Essai sur la régénération physique, morale et politique des Juifs/25

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CHAPITRE XXV.


Considérations sur la nature & les causes des préjugés des Juifs. Remèdes à y apporter.


Si les Juifs n’étoient que sauvages, on auroit plus de facilité pour les régénérer, il suffiroit de semer dans une terre neuve pour espérer une récolte abondante ; mars ils ont l’ignorance acquise qui a dépravé leurs facultés intellectuelles. Nous admettons des exceptions flatteuses en faveur de quelques individus aimables & lettrés, qui ont laissé leur nation bien loin derriere eux ; il y a autant de disparité entr’eux & leurs Rabbins, qu’entre Jacques de Voragine & Bossuet. Il s’agit ici du gros de la nation impétrée dans les lacs d’une crédulité grossiere, & submergée dans un océan de sottes opinions. Le commerce pour l’ordinaire rectifie les idées fausses, donne des notions saines, détruit ou amortit les préjugés ; mais c’est chez des hommes qui, jouissant des droits de citoyens dans toute l’étendue du terme, peuvent fraterniser avec tous les autres, ou du moins se mettre au pair, au-lieu que les Juifs toujours tenus par la haine à grande distance, envisagés, pour ainsi dire, comme intermédiaires entre nous & la brute, ont rarement pu s’élever au niveau des autres à la dignité d’humains.

Ce peuple conserve son orgueil dans son avilissement, & ne raisonne gueres que d’après les déraisonnemens de ses docteurs. Chez les Rabbinistes, Élie le Lévite & Menasser sont presque les seuls qui ayent réduit leurs traditions à leur juste valeur ; mais trop heureux d’être impunément si judicieux, ils n’ont pu corriger leurs confreres qui ont continué de débiter des rêveries, de dénaturer les faits historiques, en sorte que chez eux la critique est encore à naître. Ils ont même créé autrefois un fleuve sabbathius qui cessoit de couler le jour du sabbat, ou ne couloit que ce jour-là. Peut-être faut-il le placer dans le royaume de Cozar, qui est près de la mer Gargan. Les Juifs nous ont donné de belles descriptions de ce pays auquel il ne manque que l’existence. À peine en croit-on les yeux, quand on lit Benjamin de Tudele(1) & Joseph Bengorion(2), qui sont cependant les Titelives, les Tacites de la synagogue. Qu’ont-elles donc produit autrefois, ces célebres académies de Tibériade, Sora, Nahardée, Pombe-Ditha, Peruts-Schibbur, Lunel, &c. &c., & de nos jours, celles de Sapheta, de Thessalonique, de Prague & de Fez ? Celle-ci fut toujours la moins absurde. Clenard y trouva quelques doctes personnages ; mais en général, loin de reculer les bornes de l’esprit humain, elles en ont consacré les erreurs en donnant comme dogmes les écarts d’une imagination délirante ; & dans cette foule de Rabbins qui grossissent la collection de Bartolocci(3), on voit à peine quelques bons écrivains se présenter avec éclat à la postérité. Faute de mieux, on citera Marin Akiba, Maimonides, Kimki, Gerson, la lumiere de la captivité françoise, Aaron-ben-Chaim, Juda-Ching, Abenezra, Abrabanel, Aaron-ben-Joseph, docteur caraïte, Élie le Lévite, Orobio & le vertueux Menasseh.

Cependant si l’on vouloit extraire de leurs écrits ce que la saine raison daigneroit avouer, le triage fait, quelle ample collection de fadaises & d’erreurs resteroit accumulée ? Les bras tombent lorsqu’on lit dans un Abrabanel, comme dans beaucoup d’autres, que tous les Juifs devant ressusciter en Palestine, les corps de ceux qui n’y meurent pas, y rouleront par des canaux souterreins que l’Éternel a creusés. La nation vient enfin de posséder un homme de génie dont la place n’est pas vacante, mais depuis l’historien Joseph, il a fallu dix-sept siecles pour produire Mendelsohn(4).

Il y a long-temps que dans son traité contre les Chrétiens, un Empereur reprochoit aux anciens Hébreux leur ignorance. Ce reproche est déplacé, si l’on considere qu’ayant tous les arts nécessaires à leur genre de vie frugale & laborieuse, ils pouvoient très-bien se passer de chymistes & de géomètres. Tous ou presque tous, comme encore aujourd’hui, savoient lire, & leur étude se bornoit à la loi, qui renfermoit un corps de doctrine & de morale, un code législatif approprié à leur gouvernement.

Le traducteur forcené de Julien enchérit sur son maître, en leur reprochant de n’avoir ni clef ni mode ; il leur fait un crime d’avoir manqué de belle musique, d’écoles d’anatomie. Effectivement, on ne trouve chez eux ni des Winslou ni des Gluck, & cette privation est à ses yeux un forfait abominable dont ils ne pourront jamais se laver.

Il faut convenir que chez eux on trouve peu de caracteres originaux, rarement ils donnent l’essor à leur esprit, ils craignent de voler de leurs propres ailes ; asservis sous l’empire des préjugés, égarés dans le sentier ténébreux des erreurs, ils n’ont gueres que des idées empruntées ; & quelles idées ! eux seuls parmi nous admettent encore la métempsycose des méchans. On sait que, suivant leurs docteurs, les ames des adulteres doivent transmigrer dans des pourceaux. L’alchymie a préparé de brillantes découvertes, parce que l’erreur occupe le vestibule de la vérité : il semble que par-là même les Juifs ressassant les calculs absurdes de la cabale, auroient dû s’élever jusqu’à la connoissance des logarithmes & des fluxions ; à peine ont-ils trouvé quelques propriétés des triangles. Ignorans jusqu’au neuvieme siecle, ils commencerent alors à s’instruire dans les sciences de Arabes ; rivaux de ceux-ci, ils furent bientôt plus éclairés que les autres nations ; beaucoup s’occuperent de la jurisprudence dont ils discuterent plusieurs points avec une sagacité peu commune ; beaucoup d’autres se livrerent à la médecine, qu’ils cultiverent, qu’ils cultivent encore avec quelques succès en orient sur-tout ; & si l’on en croit le savant Freind, dans le moyen âge, ils furent en Europe les princes de cette science(5). Mais ils ne donnent pas une haute idée de leur théorie par leurs contes sur l’os luz qui est la racine du corps, duquel tous les visceres tirent leur origine, & qui ne peut être brisé, brûlé ni moulu. Nous avons observé plus haut que quelques-uns gravent avec succès, qu’ils ont créé l’art des finances, & perfectionné celui du mercier. Mais comment faut-il qualifier ce que l’usure y a su ajouter ? Les Juifs nous ont cependant laissé sur l’astronomie un monument précieux qui a hâté les progrès de cette science ; car c’est aux Juifs de Tolede qu’on doit les tablees alphonsines dressées au treizieme siecle.

