Exposition de la doctrine de l’Église catholique orthodoxe/1884/Première Partie/III


Fischbacher / Félix Callewaert père (p. 62-72).


III

L’INCARNATION


« Je crois en un seul Seigneur Jésus-Christ, fils unique de Dieu ; et né du Père avant tous les siècles ; Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu ; engendré non créé, consubstantiel au Père ; par lequel toutes choses ont été faites ; qui, à cause de nous, hommes, et à cause de notre salut, est descendu des cieux, et a été incarné par le Saint-Esprit, de la Vierge Marie, et s’est fait homme. »


Le second paragraphe du Symbole de Nicée se rapporte au Fils qui s’incarna ou se fit homme pour régénérer le monde et le racheter par son sacrifice.

Dieu n’a qu’un fils, son Verbe, qui est l’expression éternelle de sa propre substance, et qu’il a engendré de toute éternité. Le Verbe est le seul qui, de toute éternité, soit sorti du Principe ou du Père par un acte que l’on appelle génération. Cet acte eut lieu avant tous les siècles, c’est-à-dire avant la création de ces instants successifs que l’on appelle temps, et avant celle des êtres dont le temps détermine la durée. Par conséquent, le Père ne fut jamais sans le Fils, autrement on concevrait un moment où le Fils aurait commencé d’être ; il rentrerait alors dans la classe des créatures, et il existerait un instant dans l’éternité, ce qui est impossible et contradictoire. Le Verbe est donc une émanation éternelle du Principe éternel ; Dieu de Dieu, Lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu ; engendré, non créé, consubstantiel au Père, c’est-à-dire ayant la même substance ; s’il ne l’avait pas, il serait créature, et quand bien même on imaginerait, avec les Ariens, que sa nature est semblable à celle du Père, il serait toujours créature, puisqu’il ne l’aurait pas reçue par une génération éternelle, mais par un acte qui, n’étant pas nécessaire en Dieu, ne serait qu’un acte ad extra et, par conséquent, une création. Donc, ou le Fils a la même substance que le Père, par génération nécessaire et éternelle, ou il n’est qu’une créature-Dieu. On établirait ainsi l’existence de deux Dieux dont l’un serait créateur de l’autre, ce qui est une opinion monstrueuse.

Dieu a agi à l’égard des êtres contingents, par son Verbe. C’est donc par lui qu’il a donné l’existence à tous les êtres qui composent les deux mondes invisible et visible.

Le Fils, pour la régénération et le salut de l’humanité, est descendu des cieux, c’est-à-dire s’est manifesté dans le monde terrestre et en dehors du monde invisible. Il s’est incarné, c’est-à-dire : il s’est uni à un être humain complet qui n’a plus fait avec lui qu’une personne divine, et qui s’appelle Jésus-Christ.

Son nom de Jésus signifie Sauveur, parce qu’il est venu sauver l’humanité ; il fut sacré ou Christ, pour accomplir la mission de régénérer le monde. La nature divine et la nature humaine sont complètes en Jésus-Christ et parfaitement distinctes, de sorte qu’on ne peut attribuer à l’une des natures ce qui appartient à l’autre ; mais toutes les qualités de chacune des deux natures doivent être attribuées à la personne qui est unique. Ainsi en Jésus-Christ il y a deux volontés, l’une humaine, l’autre divine, et deux opérations. Mais l’opération et la volonté humaines sont subordonnées à la volonté et à l’opération divines.

Le corps de Jésus-Christ ne fut point formé suivant les lois de la génération humaine ; c’est pourquoi Jésus-Christ n’eut point le péché originel. Le Saint-Esprit le forma dans une Vierge appelée Marie, et c’est ainsi, par un acte divin, que le Verbe se fit homme. Marie fut Vierge avant, pendant et après l’enfantement qui fut miraculeux comme l’acte par lequel elle conçut Jésus-Christ.




DIFFÉRENCES ENTRE LES ÉGLISES CHRÉTIENNES TOUCHANT LE DOGME DE L’INCARNATION.


De nos jours, un grand nombre de protestants admettent, avec les Sociniens, que Jésus-Christ ne fut pas Dieu ; qu’il ne fut qu’un homme, doué par Dieu de qualités exceptionnelles. Ils ne peuvent tomber dans cette erreur sans rejeter les Écritures qu’ils sont censés admettre comme règle de leur foi. On y lit en effet : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu… et le Verbe s’est fait chair et a habité parmi nous. » (S. Jean, i, 1, 14.) — « Moi et mon Père, dit Jésus-Christ, nous sommes un. » (Ibid., x, 30.) — « Celui qui me voit, voit mon père ; je suis en mon père et mon père est en moi. » (Ibid., xiv, 9, 11.)

Les anciens protestants et toutes les autres sociétés chrétiennes sont d’accord avec l’Église orientale touchant le dogme de l’Incarnation.



Cependant l’Église romaine actuelle l’attaque indirectement par le culte qu’elle rend au sacré cœur de Jésus. En effet, le culte n’est dû qu’à la personne divine de Jésus-Christ ; la nature humaine, en lui, n’y participe que par son union hypostatique avec la nature divine. Il n’est donc pas permis de rendre un culte à la nature humaine de Jésus-Christ considérée isolément, à plus forte raison à son corps ou à un organe de son corps. L’Église romaine a excusé ce culte en disant qu’il se rapporte à la personne même de Jésus-Christ ; mais aujourd’hui la plupart de ses écrivains sont autorisés à enseigner que le corps et le cœur de Jésus sont adorables en eux-mêmes.



Les protestants n’entendent pas d’une manière absolue le titre de Vierge donné, dans le Symbole de Nicée, à la sainte mère de Jésus-Christ. Ils prétendent qu’elle a eu d’autres enfants. En cela ils s’écartent de leur règle, qui consiste à n’admettre que ce qui est dans l’Écriture. En effet, il n’y est fait aucune mention des autres enfants de Marie, et ceux qui y sont appelés frères de Jésus y sont désignés en même temps comme enfants d’une autre Marie, mariée à Cléophas. La Sainte-Écriture fait de Marie de Cléophas la sœur de la Vierge Marie, et de ses enfants les cousins germains de Jésus. Dans l’antiquité, on donnait le nom de frères aux cousins germains.



L’Église orientale croit, avec toute l’Église primitive, que la mère de Jésus fut Vierge avant, pendant et après son enfantement divin, et dans l’acte par lequel elle conçut Jésus-Christ.