEN.

L’apparence trompe.

ADÉLAÏDE.

Ainsi vous êtes un caméléon ?

WEISLINGEN.

Si vous pouviez voir dans mon cœur !

ADÉLAÏDE.

Il s’offrirait à mes yeux de belles choses.

WEISLINGEN.

Assurément ! Vous y trouveriez votre image.

ADÉLAÏDE.

Dans quelque recoin, avec les portraits de familles éteintes. Je vous en prie, Weislingen, songez que vous parlez à moi. Les fausses paroles ont beaucoup de pouvoir, quand elles sont le masque de nos actions. Un masque qui est reconnaissable joue un triste rôle. Vous ne désavouez pas vos actions, et vos paroles y sont contraires : que faut-il penser de vous ?

WEISLINGEN.

Ce que vous voudrez. Je me sens si excédé de ce que je suis, que je m’inquiète peu de ce qu’on pensera de moi.

ADÉLAÏDE.

Vous venez prendre congé ?

WEISLINGEN.

Permettez-moi de vous baiser la main, et je vous dis adieu ! Vous m’en faites souvenir ! Je ne songeais pas… Je suis importun, madame.

ADÉLAÏDE.

Vous l’entendez mal : je voulais vous mettre à l’aise, car vous désirez partir.

WEISLINGEN.

Oh ! dites que je le dois. Si le devoir de chevalier, si une promesse sacrée ne m’entraînait pas…

ADÉLAÏDE.

Allez ! allez ! contez cela aux jeunes filles qui lisent le Theuerdank[2], et qui souhaitent un époux de ce caractère. Devoir de chevalier, jeu d’enfant !

WEISLINGEN.

Vous ne pensez pas ainsi.

ADÉLAÏDE.

Sur ma parole, vous dissimulez ! Qu’avez-vous promis ? Et à qui ? Engager votre foi à un homme qui manque à la sienne envers l’empereur et l’Empire ; l’engager, dans l’instant même où il encourt la peine du ban pour vous avoir fait prisonnier ! Engager votre foi, qui ne peut être plus valable qu’un serment injuste et forcé ! Nos lois ne délient-elles pas de pareilles promesses ? Persuadez cela aux enfants qui croient au Rubezahl[3]. Il y a d’autres choses là-dessous. Devenir l’ennemi de l’Empire ! l’ennemi de la paix et de la félicité publique ! l’ennemi de l’empereur ! le complice d’un brigand ! Toi, Weislingen, avec ton cœur tendre !

WEISLINGEN.

Si vous le connaissiez…

ADÉLAÏDE.

Je voudrais lui rendre justice. Il a une âme grande, indomptable. Et justement pour cela, malheur à toi, Weislingen ! Va, et figure-toi que tu es son compagnon. Va, et laisse-toi gouverner. Tu es amical, obligeant…

WEISLINGEN.

Il l’est aussi.

ADÉLAÏDE.

Mais tu es flexible et il ne l’est pas. Insensiblement, il t’entraînera ; tu deviendras l’esclave d’un gentilhomme, quand tu pourrais commander à des princes… Mais c’est une barbarie de te faire prendre en dégoût ta condition future.

WEISLINGEN.

Si tu avais vu quel aimable accueil il m’a fait !

ADÉLAÏDE.

Aimable ! Tu lui en sais gré ? C’était son devoir. Et qu’aurais-tu perdu, s’il t’avait rebuté ? Cela aurait dû m’être plus agréable. Un homme orgueilleux comme lui !

WEISLINGEN.

Vous parlez de votre ennemi.

ADÉLAÏDE.

Je parlais pour votre liberté… et ne sais après tout quel intérêt j’y prends. Adieu.

WEISLINGEN.

Permettez encore un moment ! (Il prend la main d’Adélaïde et se tait.)

ADÉLAÏDE.

Avez-vous encore quelque chose à me dire ?

WEISLINGEN, après un moment de silence.

Je dois partir.

ADÉLAÏDE.

Allez.

WEISLINGEN.

Madame… je ne puis.

ADÉLAÏDE.

Vous le devez.

WEISLINGEN.

Est-ce là votre dernier regard ?

ADÉLAÏDE.

Allez, je suis malade, fort à contre-temps.

WEISLINGEN.

Ne me regardez pas ainsi.

ADÉLAÏDE.

Veux-tu donc être notre ennemi et que l’on te sourie ? Va.

WEISLINGEN.

Adélaïde !

ADÉLAÏDE.

Je vous hais. (Entre Franz.)