À ces articles près, je ne vois pas, n’en déplaise à un de mes compatriotes que j’estime, quelles sont ces découvertes dont tous les siecles doivent tenir compte au peuple hébreu(6) ; mais quand dans une brochure imprimée, il y a une vingtaine d’années, on lit que l’Europe est redevable aux Juifs de la renaissance des lettres & des beaux arts(7), on est tenté de croire à l’infidélité de ses yeux, plutôt qu’à l’assertion de l’auteur.

Quelques Juifs ont brillé par l’éloquence, cependant leurs sermons ne sont gueres, dit-on, que des tissus de discussions inutiles qu’ils embrouillent quelquefois en voulant les éclaircir ; & les deux que Wagenseil nous a fait connoître(8), n’inspirent pas la curiosité d’en voir d’autres. Le Pharisaïsme est encore dominant dans les synagogues ; car tel est l’homme, à mesure qu’il s’éloigne de la vertu, il aime à se faire illusion en la remplaçant par des pratiques qui n’en sont gueres que l’indice ou le fantôme. Les loix cérémoniales du Pentateuque avoient un but digne de la sagesse de Dieu, puisque le culte doit parler aux sens qui sont, pour ainsi dire, les portes de l’ame ; mais cela n’autorisoit pas les Rabbins à créer une foule de cérémonies ridicules qui ne peuvent qu’étouffer la vraie piété & rétrécir le génie(9).

Ce seroit de grands péchés que d’aller à la synagogue le matin sans porter les Téphilins(10), de ne pas allumer de lampes dans sa maison le jour du sabbat, & sur-tout de se mettre à table sans avoir lavé ses mains. Ce péché est aussi grand, dit le Rabbin Joré, que d’avoir commerce avec une femme perdue(11). La quantité & la qualité de l’eau employée à cette ablution, offrent une foule de difficultés qui ont quelquefois partagé les docteurs(12). Tant de petitesses(13) donnent lieu de penser qu’il est plus difficile d’éclairer les Juifs rabbinistes que les samaritains, moins occupés de ces puérilités, & les caraïtes qui les rejettent absolument, & appellent les pharisiens des ânes bridés.

Quoique nous supprimions une infinité de sottises plus que ridicules, éparses dans leurs ouvrages, on regardera peut-être ce détail comme dérisoire, peut-être aussi nous fera-t-on la grace de ne le croire qu’inutile ; il n’est ni l’un ni l’autre.

Après avoir exposé les moyens de régénérer cette nation, nous avons voulu faire mieux sentir la nécessité de cette réforme, & montrer les objets sur lesquels on doit la porter ; car si on ne respectoit la patience du lecteur, & l’état malheureux des Juifs, on eût fait passer en revue cent de leurs auteurs qui ont débité cent mille & une rêveries plus absurdes, s’il est possible, que celles qu’on vient de lire dans le texte & dans les notes ; il semble que la crédulité ait chargé la bêtise de les rédiger.

Comment se peut-il donc que des hommes, que nos semblables ayent déliré à ce point ? par quelle fatalité le peuple le plus incrédule est-il en même temps le plus crédule ?

Les traditions du Juif, ses livres, ses fêtes, lui rappellent constamment des prodiges ; de forte que familiarisé avec le merveilleux, crédule par ignorance, superstitieux par misere, il s’est livré à tous les vertiges du mensonge, & n’a jamais su distinguer entre les miracles avérés que la foi révere, & les contes absurdes que la raison réprouve. Le gouvernement des anciens Hébreux étoit une vraie théocratie. Depuis cette époque, ils ont lié toutes les connoissances à celle de la loi, jusqu’à la science sublime d’écorcher les animaux, tout est entré dans le plan du système religieux. Cet assemblage a fait naître une foule de rêveries auxquelles il a toujours été permis d’ajouter. On juge de là que les nations sensées ne peuvent s’introduire chez eux que difficilement, parce que les moindres changemens paroissent des innovations dogmatiques. Le chaos des traditions talmudiques est ensuite devenu leur théologie ; mais la théologie, proprement dite, est une science qui n’est pas susceptible de découvertes, elle propose des dogmes à croire, elle étaye ces dogmes des motifs de crédibilité. Veut-on l’étendre au-delà de cette sphere ? on défigure la plus sublime des connoissances, on crée des entités, des quiddités, des raisons raisonnantes & raisonnées, c’est-à-dire, qu’on déraisonne ; & ce qui est arrivé chez nous, devoit à plus forte raison arriver chez les Juifs.

Telles sont les principales sources de leur égarement inconcevable, & de leur attachement à des traditions burlesques qui excitent tout au plus le rire de la pitié. Détruisez les causes, les effets disparoîtront ; mais le grand obstacle viendra toujours de la part des préposés de la synagogue, car la nation ne pense, ne parle, n’agit que d’après leurs décisions, & l’on ne peut trop répéter qu’il est essentiel de surveiller leur éducation, leur ministere, & de borner leur pouvoir. S’ils ont gâté la nation, ils peuvent la régénérer.

Dans le plan proposé, nous n’avons pas parlé des femmes, parce que leur réforme est une suite infaillible de celle des maris, à qui elles sont entièrement subordonnées. On a dit & répété que les hommes seront toujours ce que les femmes voudront. Chez les Juifs, non : car, il faut l’avouer, un autre obstacle à leur réforme, c’est le peu d’estime qu’ils ont toujours eu pour les personnes du sexe. Cette conduite leur est commune avec tous les peuples chez qui la permission du divorce & de la polygamie tient les femmes dans l’abjection, & les fait considérer comme de vils instrumens du plaisir. Les impuretés légales qui, chez les Hébreux, les éloignent quelquefois de la société, ont fortifié cette maniere de penser. Leur but primitif n’étoit cependant que d’inspirer une retenue décente, & de réfréner des passions grossieres.

