Essais moraux et politiques (Hume)/Le caractère des Nations

VINGTIÈME ESSAI.

Le caractere des Nations.

Les hommes, pour l’ordinaire, sont extrêmes dans les jugemens qu’ils portent sur le caractere des nations, & ils étendent leurs principes à tous les individus dont ces nations sont composées, sans admettre aucune exception : à les entendre, cette contrée ne produit que des ignorans, cette autre que des lâches, une troisieme que des fripons. Si les personnes raisonnables condamnent cette façon de penser, ce n’est pas qu’elles ne conviennent que certaines qualités soient plus affectées à une nation qu’aux autres. On trouve assurément plus de probité chez le commun-peuple en Suisse qu’en Irlande : l’idée de François comporte plus d’esprit & de belle humeur que celle d’Espagnol, quoique Cervantes fût ne en Espagne : les Anglois passent en général pour être plus savans que les Danois, quoique Tycho-Brahé ait été natif du Dannemarc. Il y a deux manieres d’expliquer l’origine du caractere national, par des causes morales, & par des causes physiques. J’appelle cause morale tout ce qui peut opérer sur l’esprit en qualité de motif, & le façonner à certaines habitudes, comme sont la nature du gouvernement, les révolutions qu’il a subies, l’abondance ou la disette qui regne parmi le gros de la nation, la figure qu’elle fait vis-à-vis de ses voisins, & ainsi de suite. Par cause physique j’entends l’air qu’on respire, le climat qu’on habite, en un mot tout ce que l’on suppose influer sur le tempérament, altérer l’état du corps, changer les complétions, & produire de ces effets que la raison & la réflexion surmonte quelquefois, mais qui paroissent pourtant assez visiblement dans le génie & dans les mœurs générales d’une nation.

Il faudroit avoir étudié les hommes bien superficiellement pour nier l’influence des causes morales. Les individus de l’espece humaine sont, à chaque moment, déterminés par des motifs, & les nations, ne sont que des assemblages d’individus. L’ indigence & la dureté du travail dégrade l'esprit du commun peuple, et lui ôte toute capacité pour les sciences et les nobles travaux : le gouvernement despotique dont le joug s’appesantit sur chaque sujet, produit en effet semblable dans le génie & dans l'humeur : il proscrit également les sciences & les beaux arts : on pourroit le prouver par des exemples sans nombre.

Ce principe moral détermine encore le caractere des différentes professions, & va souvent jusqu’à altérer les dispositions naturelles. Dans tous les pays & dans tous les tems, les mœurs du militaire different de celles de l’ecclésiastique, & cette différence est fondée sur des loix éternelles & invariables.

L’incertitude de la vie rend l’officier prodigue, généreux & brave : le désœuvrement où il vit dans le camp ou dans les garnisons, & les grandes compagnies qu’il voit, le portent au plaisir & à la galanterie : dans le fréquent changement de société il prend des manieres aisées, & acquiert une certaine franchise : n’étant employé que contre des ennemis publics, il est sincere, honnête, sans intrigues : enfin, comme il travaille plus de corps que de l’esprit, il ne réfléchit gueres, & les connoissances ne sont pas son fait[1].

Il y a du vrai dans le proverbe qui dit que le clergé de toutes les religions, se ressemble. Quoique le catactere de la profession ne domine pas toujours sur le caractere personnel, cela arrive pourtant plus souvent. On observe en chymie que les esprits extraits de toutes sortes de corps sont les mêmes, lorsqu’ils sont sublimés à un certain point. C’est aussi que ces hommes, qui s’élèvent au-dessus de l’humanité, acquierent un caractere uniforme qui leur appartient en propre, & qui, généralement parlant ne me paroît pas être un des plus aimables. Il est presque en tout l’opposite du caractere des soldats, comme la vie ecclésiastique est opposée à la vie militaire [2]. Quant aux causes physiques, je doute absolument de leur influence, & je ne pense pas que ni l’air, ni la nourriture, ni le climat puissent décider du tempérament & du caractere. J’avoue que la probabilité ne paroît pas d’abord être de mon côté ; car enfin nous voyons que ces circonstances influent sur les autres animaux, & que ceux même qui peuvent vivre en toutes sortes de climats ne parviennent pas également partout à leur perfection.

L’Angleterre est renommée pour le courage de ces dogues & de ses coq de combat, la Flandre pour les gros chevaux, l’Espagne pour les chevaux légers et vigoureux. Toutes ces races dégénèrent lorsqu’on les transplante, & perdent les qualités qu’elles tenoient de leur climat natal. L’homme seul seroit-il excepté de la loi commune[3] ? Comme il y a peu de questions plus curieuses que celle-ci, ni qui influent davantage dans les recherches qui ont la vie humaine pour objet, il y en a peu aussi qui demandent un examen plus sérieux.

