Éditions Albert Lévesque (p. 132-151).

Les sept pics des Montagnes Rocheuses.

LES SEPT GÉANTS DES MONTAGNES ROCHEUSES


Dans un petit village de l’ouest canadien, vivait, il y a plusieurs centaines d’années, une femme mystérieuse qui passait pour une sorcière et que redoutaient beaucoup les Indiens des environs.

Elle habitait une grotte au pied d’une montagne et quoique son apparence ne fut ni féroce, ni cruelle, les tribus de l’endroit la croyaient responsable de tous leurs malheurs.

Personne n’osait l’approcher et elle n’avait pas la chance de se défendre, ni de protester contre ces accusations. Alors le ressentiment devint bientôt général… c’était elle la coupable ! C’était elle qui leur envoyait des maléfices et des mauvais sorts…

Les Indiens de cette partie du pays avaient eu bien des malheurs depuis quelque temps ; un jour, un terrible éboulis de sable et de roches était tombé de la montagne et avait abattu un grand nombre de leurs wigwams ; peu après, un tremblement de terre avait ébranlé le sol et détruit une grande partie de leur établissement ; plus tard, un ruisseau avoisinant, gonflé par une pluie torrentielle fut transformé en torrent dévastateur, qui avait inondé leurs demeures et noyé plusieurs personnes ; à la saison la plus douce, survenaient des gelées qui détruisaient tous les fruits et ces gelées étaient suivies de terribles feux de forêts !… Tout récemment, une violente tempête de grêle était tombée, et deux jours avant le commencement de cette histoire, l’horizon devint subitement noir comme l’encre, les éclairs sillonnèrent de leurs zigzags lumineux le ciel noirci d’orage et les grondements du tonnerre commencèrent. Avec une force toujours croissante, les sinistres éclats se suivaient presque sans interruption… toute la nuit ce fracas terrifiant continua de jeter l’effroi dans le village, si bien que les Indiens, saisis de panique, résolurent d’assembler le grand conseil de la nation !

Sitôt que l’orage effroyable fut fini, le Conseil fut appelé pour discuter la situation et voir ce qu’il y avait à faire.

D’un commun accord, l’on décida que la sorcière que l’on apercevait de temps à autre était seule responsable de tous ces malheurs. À tout prix, il fallait s’en défaire !

C’est une chose fort difficile que de se défaire d’une sorcière ! Il faut d’abord s’en emparer, puis, si l’on réussit (ce qui peut prendre bien longtemps), il faut ensuite la brûler, car, autrement, on ne saurait la tuer… elle peut vivre des siècles et des siècles.

Or, il arriva que vers ce temps, un jeune Indien appelé Pontesika avait encouru la colère des chefs de la nation, et était tombé en disgrâce, quoique ses méfaits ne fussent pas, en réalité, très graves.

Pour un Indien, le déshonneur est ce qu’il y a de plus terrible au monde, et Pontesika était triste et voulait mourir !

Son crime était d’avoir tourné en ridicule les chefs de la nation et de les avoir appelés des poltrons et des lâches parce qu’ils avaient peur d’une pauvre vieille femme. Considérant que cette « pauvre vieille » était une atroce sorcière, et que les chefs étaient les plus braves de la nation, Pontesika était gravement coupable aux yeux de la tribu.

Les chefs, à la suite de leur conseil, le firent demander et l’un d’eux prenant la parole, lui dit :

— « Si tu peux découvrir la cause de nos malheurs et capturer la sorcière, ta faute sera effacée, ton nom deviendra honoré et tu seras ensuite capitaine-chef de notre tribu ! Que dis-tu, Pontesika ? Te chargeras-tu de la mission ? »

— « Oui ! » dit le jeune homme résolument. « Qu’on me donne un bon tomahawk, un carquois de flèches, une solide arbalète et je suis prêt à partir tout de suite. »

— « Dans un mois tu devras revenir », dit gravement le chef, et si tu as failli dans ta mission, ta vie en paiera le forfait, mais si tu réussis, l’honneur te sera rendu et tu seras sacré guerrier, capitaine et chef comme nous ! »

Deux heures plus tard, Pontesika, armé comme il l’avait demandé, partait pour son périlleux voyage.

