Mercure de France (p. 32-33).

XI

Faire travailler l’argent.


On vient de le voir, ce Lieu Commun sort du précédent comme l’abeille sort de la fleur. Le précepte ressassé de faire travailler l’argent est théologique, au fond, beaucoup plus qu’économique, par une suite nécessaire de l’identité que je viens d’inscrire.

Travailler, dans le sens du latin laborare, c’est souffrir. On fait donc souffrir l’Argent qui est Dieu. On le fait souffrir, naturellement, avec la plus abondante ignominie. À l’exception des crachats, — car le Bourgeois « ne crache pas sur l’argent », — aucun opprobre ne lui est épargné. On le fait même suer. On lui fait suer le sang des pauvres dans l’agonie des labeurs de mort.

Il y a des peuples qui crèvent dans les usines ou les catacombes noires pour velouter la gueule des vierges engendrées par des capitalistes surfins, et aussi pour que « le mystérieux sourire de la Joconde » ne leur soit pas refusé. C’est ce qui s’appelle faire travailler l’argent !

… Et la Face pâle du Christ est plus pâle au fond des puits et dans les fournaises.