Essai sur la police générale des grains/Tableau


Revenons en France, & nous trouverons dans le prix des bleds, que l’inconstance des saisons, la haute valeur des monnoyes, la plus grande abondance des métaux dans le Royaume, ont eu moins de part au renchérissement des grains, que les différentes situations où la France s’est trouvée. On pourroit lire dans la Table que nous allons donner, une partie de l’Histoire de notre Monarchie. Les grains sont chers, quand des guerres intestines ou étrangeres troublent l’agriculture. Leur prix retombe, quand la paix rétablit le calme. Les accidens des saisons sont moins à craindre, que les causes qui affoiblissent la culture ; & les monnoyes n’y ont qu’une influence peu marquée.

Cette Table renferme le prix du septier de bled, depuis le treizieme siecle, jusqu’à présent ; et pour son intelligence, il faut observer.

1°. Que l’on a fait un prix commun du prix des différentes années qui sont accolées, vis-à-vis duquel on a placé dans la quatrieme colonne le prix du marc d’argent fin du même tems. On voit dans la cinquieme l’évaluation de l’ancien prix, sur le pied de la valeur actuelle des monnoyes. Ainsi dans toutes les différentes époques, soit que les monnoyes ayent été hautes ou basses, le prix du marc d’argent fin représente toujours huit onces d’argent ou un marc. Ainsi quand le marc d’argent ne valoit que 58 sols, comme en 1202 sous Philippe II ; ces 58 sols faisoient autant que 54 liv. 6 sols à présent et par conséquent, quand on donnoit 7 sols pour payer un septier de bled, on donnoit près d’une once d’argent ; & ces 7 sols répondoient à 6 livres 11 sols d’à présent. C’est sur ce principe, que cette Table a été calculée. Le poids seul, & non la dénomination des especes, déterminant la quantité d’argent, et l’estimation du prix de chaque chose.

2°. On a négligé quelques fractions de deniers, afin de ne point trop embarrasser les colonnes de chiffres. Cette précision arithmétique étant assez inutile dans des choses d’estimation, dont il ne s’agit que de donner des idées de comparaison.

3° L’on n’a point confondu les années de disette dans les prix communs ; on leur a donné une estimation séparée, afin qu’il fût aisé de faire la comparaison d’une disette à l’autre.

4° Tous les prix portés à chaque année, sont extraits du Livre de l’Essai sur les Monnoyes, que l’Auteur a travaillé avec autant d’exactitude, que d’intelligence et il a puisé ces prix dans de bonnes sources, ainsi qu’on le peut voir dans son Avertissement, pag. 14