Excursion aux Antilles françaises/Saint-Martin

H. Lecène et H. Oudin (p. 221-225).

SAINT-MARTIN.



L’île de Saint-Martin fait partie du groupe des îles Vierges. Elle est située à 233 kilomètres nord-ouest de la Guadeloupe, par 18° 3′ de latitude nord et 65° 34′ de longitude ouest, entre l’Anguille, possession anglaise, et Saint-Barthélemy, qui a fait récemment retour à la France.

C’est d’abord par des Espagnols que cette île fut occupée presque aussitôt après sa découverte. Ils y construisirent un fort ; mais en 1648, trouvant leur résidence trop pauvre, ils se décidèrent à l’abandonner. Dans cette même année, le 23 mars, Saint-Martin vit débarquer en même temps des Français et des Hollandais, qui, au lieu de s’exterminer, eurent la bonne idée de partager fraternellement cette terre ; la partie nord, comprenant les deux tiers environ, échut aux Français, la partie sud aux Hollandais. Depuis cette époque, l’entente la plus cordiale n’a jamais cessé de régner entre les représentants des deux peuples, quel que fût le maître aux mains duquel les destinées jetaient ce coin de terre. Saint-Martin devint propriété de l’Ordre de Malte en 1651, fut acheté par la deuxième Compagnie, et entra dans le domaine de la couronne en 1674. Les Anglais s’emparèrent de la partie française de l’île, en 1744, mais la restituèrent peu de temps après ; en 1800, ils l’occupèrent encore une fois ; en 1808, 45 Français s’y défendirent vigoureusement contre 200 Anglais, qu’ils forcèrent à la fuite. De leur occupation a subsisté cette anomalie, que, dans les deux parties de l’île, on parle anglais. Saint-Martin suivit le sort de la Guadeloupe en 1810, et ne nous fut rendu qu’en 1814.

L’île a la forme d’un triangle équilatéral au sud. La partie française a 39 kilomètres de tour et une superficie de 5,177 hectares. Sur la côte nord-est, on voit l’annexe de Tintamarre, îlot absolument désert. Saint-Martin et Tintamarre sont de formation calcaire.

La partie centrale de l’île est traversée par une chaîne de montagnes, dont les contreforts descendent jusqu’à la mer, et dont le sommet le plus élevé est le pic du Paradis (415 mètres). De nombreux ruisselets y prennent naissance ; mais il n’y a pas de véritables cours d’eau, et les habitants — (3.463 dans la partie française, 2.800 dans la partie hollandaise) — sont le plus souvent réduits à l’eau des citernes. Sur les côtes, on remarque une série d’étangs salins, dont les principaux sont le lac Simpson, au fond de la baie du Marigot, l’Étang Salin, et le lac de la Grande-Case, au fond de l’anse de ce nom.

Le chef-lieu de la partie hollandaise est Philipsbourg, et celui de la partie française, le Marigot. Son port est dominé par un morne de 95 mètres d’altitude, que couronne un fort en ruines.

Le climat de Saint-Martin est très salubre et son ciel extrêmement pur. Le sol est léger et sablonneux. L’île a produit autrefois du sucre de bonne qualité et du rhum aussi renommé que celui de la Jamaïque ; mais il n’en est plus ainsi aujourd’hui, et les seules productions sont quelques fruits et légumes, du coton et du tabac assez estimé. On y élève beaucoup de bêtes à cornes, en particulier des chèvres et des moutons ; citons encore des chevaux de petite taille, mais vifs et bien faits. La volaille, le gibier et le poisson sont assez abondants. Saint-Martin est favorisé par un régime de commerce particulier, et ses habitants ne paient aucun impôt. Les communications postales officielles avec Saint-Barthélemy et la Basse-Terre n’ont lieu que deux fois par mois. La plupart des habitants sont protestants et appartiennent à la Communion méthodiste ; aussi voit-on un Consistoire à côté de l’église catholique.

Avant que nous n’eussions repris possession de Saint-Barthélemy, Saint-Martin avait un juge de paix à compétence étendue ; depuis 1877, il a cédé la place à un tribunal de première instance, composé d’un juge titulaire et d’un juge suppléant, d’un commissaire du gouvernement et d’un greffier.