Fables de La Fontaine (éd. Barbin)/1/Les deux Taureaux et une Grenouille

Pour les autres éditions de ce texte, voir Les Deux Taureaux et une grenouille.


IV.

Les deux Taureaux & une Grenoüille.



Deux Taureaux combattoient à qui poſſederoit
Une Geniſſe avec l’empire.
Une Grenoüille en ſoûpiroit.
Qu’avez-vous, ſe mit à luy dire
Quelqu’un du peuple croaſſant.

Et ne voyez-vous pas, dit-elle,
Que la fin de cette querelle
Sera l’exil de l’un ; que l’autre le chaſſant,
Le fera renoncer aux campagnes fleuries ?
Il ne regnera plus ſur l’herbe des prairies,
Viendra dans nos marais regner ſur les roſeaux ;
Et nous foulant aux pieds juſques au fond des eaux,
Tantoſt l’une, & puis l’autre ; il faudra qu’on patiſſe
Du combat qu’a cauſé madame la Geniſſe.
Cette crainte eſtoit de bon ſens.
L’un des Taureaux en leur demeure
S’alla cacher à leurs dépens,
Il en écraſoit vingt par heure.
Helas ! on voit que de tout temps
Les petits ont pati des ſottiſes des grands.