Génie du christianisme/Partie 3/Livre 3/Chapitre VII
Chapitre VII - Philippe de Commines et Rollin
Un chrétien a éminemment les qualités qu’un ancien demande de l’historien… un bon sens pour les choses du monde et une agréable expression[1].
Comme écrivain des Vies, Philippe de Commines ressemble singulièrement à Plutarque ; sa simplicité est même plus franche que celle du biographe antique : Plutarque n’a souvent que le bon esprit d’être simple ; il court volontiers après la pensée : ce n’est qu’un agréable imposteur en tours naïfs.
A la vérité il est plus instruit que Commines, et néanmoins le vieux seigneur gaulois, avec l’Evangile et sa foi dans les ermites, a laissé, tout ignorant qu’il était, des mémoires pleins d’enseignement. Chez les anciens il fallait être docte pour écrire ; parmi nous, un simple chrétien, livré, pour seule étude, à l’amour de Dieu, a souvent composé un admirable volume ; c’est ce qui a fait dire à saint Paul : " Celui qui, dépourvu de la charité, s’imagine être éclairé, ne sait rien. "
Rollin est le Fénelon de l’histoire, et, comme lui, il a embelli l’Égypte et la Grèce. Les premiers volumes de l’Histoire ancienne respirent le génie de l’antiquité : la narration du vertueux recteur est pleine, simple et tranquille, et le christianisme, attendrissant sa plume, lui a donné quelque chose qui remue les entrailles. Ses écrits décèlent cet homme de bien dont le cœur est une fête continuelle[2], selon l’expression merveilleuse de l’Ecriture. Nous ne connaissons point d’ouvrages qui reposent plus doucement l’âme. Rollin a répandu sur les crimes des hommes le calme d’une conscience sans reproche et l’onctueuse charité d’un apôtre de Jésus-Christ. Ne verrons-nous jamais renaître ces temps où l’éducation de la jeunesse et l’espérance de la postérité étaient confiées à de pareilles mains !