Essai sur l’inégalité des races humaines/Livre sixième/Chapitre I


CHAPITRE PREMIER.

Les Slaves. — Domination de quelques peuples arians anté-germaniques.

Depuis le IVe siècle jusque vers l’an 50 avant Jésus-Christ, les parties du monde qui se considéraient comme exclusivement civilisées, et qui nous ont fait partager cette opinion, c’est-à-dire les pays de sang et de coutumes helléniques, les contrées de sang et de coutumes italo-sémitiques, n’eurent que peu de contacts apparents avec les nations établies au delà des Alpes. On eût pu croire que les seules de celles-ci qui eussent jamais menacé sérieusement le Sud, les Gaulois, s’étaient englouties dans les entrailles de la terre. Peu de bruit de ce qui se passait chez elles se répandait chez leurs voisins. Pour les savoir vivantes encore et même bien vivantes, il fallait être, comme les Massaliotes, involontairement soumis aux contre-coups de leurs discordes, ou, comme Posidonius, avoir voyagé dans ces régions qu’un peu bénévolement l’on avait peuplées jadis de terreurs plus fantastiques que réelles.

Les invasions celtiques ne s’étaient plus renouvelées. Leur fleuve dévastateur, qui jadis avait abouti à la fondation des États galates, était tari. Les descendants de Sigovèse avaient pris des allures si modestes que, quelques bandes d’entre eux s’étant pacifiquement transportées dans la haute Italie, avec l’intention d’y cultiver des terres vacantes, elles en sortirent sur une simple injonction du sénat, après avoir vu échouer les plus humbles supplications.

Ce repos que les Gaulois n’osaient plus troubler chez les autres peuples, ils n’en jouissaient pas eux-mêmes. La période de trois cents ans qui précéda la conquête de César fut pour eux une époque de douleur. Ils pratiquèrent, ils connurent à fond les phases les plus misérables de la décadence politique. Aristocratie, théocratie, royauté héréditaire ou élective, tyrannie, démocratie, démagogie, ils goûtèrent de tout, et tout fut transitoire (1)[1]. Leurs agitations ne réussissaient pas à produire de bons fruits. La raison en est que la généralité des nations celtiques en était arrivée à ce point de mélange, et partant de confusion, qui ne permet plus de progrès nationaux. Elles avaient dépassé le point culminant de leurs perfectionnements naturels et possibles  ; elles ne pouvaient désormais que descendre. Ce sont là cependant les masses qui servent de bases à notre société moderne, associées dans cet emploi avec d’autres multitudes, non moins considérables, qui sont les Slaves ou Wendes.

Ceux-ci, à l’époque dont il s’agit, étaient encore plus déprimés, dans la plupart de leurs nations, et l’étaient depuis beaucoup plus longtemps. Par la position topographique qu’occupaient et occupent encore leurs principales branches, ils sont évidemment les derniers de tous les grands peuples blancs qui, dans la haute Asie, ont cédé sous les efforts des hordes finniques, et surtout ceux qui ont été le plus constamment en contact direct avec elles (2)[2]. Ceci soit dit en faisant abstraction de quelques-unes de leurs bandes, entraînées dans les tourbillons voyageurs des Celtes, ou même les devançant, tels que les Ibères, les Rasènes, les Venètes des différentes contrées de l’Europe et de l’Asie. Mais, pour ce qui est du gros de leurs tribus, expulsées de la patrie primitive postérieurement au départ des Galls, elles n’ont plus trouvé à s’établir que dans les parties du nord-est de notre continent, et là jamais n’a cessé pour elles le voisinage dégradant de l’espèce jaune (3)[3]. Plus elles en ont absorbé de familles, plus elles ont été constamment disposées à abonder dans de nouveaux hymens de même sorte (1)[4]. Aussi leurs caractères physiques sont-ils faciles à déchiffrer  ; les voici, tels que les décrit Schaffarik :