Il paroît, en lisant Malachie, que depuis longtemps les Juifs ont mérité ce reproche. Postérieurement au prophète, le docteur Hillet, énumérant les raisons qui peuvent autoriser le divorce, y comptoit celle-ci : Si la femme a trop fait cuire le dîné de son mari. Aquila, plus indulgent encore, prétend qu’il suffit d’en trouver une autre plus agréable. L’usage, dit M. Roussel, de faire rendre les oracles par des femmes chez les Grecs, les Juifs, les Germains, partoit d’un certain respect pour ce sexe(14). Les femmes, rendre des oracles chez les Juifs ! supposition purement gratuite. Quoiqu’actuellement le divorce soit rare chez eux & la polygamie absolument inusitée, excepté peut-être en quelque coin de l’orient, leur maniere désavantageuse de penser à l’égard des femmes, s’est perpétuée jusqu’à nos jours(15). Vainement Cardoso nous assure qu’ils en font estime(16). Qui faut-il croire ? ou le docteur assurant une chose, ou l’expérience qui le contredit. Tous les jours les Juifs disent à Dieu dans leurs prieres : Béni sois-tu, Créateur du ciel & de la terre, de ce que tu ne m’as pas fait femme ; & la femme humiliée dit : Béni sois-tu qui m’as faite comme tu as voulu. Un auteur très-moderne prétend qu’ils ont eu des femmes savantes(17), autre assertion dont nous demandons la preuve. Il est certain que leurs femmes asservies sous le despotisme des maris, n’ont aucune facilité pour faire éclore leurs talens, & que depuis Zénobie, si toutefois elle étoit Juive, aucune ne s’est fait remarquer dans la foule.

Quand un peuple n’est pas civilisé, il y a trop peu de relations morales entre la femme & l’homme, pour contrebalancer les forces corporelles de celui-ci ; mais lorsque la femme peut compenser son infériorité physique par les charmes de l’esprit & du sentiment, son empire adoucit les mœurs, le cœur s’ouvre aux impressions de la délicatesse ; l’homme, en chérissant son épouse, contracte l’habitude de respecter son égale, & en général la considération pour les personnes du sexe, est la mesure des progrès d’une nation dans la vie sociale.

Ces principes sont aussi étrangers à la synagogue que la culture des beaux arts ; car les Juifs n’ont pas sacrifié aux graces. Lipman a composé en vers hébraïques son second Nizzachon, ouvrage anti-chrétien que Wagenseil a très-bien réfuté. Plusieurs Juifs d’Italie & d’Espagne se sont essayés à faire des poèmes, nous avons même de Lévi de Barrios, la Relacion de los poetas y escrittores espagnolos de la nacion judaica amstelodama. Ils ont donc versifié en hébreu, en italien, en espagnol, c’est-à-dire, que mettant à part David & les prophètes, le recueil le plus ancien de la poésie la plus sublime, les Juifs ont des vers & pas un poëte, excepté cependant l’auteur du Cosri(18). Nous avons vu précédemment que Benjamin de Tudele, voyageant en Grece, avoit trouvé le Parnasse habité par deux cent Juifs qui le labouroient ; c’est la seule relation qu’ils ayent eue avec cette montagne si fameuse. Ils en ont fertilisé le sol, & n’en ont jamais courtisé les Souveraines.

La synagogue a cependant enfanté une espece de mythologie qui, à la vérité, n’est point assez riante pour en faire excuser la sottise. Les rêveries talmudiques & cabalistiques paroissent d’autant plus difficiles à détruire, qu’elles n’ont pas de fondement, & qu’on ne sait sur quoi s’appuyer quand on combat dans le vuide. Comment leur prouver qu’on peut se marier pendant le mois de Mai, que le nombre pair n’est pas funeste, que le premier jour de l’an il n’est pas nécessaire de manger du miel, en disant : que le Seigneur nous accorde une année douce comme le miel ? C’est là dessus que nous répandrons cependant avec succès le sel de l’ironie, lorsque le Juif sera capable de le goûter. Ce sera le moment de produire des ouvrages pour cribler les puérilités mystiques du rabbinisme, pour les marquer au coin du ridicule, & substituer aux extases du délire, les fruits d’une raison lumineuse. Le Juif a bu le calice de la honte, & quand on sera parvenu à le rendre sensible à la raillerie, on aura beaucoup avancé ; car cette sensibilité annonce que l’homme moral est déja très-développé, alors la crainte du ridicule achevera ce que le bon sens aura commencé. L’influence de cette crainte agira sur-tout en France, où l’on a raison quand on fait rire, & les préjugés ne subsisteront certainement pas aux dépens de l’amour propre.



(1) Ce benjamin de Tudele s’est aussi mêlé de fabriquer des pays. Voici des échantillons de son voyage, dans ceux qu’il a parcourus. Sous le Calife Omar, fils d’Abdalla, qui ne régna que dix ans et demi, les Musulmans prirent trente-six mille villes ou châteaux. C’est ce même Omar qui bâtit une mosquée des débris de l’arche trouvée au pied du mont Ararat. Benjamin vit à Alexandrie, l’académie d’Aristote, superbement bâtie ; car on venoit de tous les coins du monde pour entendre ce philosophe. Le chemin souterrein qu’on trouvoit à la sortie de Poussol en Italie, avoit été creusé par Romulus, qui avoit peur d’être poursuivi par David et Joab. Je crois avoir lu dans le même voyageur, que les turcs n’ont pas de nez, mais seulement deux trous au visage. Voici comment Benjamin explique l’origine des perles : elles sont formées par la pluie qui tombe le 24 mars. Les perses vont recueillir cette pluie sur la superficie de l’eau ; après l’avoir enfermée dans de petits vases, ils la jettent au fond de la mer où elle se repose jusqu’en septembre, alors des pêcheurs habiles vont rechercher ces vases, ils y trouvent des reptiles qu’ils dissequent, et dont ils tirent les perles. (V. Benjamin traduit par Baratier). Croiroit-on qu’un tel préjugé sur la formation des perles, étoit autrefois celui de plusieurs écrivains. On le trouve un peu moins absurde jusques dans les ouvrages d’un homme dont on ne peut trop lire et admirer les écrits. (Traité de l’amour de Dieu par S. François de Sales, édition du P. Fellon de Nancy, l. 3. ch. II, et l. 4, ch. VI.). Il raconte, d’après les naturalistes, qu’au printemps les gouttes de rosée tombent, en se dispersant sur la surface de la mer, les meres perles ouvrent leurs nacres, reçoivent ces gouttes, et les convertissent en perles.