L'esprit humain est extrêmement porté à l’imitation : il n'est pas possible aux hommes de se voir souvent, sans contracter une ressemblance de mœurs, & sans se communiquer leurs vices aussi bien que leurs vertus. Un penchant naturel nous entraîne à la société, & ce même penchant nous fait entrer dans les sentimens les uns des autres ; il fait, pour ainsi dire, circuler les mêmes passions, & les fait passer d'esprit en esprit, comme par une espece de contagion. Un certain nombre de personnes, réunies dans un corps politique, parlant la même langue, et que des raisons, de sûreté commune, de commerce ou de gouvernement rassemblent presque journellement, ne peuvent pas manquer de se former les unes sur les autres, et de prendre cette ressemblance qui ajoute le caractere nationale au caractère personnel, propre à chaque individu.

Mais quoique la nature varie à l’infini les humeurs & les esprits, elle ne les varie pas dans les mêmes proportions : il y a dans toutes les sociétés de la valeur & de la lâcheté, de l'industrie & de la paresse, de la douceur & de la brutalité, de la sagesse & de la folie ; mais la dose de ces qualités n'est pas la même : Or les qualités, dont la dose est la plus forte dans l'origine de la société, sont celles qui s’imbibent le plus, & qui donnent la teinte au caractere national. Ou si l'on veut supposer que dans ces sociétés, quoique d'abord fort resserrées, aucune de ces qualités ne domine sur les autres, & qu'elles soient toutes en équilibre ; au-moins est-il certain que les gens en place, & ceux qui sont au timon des affaires, qui forment un corps encore plus petit, n’auront pas toujours le même caractere ; & ce sont eux qui ont le plus d’influence sur les mœurs du peuple. Un Brutus préside à la naissance d’une république : son enthousiasme pour la liberté & la patrie lui fait fouler aux pieds tout intérêt particulier, & le rend sourd à la voix même du sang & de la nature. Un exemple aussi illustre doit nécessairement influer sur toute la société, & produire le même enthousiasme dans l’esprit des citoyens. Quoi que ce soit qui forme les mœurs d’une génération, la génération suivante y renchérira : les peres les inspireront à leurs enfans dès cet âge tendre dont les impressions durables nous suivent jusqu’au bout de notre carrière. Je dis donc que le caractere national est toujours produit par des accidens de cette nature, lorsqu’il n’est pas immédiatement fixé par des causes morales : les causes physiques n’y sont rien, au moins leur influence n’est-elle pas sensible.

Parcourez le globe de la terre, feuilletez les annales des tems, vous trouverez partout des traces de cette sympathie des mœurs, & vous verrez que l’air & climat n’y entrent pour rien. 1. Dans un état fort étendu qui compte une longue suite de siecles écoulés depuis son origine, on remarquera toujours, que le caractere national se répand universellement, & produit partout les mêmes mœurs. C’est ainsi que l’empire de la Chine nous montre, dans tous ses habitans, une uniformité frappante, que l’extrême différence des zônes, & les diverses températures de l’air, ne sont pas capables d’effacer.

2. De petits états qui se touchent, different souvent du tout au tout par rapport au caractere ; & on les discerne aussi aisément que les nations les plus éloignées les unes des autres. Les Athéniens se distinguoient autant, par leur bonne humeur, leur esprit & leur politesse, que les Thébains par leur froideur, leur bêtise & leur rusticité : cependant Athenes n’étoit qu’à une petite journée de Thebes. Plutarque, discourant des effets de l’air sur l’esprit humain, observe combien peu il y avoit de ressemblance entre les habitans du port de Pyrée, & ceux de la haute ville d’Atheênes, qui en étoit à peu-près à quatre milles de distance. Je ne crois pourtant pas qu’il y ait personne à Londres qui mette sur le compte de l’air ou du climat les diverses façons de vivre qui sont en vogue dans le quartier de St. James, & dans celui de Wapping.

3. Le caractere national a, pour l’ordinaire, les mêmes bornes que l’état. En traversant une riviere, en passant une montagne, on trouve, avec un nouveau gouvernement, de nouvelles mœurs. Les Languedociens & les Gascons sont les peuples de France dont la vivacité est la plus gaie & la plus saillante ; il n’y a que les Pyrénées entre eux & les graves Espagnols. Comment conçoit-on que les qualités de l’air changent si exactement avec les limites d’un empire ? Les batailles, les traités ; les mariages, qui reglent souvent ces limites, décideroient-ils du climat & de l’atmosphere ?

4. Lorsque les membres d’une nation, disperée par toute la terre, malgré cette dispersion, sont étroitement unis, & ont de la communication entre eux, ils conferent tous le caractere national. Voyez les Juifs par toute l’Europe & les Arméniens dans tout l’Orient : leur caractere ne se dément nulle part ; les uns sont fourbes partout, & les autres par-tout honnêtes gens.[4] Dans toutes les contrées catholiques-romaines où il y a des jésuites on retrouve le génie de la société.

