Essai sur les Comores/Introduction

INTRODUCTION

§ 1.
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Premières expéditions maritimes à la côte orientale d’Afrique. – Sésostris. – Ramsès Meïamoun. – Mœris. – Commerce des Arabes, des Chaldéens, des Assyriens. – Les Phéniciens. – David et Hiram. – Voyages à Ophir et Tharsis. – Recherches sur la position d’Ophir et de Tharsis. – Commerce maritime des Juifs, des Tyriens et des Egyptiens.

Les géographes grecs, latins et arabes, sont tellement obscurs dans leurs descriptions des îles de la mer Erythrée(1) ou de la mer des Indes, qu’il est difficile de savoir si, avant les temps modernes, les peuples civilisés ont connu Madagascar et les îles du canal de Mozambique. Il ne faut, sur ce point, s’attendre à trouver dans leurs ouvrages que des notions générales sur la navigation des anciens le long de la côte orientale d’Afrique, et quelques vagues indications des îles voisines. Ce n’est qu’en rapprochant ces renseignements des observations et des traditions locales, qu’il est possible d’entrevoir la provenance des peuplades noires, jaunes et blanches, dont le mélange a formé la population de Madagascar et des Comores, et l’époque de leur arrivée dans ces îles. Sans parler des expéditions fabuleuses de Bacchus, d’Osiris et de Sémiramis(2), la plus ancienne expédition maritime à la côte d’Ethiopie, dont l’histoire fasse mention, est celle d’Ousertesen, prince égyptien de la 12ème dynastie, que les Grecs ont appelé Sésostris(3). Il fut le premier roi d’Égypte qui fit construire des vaisseaux longs. Avec une flotte de trois cents de ces vaisseaux, il conquit les îles de la mer Rouge, une partie de l’Ethiopie, et franchit le détroit de Bab-el-Mandeb ; mais il ne paraît pas s’être avancé, du côté de l’Afrique, beaucoup au-delà du Cap Gardafui. Ramsès Meïamoun, prince de la 19ème dynastie, fit une semblable expédition, environ 1700 ans av. J.-C.. On voit les flottes de Ramsès(4) représentées sur les murs de Karnak et du palais de Medinet-Abou qu’il fit construire. Mœris, avec une flotte de vaisseaux longs, subjugua tous les peuples riverains de la mer Erythrée ; il fit voile encore plus loin, dit Hérodote, jusqu’à une mer qui n’était plus navigable à cause des bas-fonds(5).

Ces expéditions furent purement militaires. On ne peut faire que des conjectures sur l’établissement des premières relations commerciales avec la côte d’Afrique ; il est probable que cette côte fut d’abord explorée par les Sémites de l’Arabie qui n’en étaient éloignés que de quelques lieues ; peut-être aussi par les Chaldéens, navibus suis gloriantes, dit Isaïe(6), Les Babyloniens et les Assyriens ; tous ces peuples ont entretenu avec l’Inde, dès la plus haute antiquité, un commerce maritime fort actif. Quelques bas-reliefs des ruines de Ninive représentent des bateaux assyriens et, au-dessous, des monstres marins ; ces bateaux sont exactement semblables à ceux représentés sur les monuments égyptiens.

Enfin les phéniciens(8), qui, près de 1800 ans avant notre ère, vinrent s’établir sur les bords de la Méditerranée et apprirent aux Grecs l’art de la navigation, habitaient alors les rives de la mer Erythrée, à l’entrée du golfe Persique. L’histoire est muette sur leurs voyages dans cette mer avant leur émigration, mais on sait qu’à peine installés dans la Phénicie, ils parcoururent dans tous les sens la Méditerranée, franchirent le détroit de Gadès et explorèrent les côtes de l’Océan jusqu’aux îles Britanniques ; navigation au moins aussi dangereuse et difficile que celle de la mer des Indes. Il est donc permis de penser que, lorsqu’ils conduisirent les envoyés de David et de Salomon, à la recherche de l’or, sur les rives les plus lointaines de la côte orientale d’Afrique, ils ne firent que retourner aux lieux qu’avaient déjà visités leurs pères.

David, par la conquête de l’Idumée(9), se trouva en possession des ports d’Elath et d’Esiongaber, situés sur la mer Rouge, au fond du golfe Elanitique. Il permit à Hiram, roi de Tyr, son ami et son allié, de fonder à Elath un établissement maritime ; lui-même y construisit des vaisseaux et s’associa aux expéditions des Tyriens ; Elath attira bientôt tout le commerce de la côte d’Afrique et des Indes. Eupolème rapporte que David envoya d’Elath à Urphe(10), île de la mer Erythrée, des essayeurs d’or qui en rapportèrent à Jérusalem ; c’est, probablement, de ce lieu qu’étaient les 3,000 talents d’or d’Ophir que David Laissa à Salomon pour la construction du temple(11). Après David, Salomon donna beaucoup d’extension à ce commerce ; le Livre des Rois(12) apprend qu’il fit construire une flotte dans la forêt de Wahl, près d’Elath, en Idumée, sur les bords de la mer des Roseaux, et qu’après avoir armé cette flotte avec des marins et des pilotes tyriens, il l’envoya dans le pays de Dahlak, du côté de l’Inde, à Ophir, la ville d’or, d’où elle lui rapporta, en un seul voyage, 450 talents d’or. Elath resta le port principal des Phénciens ; Salomon avait choisi, pour les Juifs, le port d’Esiongaber, littéralement épine du dos, appelé ainsi à cause d’une chaîne de rochers qui fermait la rade.

En même temps que se faisaient ces voyages d’Ophir, les flottes d’Hiram et de Salomon allaient aussi à Tharsis d’où elles rapportaient de l’argent, de l’or, de l’ivoire, de l’ébène, des pierres précieuses, etc. Depuis longtemps les savants sont en désaccord sur l’emplacement d’Ophir et de Tharsis ; plusieurs ont même confondu ces deux endroits ; d’autres ont placé Ophir en Amérique. Une foule de dissertations ont été écrites sur le pays d’Ophir, mais de toutes les solutions proposées, les plus vraisemblables sont celles qui placent Ophir dans l’Inde ou en Afrique. Dom Calmet le place sur les bords du Pont-Euxin, en Colchide, Malte Brun, dans l’Inde, Gosselin, en Arabie, Huet, l’évêque d’Avranches, Danville, MM. De Quatre-mère, Guillain et plusieurs autres auteurs, le placent sur les bords du canal de Mozambique, dans le pays de Sofala, ou tout au moins sur la côte orientale d’Afrique. Cette dernière opinion, fortement établie, prouverait que les flottes des Tyriens et des Juifs passaient, tous les ans, à quelques lieues de la Grande Comore, pour se rendre au delta de Sofala ; elle est trop importante, au point de vue de la découverte possible, par les Juifs, du groupe des Comores, pour que je ne la discute pas brièvement. C’est surtout dans les livres saints et dans leurs différentes versions, grecques, arabe, chaldaïque et syriaque, qu’on peut trouver des éclaircissements pour cette question ; malheureusement ces versions, concordant dans l’ensemble, diffèrent notablement dans les détails ; et quelquefois, d’une façon si désespérante qu’en les lisant il serait facile, avec un peu de bonne volonté, de pointer, sur une carte, une douzaine d’Ophir et autant de Tharsis ; il est donc nécessaire de les comparer, de les contrôler les unes par les autres, et de faire un choix. En procédant ainsi, on peut admettre, tout d’abord, qu’Ophir et Tharsis étaient deux villes ou deux régions distinctes, ainsi que le fait ressortir leur opposition dans ce passage de Jérémie(13) : Uphaz de aurum, afferetur Tharsis de extensum argentum ; et suivant le Targum Jonathan ou la paraphrase chaldaïque : Argentum involutum ex Africâ afferent et aurum ex Ophir, ils apporteront l’argent travaillé de Tharsis ou de l’Afrique et l’or d’Ophir ou d’Uphaz. Cette distinction établie, voyons où était situé Ophir.

