Français, reprenez le pouvoir !/Partie 4/Chapitre 16


La naissance et l’éducation d’enfants figurent parmi les plus grandes joies, mais aussi les plus importantes responsabilités de tout être humain. La politique familiale ne répond cependant pas seulement à ce bonheur personnel, elle obéit aussi à la volonté de la nation d’assurer son équilibre et son renouvellement.

La France n’a pas à rougir de son avance sur le front démographique. Elle échappe ainsi, avec un taux de fécondité proche du renouvellement (1,94 en 2005), à l’effondrement de ses voisins. La situation du continent européen est en effet extrêmement inquiétante, puisqu’un indice de fécondité de 1,45 représente, depuis déjà vingt-cinq ans, moins de 70 % du seuil de renouvellement des générations.

Si cette situation devait perdurer, cela signifierait qu’à chacune des générations successives, 30 % des Européens de souche disparaîtraient[1]. Dans certains pays, la situation est encore plus catastrophique, le taux de fécondité tombant à moins de 1,5 enfant par femme (Espagne, Italie ou Allemagne).

Malgré tout, il nous faut consolider cette situation. La dureté de la vie quotidienne peut conduire à une rechute et pour équilibrer notre régime de retraites, la seule vraie solution consiste à atteindre l’équilibre de renouvellement des générations. Mais surtout, au-delà des chiffres, une grande part des familles françaises, toutes les enquêtes d’opinion le démontrent, souhaiteraient s’agrandir si les conditions matérielles le leur permettaient. C’est pourquoi je propose de réinventer la politique familiale en accentuant l’effort dans trois directions.

Tout d’abord il est important de renforcer certaines aides en complément des dispositions positives déjà prises récemment par le gouvernement. L’augmentation des primes pour le premier et le deuxième enfant, la création d’un droit supplémentaire à la retraite pour les femmes au-delà du troisième, comme cela existe dans la fonction publique, la modulation de l’impôt sur les sociétés en fonction de la pyramide des âges, la baisse de la TVA sur les articles de puériculture, le déplafonnement du quotient familial, constitueraient autant de leviers pour compenser le coût toujours plus élevé d’un enfant dans notre société de consommation.

Aucune mesure ne remplacera cependant une politique audacieuse en faveur du logement. Le point de blocage aujourd’hui est bien là. D’ores et déjà le gouvernement a, en ce domaine, réussi à relancer la construction[2]. Pour autant, il n’a pas suffisamment incité les Français les plus modestes à devenir propriétaires et l’offre augmente de manière très inégalitaire selon les régions (en Île-de-France, dans le Languedoc-Roussillon et en PACA où les besoins sont les plus grands, l’augmentation est modérée: +7 %, +4 %). Les dégrèvements fiscaux engendrent des effets d’aubaine et élargissent un marché locatif qui ne trouve pas toujours preneur dans les villes moyennes (où le foncier reste relativement accessible).

Face aux excès et aux dérapages du marché immobilier, l’État ne devra pas hésiter à se montrer plus sévère, en réglementant certaines pratiques qui heurtent ouvertement l’intérêt général (ventes « à la découpe »).

Par ailleurs le logement social peine à redémarrer (42 000 en construction en 2005 contre un objectif fixé entre 40 000 et 90 000). Or, par complexe vis-à-vis de la gauche, l’hymne au logement social a été entonné en chœur, en stigmatisant les maires qui ne voudraient pas aider les « pauvres ».

Il est vrai que, pour des raisons politiques, certains refusent de construire des HLM dans leurs communes. Il faut les pénaliser avec fermeté. De même, il faut favoriser la mixité sociale en incitant les communes à construire des logements sociaux et des structures HLM à taille humaine, comme je l’ai fait à Yerres. La SEM que nous avons fondée, contre l’avis de la Direction départementale de l’Équipement, rachète des pavillons et y crée de petits logements que nous attribuons à ceux qui en ont le plus besoin. Bien répartis dans la ville, tenus avec rigueur, ils nous ont permis en moins de cinq ans d’offrir deux cent cinquante nouveaux logements sociaux qui représentent 14 % du nombre de logements au lieu de 11 %.