5. Lorsque deux nations, habitant la même contrée, ne se mêlent point, soit par principe de religion, soit à cause de la différence des langues, chacune conserve, durant plusieurs siecles, ses mœurs propres, qui sont souvent opposées à celles de leurs compatriotes. Les Turcs sont integres, courageux & graves ; la légéreté ; la duplicité & la poltronnerie sont le caractere des Grecs modernes. 6. Les peuples ne quittent point leur caractere avec leur pays natal : il les suit aussi-bien que leurs loix & leur langage, il voyage avec eux par toute la surface de globe. Entre les tropiques même, on discerne aisément les colonies Espagnoles, Angloises, Françoises & Hollandoises.

7. Les mœurs des habitans du même climat changent considérablement d’une génération à l’autre : un autre gouvernement, le mélange d’un peuple étranger, & cette inconstance même à qui toutes les choses humaines sont sujettes, peuvent produire ces changemens.

Les talens & l’industrie des anciens Grecs qu’ont-ils de commun avec la stupidité & la nonchalance des peuples qui aujourd’hui habitent la Grece ? La candeur, la bravoure, l’amour de la liberté caractérisoient les Romains des hommes faux, lâches ; & formés pour l’esclavage, en ont pris la place. Les Espagnols d’autrefois étoient des esprits inquiets, turbulent, & si passionnés pour le métier de la guerre, que lorsqu’ils furent privés de leurs armes par les Romains, plusieurs d’entre eux se tuerent de désespoir[5]. Aujourd’hui ce ne sont pas de grands guerriers, & il n’y a que cinquante ans qu’il eût fallu autant de peine pour les armer qu’il en falloit alors pour les désarmer. Tous les Bataves étoient soldats de fortune aux gages de Rome, leurs descendans payent des troupes étrangeres pour se battre en leur place, & en font le même usage que les Romains avoient fait de leurs ancêtres. On ne sauroit nier que l’on ne trouve quelques traits de la nation Françoise dans la caractere Gaulois, tracé par César, cependant quelle différence à d’autres égards ! D’un côté l’on voit la civilité, les sciences & les arts dans leur plus haut période ; de l’autre, ce n’est qu’ignorance, barbarie & grossiéreté. Je n’appuyerai point sur la comparaison du peuple Britannique d’à présent avec celui qui vivoit avant que les Romains eussent fait la conquête de notre isle ; voici quelque chose de plus récent. Il n’y a que peu de siecles que nous étions les plus superstitieux de tous les hommes : dans le siecle passé nous des fanatiques furieux : aujourd'hui nous sommes la nation du monde la plus froide & la plus indifférente pour tout ce qui concerne la religion.

8. La politique, le commerce, les voyages donnent à des nations voisines une ressemblance de caractere plus ou moins frappante, selon que leurs liaisons sont plus ou moins étroites. Tous ceux que l’on nomme Francs dans les régions orientales paroissent tirés du même moule. Les différences qui restent entre eux échappent aux étrangers : il en est comme des accens de différentes provinces, dont la diversité ne se fait sentir qu’à une oreille exercée.

9. On voit souvent, dans la même nation, parlant la même langue, & vivant sous les mêmes loix, un mélange singulier de mœurs & de caracteres. L’Angleterre est l’exemple le plus remarquable de ce genre, & assurément on ne sauroit l’attribuer à l’inconstance & à la variabilité du climat ; car pourquoi cette même cause ne produiroit-elle pas le même effet en Écosse ? Voici la vraie raison du phénomene. Le gouvernement républicain produit un caractere particulier : le gouvernement monarchique, en produit un autre, encore mieux marqué que le précéder, parce que le peuple copie le monarque ; dans un état tout composé de marchands, comme la Hollande, on voit une façon de vivre unie, qui fixe d’abord le caractere : il en est de même en Allemagne, en Espagne, en France, où la grande noblesse, & les gentilshommes terriens donnent le ton : enfin les religions & les sectes mettent aussi du leur dans la formation du caractere. Or l’Angleterre est un composé de tout cela : son gouvernement est tout-à-la-fois monarchie, aristocratie, & démocratie : la nation est moitié noble, moitié marchande : toutes les sectes y sont tolérées ; & la grande liberté dont on jouit, fait que chacun donne pleine carriere à son humeur & à ses penchans. Voilà pourquoi les Anglois sont la nation de l’univers la moins caractérisée, leur caractere est de n’en avoir point.