L’endroit appelé dans les livres saints Ophir, Sophira, Sopheira, Suphir, Urbs auri, Urphe, où les flottes d’Hiram et de Salomon allaient, chaque année(14), chercher de l’or, des bois rares et des pierres précieuses, est placé dans l’Inde par plusieurs textes des livres des Rois, d’Esaü et de Job(15). Dans les versions, le mot Inde est souvent substitué à celui d’Ophir ; les relations commerciales de la Phénicie et de la Judée avec l’Inde sont, d’ailleurs, indiquées dans Isaïe, Ezéchiel, Job, etc.(16).

Pour prouver que, dans l’antiquité, l’Inde produisait de l’or, je rappellerai les 360 talents de paillettes d’or que, d’après Hérodote, les Indiens Payaient en tribut à Darius(17), et ce qu’ont rapporté Pline et Pomponius Mela de l’île Chrysé, l’île d’or, la Chersonèse d’or de Ptolémée, aujourd’hui la presqu’île de Malacca. Quant aux bois d’ébénisterie et aux pierres précieuses, chacun sait qu’elle en produit encore aujourd’hui. Admettant donc qu’Ophir fut dans l’Inde et rapprochant des analogues connus ces noms d’Ophir, Sophir, et Uphaz, Ophaz, Mophaz, employés toujours par les livres hébraïques à propos du commerce de l’or, je pense, avec M. Reynaud(18), qu’Ophir pourrait Oupara par l’auteur du Périple de la mer Erythrée, Soupara par Ptolémée, et Soubahlica par les écrivains sanscrits, dont les Arabes ont fait plus tard Sofala. Ce port n’existe plus, du moins sous le même nom, mais il devait être situé près de l’embouchure de l’Indus. L’Uphaz, Ophaz, Mophaz, d’où l’on tirait l’or, est vraisemblablement l’Hyphase ou Hypase, un des affluents de l’Indus, aujourd’hui le Sarledj, sur les bords duquel Alexandre bâtit ses autels(19). C’était, sans doute, l’or en paillettes, roulé par cette rivière, que les flottes tyriennes et juives rapportaient à Salomon ; cette poussière d’ or, ou or de lavage, traitée par le feu à la coupelle-obrussa, s’appelait aurum obrizum, aurum de auro, l’or de l’or, l’or par excellence, et l’usage a prévalu d’appeler l’or coupellé ophirium ou ophirizum.

Quant à Tharsis, l’incertitude est plus grande. Dom Calmet a cru que le mot Tharsis signifiait, en hébreu, la mer(20) ; il a traduit ire in ou ad Tharsis par « faire un voyage au long cours », et naves Tharsis, expression qui revient à chaque instant dans la Bible, par « vaisseaux de long cours ». Malgré la profonde science de Dom Calmet, et bien qu’en de nombreux passages des versions grecque, arabe, chaldaïque ou syriaque, le mot Tharsis soit, effectivement, traduit de l’hébreu par « la mer », il me paraît impossible d’adopter son opinion ; une foule de textes établissent clairement que Tharsis était un nom de pays ; les expression rois de Tharsis, enfants de Tharsis, marchands de Tharsis, vases de Tharsis, argent de Tharsis, aller à Tharsis, rapporter de Tharsis, ne permettent pas de voir dans Tharsis autre chose qu’un nom de pays ou de ville ; reste à déterminer la place de cette contrée ou de cette ville.

Il est incontestable que les navires tyriens et juifs s’armaient à Elath et à Esiongaber, sur la mer Rouge, et partaient de ces ports pour aller à Ophir et à Tharsis(21) ; ce qui exclut toute supposition d’un Tharsis dans la Méditerranée ou la mer Noire, et même ailleurs que sur les bords de la mer des Indes, soit du côté de l’Inde, soit du côté de l’Afrique. Or, dans plusieurs passages de Jérémie, d’Isaïe et du 3ème livres des Rois(22), le mot Tharsis a été évidemment regardé comme synonyme d’Afrique par Jonathan, qui a traduit nettement Tharsis par Africa, dans la paraphrase chaldaïque. C’est donc du côté de l’Afrique qu’il faut chercher Tharsis.

Le voyage d’Esiongaber ou d’Elath à Tharsis durait trois ans(23), aller et retour ; ce qui fait supposer que Tharsis était fort éloigné de ces deux ports ; qu’en outre, ce voyage se composait d’une suite d’escales et que les navires faisaient l’échange et la cueillette le long de la Côte.

A Tharsis on trouvait de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, de l’ébène, de l’ivoire, des singes et des paons(24).

Excepté les paons, tous ces objets se trouvent en Afrique. De tout temps la poudre d’or, les topazes d’Ethiopie(25), l’ivoire, l’ébène(26), les peaux de bœufs ou d’animaux féroces, et les plumes d’autruche, ont été les principaux objets d’exportation de la côte orientale d’Afrique. L’argent a pu y être commun autrefois ; les singes y sont très nombreux. Le paon est originaire de l’Inde ; mais le texte hébreu signifiait-il « des singes et des paons » ? Rien n’est moins certain. M. Quatremère propose de traduire le mot hébreu toukkim par perroquets au lieu de paons ; si je connaissais la langue hébraïque, je proposerais de lire, au lieu de singes et de paons : des peaux et des plumes. Les versions syriaque et arabe du 3ème Livre des Rois disent que les vaisseaux rapportaient de Tharsis, ou d’Afrique, « des éléphants(27) », évidemment ici, le tout est mis pour la partie, l’animal pour la dent ; n’en serait-il pas de même pour les deux noms d’animaux traduits par singes et paons ? J’ai peine à croire que les flottes de Salomon se chargeaient d’une semblable ménagerie pour accomplir des traversées qui duraient au moins deux ans.

Ces indications me paraissent suffisantes pour considérer Tharsis comme la côte d’Afrique, spécialement la côte orientale de Gardafui à Solafa. Si ce point est admis, il faut en conclure rigoureusement qu’au temps de David et de Salomon, les vaisseaux juifs et tyriens parcouraient fréquemment le canal de Mozambique. Or on sait, par l’Odyssée quelles chances offraient la navigation dans ces temps reculés ; les vaisseaux, incapables de lutter contre la grosse mer, étaient obligés de fuir devant les tempêtes ou les moussons contraires, et balayés quelquefois, comme celui d’Annius Plotianus, à des centaines de lieues de leur route. Il est donc parfaitement possible qu’un coup de vent ait jeté un de ces navires sur Madagascar, ou sur la Grande Comore qui se trouve très peu éloignée de la côte d’Afrique(28).

Après Salomon, le commerce maritime des Juifs déclina rapidement. Une flotte, que Josaphat avait armée à Esiongaber pour l’envoyer à Tharsis, fut brisée, dans un coup de vent, sur la crête de rochers qui se trouvait à l’entrée du port ; cet accident fit abandonner Esiongaber, et Elath devint le seul port fréquenté. Sous Joram, les Iduméens ou les Arabes le reprirent ; Ozias les en chassa, et il resta entre les mains des Juifs jusqu’à la conquête de l’Idumée par l’églath Phalazar. C’est à cette époque que le commerce des Tyriens dans la mer Erythrée atteignit son plus grand développement. Après la ruine de Tyr, les marins tyriens entrèrent au service des rois d’Égypte ; le commerce égyptien succéda au commerce tyrien et en prit toutes les échelles sur la côte orientale d’Afrique.

§ 2. modifier

Les circumnavigations africaines. – Voyage des Phéniciens sous Néchos. – Exploitations de la côte orientale. – Itinéraire trace par Juba. – L’île Phébol d’Aristote. – L’île Cerné de Timos-thènes, de Pline, d’Ephore et de Lycophron. – Episode d’Iambulus. – La terre méridionale d’Hipparque et de Ptolémée.

Pendant le règne de Néchos, fils de Psammitticus (617 av. J.-C.), des Phéniciens, au service de l’Égypte, reçurent l’ordre de faire le tour de l’Afrique. Ils partirent de la mer Rouge, rangèrent la côte orientale d’Afrique, doublèrent le cap de Bonne-Espérance et rentrèrent en Égypte par le détroit de Gadès et la Méditerranée. Ce voyage dura trois ans. Il ne reste aucune description des pays visités par cette expédition qui, dit Hérodote, fit connaître toute la Lybie pour la première fois(29).

