Mercure de France (p. 81-82).

XXXVII

Il faut hurler avec les loups.


Précieuse maxime qui a dû être léguée par un vieux chien. Hurler, ai-je besoin de le dire ? est une litote, un euphémisme. Il s’agit de faire ce que font les loups, c’est-à-dire de manger les moutons, en commençant, bien entendu, par ceux qu’on a le devoir de garder.

Le clergé bourgeois est unanime à reconnaître que c’est une pratique plutôt agréable, la chair du mouton étant exquise et bienfaisante à l’estomac de toutes les sortes de chiens. Il y a, dans Ezéchiel, un chapitre menaçant qui a l’air de leur prédire des indigestions. Mais on ne lit guère Ezéchiel dans le clergé bourgeois et, en particulier, dans le diocèse de Meaux, où j’imagine qu’on doit le trouver un peu rococo. Je cite le diocèse de Meaux parce que j’y vis — assez mal, d’ailleurs, n’étant pas berger, ni chien de berger — et que j’ai eu l’occasion d’y observer quelques curés que Bossuet n’avait pas prévus et qui ne ressemblent pas à des aiglons.

Je parlerai plus tard de ces serviteurs de Dieu avec un certain luxe de détails. En attendant je leur propose l’apologue tout à fait ecclésiastique du chien de garde devenu un « chien muet », à force de hurler avec les loups et qui engloutit en silence la Chair et le Sang de l’Agneau, tous les matins.