« Tête approchant de la forme carrée, plus large que longue, front aplati, nez court avec tendance à la concavité ; les yeux horizontaux, mais creux et petits ; sourcils minces rapprochés de l’oeil à l’angle interne, et dès lors montants. Trait général, peu de poil (2)[5]. »

Les aptitudes morales étaient en parfait accord, et n’ont jamais cessé de s’y maintenir, avec ces marques extérieures. Toutes leurs tendances principales aboutissent à la médiocrité, à l’amour du repos et du calme, au culte d’un bien-être peu exigeant, presque entièrement matériel, et aux dispositions les plus ordinairement pacifiques (3)[6]. De même que le génie du Chamite, métis du noir et du blanc, avait tiré des aspirations véhémentes du nègre la sublimité des arts plastiques, de même le génie du Wende, hybride de blanc et de finnois, transforma le goût de l’homme jaune pour les jouissances positives en esprit industriel, agricole et commercial (4)[7]. Les plus anciennes nations formées par cet alliage devinrent des nids de spéculateurs, moins ardents sans doute, moins véhéments, moins activement rapaces, moins généralement intelligents que les Chananéens, mais tout aussi laborieux et tout aussi riches, bien que d’une façon plus terne.

Dans une antiquité fort respectable, un affluent énorme de denrées diverses provenant des pays occupés par les Slaves appela vers le bassin de la mer Noire de nombreuses colonies sémitiques et grecques. L’ambre recueilli sur les rives de la Baltique, et que nous avons vu figurer dans le commerce des peuples galliques, passait aussi dans celui des nations wendes. Elles se le transmettaient de l’une à l’autre, l’amenaient jusqu’à l’embouchure du Borysthène et des autres fleuves de la contrée. Ce précieux produit répandait ainsi l’aisance chez ses différents facteurs, et faisait pénétrer jusqu’à eux une part des trésors métalliques et des objets fabriqués de l’Asie antérieure. À ce transit s’unissaient d’autres branches de spéculation non moins importantes, celle du blé, par exemple, qui, cultivé sur une très grande échelle dans les régions de la Scythie (1)[8] et jusqu’à des latitudes impossibles à préciser, parvenait, au moyen d’une navigation fluviale organisée et exploitée par les indigènes, jusqu’aux entrepôts étrangers de l’Euxin. On le voit, les Slaves ne méritaient pas plus le reproche de barbarie que les Celtes (2)[9].

Ce ne sont pas non plus des peuples que l’on puisse dire avoir été civilisés, dans la haute signification du mot. Leur intelligence était trop obscurcie par la mesure du mélange où elle s’était absorbée, et, loin d’avoir développé les instincts natifs de l’espèce blanche, ils les avaient, au contraire, en grande partie émoussés ou perdus. Ainsi, leur religion et le naturalisme qui en fournissait l’étoffe s’étaient ravalés plus bas que ce qu’on voyait même chez les Galls. Le druidisme de ceux-ci, qui n’était assurément pas une doctrine exempte des influences corruptrices de l’alliance finnique, en était cependant moins pénétré que la théologie des Slaves. C’est en celle-ci que se montrait la source des opinions les plus grossièrement superstitieuses, la croyance à la lycanthropie, par exemple. Ils fournissaient aussi des sorciers de toutes les espèces désirables (1)[10].

Cette contemplation superstitieuse de la nature, qui n’était pas moins absorbante pour l’esprit des Slaves septentrionaux que pour celui de leurs parents, les Rasènes de l’Italie, tenait une très grande place dans l’ensemble de leurs notions. Les monuments nombreux qu’ils ont laissés, tout en attestant chez eux un certain degré d’habileté, et surtout un génie patient et laborieux, ne valent pas ce qu’on trouve sur les terres celtiques, et, ce qui met le sceau à la démonstration de leur infériorité, c’est qu’ils n’ont jamais pu agir sur les autres familles d’une façon dominatrice. La vie de conquête leur a été constamment inconnue. Ils n’ont pas même su créer pour eux-mêmes un État politique véritablement fort (2)[11].