Hannon et Sataspes tentèrent l’entreprise, par la côte occidentale, et échouèrent. Pomponius Mela raconte, d’après Cornelius Nepos, qu’Eudoxe de Cyzique, sous le règne de Ptolémée Lathyre, partit de la mer Rouge et réussit à refaire le tour des Phéniciens ; Malte-Brun, M. Huot et plusieurs auteurs, croient à la possibilité de cette circumnavigation ; mais le récit d’Eudoxe, fort suspecté même par les Grecs(30), n’apprend aucun fait nouveau et paraît n’être que l’arrangement du Périple d’Hannon et des renseignements recueillis jusqu’alors sur les côtes d’Afrique. Il y a pourtant dans ses récits un fait intéressant, s’il est exact ; c’est la découverte d’une proue de navire carthaginois sur la côte orientale d’Afrique.

Un siècle environ après l’expédition de Néarque sur les côtes de l’Inde, Ptolémée Philadelphe fit explorer(31) la Troglodylique et la côte orientale d’Afrique au-delà de Gardafui. On ne sait au juste jusqu’où alla cette expédition ; il est probable qu’elle ne dépassa pas les échelles du commerce phénicien. Evhémère(32), faisant un voyage analogue pour Gassandre, découvrit, au sud de l’Arabie, trois îles Panchœa qui paraissent être Socotora et les îles voisines. Pourtant Socotora n’était plus à découvrir.

Juba, roi de Mauritanie et célèbre géographe, qui avait étudié les ouvrages carthaginois, paraît avoir bien connu toute la côte orientale d’Afrique, d’après les renseignements précis qu’il donne sur plusieurs points de cette côte. Il affirmait qu’en partant de la mer Rouge, on pouvait faire, par mer, le tour de l’Afrique. « Juba, dit Pline(33), prétend que du cap Mossule, par le vent Corus, et en rangeant ses états de Mauritanie, on arrive par mer à Cadix. Ce qu’il en dit mérite d’être ici détaillé. Du promontoire des Indiens, nommé Lepte Acra, ou selon d’autres Drepanum, et après avoir passé l’île brûlée, on arrive, selon lui, à l’île Malchum, par une navigation en ligne droite de 1 500 000 pas ; on compte ensuite 225 000 pas de l’île Malchum au lieu appelé Sceneos, 150 000 pas jusqu’à l’île de Sadanos ; total 1 875 000 pas jusqu’à l’endroit où commence la vaste étendue de l’océan ». L’île Malchum (île Malichos du Periple) ? peut être l’île de Mozambique sur la côte des Makouas ; Sceneos, sur la terre ferme, serait la Sena, Seyouna, Syouna d’Edrisi et d’Ibn-Saïd, placée par M. Guillain sur la rive droite du Zambèse(34) ; quant à l’île de Sadanos, île Adanu, d’après le P. Hardouin, à moins que ce ne soit l’île Bazarata, elle est inconnue. Il est à remarquer que l’itinéraire de Juba conduit presque exactement à la sortie méridionale du canal de Mozambique, où il place la jonction de l’Océan Atlantique et de la mer Erythrée. Ce passage donne à penser que les Carthaginois et les Phéniciens en savaient beaucoup plus que les Grecs sur la géographie de l’Afrique.

Jusqu’ici aucune indication de Madagascar ou des Comores ; quelques textes pourtant, paraissent se rapporter, très vaguement à la vérité, à ces îles. D’abord Aristote mentionne, dans son ouvrage de Mando, deux îles plus grandes que les îles Britanniques, Taprobane (Ceylan) près de l’Inde et Phébol dans la mer d’Arabie ; Madagascar est évidemment la seule île de cette mer à laquelle cette désignation puisse s’appliquer.

D’après Eratosthènes, Timosthènes alla jusqu’à une île appelée Cerné, située dans la mer Erythrée. Cette île est sans doute la Cerné dont parle Pline(35). « On appelle Cerné une île située à l’opposite du golfe Persique, en face de l’Ethiopie ; on ne connaît au juste ni sa grandeur ni sa distance du continent ; on prétend qu’elle n’est habitée que par des peuples noirs. Ephore écrit que les navigateurs, qui s’y rendent de la mer Rouge, ne peuvent en approcher plus près que certaines petites îles, appelées Colonnes, à cause de ses feux ». Ce dernier nombre « propter ardores » a été diversement interprété ; Ephore a-t-il voulu parler d’éruptions volcaniques ? Dans ce cas cette Cerné pourrait être la Grande Comore ou Mayotte ; plutôt la Grande Comore qui renferme un volcan encore en activité ; cette mention d’île brûlante, dans une direction qui répond à peu près à celle des Comores, n’est pas isolée ; elle se retrouve dans Edrist, et acquiert une certaine importance. S’agit-il simplement de feux allumés par les naturels, et analogues à ceux qui trompèrent Hannon sur la côte occidentale d’Afrique ? Cette observation s’appliquerait encore parfaitement aux Comores qui paraissent littéralement en feu, chaque année, au moment où les indigènes brûlent les herbes et les broussailles pour planter leur riz.

Quelques auteurs ont confondu la Cerné d’Ephore avec la Cerné d’Hannou et l’ont placée à l’ouest de l’Afrique. S’il est vrai que le mot Cerné signifie fin, dernière(36), il a pu être appliqué à plusieurs îles situées sur les limites du monde connu des anciens ; mais la position orientale de l’île Cerné, dont parle Pline, est clairement démontrée par le passage que j’ai cité et en outre par ce passage de Lycephron : « L’aurore se lève, laissant Tithon dans son lit près de Cerné ».

Je placerai ici, en supprimant une foule de détails absurdes et en déclarant, tout d’abord, qu’il est généralement regardé comme un conte, le récit d’Iambulus rapporté par Diodore de Sicile(37).

Un marchand grec, nommé Iambulus, fut pris par des pirates, en se rendant dans la partie de l’Arabie ou se trouvent les parfums, et conduit sur la côte d’ Ethiopie. Les Ethiopiens le destinèrent à une expiation dont l’usage existait de temps immémorial ; ils conduisirent une barque solide, la garnirent de vivres pour six mois, et y embarquèrent Iambulus avec un de ses compagnons, en leur recommandant « de se diriger toujours vers le sud, assurant qu’ils seront portés dans une île fortunée où ils trouveront une race d’hommes très doux parmi lesquels ils vivront très heureusement ».

Après avoir navigué pendant quatre mois sur une grande mer, Iambulus et son compagnon arrivèrent enfin à l’île désignée. Les habitants les reçurent bien. La température de cette île était douce ; les jours égaux aux nuits ; à midi le soleil ne faisait pas d’ombre ; les Ourses n’étaient plus visibles. Les habitants portaient des vêtements tissés avec des fibres de plantes, se nourrissaient de graines d’une espèce de roseau, macérées dans l’eau, et écrivaient en traçant les lignes du haut en bas. Ils ne célébraient pas les mariages et n’adoraient que le soleil et les corps célestes. Iambulus remarqua, dans cette île, des animaux ronds qui avaient des pattes tout autour du corps, et des serpents assez grands, mais non venimeux. Il y avait sept îles de ce genre, à des intervalles égaux. Au bout de sept ans, Iambulus et son compagnon repartirent et, après quatre mois de navigation, furent jetés sur la côte de l’Inde.

Une partie de cette description, concernant la disparition des Ourses, la durée du jour, le gnomon, les rabanes, le riz, les crabes, l’absence du mariage, peut se rapporter à Madagascar et aux Comores ; elle paraît, à dire vrai, avoir été inspirée par la description de l’Inde d’Hérodote ; mais ce qui est fort curieux et bien trouvé, si ce n’est pas vrai, c’est qu’Iambulus ait observé l’absence de serpents venimeux, fait exactement vrai pour Madagascar et les Comores, et surtout, l’usage de l’écriture chinoise ou malaise, c’est-à-dire l’écriture des ancêtres des Hovas.

