Français, reprenez le pouvoir !/Partie 3/Chapitre 5


Il y a à peine quatre ans, j’inaugurais avec le maire de Brunoy, ville voisine de la mienne, un bureau de police flambant neuf, installé dans un pôle de services publics comprenant bureau de poste et mairie annexe. Tous les crédits de la politique de la ville avaient été mobilisés pour ce projet et nous étions tous fiers de cette réalisation qui devait enfin permettre de réinsuffler de la vie et du lien social au cœur d’un quartier HLM d’environ mille deux cents logements. Un quartier dit « difficile », malgré des investissements publics massifs (réhabilitation des logements), comme il en existe au moins un millier d’autres en France, où la petite délinquance prospère et exaspère nos concitoyens.

Aujourd’hui, le bureau de police a fermé, faute d’effectifs. Le receveur de la poste a été agressé plusieurs fois et les employés de mairie se font insulter chaque jour. La dernière fois que j’y suis passé, une bande de sauvageons faisait du rodéo à moto en plein après-midi, manquant d’écraser des enfants à la sortie de l’école. J’appelle immédiatement le commissaire de police qui, d’un air désabusé, me répond: « Que voulez-vous que j’y fasse? » Il m’apprend d’ailleurs que, suite à une interpellation difficile au cours de laquelle deux jeunes ont cherché à s’enfuir après avoir copieusement insulté les policiers, le parquet s’est contenté de convoquer les voyous six mois plus tard devant le délégué du procureur! Je téléphone donc au directeur départemental de la police nationale qui, sur un ton vexé, me demande quel reproche j’ai encore à faire à ses services, alors que les statistiques dans ma circonscription figurent parmi les meilleures de l’Essonne. Alors que la commune a fourni des efforts considérables pour rénover tout le quartier (école, gymnase, Maison des jeunes) les habitants en ont assez. En refusant d’intervenir à temps, l’État ouvre la voie à l’escalade. La petite délinquance peut, demain, mal tourner.

Cette affligeante histoire est révélatrice et symptomatique de l’espoir déçu de l’alternance de 2002. Ce qui devait être l’un de nos principaux chevaux de bataille pour 2007 laisse un goût amer de demi-succès ou de demi-échec, selon qu’on considère le verre à moitié plein ou à moitié vide.

Certes, des efforts ont été réellement faits. Un coup d’arrêt a été mis à l’inexorable montée de la délinquance enregistrée sous une gauche irresponsable. Nicolas Sarkozy, reconnaissons-le, a pris une part active à cette mobilisation des forces de l’ordre. Malheureusement les actes sont loin d’avoir toujours suivi les paroles.

Le mal n’a pas été suffisamment pris à la racine. La fièvre est repartie car les remèdes ont été administrés en trop faibles doses et interrompus trop tôt. Une fois de plus, comme dans quantité d’autres domaines, le pouvoir a été timoré et un peu lâche. Le résultat est là. Les violences à l’encontre des personnes progressent, leur cruauté grandissante révolte tous les Français, les trafics prospèrent. On parle désormais de « nouveaux barbares », qui se sentent au-dessus de tout et de tous, qui pillent, agressent, frappent, rackettent, violent, caillassent les pompiers et les ambulanciers. Les émeutes de l’automne 2005 ont d’ailleurs donné un avant-goût de ce qui se prépare.

Depuis trop longtemps, des milliers de voyous à travers le pays ne se contentent plus de bafouer ouvertement la loi, mais s’inventent leur propre loi, celle de la jungle. La violence monte tous les ans d’un cran et, pis encore, un véritable système mafieux s’est peu à peu installé, organisant toutes formes de trafics, notamment de drogue, mais aussi d’armes de guerre. Une économie parallèle a été mise en place qui « complète » le RMI. Là encore, tout le système de valeurs s’est inversé: celui qui trafique, casse et terrorise, gagne désormais bien sa vie, suscite l’admiration et nourrit même toute sa famille. Quelle autorité peut alors conserver un chef de famille quand son fils de douze ans, guetteur dans la cité, rapporte près de cinq cents euros par mois? Pour ceux qui l’ignoreraient encore, les mafieux en culotte courte ont en effet organisé un système de surveillance s’appuyant sur les petits frères pour prévenir de l’arrivée de la police dans les quartiers.

Osera-t-on un jour lever le tabou de l’économie de la drogue, des trois mille tonnes de haschich produites dans le nord du Maroc qui inondent toute l’Europe? Avec près d’un tiers des jeunes de dix-sept ans qui fument régulièrement, la France est, avec l’Angleterre et l’Espagne, dans le triste peloton de tête européen de la consommation de cannabis, dépassant de très loin l’Allemagne et la Scandinavie. Tout se tient en effet: agressions pour se procurer l’argent de la drogue, développement du trafic pour payer sa consommation personnelle, utilisation des bénéfices pour financer le banditisme, voire le terrorisme.