Si l’air & le climat influoient sur le caractere des hommes, on y dévroit observer sur tout les influences du froid & du chaud, qui sont si remarquables dans les végétaux & dans les animaux brutes. Mais en effet, n’y a t-il pas quelque raison de croire que les nations qui vivent au-delà des cercles polaires, & sous la zone torride, sont inférieures au reste de l’espece humaine, & que leur esprit ne sauroit atteindre à un certain degré de perfection ? Il se pourroit pourtant que sans recourir à des causes physiques la pauvreté, & la vie misérable des uns les retînt dans une éternelle enfance, & que l’abondance où vivent les autres, & leur peu de besoins les endormît dans une molle oisiveté. Quoi qu’il en soit, il est certain que sous les zônes tempérées les caracteres sont fort mêlés ; & que toutes les observations que l’on a prétendu fonder sur le plus ou le moins de distance où sont les peuples de ces climats du pôle arctique ou antarctique, se trouvent fausses & défectueuses[6]. Dirons-nous que le voisinage du soleil enflamme les imaginations, & exalte les esprits ? Mais les François, les Grecs, les Egyptiens & les Persans sont d’une humeur fort gaie : les Espagnols, les Turcs & les Chinois sont d’un sérieux à glacer : cette contrariété de tempérament ne sauroit venir de celle du climat.

Les Grecs & les Romains bornoient le génie, le goût & l’esprit aux limites des contrées qui sont vers le midi : toute le reste du genre humain, & sur-tout les peuples septentrionaux passoient chez eux pour des barbares, sans savoir, sans politesse, & incapables d’en acquérir. Mais l’Angleterre peut opposer ses grands hommes en tout genre à tout ce que la Grece & l’Italie ont produit de plus illustre.

On prétend que le goût s’épure & que le sentiment du beau devient plus délicat, à mesure qu’une région est plus exposée aux rayons de l’astre du jour, & que cette difference se regle sur les degrés de latitude. On en donne pour preuve les langues. Les peuples méridionaux parlent, dit-on, un langage doux & mélodieux, au-lieu que les langues du nord ne rendent que des sons durs & discordans. Mais cela n’est pas généralement vrai. L’Arabe est rude & désagréable à l’oreille, les Russes ont l’intonnation douce & musicale. La langue latine a de la force, même un peu de rudesse ; l’Italien, qui lui a succédé, est la plus coulante, la plus molle & la plus efféminée de toutes les langues. Chaque langue dépend en partie des mœurs de ceux qui la parlent, mais infiniment plus de ce fonds primitif de mots & de sons qu’ils tiennent de leurs ancêtres, & qui se conserve inaltérable parmi le changement des mœurs & des usages. Les Anglois, du tems de Milton, étoient sans contredit une nation bien plus policée & plus savante que les Grecs du tems d’Homere ; cependant quelle comparaison entre le langage de ces deux poëtes pour ce qui regarde la douceur & l’harmonie ? Que dis-je ? plus les mœurs changent & se perfectionnent, moins le langage changera : il n’appartient qu’à un petit nombre d’esprits supérieurs de fixer le goût & le savoir de tout un peuple ; mais leurs écrits fixent en même tems la langue, & la fixent pour toujours. Mylord Bacon a observé que, généralement parlant, le génie est plus commun dans le sud, mais que dans le nord il s’éleve plus haut. Un écrivain moderne, pour appuyer cette observation, compare les beaux esprits méridionaux aux concombres, qui sont presque tous bons dans leur espece, mais dont l’espece est insipide, & les septentrionaux aux melons ; on en trouve à peine un bon entre cinquante, mais celui-ci est un fruit délicieux[7]. Je crois que cela est vrai à l’égard des tems présens, ou plutôt des tems passés ; mais on peut l’expliquer par des raisons morales. Toutes les sciences & tous les beaux-arts nous sont venus du sud, & l’on s’imagine aisément que dans la premiere chaleur le petit nombre de ceux qui s’y appliquerent, animés par l’émulation, aiguillonnés par l’amour de la gloire, faisoient tous leurs efforts pour les porter au sommet de la perfection : de si grands modeles ne pouvoient pas manquer de répandre le savoir par-tout, & de lui acquérir l’estime universelle. Après quoi il ne faut point s’étonner de voir que l’application se relâche : elle n’est plus assez encouragée, ces succès n’obtiennent plus les mêmes honneurs & les mêmes distinctions. Les pays, dont la grossiere ignorance est entiérement bannie, & où le savoir est trop répandu, produisent rarement de grands hommes. Il semble que dans le dialogue sur les orateurs, on pose en fait qu’il y eut plus de savans à Rome du tems de Vespasien que du tems de Cicéron & d’Auguste. Quintilien se plaint que le savoir est profané par la multitude de ceux qui s’en piquent. Autrefois, dit Juvénal, la science étoit renfermée dans les limites de la Grece & de l’Italie, aujourd’hui toute la terre veut devenir l’émule d’Athênes & de Rome. Le Gaulois enseigne l’éloquence au Breton, qui déjà compose des plaidoyers : dans l’isle de Thulé on forme le projet de prendre des rhéteurs à gage[8]. Ceci est d’autant plus remarquable, que Juvénal est le dernier des écrivains de Rome qui ait eu du génie : ceux qui sont venus après lui n’ont d’autre mérite que de nous avoir transmis l’histoire de leur tems. Je souhaite que la conversion des Moscovites à l’étude, arrivée dans ce siecle, n’ait pas été le prognostic de la décadence des lettres.