Je m’empresse d’ajouter que ce Iambulus était un conteur bien connu des Grecs, dont Lucien se moque dans son Histoire vraie. Son récit n’est qu’un roman ; mais comme il avait effectivement voyagé dans la mer des Indes, on peut croire qu’il avait recueilli les éléments de son conte dans les récits des marchands qui parcouraient les côtes de cette mer, et qu’au fond, son roman renferme quelques vérités. Ce n’est donc qu’à titre de notion vague d’îles peuplées, à une grande distance et au sud de la côte éthiopienne, que je mentionne son récit. Tous les anciens géographes, Eratosthènes, Hipparque, Strabon, Ptolémée, ont placé l’île Taprobane (Ceylan) bien à l’ouest du cap des Coliaques (Comorin), tandis qu’en réalité elle est à l’est de ce cap. Une conséquence de cette erreur a été le déplacement analogue de la presqu’île de Malaca et, par suite, de Sumatra qui s’est trouvée rejetée près de Madagascar. La connaissance incomplète de ces deux grandes îles les a fait prendre par Hipparque et Ptolémée pour un même continent, embrassant la mer Erythrée depuis le promontoire Prasum, en Afrique, jusqu’à Catigara dans l’Inde. Et pourtant, deux cent vingt ans avant notre ère, Eratosthènes avait affirmé qu’à part l’isthme égyptien, l’Afrique était complètement entourée par la mer ; et quatre cents ans avant ce même Eratosthènes les vaisseaux de Nochos en avaient fait le tour. Mais l’erreur même de Ptolémée prouve que de son temps on connaissait l’existence d’une terre considérable, tournant à l’est, auprès de la côte orientale d’Afrique ; Or cette terre considérable ne peut être que la grande île de Madagascar.

§ 3. modifier

Les géographes arabes. – L’île Cambalou de Massoudi. – Les îles Zaledj d’Edrisi. – L’île Comor d’Edrisi et d’Ibn-Saïd. – Les îles de Comr. – Relation de Marco Paulo.

Tout ce qu’on écrit les auteurs arabes sur la côte d’Afrique et les îles voisines, a été rapporté et discuté par M. le contre-amiral Guillain, dans son bel ouvrage intitulé Documents sur l’Afrique orientale(38), avec la grande autorité que lui donnait sa parfaite connaissance de la mer des Indes et de ses côtes. Je me bornerai donc à reproduire ici quelques passages de Massoudi, Edrisi et Ibn-Saïd, qui semblent avoir trait aux Comores et à Madagascar.

« Le Nil, dit Massoudi, coule à travers cette partie du pays des Soudans qui borde le pays des Zendj, et une branche s’en détache et va se jeter dans la mer des Zendj, qui est celle de l’île de Cambalou. Cette île est bien cultivée, ses habitants sont Musulmans, mais ils parlent la langue des Zendj. Les Mahometans ont conquis cette île et fait ses habitants prisonniers, tout comme ils ont pris l’île de Crète dans la Méditerranée. Ce fait arriva au commencement de la dynastie des Abassides ou à la fin de celle des Omnyades….. Les navigateurs s’avancent sur la mer des Zendj aussi loin que l’île de Cambalou et le Sofala du Demdemah, qui est à l’extrémité du pays des Zendj et des basses terres aux environs….. En l’an 304, je revins de l’île de Cambalou en Oman dans un vaisseau appartenant à Ahmed et Abb-el-Semad, de Syraf….. La quantité des îles de la mer de Zendj est innombrable. Au nombre de ces îles, il y en a une qui est à environ une ou deux journées de la côte. On y trouve une population musulmane sur laquelle des chefs musulmans se sont transmis héréditairement le pouvoir. On les appelle Cambalous ».

Cette île Cambalou, ou Phanbalou, d’après Malte-Brun(39), qui la regarde comme la Phébol d’Aristote, placée au terme de la navigation des Arabes dans la mer des Zendjes, à deux journées environ de la côte d’Afrique, en regard du Sofala, répond bien à la position de Madagascar. M. Guillain, après avoir démontré que cette île Cambalou ne peut être ni Pemba, ni Zanzibar, ni Mafia, ni Madagascar, pense, sous réserve, que c’est la Grande Comore. Il s’appuie principalement, pour exclure Madagascar, sur le silence de Massoudi au sujet de l’immensité de cette île, l’impossibilité de sa conquête par les Musulmans, enfin sur ce que Massoudi ne parle pas des Comores, placées pourtant sur la route suivie par les boutres pour se rendre à Madagascar.

On peut répondre, en faveur de Madagascar, que Massoudi, en appelant la mer des Zendjes « celle de l’île de Cambalou », désigne indirectement cette île comme la plus considérable de toutes celles qui s’y trouvaient, puisqu’elle donnait son nom à la mer environnante. L’assertion de Massoudi relative à la population musulmane de Cambalou est reproduite par Marco Paulo(40) pour Madagascar, qui, en outre, donne à cette île des éléphants, des chameaux et d’autres animaux qui n’y ont certainement jamais existé ; et pourtant personne n’a mis en doute que Marco Paulo ait voulu parler de Madagascar. Enfin, les boutres arabes passent, il est vrai, par les Comores pour se rendre à Madagascar, mais c’est surtout lorsqu’ils s’y rendent de Zanzibar et qu’ils vont à la côte orientale ; ceux qui s’y rendaient des ports du Sofala avaient certainement avantage à traverser directement le canal, sans remonter jusqu’aux Comores, situées précisément dans la plus grande largeur du canal de Mozambique. En tout cas, l’argument peut être retourné, car il serait étonnant que Massoudi, s’il fût allé à la Grande Comore, n’eût pas dit un mot des autres îles du groupe.

Edrisi donne, sur les îles de la mer des Zendjes, des détails plus complets : « 1er climat. 7è section. Cette section comprend la description d’une partie de la mer des Indes et de la totalité des îles qui s’y trouvent, et qui sont habitées par des peuples de races diverses…. En face du rivage des Zendj sont les îles de Zaledj. Elles sont nombreuses et vastes ; leurs habitants sont très basanés, et tout ce qu’on y cultive de dorrha, de canne à sucre et d’arbres de camphre, y est de couleur noire. Au nombre de ces îles est l’île de Cherboua, dont la circonférence est, à ce qu’on dit, de 1,200 milles et ou l’on trouve des pêcheries de perles et diverses sortes d’aromates et de parfums, ce qui y attire les marchands. Parmi les îles de Zaledj comprises dans la présente section, on trouve aussi celle d’Andjebeh, dont la ville principale se nomme dans la langue du Zanghebar El-Anfoudja, et dont les habitants, quoique mélangés, sont pour la plupart Musulmans. La distance qui la sépare d’El-Banès sur la côte des Zendj est de 100 milles. Cette île a 400 milles de tour ; on s’y nourrit principalement de figues bananes… Cette île est traversée par une montagne appelée Wabra, où se réfugient les vagabonds chassés de la ville, formant une brave nombreuse population…. Cette île est très peuplée ; il y a beaucoup de villages et de bestiaux : on y cultive le riz. On dit que lorsque l’état des affaires de la Chine fut troublé par des dissensions et que la tyrannie et les rébellions devinrent excessives dans l’Inde, les habitants de la Chine transportèrent leur commerce à Zaledj (ou Zabedj) et dans les autres îles qui en dépendent(41)…. C’est pour cela que cette île est si peuplée…

Auprès de cette île, il en existe une autre peu considérable dominée par une haute montagne dont le sommet et les flancs sont inaccessibles parce qu’elle brûle tout ce qui s’en approche. Durant le jour, il s’en élève une épaisse fumée, et durant la nuit, un feu ardent. De sa base coulent des sources, les unes d’eau froide et douce, les autres chaudes et salées.

Auprès de l’île de Zaledj sus mentionnée, on en trouve une autre nommée Kermedet, dont les habitants sont de couleur noire. On les appelle Nerhin. Ils portent le manteau nommé Azar et la Fouta. C’est une peuplade audacieuse, brave et marchant toujours armée. Quelquefois ils s’embarquent sur des navires et attaquent les bâtiments de commerce…. Entre cette île et le rivage maritime on compte un jour et demi de navigation ; entre elle et l’île Zaledj nommée El-Anfrandji, on compte une journée ».