(2) Joseph ben Gorion ou Gorionides, a écrit en hébreu une histoire de sa nation, et ce fatras a fait tomber chez les Juifs celle de Flavius Joseph, écrite en grec. Ce Rabbin du dixieme siecle prétend avoir vécu dans le temps du siege de Jérusalem, et il parle d’Amboise et de Chinon, villes dont l’existence ne remonte gueres qu’au sixième siecle de notre ere. À l’entendre, Alexandre avoit un œil noir et l’autre bleu, et des dents très-aiguës. L’Arménie et le Chorazan, deux provinces voisines de la Macédoine, s’étant révoltées, Philippe envoya Alexandre pour les réduire. Mais pendant ce temps, un certain Cabronias, roi de Bretagne, vint prendre la ville de Macédoine. Alexandre étant en Asie, y trouva des arbres qui sortoient de terre au lever du soleil, et y rentroient ensuite ; des coqs qui vomissoient du feu, des oiseaux qui parloient grec, et des hommes sans tête. Voyez Joseph Benjorion, traduit par Gagnier.

(3) Voyez la bibliothèque rabbinique de Bortolocci, en quatre volumes in-folio.

(4) Les Juifs ont eu cependant beaucoup d’autres grands hommes. 1°. Un Rabbin qui faisoit toujours quarante-huit réponses à chaque question, comme si une bonne n’eut pas suffi.

2°. Abba Saül, qui, ensevelissant des morts, trouva l’œil d’Absalon, dans lequel il se cacha jusqu’au nez.

3°. Le Rabbin Eliezer. Quand le firmament seroit de vélin, et que l’eau de la mer se changeroit en encre, cela ne suffirait pas pour écrire tout ce qu’il savoit, car il avoit fait trois cents constitutions sur la seule maniere de semer des concombres. Cet Eliezer possédoit mille villes, et dans l’une de ces villes, il y avoit cent quatre-vingt mille marchés destinés à la vente d’une certaine confiture. Basnage avertit qu’il ne faut pas prendre à la lettre cette hyperbole, par laquelle ils ont seulement voulu désigner un homme très-riche.

4*. Le Rabbin Acher qui ne fut pas damné, quoiqu’il eut blasphémé contre l’ange Metatron ; car s’imaginant que Dieu seul avoit droit d’être assis dans le ciel, il ne pouvoit comprendre pourquoi cet ange y avoit le tabouret, ce qui lui fit croire qu’il y avoit deux principes.

5°. Judas le saint, celui-ci étoit l’humilité même ; ayant appris qu’une femme devoit lui cracher au visage par ordre de son mari, il feignit d’avoir mal à l’œil, et pria cette femme de cracher sept fois sur cette partie malade.

6°. Le Rabbin Chanania qui offrit de lever tous les doutes que causoient les prophéties d’Ézéchiel ; on y consentit, et on lui donna trois cents tonneaux d’huile pour éclairer ses lucubrations savantes.

7°. Un autre Rabbin, dont je suis fâché d’avoir oublié le nom, car il étoit si fin qu’il trompa Dieu et le diable. Il pria Satan de le porter à la porte des cieux, afin qu’ayant vu la gloire des saints, il pût mourir plus paisiblement. Le diable se prêta à sa demande. Le Rabbin voyant la porte du ciel ouverte, se jeta dedans, et jura qu’il ne sortiroit pas. Dieu qui ne voulut pas lui faire commettre un parjure, l’y laissa, et le diable s’en alla tout honteux, comme vous pouvez penser, &c. &c.

(5) Principes in Europeâ, medici fuerunt. Freind, hist. Medici. p. 288. Il y a seize ou dix-sept siecles que des praticiens hébreux ont connu l’élargissement du bassin qui facilite la sortie du fœtus. (V. Pineau, opuscula physiolog. Amst. 1660, et le célebre M. Louis, dans les mémoires de l’Académie de chirurgie, T. 4 in-4o p. 64). La médecine moderne inscrit avec honneur dans ses fastes Zacutus, Orobio, &c. Y joindrons-nous M. Sanchez ? Il étoit Juif au moins d’origine. Les Rabbins ont voulu quelquefois envahir le domaine de la médecine, et dogmatiser sur cette science. Admirez cet aphorisme de quelques docteurs : un peu de vin et une croûte de pain pris à jeûn, préservent le foie de soixante-trois maladies. — Le tableau des maladies de Lommius, lui a conquis tous les suffrages ; cependant lorsqu’il indique, comme signe de plethore sanguine, de rêver qu’on a une crête de coq, on est tenté de rire ; mais le moyen de s’en empêcher quand des Rabbins tirent un augure favorable de rêver qu’on a la mâchoire luxée, c’est un signe qu’on n’a plus rien à redouter de ses ennemis —. Aller tous les matins à la garde-robe, peut être un usage utile. Locke, dans son traité de l’éducation des enfans, l’établit comme regle diététique ; mais les Juifs en font une observance légale. Viennent ensuite leurs docteurs, qui prescrivent pour cette opération un cérémonial digne des mémoires de l’Académie de Troyes. Ils assurent que l’ame contracte une odeur fétide par les déjections trop long-temps retenues.

(6) V. plaidoyers par M. Lacretelle fils.