Lors des dernières émeutes, les « bien-pensants » des beaux quartiers ont soudain découvert au centre de Paris l’extrême violence de ces milliers de voyous, pour la première fois sortis en nombre du RER et des quartiers où ils terrorisent depuis une dizaine d’années des millions de Français. Ainsi, deux jeunes de seize et dix-sept ans témoignaient dans le quotidien Le Monde: « C’est clair, on y va pour dépouiller… On prend tout ce qu’on peut… On frappe pour bloquer les cris ».

Comme toujours, à chaque nouvelle éruption de violence, on nous ressert la vieille rengaine: le discours de l’excuse permanente, mettant en avant la discrimination raciale, l’échec de l’école, le chômage. Il est vrai que dans une économie de faible croissance, il est beaucoup plus difficile d’intégrer. Il est certain aussi que lorsque l’école n’éduque plus, n’apprend plus, elle laisse à la dérive des jeunes qui basculeront plus vite dans la délinquance.

Pour autant, la première cause de ces violences est le renoncement des pouvoirs publics à appliquer vraiment la loi républicaine. N’oublions pas, pourtant, que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, en son article 2, énonce le droit à la sécurité comme un droit naturel et inaliénable de l’homme.

Or, force est de constater que l’application de la loi n’est plus du tout systématique dans notre pays. Toute la société est concernée. Le délabrement des tribunaux a des conséquences concrètes sur le paiement par exemple, très aléatoire, des pensions alimentaires, ou sur le règlement des loyers.

De même, dans l’exercice de mon mandat de maire, je suis étonné du laxisme général qui s’est emparé de tout l’appareil d’État. Le droit de l’urbanisme, par exemple, n’intéresse pas les tribunaux! Ainsi, dans ma ville, une usine a été bâtie en contravention du permis de construire. Lors de l’audience au tribunal, le juge a demandé au représentant de la mairie pourquoi nous n’acceptions pas un permis modificatif et le chef d’entreprise n’a été condamné qu’à une peine de cinq mille euros. Je n’évoque même pas ici le nombre d’affaires classées sans suite pour des violations de permis de construire. Pourquoi donc nos concitoyens respecteraient-ils la loi? Chacun finit par estimer, ce qui n’est pas incongru dans le climat actuel de déliquescence, avoir une bonne excuse pour y échapper. Même Laurence Parisot, présidente du Medef, a osé publier un communiqué de presse pour s’indigner de voir le gouvernement recruter des inspecteurs du travail, dont le sous-effectif manifeste ne permet pas d’assurer correctement cette mission régalienne de l’État!

En vérité, c’est toute la chaîne judiciaire qui est malade, victime tout à la fois du manque de moyens, de la culture de l’excuse et de la complexité des lois.

Malgré la stabilisation récente, le nombre de délits reste considérable dans notre pays et leur élucidation demeure bien trop faible. Entre le délit et l’arrestation, il y a le monde des classements sans suite! Entre l’arrestation et la condamnation, ensuite, il y a une évaporation tout aussi étonnante. Enfin, comble de tout, une fois condamné, le délinquant ou le contrevenant a des possibilités d’échapper à la sanction.

Ainsi, 50 % des décisions de justice et 80 % des amendes ne sont ni exécutées, ni recouvrées dix-huit mois après avoir été prononcées! L’État régalien est donc devenu un véritable gruyère!

Cette incertitude de la peine explique le sentiment d’impunité et donc la hausse de la criminalité. Pour les mineurs, l’impunité est quasi totale!

Sébastien Roché, chercheur au CNRS peu suspect d’extrémisme, a établi récemment que pour les actes graves (cambriolages, vols de voitures, agressions avec blessures, rackets), seuls 5 % des auteurs mineurs sont confrontés à un moment de leur vie à un magistrat.

Comment alors ne pas voir la profondeur du fossé qui s’est creusé entre le peuple et les juges. Un peuple au nom duquel la justice est censée être rendue!

Pour remédier à cette dérive qui décourage les gens honnêtes et, par un effet en chaîne sans précédent, ne peut qu’aboutir à l’éclatement de notre société, mobilisons-nous. Comme pour l’Éducation nationale, la tâche sera rude, mais nous disposons là aussi d’atouts. Encore faut-il remettre à l’endroit tout le système des valeurs dans les principes comme dans la pratique. Pour réussir à redresser la situation, je propose trois axes de réforme:

  •  rompre avec la culture de l’excuse permanente;
  •  augmenter les moyens de l’État;
  •  simplifier nos lois.