Fin de vie (notes et souvenirs)/Chapitre XXVII

Imprimerie Julien Lecerf (p. 123-125).

XXVII


Visite de G. Pouchet, qui me fait grand plaisir. Nous causons de son prochain voyage en Islande et puis du volume Labèche dont il a si bien parlé dans le Siècle, et puis de l’ouvrage de Paul Regnard : La Vie dans les eaux. Cette visite me fit toute la soirée penser au fameux voyage de 1856, fait avec son père et avec lui en Suisse, dans la Forêt-Noire, en plein mois de janvier.

Je m’étonne de retrouver dans mes productions littéraires si peu de traces de ce voyage. Quelques bribes dans Renaissance, reproduites dans Carlu. C’est tout.

Ce voyage fut pourtant un grand évènement dans ma vie. C’est la seule fois que je sois sorti de France.

Dumesnil m’engage à lire, et je lis, dans la Revue scientifique, un article sur les Conditions sanitaires en France. Cet article, signé Leduc, met en évidence ce que fut le Moyen-Âge et ce que nous devons à l’Église : la puanteur, la vermine, la peste, l’abrutissement.

L’Église détruit tout ressort moral, fait des monstres, nous déforme en crétins et dit hypocritement : Voilà l’homme !

Ah ! mensonge ! mensonge !

L’heure ne viendra-t-elle pas d’en finir ?

Le fond, le dessous des masses populaires, paraît sentir que cette heure est venue ; mais tout le dessus, perdu de science fausse, empoisonné par ses pions, ses pionnes, ses beaux diseurs, troublé d’esprit par une littérature imbécile, hésite, recule, chancelle, balbutie, ne peut dire oui ni non et n’ose se séparer de la peste.

Le Moyen-Âge, l’Église ne nous ont-ils pas été bénévolement dépeints sous des poétiques couleurs et par Hugo et par Michelet (hélas !) qui crut, en écrivant son troisième volume de l’Histoire de France (saint Louis), trouver à l’Église son beau siècle ?

Les souvenirs populaires, qui sont toujours un document vrai, eussent pu le tenir en garde ; mais il préféra les chroniques, les parchemins, les vieux registres.

Malheureusement, parmi ces registres, il ne connut pas celui de l’archevêque de Rouen, Eudes Rigaud, ami et conseiller du vieux roi. Celui-là ne peut être suspect. Après une visite attentive à tous les presbytères de son diocèse, il nous les décrit, et ce n’étaient que lupanars, maisons de débauche, d’abominables trafics, curés entourés de concubines, de bâtards, d’ivrognes, de maris cherchant à se venger et qu’on expédie au loin, de filles volées ou payées à leurs mères.