Imprimerie de John Lovell (p. 108-109).

LVII.

LA VIE HUMAINE.


Une fois, du haut d’un nuage,
Au milieu d’un petit ruisseau
Vint tomber une goutte d’eau.
Hélas ! que triste est mon partage !
Avant de périr s’écria
La pauvre gouttelette.
Mais le ruisselet se moqua
Des cris de la pauvrette :
À quoi bon s’occuper des misères d’autrui,
Vraiment on aurait bien à faire ;
Tout en pensant ces mots, l’indifférent aussi
Vint à tomber dans la rivière :
Ô ciel ! qui l’aurait cru, dit-il en gémissant,
Un ruisseau de ma taille
Se voir anéantir aussi facilement
Qu’un misérable brin de paille !
Le fleuve cependant continuait son cours,
— Trop hautain pour répondre, — emportant avec rage
Tout ce qui barrait son passage ;
Mais voilà que la mer l’engouffre pour toujours,
Lui, le grand fleuve aux nombreux tributaires
Tout comme la goutte d’eau
Et le ruisseau.

Homme ! reconnais-toi dans ces trois caractères.
Tu n’es rien que la goutte en sortant du néant,

Le ruisselet te représente enfant ;
Le fleuve, c’est bien toi : toi, dont l’âme inquiète
Roule mille projets, fruits de la vanité,
Jusqu’à ce que la Mort t’arrête
Aux portes de l’éternité !…