A première vue, en ne tenant un compte exact ni des distances ni des dimensions, il semble qu’Edrisi ait voulu parler de Madagascar et des Comores. La grande île Cherboua, voisine de trois ou quatre plus petites, à deux journées environ de la côte des Zendjes, l’île Andjabé (1), dont le nom rappelle si bien Anjouan, peuplée de Musulmans et de Zendjes mêlés, l’île Kermedet avec ses noirs pirates, et surtout l’île du volcan, ont une frappante analogie avec Madagascar, Anjouan, Mohéli et la Grande Comore ou Angazidja. L’illusion cesse quand on compare la description d’Edrisi avec les renseignements donnés, sur quelques îles malaises, par les auteurs arabes qui l’ont précédé.

Tout d’abord, ce que raconte Edrisi, sur les productions des îles Zaledj, a été presque littéralement copié dans Abou-Zeïd ; seulement Abou-Zeïd attribuait cette particularité, non aux îles de Zaledj, mais au pays des Zendjes : « Le pays des Zendj, dit Abou-Zeïd, est vaste. Les plantes qui y croissent, telles que le dhorra (le mil) qui est la base de leur nourriture, la canne à sucre et les autres plantes y sont d’une couleur noire ».

Rapprochons maintenant de la description d’Edrisi quelques passages d’une relation attribuée au voyageur Soliman, contemporain de Massoudi : « Au-delà de ces îles (les Lakedives et les Maldives), dans la mer de Herkend, est Serendib, la principale de toutes ces îles qu’ils appellent Debja. Elle est toute entourée de la mer, et il y a des endroits de sa côte où l’on pêche des perles….. De cet endroit (El-Gebalou) les vaisseaux font voile vers Calabar qui est le nom d’un royaume tirant à la droite, au-delà de l’Inde….. Les habitants y sont vêtus de vestes rayées connues sous le nom de Fouta…. De là, ils passent en dix jours à Kadrandje…. Dans ce lieu, il y a une montagne fort élevée qui n’est peuplée que d’esclaves et de larrons fugitifs…. On dit aussi que près de Zabedj, il y a une montagne appelée la montagne du feu, de laquelle personne ne peut approcher ; le jour, il en sort une épaisse fumée, et pendant la nuit, elle jette des flammes. Il sort du pied de cette montagne deux fontaines d’eau douce, l’une chaude et l’autre froide ».

Andja-bé, en antalote, signifie grande main.

On peut y joindre les relations d’Abou-Zeïd et d’Ibn-Saïd.

« Nous parlerons ensuite, dit Abou-Zeïd, du royaume de Zabedj, situé en face de la Chine et qui en est éloigné d’un mois de navigation…. Le roi de ce pays s’appelle Mahradja…. Il est maître de plusieurs îles qui sont aux environs ; son royaume a plus de 1000 lieues d’étendue. Parmi ces îles est celle de Cherbeza…., celle de Rahmi…. Celle de Cala qui est au milieu de la route entre la Chine et le pays des Arabes…. ; présentement le commerce est ordinaire de Oman à cette île…. ».

« Au pied de l’île Kiloa, dit Ibn-Saïd, est l’île de Kermoua qui a environ 330 milles de circuit ; ses habitants sont des nègres pirates. A l’est est l’île du Volcan, où se trouve une montagne qui ne cesse de vomir du feu pendant la nuit, et d’où s’échappe constamment de la fumée pendant le jour ; ses habitants sont des Zendj ; don pourtour est d’environ 300 milles.

A la suite de ces îles qui dépendent de Kiloa sont les îles Raneh, bien connues des navigateurs. La principale est Serira…. Parmi les îles Raneh, on distingue encore l’île Anfoudja…. La principale nourriture des habitants de ces îles est la banane…. ».

Il est évident que l’île Kiloa ou Kiloua d’Ibn-Saïd est la même que l’île Calabar de Soliman et que l’île Cala, placée par Abou-Zeïd, à moitié route entre l’Arabie et la Chine. Nous sommes donc bien loin d’El-Banès du Zanguebar, et de la côte de Sofala, et cependant nous retrouvons, appliqués aux îles malaises, les noms et les détails introduits par Edrisi dans sa description des îles Zaledj voisines du Zanguebar. Il faut donc admettre ou qu’Edrisi croyait les îles malaises voisines de la côte des Zendjes, supposition fort possible quand on songe à l’énorme déplacement vers l’est qu’il faisait subir à la côte orientale d’Afrique, ou bien, qu’ayant une connaissance certaine d’îles qui se trouvaient près de cette côte, il les aura confondues avec les îles Zabedj décrites par Soliman et Abou-Zeïd, trompé par plusieurs points frappants de ressemblance. Cette dernière hypothèse est d’autant plus vraisemblable qu’Edrisi indique clairement les distances qui séparaient de la côte des Zendjes, les îles qu’il a décrites sont le nom de Zaledj, et qui ne peuvent être que les Comores ; son erreur ne porte donc pas sur la position de ces îles, qu’il indique à peu près exactement, mais seulement sur la description qu’il en a faite. Examinons maintenant quelques renseignements donnés sur l’île Comor par Edrisi et Ibn-Saïd.

Edrisi, 1er climat. 9ème section : « Nous disons donc qu’au midi de cette mer est une partie du Sofala et qu’au nombre des lieux habités de ce pays est la ville de Djebesta, peu considérable. On y trouve de l’or en quantité…. Les habitants de Djebesta n’ayant ni navires, ni bêtes de somme pour porter leurs fardeaux, sont obligés de les porters eux-mêmes…. Ceux de Comor et les marchands du pays du Mahradja viennent chez eux, en sont bien accueillis et trafiquent avec eux. De la ville de Djebesta à celle de Daghouta, trois jours et trois nuits par mer, et à l’île Comor un jour ».

Ibn-Saïd, 5ème section : « On trouve dans cette 5ème section, parmi les villes des Zendj qui sont connues, Mélinde, par 81° de longitude et 2°50’de latitude ; elle est située sur une baie qui se développe à l’occident et où se jette un fleuve qui descend de la montagne de Comr. Sur les bords de ce golfe, sont de nombreuses habitations appartenant aux Zendj ; Les habitations des peuples de Comr se trouvent au midi…. Puis viennent les villes du pays de Sofala ; Banyna…. Banyna a une baie assez longue dans laquelle débouche un fleuve qui vient des montagnes de Comr, situées à l’est…. ».

6ème section : « Cette section comprend les habitations des gens du Sofala qui donnent sur la mer de l’Inde. Il ne s’y trouve pas de villes connues avant leur capitale nommé Syouna, par 99° de longitude et 2°30’de latitude méridionale. Cette ville est située sur un grand golfe où se jette une rivière qui descend de la montagne de Comr…. A l’est de Syouna, commence le canal de Comr qui s’étend de la mer de l’Inde jusqu’aux confins des terres habitées au sud. Sa largeur, en cet endroit, est d’environ 200 milles. Il se dirige, en décrivant un arc, vers le sud et l’est, en conservant cette largeur ou à peu près jusqu’à son aboutissement à la montagne El-Nedama (le cap Corrientes) dont nous donnerons plus loin la description…. ».

7ème section : « Le pays des nègres, qui commence, on le sait, aux confins du Magreb, finit, dans cette section, à la montagne du repentir (El-Nedama, cap Corrientes). La mer remplit les espaces qui sont à l’est de cette montagne et de l’île de Comr…. La mer environnante qui vient du sud et de l’est baigne sa partie sud (du cap Corrientes), et sa partie nord fait face au canal de Comr…. Au pied de la montagne El-Nedama, du côté du nord, et sur le canal de Comr, est la ville de Daghouta, la dernière du pays de Sofala et le dernier des lieux habités dans les terres qui bornent cette mer ; elle est par 109° de longitude et 12° de latitude. Au nord, il y a une baie et une rivière qui vient des montagnes de Comr…. ».

6ème section : « Parmi les villes de l’île de Comr, la longue, la large, dont on dit que la longueur est de quatre mois de marche et la plus grande largeur de vingt journées, on trouve Leyrana. Ibn-Fatima, qui l’a visitée, rapporte qu’elle est ainsi que Magdachou, au pouvoir des Musulmans ; ses habitants sont un mélange d’hommes venus de tous les pays. C’est une ville où arrivent et d’où partent les navires. Les cheikhs qui y exercent l’autorité tâchent de se maintenir dans de bons rapports avec le prince de la ville de Malay qui est située à l’orient…. ».