Le cardinal Bentivoglio présere les peuples du nord à ceux du midi, les Flamands & les Allemands aux Espagnols & aux Italiens, pour la sincérité & la candeur. Mais cette différence de caractere me paroît n’être qu’accidentelle ; les anciens Romains n’étoient pas moins honnêtes & sinceres que les Turcs modernes : & s’il falloit qu’elle fût fondée sur des causes fiables, tout ce qu’on en pourroit conclure, ce seroit que les extrêmes se touchent, & produisent le même effet. Le caractere double & sans foi résulte ordinairement de l’ignorance & de la barbabarie : si l’on a vu des nations civilisées embrasser une politique tortueuse, cela n’est arrivé que par un excès de rafinement qui leur a fait dédaigner le droit chemin, qui conduit à la puissance & à la gloire.

Comme presque tous les conquérans ont porté leurs armes victorieuses du septentrion au midi, on a cru que les peuples du nord étoient les plus courageux & les plus féroces. On auroit mieux raisonné en concluant que c’est presque toujours la pauvreté & l’indigence qui fait des conquêtes sur le luxe & la richesse. Les Sarrazins, quittant les déserts de l’Arabie, & tirant vers le nord, inondèrent les provinces les plus fertiles de l’empire Romain : à moitié chemin ils rencontrerent les Turcs, qui venant des déserts de la Tartarie, alloient vers le sud.

Un illustre écrivain[9] a remarqué que tous les animaux courageux sont carnaciers : d’où il conclut, que les Anglois, dont la nourriture est forte & succulente, doivent surpasser de beaucoup en courage ces autres nations chez qui le commun-peuple meurt presque de faim. Cependant cela n’empêche pas que les Suédois ne soient braves & d’aussi bons soldats qu’il y en ait jamais eu.

On peut dire en général que le courage est de toutes les qualités nationales la moins fixe & la plus journaliere : n’étant exercée que par intervalle, & par un certain nombre d’hommes, il n’est pas d’un usage aussi constant & aussi universel que l’industrie, le savoir & la politesse : il est par conséquent moins durable, & ne passe pas si aisément en habitude. Pour l’entretenir, il faut l’émulation, la discipline, & sur-tout l’opinion. Les soldats de la dixième légion de César, de-même que ceux du régiment de Picardie en France, étoient pris indifféremment dans la foule ; mais s’étant une fois piqués de passer pour les meilleures troupes de l’armée, ils le furent en effet.

Pour se convaincre combien l’opinion contribue au courage, il n’y a qu’à jeter un coup d’oeil sur les deux principales tribus de la Grèce : leurs colonies étoient mêlées dans toutes les provinces Grecques, par toute l’Asie-Mineure la Sicile, l’Italie, & les isles de l’Archipel ; cela n’empêcha point que la tribu Dorique, anciennement réputée pour la plus brave, ne conservât cette réputation par-tout, & ne se distinguât par-là de la tribu Ionienne : les Athéniens sont le seul peuple de cette derniere qui ait été connu par sa valeur & par ses exploits, encore n’ont-ils jamais atteint la renommée des Spartiates, qui pour le courage tenoient le premier rang dans la tribu Dorique.

Le seul fait auquel il semble qu’on puisse se fier par rapport à l’influence du climat, c’est que les peuples du nord sont passionnés pour les liqueurs fortes, pendant que ceux du sud, s’adonnent à l’amour & aux femmes. L’explication physique qu’on en donne est assez plausible. D’un côté le vin & les liqueurs distillées réchauffent le sang, & munissent le corps contre le froid & les intempéries de l’air. D’un autre côté, dans les pays plus exposés au soleil, le sang s’enflamme, & le penchant qui entraîne un sexe vers l’autre monte à un plus haut degré.

Mais ce fait ne pourroit-il pas être expliqué par des raisons morales ? Peut-être que dans le nord c’est la rareté des liqueurs qui y fait trouver tant de goût. Du tems de Diodore de Sicile[10], les Gaulois étoient de grands ivrognes, apparemment parce que le vin étoit rare parmi eux. La chaleur des climats qui sont vers le midi, obligeant les hommes & les femmes de se vêtir légérement, & de demeurer à demi-nuds, leur passion mutuelle s’augmente, & leur commerce en devient d’autant plus dangereux. De-là la jalousie des peres & des maris, & cette jalousie est une nouvelle amorce pour la passion. Pour ne pas dire que dans les pays où les femmes parviennent plutôt à la maturité, leur éducation demande plus de soin, & leur conduite plus de réserve : à douze ans il est bien plus difficile à une fille de se gouverner, & de dompter l’ardeur de ses désirs, que dans sa dix-sept ou dix-huitième année.