FRANZ.

Monseigneur, l’évêque vous fait demander.

ADÉLAÏDE.

Allez ! allez !

FRANZ.

Il vous prie de venir au plus tôt.

ADÉLAÏDE.

Allez ! allez !

WEISLINGEN.

Je ne vous fais pas mes adieux. Je vous reverrai. (Il sort.)

ADÉLAÏDE.

Me revoir ! Nous ne le permettrons pas. Marguerite, s’il vient, renvoie-le. Je suis malade, j’ai la migraine, je dors… Renvoie-le. Si l’on peut le gagner encore, c’est par cette voie. (Elle sort.)

Une antichambre.

WEISLINGEN, FRANZ.
WEISLINGEN.

Elle ne veut pas me voir ?

FRANZ.

Il se fait nuit : dois-je seller les chevaux ?

WEISLINGEN.

Elle ne veut pas me voir ?

FRANZ.

Pour quelle heure monseigneur commande-t-il les chevaux ?

WEISLINGEN.

Il est trop tard ! Nous restons ici.

FRANZ.

Dieu soit loué ! (Il sort.)

WEISLINGEN.

Tu restes ! Sois sur tes gardes : la tentation est grande. Mon cheval s’est effrayé, comme je voulais franchir la porte du château : mon bon génie se plaçait devant lui ; il connaissait les dangers qui m’attendaient ici… Mais ces nombreuses affaires de l’évêque, que je laissais inachevées, n’est-il pas juste au moins de les mettre en ordre, afin qu’un successeur puisse les reprendre où je les ai laissées ? Je puis faire tout cela sans offenser Berlichingen et notre alliance. Car ils ne doivent pas me retenir ici… Il vaudrait mieux cependant n’être pas venu. Mais je partirai demain… ou après-demain. (Il sort.)

Forêt de Spessart.

GŒTZ, SELBITZ, GEORGE.
SELBITZ.

Vous le voyez, il en est allé comme j’ai dit.

GŒTZ.

Non ! non ! non !

GEORGE.

Croyez que je vous fais un rapport véritable. J’ai fait comme vous l’avez ordonné : j’ai pris le sarrau du Bambergeois et son sauf-conduit, et, pour gagner du moins de quoi boire et manger, j’ai escorté jusqu’à Bamberg des paysans de Reineck.

SELBITZ.

Sous ton déguisement ? Cela aurait pu mal tourner pour toi.

GEORGE.

C’est aussi à quoi je songe après coup. Un cavalier qui réfléchit d’avance à ces choses-là ne fera pas beaucoup de chemin. J’arrivai à Bamberg, et tout de suite j’entendis raconter dans l’auberge, que Weislingen et l’évêque étaient réconciliés, et qu’on parlait beaucoup d’un mariage avec la veuve du seigneur de Walldorf.

GŒTZ.

Bavardages !

GEORGE.

Je le vis comme il la conduisait à table. Elle est belle, par ma foi, elle est belle ! Nous saluâmes tous, elle nous rendit notre salut ; il fit un signe de tête, et paraissait fort joyeux. Ils passèrent, et le peuple disait tout bas : « Quel beau couple ! »

GŒTZ.

Cela peut être.

GEORGE.

Écoutez la suite. Le lendemain, comme il allait à la messe, je pris mon temps. Il était seul avec un page. Je me plaçai auprès de l’escalier, et lui dis doucement : « Deux mots, de la part de votre Berlichingen. » Il fut troublé ; je vis sur son visage l’aveu de son crime ; il eut à peine le cœur de me regarder, moi, mauvais apprenti cavalier.

SELBITZ.

Cela prouve que sa conscience était encore plus mauvaise que ta condition.

GEORGE.

« Tu es Bambergeois ? dit-il. — Je vous apporte les salutations du chevalier Berlichingen, lui dis-je, et je dois vous demander… — Viens demain matin chez moi, reprit-il, nous en dirons davantage. »

GŒTZ.

Y es-tu allé ?

GEORGE.

Certainement, j’y suis allé, et j’ai dû attendre dans l’antichambre longtemps, longtemps. Et les pages vêtus de soie me regardaient par devant et par derrière. Je disais en moi-même : « Regardez… » Enfin on me fit entrer ; il paraissait mécontent : ça m’était égal. Je m’avançai vers lui et fis ma commission. Il prit un air fâché, comme un homme qui n’a point de cœur et ne veut pas qu’on s’en aperçoive. Il s’étonna que vous lui fissiez demander compte par un novice comme moi. Cela me fâcha. Je lui dis qu’il n’y avait que deux sortes de gens, les honnêtes et les fourbes, et que je servais Gœtz de Berlichingen. Alors il se mit à enfiler toutes sortes de propos détournés, qui finirent par ceci, que vous l’aviez surpris, qu’il ne vous devait rien, et qu’il ne voulait rien avoir à faire avec vous.

