Fables/Epitalame sur le Mariage de Mademoiselle de Lyonne, avec Monsieur de Nanteüil

EPITALAME
SUR
LE MARIAGE
DE MADEMOISELLE
DE LYONNE,
AVEC MONSIEUR
DE NANTEV̈IL.



NOus doctes Sœurs, quelques-fois menſongeres,
Mais aujourd’huy, parlant ſans fiction,

Au Miniſtre fameux, ayant direction
Sur les affaires Eſtrangeres
Nous envoyons cette Relation.


Du Parnaſſe le 11. Fevrier 1670.


Nous avons avis que ce Jour,
Cupidon s’échapa de la celeſte Cour,
Charmé d’une jeune Mortelle,
Plus digne que Venus, des tranſports de l’amour.
Voicy comme au Parnaſſe, on conte la nouvelle.
Dans la ſaiſon du Carnaval,

L’Hymen voulant courir le Bal,
Emprunta de l’Amour, la forme & la parure,
Et l’Amour partageant ce divertiſſement,
Prit auſſi de l’Hymen, l’habit & la figure,
C’eſtoit pour eux un grand déguiſement,
Le premiere Beauté qui s’offre à leur paſſage,
Eſtoit bien que naiſſante, auſſi fiere que ſage.
Le ſeul nom de l’Amour, alarmoit ſa pudeur,

Ce Dieu ne l’abordoit, auſſi qu’avec terreur,
Il ſçavoit que c’eſtoit une jeune Lyonne
Pour la Naiſſance & pour le Cœur,
Mais l’Hymen ſçachant bien que ſi chaſte perſonne
De ſa preſence a rarement horreur,
L’approche, & luy conte douceur ;
S’il ſe fuſt avisé de ſe faire conneſtre,
On euſt pû le traiter avec moins de rigueur.
Mais on le prit, pour ce qu’il feignoit d’eſtre,
Et Dieu ſçait quel mépris, attira cette erreur.

L’Amour qui prés de la cruelle
Eſtoit touſiours en ſentinelle,
Voyant l’accueil peu gracieux
Qu’on faiſoit à ſon Nom, dans cette Maſcarade,
Eſpera que peut-eſtre, on le recevroit mieux
Sous celuy de ſon Camarade.
Il en prend l’honneſte maintien,
Voile du nom d’Eſpoux, ſon ardeur indiſcrette,
Certaine émotion ſecrette,
Que la Belle ſentoit ; pendant ſon entretien,
Sembloit l’avertir de la ruſe ;

Mais quoy ? pour penetrer dans ce déguiſement,
Il faut avoir connu, le Narquois qui l’abuſe,
Et jamais il ne fut, ſi temeraire Amant,
Qui l’oſaſt à ſes yeux, dépeindre ſeulement.
La voila donc à l’Amour deſtinée,
Il l’obtient d’elle-meſme, au nom de l’Hymenée,
L’Hymen ayant appris, par la commune voix,
L’attentat du Dieu temeraire,
Dans ſes plus beaux attours, vint deffendre ſes droits ;

Mais il ne fut, dit-on, que témoin de l’affaire,
L’amour ſeul accomplit le reſte du myſtere.
Les devoirs de l’Hymen, ſont rendus par l’Amour,
C’eſt en vain que l’Olympe, eſpere ſon retour,
Il veut rendre à l’Eſpouſe un legitime hommage,
Et touſiours arreſté par des attraits ſi doux,
Il fera de l’Hymen, le conſtant perſonnage,
Tant qu’on verra Nanteüil, habiter parmy nous.


Addreſſe du Pacquet


Au Miniſtre parfait, du plus parfait des Roys,
Ce Paquet en main doit ſe rendre,
Si de l’Europe entiere, on conſulte la voix,
Le Porteur ne peut ſe méprendre.


FIN.