La caverne de la sorcière était à une distance de plus de cinq milles, au pied d’une falaise haute et rocheuse.

Le jeune Indien connaissait bien l’endroit. Les guerriers de sa tribu, qu’il avait souvent suivis, y étaient venus plusieurs fois, espérant s’emparer de la sorcière ; mais à leur approche, elle rentrait dans la caverne et fermait, au moyen d’un sortilège, le rocher qui en masquait l’entrée, rendant ainsi les guerriers impuissants.

Pontesika se hâta afin d’arriver avant la nuit. Il eut à passer plusieurs forêts, de grandes plaines et arriva enfin aux abords de la grotte, peu après le coucher du soleil.

Il se rapprocha petit à petit, se cachant autant que possible, s’arrêtant à chaque instant pour écouter et regarder… Pendant plusieurs minutes il attendit… rien ne bougea… Tout-à-coup, il vit sortir de la caverne une vieille femme à cheveux blancs, qui se mit en frais de faire du feu, se servant de quelques branches sèches qui gisaient par terre tout auprès ; mais il y en avait très peu et la vieille s’écria à haute voix :

— « Oh là là ! Je voudrais bien que la forêt ne fut pas si loin ! Je n’ai plus de branches pour mon feu ! »

Pontesika, voyant qu’elle n’avait pas l’air le moindrement féroce, perdit toute crainte et s’avança en disant :

— « Veux-tu que je t’apporte des branches ? »

— « Oh oui ! Je t’en prie, va m’en chercher ! Tu es jeune et fort ! »

Le jeune garçon partit en courant et revint quelques instants plus tard avec une grande brassée de branches sèches et bientôt le feu flambait joyeusement.

— « Veux-tu rester pour te reposer, jeune homme ? Tu sembles en route pour un voyage ! » dit la vieille.

« Mon voyage sera peut-être moins long que je ne le croyais », dit Pontesika avec un sourire un peu narquois. Puis, regardant de nouveau la vieille femme et trouvant qu’elle ne paraissait nullement méchante, ni dangereuse, il lui demanda ?

— « Es-tu la Sorcière de la caverne ? »

« On m’appelle ainsi », répondit-elle, « quoique, si l’on savait la vérité, on ne m’appellerait pas une sorcière, mais une fée ! »

— « N’as-tu pas jeté un mauvais sort sur la tribu avoisinante, un maléfice qui amène aux Indiens de cet endroit des malheurs de toutes espèces ? »

— « Des malheurs ? Mais, mon pauvre enfant, je ne voudrais pas causer des malheurs à ta nation ! Au contraire, j’ai souvent essayé de les protéger contre les dangers qui les menacent ! »

— « Qui donc, alors, envoie les éboulis de roches, les tremblements de terre, les inondations et toutes les autres catastrophes ? »

— « Qui veux-tu que ce soit, enfant, sinon les sept géants qui habitent là-haut et qui font leurs délices de causer la destruction et la mort chez les pauvres humains ? »

— « Ma nation ne connaît pas l’existence des géants ! » dit Pontesika, « elle croit que c’est toi qui es la cause de tous leurs malheurs ! »

— « Les pauvres idiots ! » dit-elle, « Que de fois j’ai voulu aller les mettre en garde contre ces ennemis terribles !  ! Mais, dès que l’on m’apercevait, j’étais poursuivie avec des pierres et des flèches et je n’ai jamais pu approcher. Mais il faut entrer, » continua-t-elle, « je vais te cacher dans ma grotte afin que les géants ne te voient pas et te dire ce que tu ignores à leur sujet. »

Pontesika suivit la sorcière ou plutôt la fée, comme elle s’intitulait, dans sa petite demeure.

Elle lui donna un bon repas et écouta avec attention le récit plein de franchise qu’il lui fit de ce qui était arrivé, de sa disgrâce dans la tribu, des malheurs si souvent répétées et de la mission qui lui avait été confiée.