Quand, dans cette race prolifique, la tribu devenait quelque peu populeuse, elle se scindait. Trouvant par trop pénible pour sa dose de vigueur intellectuelle le gouvernement de trop de têtes réunies et l’administration de trop d’intérêts, elle s’empressait d’envoyer au dehors de ses limites une ou plusieurs communautés sur lesquelles elle ne prétendait conserver qu’une sorte de préséance maternelle, leur laissant d’ailleurs pleine liberté de se régir à leur guise. Les dispositions politiques du Wende, essentiellement sporadiques, ne lui permettaient pas de comprendre, encore moins de pratiquer le gouvernement nécessairement compliqué d’un empire vaste et compact. Vivre citoyen d’un municipe aussi étroit que possible, c’était là son rêve. Les conceptions orgueilleuses de domination, d’influence, d’action extérieure, y trouvaient sans doute peu leur compte ; mais, précisément, le Slave ne les connaissait pas. L’agrandissement de son bien-être direct et personnel, la protection de son travail, l’assistance pour ses besoins physiques, la satisfaction de ses attachements, sentiment vif chez cet être doux et affectueux, bien que froid, tout cela lui était assuré par son régime municipal, avec une facilité, une liberté, une abondance qu’un état social plus perfectionné ne saurait jamais produire, il faut l’avouer. Il s’y tenait donc, et la modération de ces goûts si humbles doit lui mériter, au moins, l’hommage des moralistes, tandis que les politiques, plus difficiles à satisfaire, considèrent que les résultats en furent déplorables. L’antique gouvernement de la race blanche, si naturellement propre à servir toutes les dispositions d’indépendance, les plus dangereuses comme les plus utiles, se laissa énerver sans peine par tant de mollesse. On le voulait de plus en plus faible et incertain ; il s’y prêta. Les magistrats, pères fictifs de la commune, continuèrent à ne devoir qu’à l’élection une autorité temporaire, étroitement limitée par le concours incessant d’une assemblée souveraine composée de tous les chefs de famille. Il est bien évident que ces aristocraties rurales et marchandes composaient les républiques les moins exposées aux usurpations de pouvoir que l’espèce blanche ait jamais réalisées ; mais elles en étaient, en même temps, les plus faibles, les plus incapables de résister aux troubles intérieurs comme à l’agression étrangère.

Il n’est pas même sans vraisemblance que les nombreux inconvénients de cet isolement si mesquin ne fissent parfois désirer, à ceux-là même qui en aimaient les douceurs, un changement d’état résultant de la conquête d’un peuple plus habile. Cette calamité, au milieu du dommage qu’elle entraîne nécessairement, leur devait apporter d’une manière non moins sûre plusieurs avantages capables de les frapper, de leur plaire, et, jusqu’à un certain point, de leur fermer les yeux sur la perte de leur indépendance. On peut mettre de ce nombre l’accroissement des bénéfices matériels, conséquence facile d’un agrandissement de population et de territoire. Une commune isolée a peu de ressources ; deux réunies en ont davantage. La chute des barrières politiques trop rapprochées facilite les relations entre pays frontières ; elle les crée même souvent. Les denrées et les produits circulent plus abondamment, vont plus loin ; les gains et les profits s’accumulent, et l’instinct commercial émerveillé, séduit, gagné, renonçant à ses préjugés contre les concurrences pour se livrer tout entier au charme de la possession d’un marché plus étendu, renie un excès pour se jeter dans l’autre, et devient l’apôtre le plus ardent de cette fraternité universelle que des sentiments un peu plus nobles, que des opinions plus clairvoyantes repoussent comme n’étant autre chose que la mise en commun de tous les vices et l’avènement de toutes les servitudes.

