Examen critique de la soi-disant réfutation/05

V


Phrase suivante : En vérité, M. Dessaulles, votre belle Hélène, etc… — Qu’est-ce que c’est que cette belle Hélène et cette Dulcinée qui se donnent la main dans la même phrase, et qui poussent l’auteur, selon-vous, à de si singulières escapades ? En tête du pamphlet vous avez mis la Rossinante ; je crois en vérité, qu’ici vous avez un peu confondu les personnages ; car, dites-vous, elle vous gouverne fort mal. Qui ?… Hélène ? Dulcinée ? Rossinante ? sommes-nous dans les bipèdes ou dans les quadrupèdes ? Qui que ce soit, elle gouverne fort mal M. Dessaulles, dites-vous, ou bien celui-ci n’est pas susceptible d’être assujetti à un gouvernail, et vous lui conseillez de n’inviter personne à voguer à sa suite. — Mais voyons, où voguons-nous ? dans les airs, sur l’eau ou sur terre ? À deux ou à quatre pattes, si toutefois on peut voguer ainsi ?…

<poem class=verse>Sommes nous au milieu du bois ? Sommes nous à la rive ?|}}

Sommes-nous en Espagne ou au siège de Troie ? dans Homère ou dans Cervantes ? Hélène, Dulcinée, la Monture, le Gouvernail, tout ça vogue ensemble dans la même phrase, où en sommes nous ?  ?  ?  ?

Ne forcez point votre talent…
pour la plaisanterie…


car dans tout cela, il semble y avoir encore plus d’ineptie que de mots.

Page 8 du Pamphlet. L. e. l. r., dit à D. ; Vous poursuivez et vous dites : « La vraie formule du progrès, c’est la grande parole prononcée il y a dix-huit siècles : Soyez Parfaits comme votre Père est Parfait. » [1] — Et vous M. Luigi, vous ajoutez : Voilà qui est très-bien. C’est court, mais plein de bon sens chrétien. Vous trouvez-donc, M. L. e. l. r., que Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui a prononcé cet oracle, a beaucoup de bon sens ?… Vraiment !… ou doit vous remercier !… c’est magnifique d’édification.

Mais je crois que M. Dessaulles a parlé bien plus respectueusement que vous, M. Luigi, lorsque en venant à cette citation, il l’amenait en disant que « la vraie formule du progrès, est la grande parole prononcée il y a dix-huit siècles : Soyez parfaits comme votre père est parfait. » M. L. e. l. r., ajoute immédiatement, que M. Dessaulles ne soupçonne pas tout le bon sens chrétien renfermé dans cette parole de Dieu, et la preuve, dit-il, en est dans ce qui suit : « Or comme l’homme ne saurait jamais égaler Dieu en perfection, ce précepte signifie qu’il doit se perfectionner toujours autant que sa nature le lui permet. »

Je ne sais pas ce qu’on prétend faire prouver par cette phrase parfaitement orthodoxe ; car, ou elle ne signifie rien, ou elle signifie que, l’homme étant une créature finie, et ne pouvant par conséquent jamais atteindre à la perfection du divin original, que Notre Seigneur lui donne pour modèle, il doit s’efforcer cependant de s’en rapprocher autant que sa nature d’être créé et fini, peut le lui permettre. Mais c’est ce qu’on nous prêche tous les jours ; ce que disent de concert, tous les auteurs chrétiens. Vous il est vrai, M. L. e. l. r., vous voyez un tout autre sens dans cette phrase ; savoir la monstrueuse erreur du naturalisme : mais vouloir voir cela dans les quatre lignes citées de M. Dessaulles, c’est voir faux. Or, imputer faussement à quelqu’un une doctrine qui est certainement criminelle, c’est soi-même se charger d’un crime. Tous ceux qui ne peuvent pas lire la brochure, sont en droit d’expliquer cette phrase dans son sens véritablement naturel : prétendre à tout prix y voir la négation du surnaturel : c’est tout simplement la dénaturer, ou y voir un sens contre-nature.

Il est absolument possible que ce qui précède ou ce qui suit cette phrase de 4 lignes, que vous donnez ici isolément, détermine le sens de l’auteur à cette doctrine souverainement blâmable du Naturalisme. Vous nous le dites dans votre pamphlet ; mais pour nous, à qui il est expressément défendu de lire l’ouvrage, et qui ne pouvons raisonner que sur ce que vous nous en citez, nous voyons clairement dans cette phrase, un sens très-raisonnable et très-vrai.

