Fragments sur la structure et les usages des glandes mammaires des cétacés/Préface

PRÉFACE.

Téter devient le premier mot de ce livre, où je me propose d’exposer des recherches conçues en vue d’un savoir mieux défini et plus étendu. Téter, ce dont personne n’ignore, ou le pense ainsi du moins, ferait-il question en 1834 ? Et pourquoi pas, si cette forme de pensée publique, admise dès l’origine des langues et instinctive comme tout ce qui est conçu populairement, n’aurait encore apporté à l’esprit que les moindres notions du tété, que les seules parties de cet acte phénoménal, qui sont saisissables par le sens de la vue ? De disserter expressément du surplus, les physiologistes se sont prudemment abstenus : y soupçonnaient-ils même matière à quelqu’utile instruction ?

Un seul anatomiste l’a entrepris, sans ranger l’intervention de l’air parmi les moyens du tété : mais c’est là une grande erreur, si la spécialité de cette fonction repose principalement sur ce que la succion des mamelles introduit alternativement du lait et de l’air dans la bouche des petits. Dans ce cas, le tété serait à l’usage des seuls Mammifères, qui vivent dans le milieu athmosphérique.

Cette distinction faite, les Cétacés sont des animaux a mamelles, qui, étant constamment immergés dans le milieu aquatique, ne peuvent sucer, ni par conséquent téter. Et, en effet, l’examen de ce point donne pour solution que les petits boivent, mais ne tettent point le lait des mamelles de leur mère. Une lampée de cette boisson sort chaque fois d’un vaste réservoir, pour tomber dans un récipient de consommation, pour y être chaque fois avalée et consommée dans l’arrière-bouche. Les mères s’occupent elles-mêmes d’opérer ce versement, et elles y pourvoient par la puissante impulsion d’un instrument ad hoc qui agit comme ferait une seringue.

Et quand je me laissais aller au courant de ces faits, pour en voir sortir ce joli tableau de mœurs, pour déchirer le voile qui l’avait jusqu’à présent soustrait à nos regards, on s’est élancé sur moi de partout. La Rivalité s’est prise à attaquer la base de ces investigations de philosophie naturelle, ayant d’abord imaginé d’en contester l’opportunité, et étant ensuite venue conseiller de s’en tenir aux livres des Anciens ; mais je pouvais mieux faire avec de la persévérance et du dévouement, beaucoup plus savoir par des observations directes ; et en mesure de rendre encore ce service, je m’y suis appliqué long-temps et laborieusement.