GŒTZ.

Tiens-tu cela de sa bouche ?

GEORGE.

Cela et bien d’autres choses… Il m’a menacé…

GŒTZ.

Il suffit ! Ce serait encore un de perdu ! Loyauté, confiance, vous m’avez de nouveau trompé ! Pauvre Marie ! Comment t’apprendrai-je cela ?

SELBITZ.

J’aimerais mieux perdre mon autre jambe que d’être un pareil faquin. (Ils s’éloignent.)

Bamberg.

ADÉLAÏDE, WEISLINGEN.
ADÉLAÏDE.

Le temps commence à me devenir d’une longueur insupportable ; je ne puis parler, et je rougis de feindre avec vous. Ennui, tu es plus dévorant qu’une fièvre lente.

WEISLINGEN.

Êtes-vous déjà lasse de moi ?

ADÉLAÏDE.

De vous moins que de votre société. Je voudrais que vous fussiez où vous vouliez aller, et que nous ne vous eussions pas retenu.

WEISLINGEN.

Telle est la faveur des femmes ! Elle couve d’abord, avec un zèle maternel, nos plus chères espérances ; puis, comme une poule inconstante, elle déserte le nid, et abandonne sa postérité, déjà près d’éclore, à la mort et à la pourriture.

ADÉLAÏDE.

Médisez des femmes ! Le joueur imprudent déchire et foule aux pieds les cartes, cause innocente de sa perte. Mais laissez-moi vous parler un peu des hommes. Qu’êtes-vous donc, vous autres, pour parler d’inconstance, vous qui êtes rarement ce que vous voulez, et jamais ce que vous devriez être ? Rois en ornements de fêtes, enviés de la foule ! Que donnerait la femme d’un tailleur pour avoir autour du cou un fil des perles, cousues au bas de votre manteau, que vos talons repoussent dédaigneusement !

WEISLINGEN.

Vous êtes amère.

ADÉLAÏDE.

C’est l’antistrophe[4] de votre chant. Avant que je vous connusse, Weislingen, il m’est arrivé comme à la femme du tailleur. La renommée aux cent voix, soit dit sans métaphore, vous avait si étrangement préconisé, que je me laissai séduire, et souhaitai que cette quintessence du sexe mâle, ce Weislingen, ce phénix, parût devant mes yeux. Mon souhait fut accompli.

WEISLINGEN.

Et le phénix se trouva être tout simplement un coq domestique.

ADÉLAÏDE.

Non, Weislingen, je pris intérêt à vous.

WEISLINGEN.

Il semblait…

ADÉLAÏDE.

Et c’était vrai ; car, en vérité, vous surpassiez votre renommée. La foule n’apprécie que le reflet du mérite. Mais, comme il est dans mon caractère de ne pouvoir approfondir les personnes auxquelles je veux du bien, nous avons vécu quelque temps près l’un de l’autre ; il me manquait quelque chose, et je ne savais ce que je regrettais de ne pas trouver en vous. Enfin mes yeux s’ouvrirent. Je voyais, au lieu de l’homme actif, qui imprimait la vie aux affaires d’une principauté, qui n’oubliait, à côté de cela, ni lui ni sa renommée, qui sur cent grandes entreprises, comme sur des montagnes entassées, s’était élevé jusqu’aux nues : je voyais tout à coup un homme gémissant comme un poëte malade, mélancolique comme une fraiche jeune fille, et plus oisif qu’un vieux garçon. D’abord je l’attribuai à votre malheur, qui, récent encore, vous pesait sur le cœur, et je vous excusais de mon mieux. Mais à présent, que votre état semble empirer de jour en jour, vous devez me pardonner, si je vous retire ma faveur. Vous la possédez sans titre ; je l’avais donnée pour la vie à un autre, qui ne pouvait vous la transmettre.

WEISLINGEN.

Ainsi vous m’abandonnez !

ADÉLAÏDE.

Non pas avant que toute espérance soit perdue. Dans ces circonstances, la solitude est dangereuse… Pauvre malheureux ! Vous êtes aussi découragé qu’un amant à qui sa première maîtresse devient infidèle, et c’est justement pourquoi je ne vous abandonne pas. Donnez-moi la main, et pardonnez-moi ce que l’amour m’a fait dire.