(7) Lettres ou réflexions d’un milord, &c. Londres, 1767. Comme nous aimons à citer en faveur des Juifs, rappellons qu’on doit à ceux de Soncino, beaucoup d’excellentes éditions hébraïques, qui peuvent soutenir le parallele avec celles de Bomberg —. J’ai vu un enthousiaste, nouveau Hardouin, faire honneur aux Juifs de l’établissement des postes, parce qu’Assuérus envoya des couriers dans tout l’Empire, pour arrêter l’exécution de l’Édit dont Esther avoit obtenu la révocation. Le Quien, qui, dans son traité de l’origine des postes, cite ce fait, n’outre pas du moins les conséquences pour préconiser les Juifs aux dépens de Louis XI —. Quelqu’un leur attribue aussi l’art de faire parler les muets. Il est vrai qu’un Juif s’est distingué, il y a une quinzaine d’années, dans ce genre, auquel Amman avoit préludé. Tous ont été éclipsés par M. l’abbé de l’Épée.

(8) Wagenseil, Tela ignea satanæ, T. 1. Plusieurs docteurs juifs ont fait imprimer leurs sermons ; communément ils en prêchent deux chaque année dans la synagogue.

(9) Mlle. de Montpensier, (T. 6, p. 323), dit que la reine étant à Metz, elle fit danser les Juifs dans leur synagogue. Il paroît aussi contraire à la gravité d’une reine d’exiger cela, qu’aux principes religieux des Juifs de s’y prêter. Ils auront célébré par des cantiques, &c. la venue de leur souveraine à Metz, et son entrée dans leur synagogue. Le tout aura été assaisonné de ces grimaces absurdes que tout le monde connoît, que Dom Ruinart peint si énergiquement, et dont on rapporte l’origine aux Juifs polonois, et Mlle. de Montpensier appelle danse, ce charivari.

(10) Les Tephilim sont des morceaux de parchemin sur lesquels on écrit quelque passage de la loi, et à l’aide de quelques courroies, on les attache au front et au bras gauche pour prier. Ils sont si sacrés, que Dieu les porte à la tête et au bras comme les Juifs.

(11) Dans le Talmud Trat. Sotach. ch. I.

(12) Pour se laver les mains, il faut la quantité d’eau que six œufs pourroient contenir. Un autre, autant qu’il se peut, doit la verser, un enfant, un fou peuvent le faire, mais un singe le peut-il ? Ici les docteurs sont divisés de même que sur cette question, si une maison purifiée de vieux levain, ne doit pas l’être de nouveau, lorsqu’on a vu passer une souris avec une miette de pain. Un vase, sur le couvercle duquel on a enchâssé un miroir, est immonde. Une bourse est immonde quand les cordons sont rompus, de même qu’un soulier dont l’oreille est décousue ou déchirée.

(13) Il faut être triste en se levant, à cause de la ruine du temple, mais il faut de la gaieté le jour du sabbat ; ce jour-là Dieu envoie une ame de plus à chaque Juif pour chasser la mélancolie —. Quand on commence certaine priere le vendredi soir, les ames sortent du purgatoire pour chercher de l’eau où elles se rafraîchissent —. Les faunes sont des êtres imparfaits que Dieu, surpris par l’arrivée du sabbat, n’eut pas le loisir d’achever —. Il ne faut pas se raser peu de temps avant le commencement du sabbat, car s’il arrivoit quelqu’accident au rasoir, on laisseroit écouler le temps des prieres. On ne doit pas ce jour-là couper ses ongles, à moins que ce ne soit un ongle fendu, ni se regarder dans un miroir ; car, par exemple, une femme curieuse de son ajustement verroit un cheveu déplacé, et voudroit l’arranger —. On peut torcher la boue de ses souliers à une muraille, mais non contre terre, de peur qu’il ne semble qu’on remplît une fosse —. Quelqu’un qui a les mains gâtées, peut bien les essuyer à une queue de cheval ou de vache, mais non à une serviette propre, de peur que l’obligation de la laver, ne lui fasse violer le sabbat —. Il n’est pas permis ce même jour, d’écrire sur une table mouillée, sur des cendres, mais on peut écrire en l’air —. Les anciens docteurs ont agité la question, s’il est permis le jour du sabbat, de tuer un scorpion tranquille dans son trou ou sur le chemin : Adhuc sub judice lis est —. Sébastien Munster raconte quelque part qu’un Juif étant tombé dans un privé, les autres ne voulurent pas l’en tirer ce jour-là, qui étoit celui du sabbat ; les Chrétiens ne voulurent pas qu’on le tirât le lendemain, à cause du dimanche —. Pendant que Moyse étoit sur le Sinaï pour recevoir la loi, si une vache se fût approchée de la montagne, elle auroit encouru la peine capitale ; mais combien de juges eût-il fallu pour prononcer l’arrêt ? vingt-trois ou soixante-dix ? Ce problème abstrus proposé dans le Talmud, n’est pas encore décidé.

On connoît les rêveries des Juifs sur la racine Baaras, qui est de couleur de feu ; elle fait périr ceux qui la touchent. Pour l’arracher, on creuse le contour, et on attache à la plante un chien qui creve soudain —. Sur le Behemot qui mange tous les jours le foin de mille montagnes —. Sur le poisson Leviathan ; d’un trait il avale un autre poisson qui n’a que trois cents lieues de long —. Sur l’oiseau Barjuchné, qui couvre le soleil de ses ailes lorsqu’il les déploie. Un œuf couvis tombé de son nid, cassa trois cents gros cedres, et submergea soixante villes —. Sur une grenouille grosse comme un bourg de soixante maisons ; un serpent la dévora, le serpent fut mangé par un corbeau qui alla se percher sur un arbre. Jugez des grosseurs respectives du serpent, du corbeau et de l’arbre. Le fait est avéré, car le Rabbin Papa a vu l’arbre —. Sur un autre docteur, qui, voulant se baigner, entendit une voix céleste proférant ces mots : ne vous lavez pas là, c’est un gouffre si profond, qu’une hache y étant tombée depuis sept ans, n’a pas encore atteint le fond.