Mais les conquérants des Slaves aux époques primitives n’étaient pas en état de pousser le système d’agglomération jusqu’à l’excès. Leurs groupes étaient trop peu considérables par le nombre et trop mal pourvus de moyens intellectuels ou matériels pour exécuter de si gigantesques fautes. Ils ne les imaginaient même pas, et leurs sujets, qui en auraient accepté sans doute les pires conséquences, pouvaient encore, assez raisonnablement, se réjouir de l’extension gagnée à leurs travaux économiques.

Puis, sous la loi d’un vainqueur dispensant de tels bienfaits, leur existence moins libre était, en définitive, mieux garantie. Tandis que l’isolement national les avait toujours livrés, presque sans défense, à toutes les agressions du dehors, leur constitution nouvelle, sous des maîtres vigoureux, les soustrayait à ce genre de fléaux, et les envahisseurs rencontraient désormais, entre leur soif de pillage et les laboureurs qu’ils voulaient dépouiller, l’arc et l’épée d’un dominateur jaloux. Donc, pour bien des raisons, les Wendes étaient enclins à prendre la sujétion politique en patience, de même qu’ils avaient ignoré et repoussé les moyens d’y échapper. Et, d’ailleurs, cette sujétion qu’ils n’avaient pas l’orgueil ni même la fierté de haïr, le temps se chargeait, comme toujours, d’en adoucir les aspérités. A mesure qu’une longue cohabitation amenait entre les étrangers et leurs humbles tributaires les alliances inévitables, le rapprochement des esprits s’effectuait. Les relations mutuelles perdaient de leur rigueur première ; la protection se faisait mieux sentir, et le commandement beaucoup moins. A la vérité, les conquérants, victimes de ce jeu, devenaient graduellement des Slaves, et, s’affaissant à leur tour, à leur tour aussi subissaient la domination étrangère, qu’ils ne savaient plus écarter ni de leurs sujets ni d’eux-mêmes. Mais les mêmes mobiles poursuivant incessamment leur action, avec une régularité toute semblable aux mouvements du pendule, amenaient constamment des effets identiques, et les races wendes n’apprenaient pas, et même, arianisées au point médiocre où elles ont pu l’être, n’ont jamais appris que d’une manière imparfaite le besoin et l’art d’organiser un gouvernement qui fût à la fois national et plus complexe que celui d’une municipalité. Elles n’ont jamais pu se soustraire à la nécessité de subir un pouvoir étranger à leur race. Bien éloignées d’avoir rempli dans le monde antique un rôle souverain, ces familles, les plus anciennement dégénérées des groupes blancs d’Europe, n’ont même jamais eu, aux époques historiques, un rôle apparent[12], et c’est tout ce que peut faire l’érudition la plus sagace que d’apercevoir leurs masses, cependant si nombreuses, si prolifiques, derrière les poignées d’aventuriers heureux qui les régissent pendant les périodes lointaines. En un mot, par suite des alliages jaunes immodérés d’où résulta pour elles cette situation éternellement passive, elles furent plus mal partagées, moralement parlant, que les Celtes, qui, du moins, outre de longs siècles d’indépendance et d’isonomie, eurent quelques moments bien courts, il est vrai, mais bien marqués, de prépondérance et d’éclat.

La situation subordonnée des Slaves, dans l’histoire, ne doit cependant pas faire prendre le change sur leur caractère. Lorsqu’un peuple tombe au pouvoir d’un autre peuple, les narrateurs de ses misères n’éprouvent généralement aucun scrupule de prononcer que l’un est vaillant et que l’autre ne l’est pas. Lorsqu’une nation, ou plutôt une race, s’adonne exclusivement aux travaux de la paix, et qu’une autre, déprédatrice et toujours armée, fait de la guerre son métier unique, les mêmes juges proclament hardiment que la première est lâche et amollie, la seconde virile. Ce sont là des arrêts rendus à la légère, et qui donnent aux conséquences qu’on en tire autant de maladresse que d’inexactitude.