Je me borne à ces extraits et ne reproduis pas les descriptions de l’île Comor, descriptions qui s’appliquent évidemment, non à l’île située à 200 milles en face la côte de Sofala, mais bien au royaume de Komor, décrit par Abou-Zeïd, c’est-à-dire à la pointe méridionale de l’Indoustan, que les Arabes considéraient comme une presqu’île et appelaient aussi île de Komor. MM. Reynaud et Guillain ont d’ailleurs démontré combien était vague la dénomination d’île Comor employée par Edrisi et Ibn-Saïd. D’un autre côté, des confusions aussi monstrueuses sont-elles bien le fait des auteurs et non des copistes ? Après tout, Ibn-Saïd est fort précis en ce qui concerne la position de son île relativement à la côte d’Afrique, il ne devient incompréhensible que quand il en entreprend la description ; cette description fantastique écartée, la question s’éclaircit singulièrement et il reste plusieurs jalons pour indiquer cette île.

1° - Les Arabes appelaient Djebel-El-Comor une chaîne de montagnes qu’ils supposaient s’étendre parallèlement à la côte, le long du pays des Zendjes et du Sofala, puisqu’ils en faisaient sortir la plupart des rivières qui baignaient ces deux contrées ;

2° - Entre le pays des Zendjes et le Sofala, se trouvaient les habitations des peuples de Comor, sans doute originaires de ces montagnes, qui, d’après Yacout et Ibn-Saïd, avaient émigré dans une île voisine et lui avaient donné leur nom ;

3° - Il est impossible de ne pas reconnaître, dans le canal de Comor, longeant le Sofala, avec une largeur d’environ 200 milles, et finissant au cap Corrientes, précisément en face de l’extrémité sud de Madagascar, le canal de Mozambique actuel, ou tout au moins sa partie méridionale ;

4° - Une des dimensions de l’île Comor est naturellement indiquée par la longueur du canal ; or cette longueur est à peu près celle de Madagascar qui, seule, répond à la longueur du canal et à la distance du continent désignée par Edrisi et Ibn-Saïd.

Il faut donc voir Madagascar dans l’île El-Comor d’Edrisi, El-Comr d’Yacout et d’Ibn-Saïd, El-Camar d’Ibn-El-Ouardy et d’El-Bakoui. Dès 1508, de Ruych la représentait sur sa mappemonde sous le nom d’île Camorocada ; dans le même temps, les Portugais abordaient à une des îles Comores actuelles et lui attribuaient, par erreur, le nom particulier de Comore qui n’était pas le sien, mais bien celui de l’archipel, car elle s’appelait Angazidja, de même que l’île Comr, Camar,ou Camorocada, s’appelait, en réalité, Madecase(42). Le nom de Comor n’était donc qu’un nom générique, donné à l’ensemble des îles de cette partie de la mer des Indes, qu’on appelait îles des Comor ou des Comr de même que, plus haut, on appelait îles des Zendjes, les îles Pemba, Mafia et Zanzibar. Ce qui le confirme c’est que chacune des îles des Comor avait un nom particulier.

Marco Paulo(43) indiqua, le premier, le véritable nom de Madagascar ; voici quelques passages de sa relation, composée des renseignements qu’il avait recueillis des marchands arabes et persans :

« Madeigascar est une ysle qe est vers midi et est longe de Scotra entor mille miles. Ils sunt Saracinz, aorent Mahomet. Ils ont quatre escèque, ce vaut à dire quatre viels homes, e cesti quatre viels ont la seignorie de toste e ceste ysle. E sachiés qe ceste ysle est des plus noble ysle et des greignor qe soient en ceste monde. Car je voz di qe l’on dit qu’elle gire environ quatre mille miles. Ils vivent de mercandie e d’ars…. Ils ont maintes mercandies et bi vienent maintes nés con maintes mercandies…. Et si voz di que les nés (vaisseaux) ne puent aller plus ver midi à les autres ysle for qe à ceste ysle et à celle de Zanghibar, porce qe la mer y cort si ver midi qe à poine s’en poroient venir, e por ceste achaisonz ne i vent les nés. Et si voz di qe les nés qui i vienent de Mabar (Malabar) a cest ysle vienent en vingt jors, e quant elle hi tornet à Mabar poinent aller trois mois et ce avent porce qe la corent vait toz jorz ver midi…. Et encore sachiés tout voiremant qe en celles autre ysles, qe sunt si grant quantité ver midi là où les nés ne alent mie voluntières por la corent qe cort celle part, e dient les homes qe là se treuves des oisiaus griffons…. Et bien est-il vrai qe le grant Kan hi vnvoia sez messajes por savor de cels ysles et encore hi mande por faire laiser un sez mesajes qe avait pris, et cesti mesaje et celui qe pris avoir ceste content au grand Kan maites grant mervoilles de celes estranges ysles ».

Cette relation, dont je n’ai donné qu’un extrait, est fort curieuse et ouvre un vaste champ aux suppositions. Bien qu’elle exagère beaucoup les progrès des Arabes à Madagascar, elle démontre l’ancienneté de leur établissement dans cette île, et leur connaissance des îles voisines.

Il ne faudrait pas conclure, en effet, de l’incertitude et de l’obscurité des passages cités plus haut, que les navigateurs arabes n’ont pas connu les Comores bien avant Edrisi et Ibn-Saïd. Doués au suprême degré de l’esprit mercantile, les Arabes ont été des découvreurs hardis et infatigables ; mais tous leurs voyages d’exploration, entrepris au point de vue du négoce et non de la science, par l’initiative individuelle, n’ont pas eu d’historiens. Peut-être se mêlait-il à la réserve de leurs voyageurs un peu de la jalousie des Phéniciens et des Carthaginois qui tenaient soigneusement secrètes leurs découvertes, craignant de s’attirer, pour le commerce, la concurrence des autres peuples.

En résumé, cette revue, sans doute fort incomplète, laisse dans la plus grande incertitude l’époque de la découverte des Comores, les auteurs de cette découverte, et l’origine de leurs premiers habitants ; elle permet seulement de faire, sur tous ces points, des suppositions plus ou moins hasardées. C’est maintenant l’étude du pays et surtout des traditions locales qu’il faut demander si ces suppositions sont conformes à la réalité.

==§ 4.==

Anciennes embarcations des peuples de la côte orientale d’Afrique. – Les barques de joncs des Ethiopiens. – Les radeaux des Troglodytes. – Les radeaux des Ascites. – Les balsas du Chili et du Perou.

Quelle que soit l’époque de la découverte de Madagascar, il est certain que les premiers navigateurs arabes qui sont allés dans cette île, bien avant les Européens, l’ont trouvée occupée par de nombreuses peuplades, fort différentes de caractère et de provenance. Sans parler des Hovas et d’autres d’origine indienne ou malaise, il y avait des Zendjes, des Zimbas, des Chambaras (peut-être les Comr d’Ibn-Saïd) ? etc.….. dont les ancêtres étaient venus, sans aucun doute, de la côte d’Afrique. On comprend, jusqu’à un certain point, l’arrivée des Malais dans leurs grandes pirogues ; mais Edrisi déclare formellement que les Zendjes et les habitants du Sofala « n’ont pas de navires dans lesquels ils puissent voyager ». Pourtant leur installation à Madagascar, de temps immémorial, est un fait incontestable. Or, comme il est peu probable que les tribus des Zendjes et du Sofala, émigrées à Madagascar et dans les Comores, aient passé dans ces îles sur le dos des marsouins ou sur l’île des Zéphyrs, il faut bien admettre qu’elles ont eu des embarcations pour traverser le canal de Mozambique. Cherchons donc quelles étaient, à ces époques reculées, les embarcations employées par les peuples noirs de la côte orientale d’Afrique.