Que n’ont-ils pas dit de Dieu, qui danse avec Ève, qui converse avec la lune, en lui demandant pardon de l’avoir subordonnée au soleil, qui s’amusoit jadis à créer des mondes, et qui, devenu plus habile par des essais répétés, parvint à créer le nôtre — ? En formant l’univers, il laissa vers le nord une ouverture qu’il ne put fermer, et il s’en consola, en disant que si quelqu’un avoit l’audace de vouloir passer pour Dieu, il l’obligeroit à boucher ce trou —. Dieu ne possede plus sur terre que quatre coudées de terre, où il s’assied pour lire le talmud —. César eut un jour le desir de voir la divinité. Rabbi Josué pria Dieu de faire sentir sa présence ; l’Éternel, déférant à sa demande, se retira à quatre cents lieues de Rome : il rugit ; le bruit de ce rugissement fit tomber les murs de la ville, et beaucoup de femmes avorterent. Dieu s’étant approché de cent lieues, rugit de nouveau ; alors César effrayé tomba de son trône, et tous les Romains perdirent leurs dents molaires.

Adam étoit d’une taille si énorme qu’il touchoit au firmament. Cette sottise est le germe d’une vérité, dit l’auteur de l’Histoire des hommes, qui envisage la chose du côté moral ; mais des écrivains ont soutenu sérieusement que la stature des premiers humains étoit en rapport avec la durée de leur vie. M. Henrion, de l’Académie des inscriptions, après avoir établi la proportion des tailles masculines et féminines, en raison de vingt-cinq à vingt-quatre, donnoit à Adam cent vingt-trois pieds de haut, cent dix-huit à Ève ; il réduit Noé à cent trois, Abraham à vingt-sept, &c. &c. Cependant, suivant le témoignage d’un Rabbin, Og, Roi de Basan, avoit encore l’os de la cuisse si long, qu’un cerf pressé par les chasseurs employa la moitié d’un jour à le parcourir —. Ce même Og ayant coupé une montagne de trois lieues, la mit sur sa tête, pour la jeter sur le camp des Israélites ; mais Dieu envoya un ver qui fit un trou vertical, au moyen duquel cette masse tomba sur les épaules du Roi, pour lui servir de collier —. Avant Abraham on ne connoissoit pas la vieillesse ; il la demanda à Dieu, et l’introduisit dans le monde —. Ce patriarche allant en Égypte, enferma sa femme dans un coffre, mais elle ne put échapper à la douane où l’on visitait exactement toutes les marchandises —. Après la création, Dieu statua que l’homme n’éternueroit qu’une fois, et mourroit sans maladie précédente. Jacob obtint d’être excepté de cette loi ; il éternua, et ne mourut pas : ce signe de mort fut changé en signe de vie ; tous les Princes en furent instruits, et ordonnerent qu’à l’avenir l’éternuement seroit accompagné d’actions de grâces —. Moyse, pour avoir tué un Égyptien, fut condamné à mort ; mais son cou devint si dur, que le cimeterre ébréché et repoussé tua le bourreau —. Le diable s’avise un jour d’aller abattre des pommes dans le jardin de David. Le Roi, entendant du bruit, descend vîte par une échelle, pour saisir le voleur ; mais Satan (race méchante de pere en fils) tire l’échelle, et David tombe —. Élie étoit désolé de ce que le peuple avoit abandonné la circoncision ; pour le consoler, Dieu lui promit que ce malheur n’arriveroit plus. Voilà pourquoi, lorsqu’on fait cette cérémonie, on place un fauteuil destiné au Prophète ; il y assiste, pour voir si on ne le trompe pas, à moins qu’il ne prévoye que l’enfant se fera chrétien —. Quand quelqu’un pleure la nuit, les étoiles mêlent leurs larmes aux siennes —. Les coqs chantent le matin, parce qu’ils entendent ouvrir les portes du ciel —. Un Rabbin, fâché contre son coq, le tua, l’écorcha, lui brisa les os, et le mit dans une marmite, où il recommença de chanter —. Malgré mon respect pour ces Docteurs, j’ai peine à croire toutes ces belles choses. J’aurois pu enfler prodigieusement cette note de beaucoup de balivernes, qui sont autant de soufflets à la raison, souvent même d’outrages à la majesté des mœurs. Par forme d’ampliation, voy. la Misna, traduction traduction de Surenhusius, Buxtorf, Basnage, Bartolocci, Jacquelot, Bullet, Passim, et le savant ouvrage que M. de Pastoret vient de publier : Moyse considéré comme le législateur et moraliste.

Un des écrits les plus vantés chez les Juifs, ce sont les Pirke Abbot ou Sentences des Rabbins. On y trouve quelques réflexions exquises, par exemple : « en offrant à Dieu ce que vous avez, vous lui rendez son bien. — Celui qui fait une bonne œuvre, acquiert un protecteur. — Préparez-vous à mourir un jour avant la derniere heure. — Il vaut mieux être la queue du lion, que la tête du renard, le dernier entre les bons que le premier entre les méchans, &c. » Mais, à cela près, quel monstrueux mélange de maximes triviales et d’assertions sottes, sur-tout dans le cinquieme chapitre ! Dieu a créé le monde en dix paroles. Aussi punira-t-il les impies plus rigoureusement que s’il ne l’eut créé qu’en une. — Dix prodiges firent éclater sa puissance dans la captivité d’Égypte. 1°. Aucune femme n’avorta par l’odeur des sacrifices. 2°. On ne vit aucune mouche dans les lieux où l’on égorgeoit les victimes, &c. &c. — Dieu a créé dix choses la veille du sabbat. L’ouverture qui engloutit Coré, Datan et Abiron ; le puits qui suivoit les Israélites dans le désert ; la bouche de l’âne de Balaam, l’arche de Noé, la sépulture de Moyse, &c.

Lecteur, vous serez dédommagé par le morceau qui suit : c’est le cinquieme chapitre de l’Appréciation du monde, ouvrage du Rabbin Bedarchi. Le traducteur est M. Bing.

« Source de corruption ! monde trompeur ! que puis-je espérer de ta main, qu’un vain éclat, que des dons futiles ? Peux-tu dispenser un bien durable et réel, toi qui es la source de la frivolité ? Assez, et trop longtemps, j’ai médité sur ton origine ; te croyant effectivement capable de rendre heureux : mais j’ai trouvé ta constitution bizarre et foible ; j’ai vu la ruine dans tes parties, et ta triste fin dans ta propre formation. Convaincu de ton néant, j’ai publié ta honte. Irai-je donc te présenter encore mes hommages ? Ta perfide beauté m’enchantera-t-elle ? Pourrois-tu plaire à mes yeux, tandis que mon cœur apprit à te mépriser ? Qui tentera de tirer un suc salutaire d’un fruit empoisonné ? Qui cherchera du miel dans le cadavre du tigre ?