WEISLINGEN.

Si tu pouvais m’aimer, si tu pouvais accorder à mon ardeur brûlante quelque rafraîchissement ! Adélaïde, tes reproches sont souverainement injustes. Si tu pouvais soupçonner la centième partie de ce qui se passe en moi depuis quelque temps, tu ne m’aurais pas si impitoyablement tourmenté par la prévenance, l’indifférence et le mépris… Tu souris !… Pour me remettre d’accord avec moi-même, après ma démarche précipitée, il m’a fallu plus d’un jour. Travailler contre l’homme dont le souvenir a réveillé chez moi une si vive affection !

ADÉLAÏDE.

Homme étrange, qui peux aimer celui que tu envies ! C’est comme si je portais des munitions à mon ennemi.

WEISLINGEN.

Je le sens bien, il n’y a plus à différer. Il est informé que je suis redevenu Weislingen, et il choisira son temps pour nous prendre à son avantage. Et nous ne sommes pas, Adélaïde, aussi négligents que tu l’imagines. Nos cavaliers sont renforcés et sur leurs gardes ; nos négociations se poursuivent, et la diète d’Augsbourg doit, je l’espère, amener nos projets à maturité.

ADÉLAÏDE.

Vous irez ?

WEISLINGEN.

Si je pouvais emporter une espérance ! (Il lui baise la main.)

ADÉLAÏDE.

Oh ! les incrédules ! Toujours des gages et des miracles ! Va, Weislingen, et achève l’ouvrage. L’intérêt de l’évêque, le tien, le mien, sont tellement entremêlés, que, même par simple politique…

WEISLINGEN.

Tu railles peut-être.

ADÉLAÏDE.

Je ne raille point. Mes biens sont dans les mains de ce duc orgueilleux ; Gœtz ne laissera pas longtemps les tiens sans insulte ; et, si nous ne restons pas ligués comme nos ennemis, si nous ne mettons pas l’empereur de notre côté, nous sommes perdus.

WEISLINGEN.

Je suis sans inquiétude. La plus grande partie des princes pensent comme nous. L’empereur demande des secours contre les Turcs, et, en échange, il est juste qu’il nous soutienne à son tour. Quelle joie pour moi d’arracher tes biens à d’insolents ennemis, de mettre sur l’oreiller ces têtes turbulentes de Souabe, d’assurer le repos de l’évêché, de nous tous, et puis ?…

ADÉLAÏDE.

Un jour amène l’autre, et l’avenir est dans les mains de la destinée.

WEISLINGEN.

Mais il faut vouloir.

ADÉLAÏDE.

Eh bien, nous voulons.

WEISLINGEN.

Certainement ?

ADÉLAÏDE.

Eh oui ! Partez !

WEISLINGEN.

Enchanteresse !

Une auberge. — Une noce de paysans. Danse et musique au dehors.

LE BEAU-PÈRE, GŒTZ, SELBITZ, à table ; LE GENDRE vient à eux.
GŒTZ.

C’était le plus sage de terminer ainsi heureusement et joyeusement votre querelle par un mariage.

LE BEAU-PÈRE.

C’est mieux que je n’aurais pu le rêver. Le repos et la paix avec mon voisin, et, avec cela, une fille bien pourvue.

LE GENDRE.

Et moi, en possession du fonds en litige et, par-dessus, du plus joli minois de tout le village. Plût à Dieu que vous vous y fussiez décidé plus tôt !

SELBITZ.

Combien de temps avez-vous plaidé ?

LE BEAU-PÈRE.

Près de huit années. J’aimerais mieux avoir la fièvre le double de ce temps-là que de recommencer. C’est un tiraillement que vous ne pouvez croire, jusqu’à ce qu’on ait arraché à ces perruques une sentence. Et qu’avons-nous ensuite ? Le diable emporte l’assesseur Sapoupi ! C’est un damné Italien à face noire !

LE GENDRE.

Oui, c’est un furieux drôle. J’y suis allé deux fois.

LE BEAU-PÈRE.

Et moi trois. Et voyez-vous, messieurs, nous obtenons enfin une sentence, qui me donne droit autant qu’à lui, et à lui autant qu’à moi ; et nous restions là comme deux niais, jusqu’à ce qu’enfin notre Seigneur Dieu m’ait inspiré de lui donner ma fille et l’objet en litige par surcroît.

