Mercure de France (p. 112-113).

LVII

On ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs.


C’est en ces termes que le colossal Bourgeois Abdul-Hamid dut expliquer à son bon ami et loyal serviteur Hanotaux le massacre des deux ou trois cent mille chrétiens d’Arménie. Seulement, il ne l’invita pas à manger l’omelette.

Gabriel, congédié avec un maigre pourboire, se consola comme il put, ayant gratté quelques ronds, j’ose l’espérer, dans la casserole du ministère où ses passades — après Richelieu — firent tant d’honneur à la France.

Ayant fort connu cet homme d’État, je regarde même comme infiniment probable que son admiration pour le sultan ne fit qu’augmenter. Ses entrailles de fils de petits bourgeois de Saint-Quentin ont dû être plus que remuées par ce padischah, possesseur, assure-t-on, de plusieurs vingtaines de millions de rente et immolant à sa chiasse la population de cinquante villes !

Quand un bourgeois parle de casser des œufs pour faire une omelette, soyez sûr qu’il y a quelqu’un ou quelques-uns qui écopent terriblement et qu’il y a toujours un Hanotaux pour applaudir.