« Tu couronnes le vice et repousses la vertu ; tu rassembles autour de toi une vile et indigne populace ; au méchant éloigné, tu fais signe d’approcher, et tu te détournes de l’homme de bien, qui est à ton côté.

« C’est par-là que tu montres sur-tout ta perfidie, en tendant des pièges à tes propres adorateurs ; c’est par-là que tu te fais abhorrer, en renversant les Rois de leur trône, pour y placer le dernier des esclaves. Insensé ! tu voues la maison du juste à la dévastation ; ta fureur exhale une flamme dévorante sur le cedre majestueux du Liban, tandis qu’elle respecte le hallier le plus abject ; tu effaces les forfaits, tu masques l’extérieur des objets les plus hideux, pour voiler les marques de leur infamie.

« Et à qui penses-tu être utile, insigne trompeur ? Est-ce à ceux que tu caresses pour leur sucer le sang ? à ceux que tu amollis pour les faire tomber sous tes coups ? Paré comme l’aurore tu brilles un moment à leurs yeux ; mais à peine as-tu frappé leurs regards, que déja tu n’es plus.

« Ton éclat brille un instant sur la tête de tes favoris, et puis il se change en ténebres. Tantôt la fortune paroît enchaînée à leur char triomphant, et tantôt ils sont réduits à se couvrir des haillons qu’un palefrenier vient de quitter ; aujourd’hui leur front radieux paroît être l’asyle de la sérénité, et demain ta colere les poursuit, les atteint, la misere et la mort se les disputent.

« Je te compare, et je crois te faire honneur, à une courtisane capricieuse qui endort ses esclaves dans ses bras, leur prodigue ses saveurs ; puis le Caprice arrive, la haine éclate, elle ne connoît plus ni frere ni amant.

« Le temps est variable, ses ouvrages le sont encore plus, ils tiennent à un cheveu de tête ; le moindre souffle les agite en tous sens ; chaque moment amene des vicissitudes. J’ai considéré sa magnificence, je n’ai vu que folie ; je l’ai considéré lui-même, et j’ai vu des serpens cachés sous ses pieds.

« Ô sort ! tu me fais porter ton joug ; mais tu ne saurois me tromper ; plus tu me caresserois, plus j’avertirois mon cœur d’éviter tes surprises. Semblable à l’agneau timide, ici bas je souffre, et je me tais ; le souvenir du passé m’attriste ; le présent m’inquiete, et je tremble sur l’avenir. Je me traîne pésamment où ton impérieuse loi me conduit ; je lui obéis à regret jusqu’à ce que mes forces soient épuisées, que mon sang soit desséché ; et puis — j’échappe à ta domination.

(14) Système physique et moral de la femme, par M. Roussel.

(15) Les femmes chez les Juifs ne peuvent pas être Maîtresses d’école, parce qu’elles ne méritent pas le respect qu’on a pour ses Instituteurs. Il faut souvent aller voir son Maître, ne sortir de chez lui qu’à reculons, lui tirer ses bas, déchirer ses habits quand il est mort, on auroit honte de rendre ces devoirs à une femme. — Laver le visage, les mains et les pieds de son mari, lui verser à boire, &c., sont des obligations dont une épouse doit s’acquitter en personne. — Il est certaines observances auxquelles les femmes ne sont pas astreintes, ou le sont moins rigoureusement que les hommes ; mais ce mince avantage est pesamment contrebalancé par l’abjection, la dépendance et des rites indécens et absurdes, auxquels on les soumet impérieusement. Les Rabbins sont allés souvent au-delà du but, en forçant le sens de l’écriture, en outrant l’observation des cérémonies. Ce n’étoit point assez d’obliger les femmes à faire usage du bain, &c. &c. Un anneau qu’on n’a point ôté, et qui aura empêché le contact de l’eau, suffit pour invalider la cérémonie, qu’il faut alors réitérer. La loi mosaïque avoit très-sagement restreint la cohabitation matrimoniale ; falloit-il que des préceptes rabbiniques, attentassent à la pudeur, en ordonnant aux femmes de s’inspecter journellement, pour constater si elles n’ont pas de souillures légales, et en cas de doute, envoyer le Kezeme ou linge taché au Rabbin qui décide. Cet usage est déja fort antique : Saint Jérôme dit quelque part que, quand les Docteurs ne pouvoient décider à l’œil, ils recouroient à un autre sens ; cette fonction est sans doute bien respectable, puisque David s’en occupoit, dit le Talmud. — Une Princesse voulut mettre à l’épreuve le savoir d’un Rabbin réputé très-expert dans ce genre, et lui envoya 70 Kezemes, teints d’autant d’especes de sang. À l’odorat, le Docteur les discerna tous ; mais ne voulant pas par bienséance dire ce que nous allons écrire, que l’un étoit imbibé de sang de pou, il lui envoya un peigne d’or, expression emblématique qui attesta sa capacité, et la Princesse d’admirer un talent si rare, si utile à l’humanité. —

Nous finirons cette note par un conte de Rabbin. Dieu voulant créer la femme, fit inutilement ce qu’il put pour la rendre bonne. Il ne voulut point la tirer de la tête de l’homme, dans la crainte qu’elle ne fût coquette ; ni des yeux, de peur qu’elle ne jouât de la prunelle ; ni de la bouche ou des oreilles, de peur qu’elle ne fût écouteuse et bavarde ; ni du cœur, de peur qu’elle ne fût jalouse ; ni des pieds ou des mains de peur qu’elle ne fût coureuse ou larronnesse : il la tira d’une côte ; et, malgré tant de précautions, elle a eu tous les vices qu’on vouloit éviter. Cette description paroîtra peut-être si juste, dit Basnage, qu’on ne voudra pas la mettre au rang des visions : on croira que les Docteurs ont voulu renfermer une vérité connue sous des termes figurés.

(16) Cardoso las excellentias, &c. El marido que honra à su muger, honra à si propria, que es hechura de su carne y su costilla.

(17) B.