Prenons d’abord l’Ethiopie, Pline et Diodore de Sicile{{refl|( 44)}} parlent des bateaux de papyrus, de joncs ou de roseaux, qui servaient à la navigation du Nil ; Lucain rapporte que César employa de semblables bateaux pour transporter son armée. On s’en servait aussi sur la mer Rouge : « Malheur, dit Isaïe, à la terre des barques ailées, au-delà des fleuves de l’Ethiopie, qui envoie des ambassadeurs sur la mer dans des bateaux de joncs(45) ». Dom Calmet dit que ces bateaux étaient en usage dans tous les pays voisins de la mer Rouge ; ce qui est certain, c’est qu’ils étaient également employés dans l’Inde ; après avoir parlé de Ceylan, Pline ajoute(46) : « Jadis on croyait qu’elle était à vingt jours de navigation de la côte des Prasiens, parce qu’on y allait avec des barques faites de Papyrus et munies d’agrès comme celles du Nil ; mais on a réduit cette évaluation à sept journées, en raison de la marche supérieure de nos bâtiments ».

Pline parle aussi des pirogues, faites d’une seule pièce, qui servaient à transporter le poivre à Baracen, un des marchés de l’Inde. Il ne dit pas, à la vérité, que ces pirogues étaient employées à la côte d’Afrique ; mais on peut le supposer.

Sur les côtes de la Troglodytique et de l’Azanie, le cabotage se faisait au moyen de radeaux (47), analogues aux catimarons employés aujourd’hui sur la côte de l’Inde. Ces radeaux transportaient à Ocelis, port situé à l’entrée de la mer Rouge, les productions de la côte d’Afrique.

Après avoir parlé de l’itinéraire donné par Juba, qui se termine à l’île Sadanos ou Adanos, à 1,875 milles au sud de Gardafui, par conséquent en plein canal de Mozambique, Pline ajoute (48) : « Tous les autres auteurs ont pensé qu’on ne pouvait accomplir cette navigation à cause de l’ardeur du soleil. De plus, les navires de commerce sont troublés, dans ces parages, par des pirates arabes qu’on appelle Ascites parce que, montés sur un plancher établi sur deux outres de peaux de bœufs, ils sortent des îles et attaquent les navires à coups de flèches empoisonnées ».

Je ne sais si ce mode d’embarcation est encore usité à la côte d’Afrique mais, par une bizarre coïncidence, il est aujourd’hui en usage sur les côtes du Chili et du Pérou. La note suivante, du capitaine Hoff, extraite du Voyage autour du monde de M. Lesson, expliquera complètement le passage de Pline :

« On donne le nom de balsa à une embarcation dont se servent les Indiens sur les côtes du Chili et du Pérou. Deux corps placés l’un à côté de l’autre, et unis par de liens, composent l’ensemble de ce bateau ; chacun de ces corps est formé par un assemblage de peaux de loups marins. La grandeur varie ; elle est, selon la convenance et les lieux, de douze à dix-huit pieds ; on prépare ces peaux en les frottant, avec des pierres, pendant un temps déterminé ; cette opération qui tient lieu de tannage, enlève toutes les aspérités ; on les enduit ensuite d’une huile composée à cet effet ; lorsqu’elles en sont suffisamment imprégnées, on les réunit par des coutures, en leur donnant la forme nécessaire, puis on leur applique extérieurement une espèce de composition faite avec de l’huile et une terre rougeâtre ; cet enduit acquiert de la dureté, et devient comme une écorce qui sert à garantir ces peaux contre le frottement des sables, lorsque le balsa aborde sur la plage. Ces deux outres allongées sont réunies par des morceaux de bois placés transversalement et attachés avec de fortes courroies. On rapproche les extrémités qui forment le devant de l’embarcation jusqu’à ce qu’elles se touchent, tandis que les deux extrémités opposées sont éloignées l’une de l’autre de trois pieds au moins, ce qui donne de l’aplomb à ce frêle bateau, dont la forme est celle d’un triangle isocèle ayant l’angle aigu peu ouvert ; à quelque distance de la partie inférieure de chacun de ces corps se trouve une ouverture terminée par une espèce de boyau ; c’est à l’aide de ce conduit qu’on parvient à introduire dans cette outre l’air qui doit la gonfler ; lorsque cette opération est terminée, on dispose sur l’embarcation des nattes et des joncs marins qui forment un tillac d’environ quatre pieds de large sur huit de long. Ce bateau est d’une extrême légèreté, à peine son poids total est-il de trente ou quarante livres ; cependant il peut porter une charge d’un millier et demi, mais avec un tel fardeau, on n’oserait pas faire un long trajet, car la force avec laquelle la mer repousse cette embarcation de sa surface et la compression qu’un poids aussi considérable exerce sur toutes les parties du balsa l’exposeraient à crever, et il s’ensuivrait une submersion immédiate.

La personne qui manœuvre le balsa s’assied les jambes croisées sur l’arrière, elle nage avec un aviron qui a la forme d’un balancier, et dont chaque extrémité ressemble à une pagaïe ; l’embarcation vide, étant alors très élevée sur la partie de derrière, occupe moins de surface dans l’eau, et un seul homme pourrait, pendant quelque temps, la faire filer 4 à 5 milles à l’heure.

Vide, cette embarcation entre à peine dans l’eau dont elle ne fait pour ainsi dire qu’effleurer la surface ; chargée, elle y pénètre au plus de 4 à 6 pouces. Dans ce dernier état, on est obligé de veiller avec soin à ce que l’air contenu dans les outres ne s’échappe pas, et à faire de nouveau les insufflations pour remplacer l’air que la pression tend à chasser par d’imperceptibles ouvertures.

Il est facile de comprendre de quelle utilité est le balsa sur des côtes où les brisants de la mer interdisent tout moyen de communication autre que celui que je viens de décrire. C’est sur les balsas que se débarquent les articles de commerce destinés à l’intérieur du Chili et du Pérou. Le faible tirant d’eau de ces balsas leur permet de traverser avec confiance les brisants les plus redoutables, sans même que les objets qu’ils transportent soient mouillés, tandis que le canot le plus solide et l’embarcation la plus légère seraient infailliblement engloutis s’ils tentaient de pareils voyages.

Les commerçants qui habitent ces parages sont tellement familiarisés avec ce genre de navigation que jamais on ne conçoit la moindre crainte sur leur départ ou sur leur arrivée. Les ressauts que forme la mer qui rugit avec une horrible fureur sur ces brisants, glacent le voyageur d’un effroi involontaire, et, malgré l’intime conviction de l’absence de tout péril, l’homme le plus accoutumé à braver les dangers ne peut se défendre d’une émotion de terreur, surtout aux époques de la pleine lune ou lorsqu’elle doit changer. Dans ces cas, on s’abstient cependant de charger les balsas de marchandises que l’humidité pourrait détériorer ; mais comme cet état dure de quatre à cinq jours, on ne peut communiquer qu’à l’aide du balsa avec le navire qui est sous le voile ou mouillé à quelque distance de la côte.

J’ai plusieurs fois essayé de passer dans ces circonstances, soit de mon bord à la côte, soit de terre à mon navire, avec une embarcation légère construite à cet effet, et manœuvrée par mes plus habiles marins, mais j’ai dû y renoncer, car malgré de fréquentes tentatives et l’emploi de tous les moyens imaginables, je n’ai jamais pu aborder une seule fois sans que mon canot fut rempli par des coups de mer, quand il n’arrivait pas que contre tous nos efforts, il fut chaviré ou jeté sur la côte. Sur les balsas, dans les mers les plus déferlantes, je n’éprouvais d’autres désagréments que celui d’être couvert par la rosée des vagues à travers lesquelles ils se dirigeaient. Le balsa est donc véritablement un bateau insubmersible ; sa légèreté, la facilité avec laquelle on le manœuvre, la charge considérable qu’il peut porter, rendraient, dans les naufrages, cette embarcation extrêmement utile sur toutes les côtes d’Europe ; ne sait-on pas que lorsqu’un navire se perd dans le voisinage de la terre, il arrive presque toujours, quand la mer est houleuse et déferlante, que l’équipage et les passagers périssent, parce que les canots ou les chaloupes dans lesquels ils se jettent sont chavirés ou coulés par les lames » ?