Sur le conseil de la sorcière, Pontesika passa la nuit dans la caverne et, au matin, elle lui parla ainsi :

— « Les géants qui habitent dans les rochers au-dessus de moi, sont au nombre de sept, et chacun d’eux possède un pouvoir destructeur d’une force inouïe. Leurs noms sont aussi terrifiants que leurs personnes, ils se nomment : L’Assommeur, L’Ébranleur, Le Glaceur, Le Brûleur, Le Grêleur et le Foudroyeur ! Tour à tour, chacun laisse tomber la pesanteur de son bras au-dessus de la terre de ta nation, et c’est pourquoi ils ont de si fréquents malheurs ! »

— « Comment se fait-il que tu les connaisses, ces géants, et pourquoi vis-tu comme une sorcière, seule dans une caverne ? »

— « Quand j’étais une jeune fée, rieuse et insouciante, je fus fiancée par ma marraine à un homme de son choix. Il était beau et riche et bien que je ne l’aimasse pas d’amour, je promis de l’épouser. Un jour, je le vis qui battait d’une manière atrocement cruelle un pauvre aveugle qui s’était trouvé sur son chemin et je le pris tellement en horreur que je m’enfuis afin de ne pas l’épouser ! Cet homme était un sorcier ! Il me rejoignit bientôt et, pour me punir, il me donna l’apparence d’une vieille et me plaça ici sous la garde des sept géants. »

— « Ne seras-tu plus jamais une fée ? »

— « S’il se trouve un jeune homme qui puisse tuer les sept géants et rapporter leurs sept chevelures en trophée à sa nation, alors le pouvoir du sorcier sera détruit et je reprendrai mon apparence réelle… je serai une fée ! »

— « Ma nation m’avait ordonné de te capturer ! » dit-il, « et…

— « Oui », interrompit-elle, « pour me faire brûler ! Est-ce que tu désires encore me faire prisonnière ? »

— « Oh non ! Je me battrais plutôt pour vous défendre ! » dit-il en riant, mais je voudrais donc pouvoir tuer les géants !  ! »

— « Pour cela », dit la fée, « il faut que tu sois
« L’Assommeur, tenant dans chaque main un énorme
fragment de rocher… »
intrépide et agile autant que rusé, et je vais t’aider autant que je le puis ! »

S’approchant du rocher qui formait le mur de la grotte, elle le frappa trois fois avec une petite baguette… une tablette apparut sur laquelle il y avait une petite boîte que la fée prit et ouvrit :

— « Vois, Pontesika, ce que je vais te donner ! Voici trois talismans de verre et trois flèches mortelles ; chacun des premiers te gardera d’un danger et chacune des flèches sera mortelle pour un ennemi !… Mais tous ne peuvent servir qu’une seule fois ! Je vais te donner aussi ce petit tomahawk magique qui pourra te servir au plus dix fois. Laisse le tien ici ; je vais le garder en ton absence. Si tu réussis dans ta périlleuse mission, tu auras, en revenant ici, un message de ma part. N’oublie pas qu’il faut scalper les géants avec le tomahawk que je viens de te donner, et qu’il faut rapporter leurs chevelures. Et maintenant, brave fils de guerrier, pars et puisses-tu réussir ! »

Pontesika la remercia, cacha sur sa personne ses précieux cadeaux, et passa à sa ceinture le petit tomahawk, laissant le sien sur une grosse roche près de la fée.

— « Bonne Sorcière de la Grotte que ma nation a méconnue », s’écria-t-il, « je vous transformerai en fée aussi sûrement que les géants existent !  ! »

— « Et tu deviendras ainsi guerrier, capitaine et chef de tribu ! Va donc ! » reprit-elle, « suis le sentier jusqu’au sommet de la montagne ; rendu là, tu seras au pays dangereux ! »

Pontesika partit bravement d’un pas ferme et rapide vers le sentier désigné. Il se demandait, chemin faisant, quelles aventures l’attendaient là-haut… Il avait maintenant trois raisons pour redoubler de courage et d’adresse : il voulait obtenir la transformation de la fée, racheter la disgrâce qu’il avait encourue et sauver sa nation d’un terrible danger, en détruisant les géants malfaisants.

Il marcha si rapidement que, vers le milieu du jour, il atteignit le sommet de la montagne et se trouva en face d’un énorme pilier de pierre. Il regarda autour de lui et découvrit six autres piliers semblables, mais un peu plus gros, tous placés en ligne le long de la falaise.

