Fables de Florian (1838)/3/Le Lion et le Léopard
FABLE XXII.
LE LION ET LE LÉOPARD.
n valeureux lion, roi d’une
immense plaine,
Désirait de la terre une plus
grande part,
Et voulait conquérir une forêt prochaine,
Héritage d’un léopard.
L’attaquer n’était pas chose bien difficile ;
Mais le lion craignait les panthères, les ours
Qui se trouvaient placés juste entre les deux cours.
Voici comment s’y prit notre monarque habile :
Au jeune léopard, sous prétexte d’honneur,
Il députe un ambassadeur ;
C’était un vieux renard. Admis à l’audience,
Du jeune roi d’abord il vante la prudence,
Son amour pour la paix, sa bonté, sa douceur,
Sa justice et sa bienfaisance ;
Puis, au nom du lion, propose une alliance
Pour exterminer tout voisin
Qui méconnaîtra leur puissance.
Le léopard accepte, et, dès le lendemain,
Nos deux héros, sur leurs frontières,
Mangent, à qui mieux mieux, les ours et les panthères.
Cela fut bientôt fait ; mais quand les rois amis,
Partageant le pays conquis,
Fixèrent leurs bornes nouvelles,
Il s’éleva quelques querelles :
Le léopard lésé se plaignit du lion ;
Celui-ci montra sa denture
Pour prouver qu’il avait raison :
Bref, on en vint aux coups. La fin de l’aventure
Fut le trépas du léopard ;
Il apprit alors, un peu tard,
Que, contre les lions, les meilleures barrières
Sont les petits des ours et des panthères.