II. — Physionomie générale.

Le département du Nord se partage en deux régions très-différentes de nature et d’aspect la Flandre et les Ardennes.

La Flandre comprend le nord et le centre du département. On peut la considérer comme s’arrêtant à la rive gauche de l’Escaut ; elle couvre donc les arrondissements de Dunkerque, d’Hazebrouck, de Lille, de Douai et une partie de celui de Valenciennes, ce qui fait environ les trois cinquièmes du territoire. La France a des contrées aussi fertiles, mais elle n’en a pas d’aussi productives, d’aussi bien cultivées, ni d’aussi peuplées, en exceptant, toutefois le département de la Seine, auquel Paris donne une densité de population exceptionnelle. La présence de la houille, qui se trouve dans le sous-sol de 60,000 hectares, a permis à l’industrie d’y prendre un développement égal à celui de l’agriculture ; aussi la Flandre est-elle comme une immense ville dont les quartiers seraient tantôt séparés par des champs admirablement soignés, tantôt reliés par des groupes d’usines que dominent de hautes cheminées.


Cassel, vu de la route de Saint-Omer.


Mais, autant ce pays est riche, autant il est monotone : les collines y manquent presque partout ; les rivières y sont lentes, canalisées, noircies par le charbon de terre, les détritus des usines, les immondices des cités. La campagne n’a d’autre élément de variété que la prédominance de telle ou telle culture, de telle ou telle espèce d’arbres autour des fermes et sur la berge des chemins et des canaux. Ce sont toujours les mêmes villes, les mêmes bâtiments industriels, les mêmes vallons effacés, le même aspect, du premier plan jusqu’à l’horizon.

La Flandre est peu élevée au-dessus du niveau de la mer, surtout dans le nord du département, entre les collines de Cassel et les dunes du littoral de Dunkerque : là s’étendent au loin, sur 40,000 hectares, des terrains à peu près de niveau avec l’Océan, dont ils furent autrefois un golfe. Ce golfe, il y a mille ans, se changea en marais. Aujourd’hui, ces 40,000 hectares sont une des plaines les plus fécondes du pays ; mais, si l’on négligeait les digues et les canaux innombrables qui les mettent à l’abri de l’invasion des eaux, ils ne tarderaient pas à redevenir marécages.

C’est précisément à la lisière méridionale de ces terres les plus basses de la Flandre que se dressent les collines les plus hautes de la région, le mont de Cassel, le mont des Cats, le mont Noir. Ils n’ont que 175, 138 et 131 mètres d’altitude, autrement dit d’élévation au-dessus de la mer ; mais, comme ils n’ont ni voisins, ni rivaux, et qu’ils s’élancent du milieu de plaines extrêmement plates, ils offrent une telle importance, qu’on leur pardonne leur nom de montagne, bien qu’ils ne méritent que celui de coteaux. De leur cime, le regard, que rien ne contrarie, embrasse un immense horizon sur la France et sur la Belgique. Les autres collines du pays de Flandre sont insignifiantes.

À partir de la vallée de l’Escaut, le sol se relève dans la direction du sud-est, il s’accidente, les coteaux se redressent et se boisent, les vallons se creusent ; on entre dans les Ardennes, massif de petites montagnes et de plateaux qui couvre le sud de la Belgique et donne son nom à un département français presque limitrophe des cantons sud-est du Nord. L’arrondissement d’Avesnes, qui appartient en entier à la région des Ardennes, ne ressemble en rien à la portion centrale et septentrionale du département auquel il a été rattaché. Au lieu d’être monotone, mais admirablement cultivé, opulent, extrêmement peuplé, il est pittoresque, mais comparativement peu riche, avec peu d’habitants. Il possède à lui seul plus de la moitié des bois que renferme le territoire. Ses deux plus belles forêts sont la forêt de Trélon, près d’Avesnes, et la forêt de Mormal (V. p. 30), près de Landrecies. C’est dans son canton le plus méridional, le canton de Trélon, que se dresse le sommet culminant du Nord, le bois de Saint-Hubert, qui atteint 266 mètres. Il faudrait donc quadrupler la hauteur du beffroi de Dunkerque, et ajouter encore 26 mètres, pour bâtir sur le bord de la mer un belvédère aussi élevé que la colline de Saint-Hubert : celle-ci touche tout à fait à la Belgique ; Anor en est le village le plus voisin.

Au sud de la Flandre, à l’ouest des Ardennes, les collines de l’arrondissement de Cambrai, hautes généralement de 100 à 150 mètres, vont se réunir au plateau de l’Artois et de la Picardie.