Le paysan de la Beauce, plein d’aversion pour le service militaire et d’amour pour sa charrue, n’est certes pas le rejeton d’une souche héroïque, mais il est, à coup sûr, plus réellement brave que l’Arabe guerrier des environs du Jourdain. On l’amènera facilement, ou, pour mieux dire, il s’amènera lui-même, en un besoin, à faire des actions d’une intrépidité admirable pour défendre ses foyers, et, une fois enrégimenté, son drapeau, tandis que l’autre n’attaquera que rarement à force égale, n’affrontera que le danger le plus petit, et ce petit danger, il s’y soustraira même sans honte, en répétant à part lui l’adage favori du guerrier asiatique : « Se battre, ce n’est pas se faire tuer. » Cependant cet homme circonspect fait profession presque exclusive de manier le fusil. A son avis, c’est là le seul lot convenant à un homme, ce qui ne l’empêche pas, depuis des siècles, de se laisser subjuguer par qui veut s’en donner la peine.

Tous les peuples sont braves, en ce sens qu’ils sont tous également capables, sous une direction appropriée à leurs instincts, d’affronter certains périls et de s’exposer à la mort. Le courage, pris dans ses effets, n’est le caractère particulier d’aucune race. Il existe dans toutes les parties du monde, et c’est un tort que de le considérer comme la conséquence de l’énergie, encore plus de le confondre avec l’énergie elle-même : il en diffère essentiellement.

Ce n’est pas que l’énergie ne le produise aussi, mais d’une façon bien reconnaissable. Surtout cette faculté est loin de n’avoir que cette manière de se manifester. En conséquence, si toutes les races sont braves, toutes ne sont pas énergiques, et, fondamentalement, il n’y a que l’espèce blanche qui le soit. On ne rencontre que chez elle la source de cette fermeté de la volonté, produite par la sûreté du jugement. Une nature énergique veut fortement, par la raison qu’elle a fortement saisi le point de vue le plus avantageux ou le plus nécessaire. Dans les arts de la paix, sa vertu s’exerce aussi naturellement que dans les fatigues d’une existence belliqueuse. Si les races blanches, fait incontestable, sont plus sérieusement braves que les autres familles, ce n’est aucunement parce qu’elles font moins de cas de l’existence, au contraire ; c’est que, tout aussi obstinées quand elles attendent du travail intellectuel ou matériel un résultat précieux que lorsqu’elles prétendent jeter bas les remparts d’une ville, elles sont surtout pratiquement intelligentes, et perçoivent le plus distinctement leur but. Leur bravoure résulte de là, et non pas de la surexcitation des organes nerveux, comme chez les peuples qui n’ont pas eu ou qui ont laissé perdre ce mérite distinctif.

Les Slaves, trop mélangés, étaient dans ce dernier cas. Ils y sont encore, et plus peut-être qu’autrefois. Ils déployaient beaucoup de valeur guerrière quand il le fallait, mais leur intelligence, affaiblie par les influences finniques, ne s’élevait que dans un cercle d’idées trop étroit, et ne leur montrait pas assez souvent ni assez clairement les grandes nécessités qui s’imposent à la vie des nations illustres. Quand le combat était inévitable, ils y marchaient, mais sans entraînement, sans enthousiasme, sans autre désir que celui de se retirer bien moins du péril que des fatigues, infructueuses à leurs yeux, dont l’état de guerre est hérissé. Ils souscrivaient à tout pour en finir, et retournaient avec joie au travail des champs, au commerce, aux occupations domestiques. Toutes leurs prédilections se concentraient là.