— « Un, deux, trois, quatre, cinq, six et sept ! » compta le jeune Indien. « Un pilier pour chaque géant ! Je suis curieux de savoir lequel sortira le premier. »

Tout à coup, il entendit un grand fracas près du premier pilier et vit sortir un formidable géant, l’air courroucé, les cheveux épars et tenant dans chaque main une énorme fragment de rocher…

— « Qui est là ? » appela-t-il, d’une voix tonnante.

Pontesika ne répondit pas, mais mettant dans sa bouche un des talismans de verre, il saisit son arc et lança avec force une des flèches mortelles… Le géant tomba atteint en plein cœur ! Le jeune homme s’approcha alors du colosse et toucha sa tête avec le tomahawk magique… la chevelure se détacha d’elle-même… Pontesika la prit et la mit à sa ceinture !

— « Et d’un ! » dit-il. « Le bonhomme Assommeur a été assez facile… à L’Ébranleur, maintenant ! »

À ce moment il sentit que le sol tremblait sous ses pas et il serait sûrement tombé s’il n’avait eu la bonne idée de se mettre encore dans la bouche un talisman de verre. Ceci lui permit de se tenir en sûreté sur la montagne mouvante et il vit s’avancer un autre géant. Celui-ci l’aperçut et avec un hurlement de rage il fonça vers l’Indien, mais, rapide comme l’éclair, une flèche siffla dans l’espace et le second géant tomba !

— « Et de deux ! » se dit Pontesika, « mais il ne me reste qu’un seul talisman et une seule flèche mortelle… et il y a encore cinq géants !… Il faut que je fasse bien attention et que je réserve mes meilleurs armes pour Le Foudroyeur ! Il doit, sans doute, demeurer dans le plus gros pilier… »

Soudainement, il se sentit pénétré d’un froid intense, ses mains et ses pieds devinrent raides et levant les yeux, il vit un affreux géant à figure pâle et terrible ! il avait une longue barbe en glaçons, une chevelure blanche et hérissée et tenait dans chaque main un énorme bâton de glace…

— « Qui ose affronter la présence du géant Le Glaceur ? » dit une voix creuse et sinistre.

Pontesika était beaucoup trop gelé pour répondre, mais prenant son tomahawk dans ses mains raidies il le passa rapidement sur toute sa personne et soudain, il se sentit réchauffé. Courant derrière le géant, il frotta avec son tomahawk ses deux jambes… elles se mirent à fondre et il tomba.

Pontesika s’élança devant lui, le perça de trois de ses propres flèches et le géant ne bougea plus. Puis, armé de son fidèle tomahawk, l’Indien le scalpa ainsi qu’il avait fait pour les deux autres.

Mais à ce moment survint Le Brûleur, qui se mit à souffler sur lui avec son haleine de feu. Cette fois, Pontesika se jeta sur un des gros bras du Glaceur, qu’il venait de tuer, et la sensation de brûlure se trouva arrêtée. Vif comme la pensée, il cassa ce gros bras de glace et le lança de toute sa force sur Le Brûleur. Ce bras pesant terrassa le géant et Pontesika s’élança vers lui pour le tuer, lorsque parut un autre colosse, tenant une cruche gigantesque remplie d’eau qu’il se mit aussitôt à répandre sur le sol… En peu de minutes tout fut inondé et l’eau montait rapidement. Pontesika était bon nageur, mais il ne savait au juste comment lutter contre cet autre géant, tout en restant dans l’eau. Alors il prit son dernier talisman et le mit dans sa bouche… aussitôt il se trouva échoué sur un bout de rocher… Le Brûleur était mort, l’eau l’avait tué !

Le Noyeur s’arrêta un instant pour voir si l’importun était bien submergé, Pontesika lança avec adresse encore une de ses flèches et l’énorme cruche tomba, se brisant en mille morceaux…

— « Malheur ! Ma cruche ! Ma Noyeuse !  ! » s’écria le géant consterné.

Gardant le talisman dans sa bouche, le jeune homme marcha facilement à travers les eaux. S’approchant du Noyeur, devenu impuissant, il le tua, le scalpa, et prit aussi la chevelure du Brûleur, qui, au contact du tomahawk, cessa d’être brûlante.