Peut-être enfin que le fait n’est pas vrai, qu’il n’est pas vrai, dis je, que l’amour de la boisson & celui du sexe soient particulierement affectés, l’un au climat septentrional, l’autre, celui du midi. Les Grecs, quoique nés dans un climat chaud, aimoient beaucoup le vin : leurs parties de plaisir se passoient à boire ; ces parties n’étoient composées que d’hommes : les femmes n’étoient jamais admises dans leur compagnie, & vivoient entiérement séparées d’eux. Lorsqu’Alexandre les mena en Perse, royaume situé sous un climat encore plus chaud que le leur, ils devinrent encore plus débauchés, en imitant les mœurs Persanes[11]. Il faut en effet que l’ivrognerie ait été de tout tems un grand titre d’honneur parmi les Persans : Cyrus le jeune, sollicitant les sobres Lacédémoniens de venir à son secours contre son frere Artaxerxès fait valoir trois prérogatives qui le mettoîent au-dessus de ce frere : il avoit plus de courage, il étoit meilleur prince, & il savoit mieux boire[12]. Darius Hystaspès, dans la liste des qualités royales qu’il ordonna de graver sur sa tombe, n’oublie pas celle du plus fort buveur de son tems. Il n’y a rien que vous n’obteniez des Negres pour des liqueurs fortes : ils vous vendront parens, femmes & maîtresses pour un tonneau d’eau de vie. En France & en Italie, on ne boit gueres de vin pur que dans le fort de l’été : alors il est à-peu-près aussi nécessaire pour réparer l’évaporation des esprits animaux, qu’il l’est en Suède, durant le grand froid, pour rendre la chaleur à des corps glacés.

La jalousie n’est pas non plus une marque bien claire d’une complexion amoureuse. Il n’y eut autrefois aucun peuple de la terre plus jaloux que les Moscovites : leurs mœurs n’ont changé à cet égard que depuis qu’ils connoissent les autres nations de l’Europe, & encore en voit-on des traces.

Mais quand il seroit vrai que la nature eût mis ces deux passions, l’une dans le nord, l’autre dans le sud, il ne s’ensuivroit autre chose si ce n’est que le climat peut agir sur les organes du corps les plus grossiers & les plus matériels : ces organes subtils, qui gouvernent l’esprit & l’entendement, demeureroient toujours soustraits à son empire. Cela seroit très-conforme à l’analogie que la nature observe dans ses productions : les races des animaux cultivées avec soin, ne dégénerent pas : les chevaux sur-tout décelent dans leur figure, leur vivacité, leur légéreté, la race dont ils sont issus : mais souvent un sot engendre une philosophe, & un faquin doit sa naissance à un homme d’honneur.

Finissons. Le penchant à la boisson est assurément une passion bien basse & bien brutale en comparaison de l’amour : celui-ci, retenu dans de justes bornes, rend l’homme aimable, & fait le charme de la société. Cependant le midi ne tire pas de-là un si grand avantage sur le septentrion qu’on pourroit d’abord le croire. L’amour, dans ces excès, devient fureur : il excite la jalousie, & rompt cette liberté de commerce entre les deux sexes qui contribue le plus à polir les nations. Enfin si nous voulions rafiner sur ce sujet, il faudroit dire que les climats tempérés sont les plus propres à faire des hommes accomplis ; parce que le sang ne s’y enflamme pas jusqu’à produire les grands symptômes de la jalousie, & que cependant il s’échauffe assez pour faire sentir le mérite du beau-sexe, & pour faire rechercher l’agrément de son commerce.