Cette race, ainsi faite, ne posséda donc son isonomie que d’une manière fort obscure, puisque cette isonomie ne s’exerça que dans des centres trop petits pour être encore visibles à travers les ténèbres des âges, et ce n’est guère que par son association à ses conquérants mieux doués que l’on réussit à l’apercevoir et à juger ses qualités comme ses défauts. Trop faible et trop douce pour exciter de bien longues colères chez les hommes qui l’envahissaient, sa facilité à accepter le rôle secondaire dans les nouveaux États fondés par la conquête, son naturel laborieux qui la rendait aussi utile à exploiter qu’elle était aisée à régir, toutes ces humbles facultés lui faisaient conserver la propriété du sol, en lui en laissant perdre le haut domaine. Les plus féroces agresseurs repoussaient bien vite la pensée de créer inutilement des solitudes qui ne leur auraient rien rapporté. Après avoir envoyé quelques milliers de captifs sur les marchés lointains de la Grèce, de l’Asie, des colonies italiotes, un moment arrivait où la soumission de leurs vaincus lassait leur furie[13]. Ils prenaient en pitié ce travailleur débonnaire qui opposait si peu de résistance, et désormais ils le laissaient cultiver ses champs. Bientôt la fécondité du Slave avait comblé les vides de la population. L’ancien habitant était plus solidement établi que jamais sur le sol qui lui était laissé, et, pour peu que ses souverains conservassent les faveurs de la victoire, il gagnait du terrain avec eux  ; car il poussait l’obéissance jusqu’au point d’être intrépide à leur profit, quand on lui commandait une telle vertu.

Ainsi, indissolublement mariés à la terre d’où rien ne pouvait les arracher, les Slaves occupaient dans l’orient de l’Europe le même emploi d’influence muette et latente, mais irrésistible, que remplissaient en Asie les masses sémitiques. Ils formaient, comme ces dernières, le marais stagnant où s’engloutissaient, après quelques heures de triomphe, toutes les supériorités ethniques. Immobile comme la mort, actif comme elle, ce marais dévorait dans ses eaux dormantes les principes les plus chauds et les plus généreux, sans en éprouver d’autre modification, quant à lui-même, que çà et là une élévation relative du fond, mais pour en revenir finalement à une corruption générale plus compliquée.

Cette grande fraction métisse de la famille humaine, ainsi prolifique, ainsi patiente devant l’adversité, ainsi obstinée dans son amour utilitaire du sol, ainsi attentive à tous les moyens de le conquérir matériellement, avait étendu de fort bonne heure le réseau vivant de ses milliers de petites communes sur une énorme étendue de pays. Deux mille ans avant Jésus-Christ, des tribus wendes cultivaient les contrées du bas Danube et les rives septentrionales de la mer Noire, couvrant d’ailleurs, autant qu’on en peut juger, en concurrence avec des hordes finnoises, tout l’intérieur de la Pologne et de la Russie. Maintenant que nous les avons reconnues dans la véritable nature de leurs aptitudes et de leur tâche historique, laissons-les à leurs humbles travaux, et considérons leurs divers conquérants.

Au premier rang il convient de placer les Celtes. A l’époque très ancienne où ces peuples occupaient la Tauride et faisaient la guerre aux Assyriens, et, même au temps de Darius, ils avaient des sujets slaves dans ces régions[14]. Plus tard ils en avaient également sur les Krapacks et dans la Pologne et probablement dans les contrées arrosées par l’Oder. Quand ils firent, venant de la Gaule, la grande expédition qui porta les bandes tectosages jusqu’en Asie[15], ils semèrent dans toute la vallée du Danube, et dans les pays des Thraces et des Illyriens, de nombreux groupes de noblesse qui restèrent à la tête des peuplades wendes, jusqu’à ce que des envahisseurs nouveaux fussent venus les soumettre eux-mêmes avec elles[16]. En plusieurs occasions les Kymris avaient exercé, et ils exercèrent encore vers la fin du IIIe siècle avant notre ère, une pression victorieuse sur telle ou telle des nations slaves.

Cependant, s’il faut les nommer en première ligne, c’est surtout parce que les raisons de voisinage multiplièrent les incursions de détail. Ils ne furent ni les plus puissants, ni les plus apparents, ni, peut-être même, les plus anciens des dominateurs que les Slaves virent abonder chez eux. Cette suprématie revient surtout à différentes nations fort célèbres qui, sous leurs noms divers, appartiennent toutes à la race ariane. Ce furent ces nations qui opérèrent avec le plus de force et d’autorité dans les contrées pontiques, et jusqu’au delà vers le plus extrême nord. C’est d’elles que les annales de ce pays s’entretiennent surtout, et c’est sur elles que l’attention doit ici se concentrer pour des causes plus graves encore.

