Fin de vie (notes et souvenirs)/Chapitre XXVI
XXVI
En de certains temps, les hommes paraissent si méprisables, que si l’on était la Peste, on s’en donnerait à cœur joie de leur destruction.
Si, comme on l’assure, la volonté est en nous une résultante de toutes tes forces de notre organisme combinées avec les forces du monde, pourquoi le résultat de la vie universelle ne s’appellerait-il pas volonté de l’univers, et pourquoi, en cette volonté supérieure, ne verrait-on pas Dieu ?
La plainte des prophètes devient quelquefois chez Isaïe, chez Ézéchiel, un hurlement de bête fauve, cri de rage et malédiction.
Jérémie lui-même, qui paraît moins cru, moins âcre, s’écrie, en parlant des Gentils, c’est-à-dire des peuples étrangers à la juiverie :
Tu les as plantés et ils ont pris racine ; ils croissent et ils portent des fruits… Toi, Jéhovah… mène-les égorger comme des moutons, marque-les pour le jour de la tuerie… »
Cette haine juive, perpétuée dans les âges chrétiens, nous la retrouvons chez Dante, lorsqu’il s’écrie :
A veder la Vendetta !
Chez Bossuet lorsqu’il applaudit plein de joie aux massacres des protestants…
Ces impitoyables colères juives, sans apaisement, sans pitié, sans raison, on les a retrouvées aux plus sombres jours de notre histoire, et peut-être les reverra-t-on, tant cette bourgeoisie directrice et souveraine actuelle du monde peut attirer de sans-pitié sur elle par son sans-pitié pour les malheureux qu’elle écrase !
Rousseau avait remis cette étroitesse juive au cœur de quelques sectaires, à l’heure où se préparait une Révolution réconciliatrice que d’aveugles et cruelles résistances rendirent exterminatrice.
N’en aurons-nous pas bientôt assez, de cette littérature fulgurante, de ces poésies à coup de tonnerre ?
Ces œuvres charlatanesques n’ont d’autre but que d’arrêter tout net la réflexion, d’écraser la pensée sous le miracle du seigneur poète.
Ces effets bibliques, contraires au bon sens, à la raison, sont en opposition parfaite avec le génie français, qui se compose essentiellement de simplicité et de bonne foi.
— De quoi nous mourons ?
— De n’avoir pas su donner la fessée à toute cette littérature, à toute cette poésie.
— Et que veux-tu que j’en fasse, de tes vers, imbécile, s’ils ne peuvent que m’attrister, m’écœurer, m’affoler, me désorienter ? Garde ton poison, quelle qu’en soit la saveur, amère ou mielleuse.
Mouvement ouvrier, agitations socialistes, crise, métamorphose universelle…, croyances, mœurs, conditions d’existence en voie de transformation, cris de détresse, cris d’espérance…, lueurs à l’horizon (incendie ou soleil levant ?), naïveté ouvrière, hypocrisie bourgeoise, ébranlement, déchirement de la conscience humaine, souffles de renouveau passent comme un frisson sur le monde.
Mais combien les générations actuelles sont mal préparées à ce qui pourrait être la fin de ce chaos. Nouvelle alliance, fédération des peuples, jubilé immense, pardon général, entrée d’ensemble dans un nouvel ordre social…