GŒTZ. Il boit.

Bon accord à l’avenir !

LE BEAU-PÈRE.

Dieu nous le donne ! Mais, quoi qu’il arrive, je ne plaiderai plus de ma vie. Que d’argent cela coûte ! Chaque révérence que vous fait un procureur, vous devez la payer.

SELBITZ.

Vous avez pourtant chaque année les inspections de la justice impériale.

LE BEAU-PÈRE.

Je n’en ai rien aperçu. Maints beaux écus m’ont glissé des doigts. C’est inouï ce qu’il faut débourser !

GŒTZ.

Comment cela ?

LE BEAU-PÈRE.

Ah ! tous vous tendent la main. L’assesseur, à lui seul, Dieu le lui pardonne ! m’a pris dix-huit florins d’or.

LE GENDRE.

Qui ?

LE BEAU-PÈRE.

Qui d’autre que ce Sapoupi ?

GŒTZ.

C’est infâme.

LE BEAU-PÈRE.

Bon ! je devais lui en payer vingt. Et, lorsque je les lui eus comptés, dans la grande salle de sa maison de campagne, qui est magnifique, je sentis mon cœur presque brisé de chagrin. Car, voyez-vous, une maison et une basse-cour, c’est bien : mais d’où faut-il tirer de l’argent comptant ? J’étais là, Dieu sait dans quel état ! Je n’avais pas dans ma bourse un rouge liard pour la route. Enfin je pris courage, et le lui représentai. Quand il vit que l’eau m’en venait aux yeux, il me rejeta deux florins et me renvoya.

LE GENDRE.

Ce n’est pas possible ! Sapoupi !

LE BEAU-PÈRE.

Pourquoi t’étonner ? Certainement. Point d’autre.

LE GENDRE.

Que le diable l’emporte ! Il m’a pris aussi quinze florins d’or.

LE BEAU-PÈRE.

Malédiction !

SELBITZ.

Gœtz !… Et nous sommes des brigands !

LE BEAU-PÈRE.

Voilà pourquoi la sentence était si louche ! Le chien !

GŒTZ.

Il ne faut pas laisser cela impuni.

LE BEAU-PÈRE.

Que devons-nous faire ?

GŒTZ.

Rendez-vous à Spire. C’est justement le temps de l’inspection. Faites votre déclaration : ils devront examiner la chose, et vous feront rendre votre argent.

LE GENDRE.

Croyez-vous que nous en venions à bout ?

GŒTZ.

Si je pouvais lui donner sur les oreilles, j’oserais vous le promettre.

SELBITZ.

La somme vaut bien une tentative.

GŒTZ.

Il m’est arrivé de monter à cheval pour le quart de cela.

LE BEAU-PÈRE, au gendre.

Qu’en penses-tu ?

LE GENDRE.

Essayons ! advienne que pourra. (Entre George.)

GEORGE.

Les Nurembergeois sont en marche.

GŒTZ.

Où ?

GEORGE.

Si nous partons sans aucun bruit, nous les surprendrons entre Beerheim et Muhlbach, dans la forêt.

SELBITZ.

À merveille !

GŒTZ.

Venez, enfants. (Au beau-père et au gendre.) Dieu vous garde, mes amis ! Qu’il nous aide tous à soutenir nos droits !

LES PAYSANS.

Grand merci ! Vous ne voulez pas rester à souper ?

GŒTZ.

Impossible. Adieu.



  1. Refrain en usage dans les vieilles ballades.
  2. Theuerdank est le héros d’un poème historique et allégorique, attribué à Melchior Pfinzing, secrétaire de Maximilien Ier. Le sujet historique de ce poëme est le mariage de cet empereur avec Marie, la belle et riche héritière de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire, et c’est sans doute ce qui valut à ce poëme, dès longtemps oublié, la popularité dont il jouissait chez les contemporains de Maximilien. Avant d’obtenir la main de la princesse, le chevaleresque empereur avait à traverser un grand nombre d’aventures, vraies ou fictives, que la poète conte fort en détail, en les revêtant d’une forme allégorique.
  3. Rubezahl est l’esprit des monts des Géants. Habitant les profondeurs, il ne paraît qu’à de longs intervalles à la surface de la terre, tantôt secourant les malheureux et les pauvres, tantôt maltraitant, dans ses accès de misanthropie les voyageurs, surtout lorsqu’ils sont moqueurs ou incrédules.
  4. On a conservé le mot du texte allemand : cette expression sent l’époque de la Renaissance.