(18) Le Cosri est un traité polémique sur la religion, spécialement sur la juive, par le Rabbin Juda Lewy, qui florissoit vers le milieu du douzieme siecle. On lui doit une élégie touchante dans laquelle il déplore la ruine de Jérusalem. Le lecteur saura gré à M. Bing de l’avoir traduite, et à nous, de l’insérer ici, en y joignant quelques notes. Ce morceau lyrique plaira spécialement à ceux qui aiment la pompe du style oriental, qui connoissent la valeur du mot patrie chez les anciens, et l’enthousiasme des Juifs pour cette cité chérie qui étoit le centre de leur gouvernement religieux et politique.

« Sion, as-tu oublié tes malheureux enfans qui languissent dans l’esclavage ? As-tu effacé de ton souvenir les restes de ces troupeaux innocens qui jadis bondissoient dans tes paisibles prairies ? Es-tu insensible aux vœux qu’ils t’adressent de tous les lieux où l’impitoyable ravisseur les a dispersés ?

« Méprises-tu ceux d’un esclave qui ose espérer dans ses fers, dont l’abondance des larmes égale celle de la rosée qui fertilise le mont Hermon ? heureux encore s’il pouvoit les répandre sur tes collines abandonnées.

« Mais son espoir n’est pas encore anéanti ; à présent que je gémis sur ton sort, mes accens plaintifs ressemblent aux cris des oiseaux funebres. Une lueur d’espérance viendra-t-elle toucher mon imagination ? Mon ame sera l’instrument d’allégresse qui retentira de cantiques, d’actions de grâces.

« Béthel, (ah ! ce souvenir me déchire le cœur), ton sanctuaire où la Majesté divine éclatoit à tous les yeux, où les portes azurées du ciel ne se fermoient jamais,

« Où, un rayon de la gloire du Très-haut éclipsoit l’astre du jour, et les globes lumineux de la nuit.

« Que ne puis-je exhaler en soupirs, ce cœur opressé ! là, où ton esprit, grand Dieu ! se répandit sur les élus de ton peuple.

« Indignes mortels, ce lieu est saint, il est consacré au dominateur éternel du ciel et de la terre ; de vils et téméraires esclaves ont osé te souiller[1].

« Que ne puis-je d’une aile rapide, fendre les vastes champs de l’air ! je promenerois mon cœur froissé de douleur entre les tas confus de tes ruines.

« Là mes genoux tremblans se déroberoient sous moi ; mon front reposeroit sur ton sol ; j’embrasserois fortement tes pierres, et mes lèvres se colleroient sur tes cendres.

« Serois-je moins sensiblement ému sur les tombeaux de mes ancêtres ? et quand mes regards s’élanceroient avec avidité sur Hébron qui renferme le plus respectable des monumens[2] ?

« Là, dans ton atmosphere, je respirerois un air aussi pur que l’éther ; ta poussiere me seroit plus chere que le parfum ; tes torrens plus agréables que des ruisseaux de miel.

« Défiguré et sans parure, je parcourerois ces lieux déserts où s’élevoient jadis de magnifiques palais.

« Je visiterois ceux où la terre s’entrouvrit pour recevoir l’arche d’alliance[3] et tes chérubins, afin que des impies n’y portassent pas une main sacrilege encore teinte du sang de tes enfans.

« Là j’arracherois les boucles éparses de ma chevelure ; et les imprécations qui m’échapperoient contre le jour qui éclaira ta destruction, pour mon désespoir, seroient une sauvage consolation.

« Quelle autre, hélas ! puis-je goûter, tandis que je vois des chiens affamés se disputer les membres encore palpitans de tes héros !

« J’abhorre le jour, sa clarté m’est odieuse ; elle me découvre des corbeaux faisant un festin des cadavres de tes princes.

« Calice d’amertume, coupe funeste ! déja je régorge de ta liqueur affreuse — Ah ! laissez-moi respirer encore une fois, je veux me repaître de ce cruel spectacle.

« Encore une fois, je veux penser à toi, Oolia, à toi Oliba[4], — et puis je t’avale jusqu’à la lie.

« Sors de ta léthargie, reine des cités ! réveille-toi, Sion, vois l’amitié inviolable et tendre de tes fideles adorateurs !

« Ils gémissent de tes malheurs, ils saignent encore de tes plaies ; l’espérance de te revoir heureuse, est le seul lien qui les attache à la vie ; du fond de leurs cachots, leurs cœurs s’échappent vers toi ; quand ils fléchissent le genou devant l’Éternel, leurs têtes s’inclinent vers tes portes.

« Ô contrée céleste ! La superbe Babylone avec sa grandeur peut-elle s’égaler à toi ? Ses oracles imposteurs peuvent-ils être comparés à tes divins prophètes ?

« La pompe des idoles n’est qu’une vaine fumée, leur puissance est fragile comme elles ; la tienne, Ô ! Sion, durera toujours.

« Car le Dieu de l’univers se plaît à être adoré dans tes murs ; heureux celui qui sera compté parmi tes citoyens.

« Heureux celui qui le désire sincèrement ; quand, semblable à l’aurore, tu te releveras pour disperser les ténebres qui t’enveloppent, ta douce clarté viendra jusqu’à lui.

« Il te verra renaître plus radieuse et plus belle ; il participera aux délices réservées à tes élus ».



  1. C’est à Béthel que Jacob vit l’échelle mystérieuse ; c’est-là qu’il s’écria : Que ce lieu est terrible ! c’est ici la maison de Dieu, et la porte du ciel. Genes. ch. 28.
  2. Les tombeaux d’Abraham, de Sara et d’Isaac, dans la caverne de Macphela près d’Hébron.
  3. Presque tous les critiques Chrétiens et Juifs conviennent que l’arche manquoit au second temple. Jérémie, prévoyant les malheurs du pays, la cacha (Macch. l. 2, ch. 2.) dans une caverne du mont Nébo, &c. Une tradition rabbinique ajoute que le rocher s’entrouvrit pour la recevoir, et qu’elle ne parut plus.
  4. Ce sont les noms de ces deux fameuses sœurs dont le prophète Ézéchiel (chapitre vingt-troisième) se sert pour désigner Samarie et Jérusalem.