Sachons intervenir intelligemment et renforçons surtout l’accession des plus modestes à la propriété. Le rêve de nos compatriotes est d’avoir un toit à eux. Les loyers des HLM sont chers, les coûts des structures beaucoup plus élevés qu’on ne le dit. À la fin de sa vie, un locataire sérieux de HLM aura dépensé une part importante de ses revenus sans rien léguer à ses enfants. Pis, on le condamne à vivre toujours au même endroit, car, faute de capitaliser, il ne peut plus acquérir à proximité immédiate et en l’absence de rotation du parc, il peut difficilement déménager.

L’objectif politique doit être précis. Je propose ainsi d’aider en cinq ans cinq millions de ménages à devenir propriétaires (soit un million par an contre 600 000 entre 1997 et 2001 et 400 000 entre 1988 et 1996). La vente par les organismes HLM d’une partie de leur parc permettrait aux locataires dotés de revenus corrects de prendre leur envol. Avec l’argent de la vente abondé par l’État, les organismes qui s’engagent dans cette politique pourraient construire de nouveaux logements.

D’autre part, cette politique globale de l’accession à la propriété pourrait être renforcée par une incitation à la constitution d’agences foncières locales, à la mécanisation des procédés de construction, à l’élargissement du prêt à taux zéro et à la mise en œuvre de garanties et de prêts à quarante ans.

Pourquoi la Caisse des dépôts, qui prête à très long terme (quarante ans) à des organismes HLM, ne pourrait-elle pas le faire pour des particuliers? Ce serait possible avec la création d’un fonds de garantie.

Permettre aux Français de devenir propriétaires, offrir une palette de logements suffisamment diversifiée ville par ville, mieux répartir les logements sociaux sur le territoire, permettre aux plus démunis d’être enfin dignement logés, tels sont les défis de demain.

Enfin, troisième axe d’une nouvelle politique familiale, la révolution du temps choisi. Cette question de la gestion du temps est beaucoup plus importante qu’on ne le croit pour inciter à la natalité. En raison du chômage des jeunes et des préretraites, le grand paradoxe de notre société consiste à concentrer la période active professionnelle sur les années d’éducation des enfants. Il va de soi qu’elles ont toujours coïncidé, mais jamais à ce point. C’est pourquoi, si j’ai toujours été hostile à la réforme brutale des trente-cinq heures, je crois pertinent d’inciter à une meilleure gestion du temps de travail tout au long de la vie.

Évitons ainsi de commettre l’erreur inverse de la gauche. Tentons de sortir de l’impasse des trente-cinq heures par une réflexion globale et par des mesures simples, à l’image de l’ancienne loi Robien, pour inciter les entreprises à créer de l’emploi pour tous, en permettant à ceux qui le veulent de travailler plus ou moins en gagnant plus ou moins dans la limite d’un plafond maximum. Je ne crois pas en effet souhaitable d’abolir la durée du travail, ni le statut des heures supplémentaires, comme le propose Nicolas Sarkozy. Nous concentrerions en effet l’emploi sur les mêmes, en laissant de côté beaucoup de chômeurs. Nous accentuerions le partage brutal du temps de travail à la française[3]. Je crois à l’inverse indispensable de raisonner en temps annuel et au cours d’une vie, l’objectif étant d’étaler au maximum ce temps entre le début de la vie active et soixante-cinq ans.

N’est-il pas plus épanouissant de travailler moins longtemps chaque semaine, mais davantage d’années au cours de la vie? Dans une société de liberté, l’État doit donc inciter les entreprises et les salariés à trouver des accords qui permettent d’employer le maximum de salariés.


  1. En prenant comme base 100 en l’an 2000, cela veut dire 70 en 2030, 49 en 2060 et 34,3 en 2090.
  2. 400 000 logements mis en chantier contre 205 000 par an dans la décennie 1990.
  3. Trois millions de chômeurs travaillent zéro heure, quatre millions de personnes sont à temps partiel et dix-neuf millions travaillent à plein temps. Les plus de cinquante-cinq ans sont aux deux tiers en retraite.