Evidemment, les balsas du Chili sont l’exacte reproduction des radeaux ascites, employés, suivant Pline, par les nègres de la côte orientale d’Afrique dès la plus haute antiquité. On conçoit sans peine qu’avec de pareilles embarcations ces peuplades aient pu passer du continent dans les îles voisines, que des hasards de mer leur avaient fait découvrir ; surtout lorsqu’on voit, de nos jours, les Malgaches exécuter de semblables traversées dans des pirogues qui sont loin d’être insubmersibles.


NOTES

(1). La mer Erythrée ou Erythréenne, Eruqpaia Oalassh, mer du roi Erythras des Grecs, Yam Edom des Hébreux, litt. La mer du Roux, surnom d’Esaü (Genèse, chap. xxv, v. 30), mare Rubrum des Latins, comprenait la mer des Indes et ses deux golfes : le golfe arabique, Yam Suph, mer des Roseaux des Hébreux, la mer Rouge actuelle, et le golfe Persique.

(2). Diodore de Sicile, liv. Ier, ch. XVIII et XIX ; liv, II. Ch. XIV.

(3). Strabon, liv. Ier et XIV ; Diodore de Sicile, liv. I, ch. LV ; Pline, liv. VII, ch. XXIX.

(4). Muller, Archéologie, Arts plastiques et peinture des Egyptiens.

(5). Hérodote, liv. II, ch. CII.

(6). Isaïe, ch. XLIII, v, 14.

(7). Ott. L’Asie occidentale et l’Égypte.

(8). On les appelait aussi Erythréens ; d’ailleurs, les noms de Phéniciens, Erythréens, Iduméens, qui tous signifient rouges, indiquent une descendance commune d’Esaïï. V. Hérodote, liv. I, ch. Ier ; Strabon, liv. Ier, ch. XI ; Denys le Periégète ; Lycophron ; Cassandre ; Rollin, Histoire ancienne ; M. Larcher, Notes sur Hérodote ; M. Huot, Notes sur Poponius Mela, etc.

(9). Dr Prideaux, Histoire des juifs.

(10). Eupolème dans Euseb. 2vang. Liv. IX.

(11). Paralipomenon, liv. Ier, ch. XXIX, v. 4.

(12). Rois. Liv. III, ch. IX, v. 26, 27 et 28. Targum Jonathan :
« Et navem fecit Selomoh in Ghezion Gaber super litus maris Zuph in terra Edom. Et misit Hhiram in navi servos suos, viros nautas et peritos regendi in mari, cum servis Selomoh. Et venerum in ophir, et acceperunt inde aurum, quadringenta et viginti talenta ; et adduxerunt ad regem Selomoh ». – Vers. Arabe : « Absolvit ergo Salomon œdificium domûs ; tum struxit navim in sylva val, quœ est prope Iloth, secus littus maris suph, quœ est on terra Edom. Tum misit Hhiramus rex servos suos in illa navi, homines nautas peritos gubernandi naves in mari, una cum servis Salomonis. Qui egressi ad regiones Dahlak, quœ sunt ex India, adsportarunt indi auri quadringinta viginti quintarta et attulerunt ea Salomoni ». Polyglotte de Walton.

(13). Jérémie, ch. X, v. 8.

(14). Rois, liv. III, ch. X, v. II : « Sed et classis Hiram quœ portabat aurum de Ophir attulit ex Ophir, etc… » – Vers. 14 : « Erat autem pondus auri quod afferebatur Salomoni per singulos annos…etc ».

(15). Rois, liv. III, ch. IX, v. 27. Hébreu et version arabe. – Rois, liv. III, ch. XV, v. II et I2, id.

(16). Isaïe, ch. XIII, v. 13 : « … lapillus qui ex India … » vers. Arabe. – « … lapis qui de Suphir … » vers. Grecque. – Job. ch. XXVIII, v. 16. Vulgate : « … tinctis Indiœ coloribus … » – Targum Jonathan : « … tinctis colorigus Ophir … » – Ezéchiel, ch. XXVII, v. 6. Vulg…… « ebore indico… » – vers. Arabe : « … fecerunt templa ex ebore et fana idoluarum ab insulis Indiœ … ».

(17). Hérodote, liv. III, ch. LXVIII. – Pline. – Pomponius Mela.

(18). M. Reynaud, Mémoire sur l’Inde.

(19). Pline, liv. VII.

(20). V. Dissertations de Dom Calmet, de l’abbé de Vence, etc., sur la Bible. Sainte Bible, Paris 1821.

(21). Paralipomenon, liv. II, ch. XX, v. 36 et 37. Vers. Syria – que : « … accessit ad eum ut naves componeret quœ proficiscerentour in Tharso, composuerunt autem naves in urbe Isinu Geber … » – Vers. Grecque : « … fecit navigia ad eumdum in Tharsis. Et fecit navigia in Gasion Gaber … » – Vers. Arabe : « Consociavit se ei ad faciendum naves in urbe Esion ut irent in Tharsis … » – Toutes ces traductions latines des différentes versions sont tirées de la Polyglotte de Walton, Londres, édition de 1657.

(22). Jérémie, ch. XI, v. 8. « … afferetur Tharsis de … », mot à mot hébreu. – « … Ex Africa afferent … » Targum Jonathan. – Rois, liv. III, ch. X, v. 22. Hébreu : « … Tharsis navisveniebat … » – Targ. Jonath : « … Veniebat navis Africa … » – Isaïe, ch. XVI, v. 19.

(23). Rois. liv. III, ch. X, v. 22. Hébreu : « … Tharsis navis veniebat annis tribus in semel … ».

(24). Rois. liv. III, ch. X.

(25). Job. ch. XXVIII, v. 19 : « Non adœquabitur ei topazius de Ethiopid … ».

(26). V. Note de Dom Calmet sur le verset 22 du ch. X du 3è liv. des Rois. – Hérodote, liv. III, ch. LXXXVIII et CXIV.

(27). Rois. liv. III, ch. X, v. 22. Vers. Syriaque : »… Onusta argento et auro, elephantis, sîmiis et pavonibus« . – Vers. Arabe : »… Advehentes argentum et aurum, elephantes, simias et pavones« .

(28). Ce fait est confirmé par les traditions locales.

(29). Hérodote, ch. CLIX. – Strabon, liv. II. – Hérodote, liv. IV, ch. XLII et XLIII.

(30). Strabon, liv. II.

(31). Strabon, liv. XVII. – Pline, liv. VI ch. XXII et XXIX.

(32). Diodore de Sicile. – Pline. – Pomponius Mela. – V. Note de M. le comte de Grandpré sur l’île Pank. Bulletin de la société de géographie, 1837.

(33). Pline, liv. VI, ch. XXIX.

(34). M. le contre-amiral Guillain ; Documents sur l’Afrique orientale, tome Ier.

(35). Pline, liv. VI, ch. XXXI.

(36). Gosselio. – M. Guillain.

(37). Diodore de Sicile, liv. II, ch. LV.

(38). Voir pour tout ce paragraphe, M. Guillain, Documents sur l’Afrique orientale, tome Ier. – L’abbé Renaudot, Anciennes relations des Indes et de la Chine.

(39). Malte-Brun. Géographe.

(40). Voyages de Marco Paulo, publiés par la société de Géographie.

(41). Voir à ce sujet l’explication d’Abou-Zeïd, dans l’ouvrage de l’abbé Renaudot, Anciennes relations des Indes et de Chine.

(42). De Flacourt. Histoire de la grande isle Madagascar. Paris 1661.

(43). Voyage de Marco Paulo. Ed. de 1824, ch. CLXXXXI.

(44). Pline. – Diodore de Sicile. – Lucain. – Héliodore.

(45). Isaïe, ch. XVIII, v. Ier. – Hébreu. »… Aquarum facies super junci vasis in et legatos mare per mittens« . – Vers. Syriaque : »… Mittenti legatos per mare et in vasis junceis super faciem aquarum« . – Voir commentaire de Dom Calmet sur ce passage d’Isaïe, édition de 1821, Sainte Bible.

(46). Pline, liv. VI, ch. XXIII. « Reliqui omnes propter solis ardorem navigati posse non putaverunt. Quin et commercia ipsa infestant es insulis araves ascitœ appellati, quoniam bubulos ntres binos sternentes ponte, piraticam exercent sagittis venenatis ».