Imprimerie de John Lovell (p. 64-65).

XXXV.

LA GUENON ET SON PETIT.


Un jour le maître du tonnerre
Au pied de son tribunal
De la création entière
Convoqua chaque animal.
— Il voulait voir la créature
Qui parmi toute la nature
Avait le plus bel enfant. —
Tous arrivent à l’instant.
Mais la guenon vint la dernière
Tenant embrassé son petit.
Quand elle entra, chacun sourit,
Puis partit d’un rire d’Homère :
« Ah vous riez, mes envieux !
« Mais riez donc,… J’en suis bien aise,
« Leur dit en roulant de gros yeux
« Dame Guenon. Aux Dieux ne plaise
« Que je m’en fâche aucunement !…
« Jupiter, le juste arbitre,
« Saura préférer mon enfant,
« Et cela pour plus d’un titre…
« Qu’ont-ils de beau vos marmots
« Dites, mesdames les rieuses ?…
« Ils sont tous vilains, tous sots…
« Leurs formes sont disgracieuses,
« Voilà !… Mais mon nourrisson

À peu de chose est tout comme
« L’animal qu’on appelle homme.
« Je crois la comparaison
« Juste, encor me faut-il dire
« Que mon petit sait sauter,
« Gambader et grimacer,
Quoiqu’il doive encor téter.
« Tout ça va-t-il vous suffire ?…
« Vos nourrissons si charmants
« Auraient beau dire et beau faire,
« Ils vivraient plus de mille ans
« Qu’ils ne pourraient contrefaire
« Ni bien, ni mal mon petit… »
À ces mots toute l’assemblée
Ne put retenir la risée,
Jupiter lui-même rit.


De tout ceci je déduis sans médire,
Que nos mamans sont comme ma guenon.
Leur cher poupon, fût-il un vrai satyre,
Sera toujours le plus charmant poupon.