  1. C'est une sentence de Méandre : Κομψὸς στρατιώτης, ἐυδ’ ἂν ἔι πλάττη θεὸς ϰουδὲες γενοιτ’ ἂν. Il n’est pas même au pouvoir d’un Dieu de rendre un militaire poli. Men. : apud Stobæum. On observe aujourd’hui précisement le contraire. Cela me fait croire que les anciens devoient toute leur politesse aux livres & à l’étude, pour laquelle en effet la vie militaire n’est pas fort propre : le monde & la société, voilà sa sphere ; & si l’on peut y acquérir de la politesse, ce sont les militaires sans doute qui doivent en être les mieux partagés.
  2. Quoique dans certains tems & dans certaines dispositions d’esprit, les hommes aient beaucoup de penchant pour la religion, il n’y en a pourtant que peu en qui ce penchant soit assez fort & assez constant pour former un caractere soutenu. Les ecclésiastiques, comme les autres hommes qui se destinent à une profession, sortent de la masse commune du genre humain, pour embrasser l’état sacré ; & ce sont, pour la plupart, des vues d’intérêt qui les y déterminent. Il arrivera donc que sans être ni athées ni esprits-forts, ils se voient souvent obligés de paroître plus dévots qu’ils ne le sont en effet, & d’afficher un air grave & zélé, lors même que leurs fonctions les ennuient, ou lorsqu’ils s’occupent des affaires de la vie commune. Ils n’oseroient donner l’essor aux mouvemens & aux sentimens naturels de leur ame, il faut qu’ils s’observent & dans leurs actions, & dans leurs parole & jusques dans leurs regards : pour se maintenir dans la vénération où ils sont auprès du peuple, il ne leur suffit pas d’une extrême retenue ; il leur faut par des grimaces & par des hypocrisies perpétuelles fomenter l’esprit de superstition ; cette habitude de dissimuler, détruit la bonté & la candeur naturelle, & cause au caractere un préjudice irréparable. Si par hasard il se trouve un ecclésiastique dont l’esprit soit susceptible d’une dévotion extraordinaire, en sorte qu’il ne lui en coûte pas beaucoup d’hypocrifie pour se maintenir dans le caractere de son état ; il lui est si naturel d’estimer cet avantage plus qu’il ne vaut, de croire même qu’il compense le défaut des mœurs, que souvent il n’est pas plus vertueux que les hypocrites. Quoiqu’il n’y en ait gueres qui osent professer tout haut cette opinion si décriée. Que tout est permis aux saints, & qu’il n’y a qu’eux qui possedent leurs biens en propre, on s’apperçoit pourtant que ce principe gît dans leur cœur, lorsqu’on leur voit représenter le zele pour les observances religieuses, comme assez méritoire pour expier les vices les plus énorme. Cela est si bien connu, que toute dévotion outrée devient suspecte aux personnes de bon sens ; quoiqu’en même tems il faille convenir que cette regle souffre beaucoup d’exceptions, & que la superstition même n’est pas tout-à-fait incompatible avec la probité.

    Les hommes sont ambitieux ; mais leur ambition, pour l’ordinaire consiste à vouloir exceller dans la profession qu’ils ont embrassée, & par-là se rendre utiles à la société : au-lieu que celle du clergé souvent ne se nourrit que d’ignorance, de superstition, de foi implicite & de fraude pieuse. Ayant trouvé ce qui manquoit à Archimede, je veux dire un autre monde où l’on puisse affermir des machines, est-il surprenant qu’il remue celui-ci à son gré.

    La plupart des hommes ont trop d’amour-propre, mais

    c’est aux écclésiastiques que ce vice offre les tentations les plus séduisantes ; à eux, dis-je, qui se voient si fort honorés & respectés, souvent même consacrés par le peuple stupide.

    Les gens de même profession ont beaucoup d’égard les uns pour les autres ; mais chaque jurisconsulte, chaque médecin, chaque marchand suit le train de ses affaires ; son intérêt n’est pas aussi étroitement lié à celui du corps donc il est membre, comme le sont les intérêts du clergé d’une même religion. Ici la vénération des dogmes établis, & la suppression des dogmes qui leur sont contraires, tournent au profit du collége entier.

    Les contradictions déplaisent à presque tout le monde, mais elles rendent souvent le clergé furieux. Tout son crédit & toute sa subsistance se fonde sur la foi que l’on accorde à ses opinions & comme il n’y a que lui qui s’arroge une autorité surnaturelle & divine, il a seul la ressource de taxer ses adversaires d’impiété & de profanation. La haine théologique a passé en proverbe pour désigner la haine la plus furieuse & la plus implacable.

    Le desir de se venger est une passion très-naturelle, mais particuliérement affectée aux prêtres & aux femmes ; ces deux sortes de personnes ne pouvant immédiatement exhaler leur colere par des actions d’éclat, sont toujours sujettes à croire qu’on les méprise, & leur orgueil augmente leur esprit vindicatif.  Voilà donc des causes morales, qui dans l’état ecclésiastique enflamment la plupart des vices attachés à la nature humaine, & quoique plusieurs individus échappent à la contagion générale, tout gouvernement sage ne sauroit assez se mettre en garde contre les attentats d’une société toujours prête à devenir faction, & qui en tant que société, sera toujours animée par l’ambition, l’orgueil, la vengeance & l’esprit persécuteur.

    Le génie de la religion est sérieux & grave ; & c’est-là le caractere qu’on exige des prêtres, caractere qui les astreint à la décence la plus exacte, & pour l’ordinaire les preserve de l’intempérance & de l’irrégularité de conduite. La gaîté, & à plus forte raison les plaisirs excessifs, sont défendus aux ecclésiastiques, & c’est peut-être la seule vertu dont ils soient redevables à leur état. Il est vrai encore que dans les religions fondées sur des principes spéculatifs, & où les discours publics font partie du service, on peut supposer que le clergé doit être savant ; cependant il est certain qu’il aura toujours plus de goût pour l’éloquence, que de pénétration en fait de raisonnement & de philosophie. Mais les ecclésiastiques, en qui l’on remarque les autres belles vertus, l’humanité, la douceur, la modération, comme il y en a un très-grand nombre, ne doivent assurément pas ces vertus à l’esprit de leur vocation, mais uniquement à leur heureux naturel & à de sages réflexions.