Là-dessus, entreprenant une Autre Grande Guerre contre M. Dessaulles, qui n’y prêtait aucunement, et par suite contre de vrais moulins-à-vent, n’en déplaise aux véritables Don Quichotte, — ceux qui sont seuls à l’être et ce sans s’en douter ; — vous étalez deux grandes pages censées de théologie, assez oiseuses, d’une exactitude tant soit peu questionnable, sensiblement prétentieuses et par-dessus tout passablement nuageuses.

Tout ceci nous donne lieu de finir cet article par une conclusion à notre manière, calquée sur la vôtre, comme suit :


   Donc, M. Dessaulles, prétendre, comme vous le faites, que les paroles de Notre Seigneur : Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait signifient que nous devons nous perfectionner autant que la nature nous le    Donc, M. Luigi, prétendre comme vous le faites, que les paroles de M. D., « comme l’homme ne saurait jamais égaler Dieu en perfection, le précepte de Notre Seigneur, signifie qu’il doit se perfectionner toujours
permet, c’est-à-dire d’une façon tout-à-fait naturelle et rien de plus, est absolument faux et contraire à l’enseignement évangélique.

Pour notre perfection véritable, la nature ne peut absolument rien ; bien plus, elle y met souvent les plus terribles obstacles.

autant que SA nature le lui permet, » signifient que nous devons nous perfectionner autant que LA nature nous le permet c’est-à-dire d’une façon toute à fait naturelle, est rien de plus, est absolument faux et étranger au sens de M. D.

Pour l’intelligence véritable d’un auteur qu’on réfute, le parti pris n’y peut absolument rien : bien plus, il y met souvent les plus terribles obstacles.


Les anciens Grecs et les anciens Romains, continuez-vous M. L.


(… — On ne s’attendait guère,
Avoir les Grecs en cette affaire… —)


mais passons !… Qui vivaient embourbés dans la vie des sens, ne voyaient que la nature, et ils avaient sur la perfection humaine exactement les mêmes idées que vous, M. Dessaulles.

Que les Grecs et les Romains vécussent embourbés… etc… qu’ils ne vissent que… etc., c’est possible ; mais qu’ils eussent sur la perfection humaine exactement les mêmes idées que M. Dessaulles ; c’est ce qu’on n’a pas droit de dire ; car M. Dessaulles, n’a nullement parlé de cela dans la phrase ci-dessus.

Et permettez-moi de continuer, en vous copiant M. L., e. l. r.:

Vous n’avez donc pas vous non plus, belle grâce M. Luigi, à venir (comme vous dites que fait M. Dessaulles), chanter d’une voix quelconque, — haute ou basse, — que les adversaires que vous combattez ne sont… que des… des… des… etc… ni à penser que vous soyiez, vous, M. L., e. l. r., celui qu’il fallait à M. Dessaulles, pour lui ouvrir les yeux. Vos prétentions, à vous aussi ne sont pas absolument minces ; mais elles ne manquent pas de ridicule non plus. Songez donc qu’il y a longtemps, (bien longtemps !) que l’Église a eu, pour la défendre, d’autres champions que vous.

On n’a pas osé chercher, on aurait bien moins osé insérer une idée qui nous eut permis d’employer le terme ignoble[2] qui salit cette phrase dans l’original, ni la phrase qui suit.

Soyez donc économe de votre temps, et ne le perdez pas à écrire des soi-disant réfutations, qui vous accusent de la plus visible incapacité. On ne peut guère concevoir, que vous puissiez vous imaginer avoir en quoique ce soit, avancé votre tâche, en exhibant avec suffisance, comme de magnifiques trouvailles, au milieu d’injures de toutes sortes, des pauvretés ou des manques de foi, tels que ceux que renferme ce premier chapitre.

  1. — Sur cette phrase de M. Dessaulles : « La vraie formule du progrès etc »., suivie de la réflexion de M. Luigi : Voilà qui est bien, etc. — Si cette phrase ambiguë de M. L. : C’est court, mais plein de bons sens chrétien, se rapporte non à N. S., mais bien à M. D. lui-même citant à propos et avec convenance cette parole du Fils de Dieu, pourquoi ne pas le faire entendre plus clairement ? Mais on sait que l’orgueil n’aime pas louer : ici il fait mieux encore ; car il suppose gratuitement que si M. Dess. a une fois bien rencontré, lui-même il ne le soupçonne pas, ou bien qu’un instant il a oublié qui il est. — Qui expliquera cette méchanceté, qu’on prétend si vainement, établir sur la phrase toute orthodoxe qui suit, de M. D. ? Voyez page suivante.
  2. Page 11, ligne 8.