Fragments échappés du portefeuille d’un philosophe/Du goût antiphysique des Américains

Fragments échappés du portefeuille d’un philosophe
Fragments échappés du portefeuille d’un philosophe, Texte établi par J. Assézat et M. TourneuxGarnierVI (p. 452-453).


DU GOÛT ANTIPHYSIQUE DES AMÉRICAINS.


Mais la faiblesse physique, loin d’entraîner à cette sorte de dépravation, en éloigne. Je crois qu’il en faut chercher la cause dans la chaleur du climat, dans le mépris pour un sexe faible, dans l’insipidité du plaisir entre les bras d’une femme harassée de fatigues, dans l’inconstance du goût, dans la bizarrerie qui pousse en tout à des jouissances moins communes, dans une recherche de volupté plus facile à concevoir qu’honnête à expliquer, peut-être dans une conformation d’organes qui établissait plus de proportion entre un homme et un homme américains, qu’entre un homme américain et une femme américaine ; disproportion qui développerait également et le dégoût des Américains pour leurs femmes et le goût des Américaines pour les Européens. D’ailleurs ces chasses, qui séparaient quelquefois pendant des mois entiers l’homme de la femme, ne tendaient-elles pas à rapprocher l’homme de l’homme ? Le reste n’est plus que la suite d’une passion générale et violente qui foule aux pieds, même dans les contrées policées, l’honneur, la vertu, la décence, la probité, les lois du sang, le sentiment patriotique, parce que la nature, qui a tout ordonné pour la conservation de l’espèce, a peu veillé à celle des individus ; sans compter qu’il est des actions auxquelles les peuples policés ont avec raison attaché des idées de moralité tout à fait étrangères à des sauvages.