    Les Romains s’y prenoient assez bien pour empêcher les influences pernicieuses du caractere prêtral, en défendant par une loi d’admettre au sacerdoce, toute personne qui n’avoit pas passé sa cinquantième année. Diod. Hal. Lib. 2. En demeurant laïque jusqu’à cet âge, il était à présumer que le caractere se fixeroit.
  3. Nous voyons dans les Commentaires de César (Livre I.) que de son temps les chevaux Gaulois étoient excellens, ceux de la Germanie très-mauvais, & si mauvais qu’il fut obligé de se servir des premiers pour remonter la cavalerie Germanique. (Livre VII.) Aujourd’hui les chevaux de France sont les plus méchans de toute l’Europe, & l’Allemagne en produit d’excellens. Cela peut faire soupçonner que les animaux même ne dépendent pas tant du climat que du soin que l’on prend de les dresser & d’en cultiver les races. L’Angleterre septentrionale produit tout ce qu’il y a de mieux en fait de chevaux. Si de-là vous passez le Tweed en tirant vers le Nord, vous n’en trouverez pas une espece passable. Strabon rejette presque tout ce que l’on débite de l'influence du climat ; tout vient, dit-il, de la coutume & de l'éducation : ce n'est pas la nature qui a fait les Athéniens savans, les Lacédémoniens ignorans, & même les Thébains, quoique plus voisins de l’Attique. La différence même qui est entre les animaux, ajoute-t-il, ne vient pas du climat. Lib. II.
  4. Une petite secte, ou une petite société, incorporée dans une grande, est ordinairement fort réguliere dans sa conduite, parce qu’elle est fort observée, & parce que les fautes des particuliers rejaillissent sur le corps entier. Il n’y a qu’une exception ; c’est lorsque, soit par préjugé soit par superstition, il arrive que la petite société soit notée d’infamie, indépendamment de sa morale : en ce cas elle ne se gêne point, parce qu’elle n’a point de caractere ni à sauver ni à perdre : & ceux qui la composent ne s’observent qu’entr’eux.
  5. Tit. Liv. Lib. XXIV, cap. 17.
  6. Je croirois volontiers que les Negres & d’autres especes humaines, car il y en a quatre ou cinq de différentes, sont toutes au-dessous de l'espece des Blancs. Il n'y eût jamais parmi elles de nation civilisée, ni de particulier qui se soit distingué, soit par ses actions, soit par ses lumières : les manufactures, les sciences et les arts n'ont jamais fleuri chez ces peuples : les Blancs les plus grossiers et les plus barbares, les Germains d'autrefois, ou les Tartares modernes les surpassent toujours, soit en valeur, soit pour la forme de leur gouvernement, soit par quelque autre avantage. Il n'est pas possible qu'une différence si constamment observée dans tant de pays, & perpétuée dans tant de générations, vienne du climat ; Elle paroît fondée sur une distinction originaire et inviolable que la nature a mise entre les especes. On voit chez nous des gens de la plus basse extraction se tirer de l'obscurité, & s’immortaliser par leurs talens : nos colonies dans les Indes sont remplies de Negres ; & il y en a par toute l’Europe, leur vit-ont jamais donner le moindre signe de génie ? On parle d'un Negre savant Dans la Jamaïque, mais il est à croire qu'on l'admire à-peu-près comme un perroquet qui articule plus distinctement que les autres*.

    * J’ai eu occasion de faire une expérience qui confirme le sentiment de M. Hume. J'ai remarqué que les jeunes Negres qui ont le plus d'esprit, & de vivacité, lorsqu'on les applique aux arts & aux sciences, y font d'abord de rapides progrès ; mais passé un certain terme, leurs idées se brouillent, & l’on prendroit en vain toutes les peines imaginables pour les pousser plus loin. Note du Traduct.

  7. V. Le petit Philosophe. du docteur Berkeley.
  8. . . . Sed cantaber unde
    Stoïcus ? antiqui præsertim ætate Metelli,

    Nunc totus grajas, nostrasque habet orbis Athenas.
    Gallia caussidicos docuit facunda Britannos :
    De conducendo loquitur jam Rhetore Thule.

    Satyra XV.

  9. Le chevalier Temple. V. sa Relation des Pays-bas.
  10. Lib. V. Le même auteur dit que les Gaulois sont un peuple taciturne : cela montre encore combien le caractere national varie en divers tems. Celui de la taciturnité supposeroit un esprit peu sociable.
  11. Babylonii maximè in vinum, & quæ ebrietatem sequuntur, affusi sunt. Quint. Curt. Lib. V. Cap. I.
  12. Plut. Symp. Lib. I. Qtl. 4.