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VIII

Feuilles, tombez


 
Déjà le vent, tant la saison est brève,
Sème la feuille autour de la forêt ;
Et des sentiers encor verts, où je rêve,
Sous le bois mort le gazon disparaît.

Arbres chéris ! plus U’ombre sous vos branches ;
La clarté pleut à travers leurs réseaux.
Sur cette mousse adieu les robes blanches,
Sur ces buissons adieu les gais oiseaux !

Ainsi, mon cœur, dans les bois où tu songes
L’automne arrive et la bise a soufflé ;
Le jour s’est fait à travers leurs mensonges :
De nos plaisirs l’asile est dépeuplé.


La feuille tombe et les cimes jaunies
Laissent glisser de clairs mais froids rayons ;
Je n’entends plus nos vagues harmonies,
Je ne sens plus flotter nos visions.

Comme ces bois, en perdant ton mystère,
Tu vois la fin de tes rares beaux jours ;
L’automne, hélas ! si précoce, a fait taire
Le chœur ailé qui chantait les amours.

D’hiver chez toi le ciel avance l’heure ;
Il t’a banni de tes chères forêts ;
L’été s’en va !… mais qu’un autre le pleure.
Pour nous, mon cœur, point de lâches regrets

Fais tes adieux à la folle jeunesse ;
Gesse, ô rêveur abusé si souvent !
De souhaiter que la feuille renaisse
Sur tes rameaux desséchés par le vent.

Ce doux feuillage obscurcissait ta route,
Son ombre aidait ton cœur à s’égarer ;
La feuille tombe, et, sillonnant la voûte,
Un jour plus pur descend pour t’éclairer.

Oui ! si les bois, l’ombrage aimé du chêne,
Ont trop caché la lumière à mes yeux,
Soufflez, ô vents ! que Dieu si tôt déchaîne,
Feuilles, tombez, laissez-moi voir lescieux !