Mercure de France (p. 89-90).

XLIII

La parole est d’argent, le silence est d’or.


En voilà un qui ne pourra jamais être compris. Le comble du ridicule serait d’espérer un seul auditeur en disant, par exemple, qu’au plus profond du Texte sacré, la Parole et l’Argent sont synonymes et que le Silence tout en or est une image de la Vie éternelle.

Ce serait demander la camisole de force que d’essayer d’avertir qu’il est dangereux de toucher à des Formes irritables et peut-être sans pardon, comme le génie de la fable allemande accourant, avec son redoutable pouvoir, au commandement d’un évocateur téméraire qui ne sait plus s’en débarrasser.

Je n’essaierai donc pas, me bornant à dire, sans espérance d’être entendu, que cet argent adoré pour lequel vit exclusivement le Bourgeois signifie — comment dirai-je ? — une Volonté mystérieuse dont l’énergie d’expansion est incalculable et qui, pourtant, n’est que la monnaie de l’Indicible désigné par ce Silence d’or, éternellement désirable, auquel sont si vainement conviés tous les bourgeois.

Lorsque le Seigneur dormant du Prophète-Roi se retournera sur son lit de siècles, il y aura un changement surnaturel analogue à celui du commencement de l’Ère chrétienne. On ne verra presque plus Jésus, la Parole semblera s’éteindre, la Prédication, autrefois apostolique, cessera ; cependant qu’à l’autre extrémité du ciel apparaîtra la prodigieuse Face d’or de Celui qui se nomme lui-même, inscrutablement, le Silence !…

Voilà ce que dit, sans le savoir, le percepteur de mon endroit, quand il aligne, dans ses imprenables tiroirs, les sonnantes espèces qu’il a raflées.