Il venait d’atteindre un bout de sentier qui s’était trouvé en dehors de l’inondation lorsqu’une terrible averse de grêle se mit à tomber. Il n’avait plus de talismans, mais agitant au-dessus de sa tête le tomahawk magique, il se trouva protégé, puis, apercevant, un peu plus haut, un géant qui tenait une formidable chaudière de grêlons et les versait sans merci sur la terre, il se prit d’une grosse colère et lui lança à la tête le tomahawk de la fée… L’arme magique frappa le géant entre les deux yeux et lui donna la mort !… Retirer le tomahawk et scalper Le Grêleur ne fut que l’affaire de peu d’instants et Pontesika se retourna vers le plus gros pilier… Un sinistre roulement de tonnerre l’accueillit et il se sentit un peu nerveux… plus d’armes magiques autres que le tomahawk, et c’était le plus terrible des géants qu’il lui fallait combattre. Mais tout-à-coup, il se rappela avec joie qu’il lui restait encore une flèche mortelle… Anxieux d’en finir, il cria d’une voix forte :

— « Sors donc, vieux grondeur ! J’ai une surprise en réserve pour toi !  ! »

À ces mots les éclairs sillonnèrent la nue, les coups de tonnerre se succédèrent avec un bruit effroyable et au milieu de cette clameur des éléments parut le dernier et le plus terrible des géants, noir comme du charbon, les yeux flamboyants, les traits contractés par la rage. Il voulut s’élancer, mais l’Indien le guettait et à peine fut-il sorti qu’une flèche mortelle le perçait au cœur !… Le monstre était mort…

Pontesika, avec les sept chevelures des géants pendues à sa ceinture, descendit lestement le sentier de la montagne et regagna la caverne de la fée, mais elle n’y était pas !

Un peu déçu, il se demandait s’il devait attendre son retour, lorsqu’il entendit une voix qui disait :

— « Retourne vers ta tribu et rends compte de ta mission et je te rejoindrai là-bas ! »

Alors Pontesika revint et fut reçu bien tristement par les siens, car il n’avait pas capturé la sorcière.

On appela le Conseil et devant la Nation assemblée, le jeune garçon commença son récit : il raconta ce qu’il avait fait en si peu de temps, et leur parla des sept terribles géants. Mais tous hochaient la tête avec incrédulité ; ils ne voulaient rien croire. Mais, soudain… la Fée parut à ses côtés !

Radieuse et belle, drapée dans une tunique d’argent, ses longs cheveux cerclés d’un bandeau étoilé, elle les regardait gravement :

— « Hommes des montagnes, peuples des forêts », leur dit-elle d’une voix vibrante, « je suis la Fée de la Caverne de pierre, celle que vous persistiez à appeler La Sorcière !  ! Vous vouliez punir ce brave enfant parce qu’il ne pensait pas comme vous et cependant, c’est grâce à lui que vos ennemis sont détruits et que le mauvais sort qui me gardait prisonnière a été conjuré. »

Avec sa longue baguette dorée, elle désigna alors les trophées suspendus à la ceinture de Pontesika :

— « Voici », dit-elle, « les chevelures des sept géants : L’Assommeur, L’Ébranleur, Le Glaceur, Le Brûleur, Le Noyeur, Le Grêleur et Le Foudroyeur. »

À cause de ses exploits valeureux, vous allez faire de ce jeune homme le chef de votre nation et que cet honneur se perpétue dans ses descendants pour la durée de cent générations… et maintenant je vous quitte, je ne suis plus captive, je retourne dans la patrie des fées.

En disant ces paroles, elle étendit vers la montagne sa baguette enchantée, l’agita sept fois dans l’air et disparut à leurs yeux. Et les Indiens stupéfaits, regardant dans la direction où elle semblait s’être envolée, aperçurent dans le lointain sept grands pics de montagnes qui dessinaient leurs sommets inégaux sur l’horizon brumeux…

Pontesika, en les voyant, eut un frémissement de joie et d’orgueil et il comprit que, sous la baguette de la Fée, cette grande montagne rocheuse avait perdu sa terreur et qu’elle avait acquis pour toujours une nouvelle et incomparable majesté.