Le fait que, malgré les mélanges qui déterminèrent successivement la chute et la disparition de la plupart d’entre elles, ces nations appartenaient originairement à la fraction la plus noble de l’espèce blanche serait déjà de nature à leur mériter le plus vif intérêt ; mais un si grand motif est encore renforcé par cette circonstance que c’est de leur sein, que c’est du milieu de leurs multitudes, et des plus pures et des plus puissantes, que se dégagèrent les groupes d’où sortirent les nations germaniques. Ainsi reconnues dans leur étroite intimité originelle avec le principe générateur de la société moderne, elles apparaissent comme plus importantes pour nous, et comme plus sympathiques, dans le sens général de l’histoire, que ne le peuvent être même les groupes de pareille origine, fondateurs ou restaurateurs des autres civilisations du monde.

Les premiers de ces peuples qui aient pénétré en Europe, à des époques extrêmement obscures, et quand des groupes de Finnois, peut-être même des Celtes et des Slaves, occupaient déjà quelques contrées du nord de la Grèce, paraissent avoir été les Illyriens et les Thraces. Ces races subirent nécessairement les mélanges les plus considérables ; aussi leur prépondérance a-t-elle laissé le moins de vestiges. Il n’est vraiment utile d’en parler ici que pour montrer l’étendue approximative de la plus ancienne expansion des Arians extra-hindous et extra-iraniens. Vers l’ouest les Illyriens et des Thraces occupaient alors en maîtres les vallées et les plaines, de l’Hellade au Danube, et, poussant jusqu’en Italie, ils étaient surtout établis fortement sur les versants septentrionaux de l’Hémus[17].

Bientôt ils furent suivis par une autre branche de la famille, les Gètes, qui s’établirent à côté d’eux, souvent au milieu d’eux, et enfin beaucoup plus loin qu’eux, vers le nord-ouest et le nord[18]. Les Gètes se considéraient comme immortels, dit Hérodote. Ils pensaient que le passage au monde d’en bas, loin de les conduire au néant ou à une condition souffrante, les menait aux célestes et glorieuses demeures de Xamolxis[19]. Ce dogme est purement arian.

Mais l’établissement des Gètes en Europe est tellement ancien qu’à peine est-il possible de les y entrevoir à l’état pur La plupart de leurs tribus, telles qu’elles sont nommées dans les plus vieilles annales, avaient été profondément affectées déjà par des alliages slaves, kymriques, ou même jaunes. Les Thyssagètes ou Gètes géants, les Myrgètes ou apparentés à la tribu finnique des Merjans, les Samogètes à la race des Suomis, comme s’appellent eux-mêmes les Finnois, formaient, de leur propre aveu, autant de tribus métisses qui, ayant uni le plus beau sang de l’espèce blanche à l’essence mongole, en portaient la peine par l’infériorité relative dans laquelle elles étaient tombées vis-à-vis de leurs parents plus purs. Les Jutes de la Scandinavie, les Iotuns, pour employer l’expression de l’Edda, paraissent avoir été les plus septentrionaux, et, au point de vue moral, les plus dégradés de tous les Gètes[20].

Du côté de l’Asie, du côté de la Caspienne, vivaient encore d’autres branches de la même nation, que les historiens grecs et romains connaissaient sous le nom de Massagètes[21]. Plus tard, on les nomma Scytho-Gètes ou Hindo-Gètes. Les écrivains chinois les nommaient Khou-te[22], et l’authenticité, l’exactitude parfaite de cette transcription est garantie d’une manière rare par le témoignage décisif des poèmes hindous qui, à une époque infiniment plus ancienne, la produisent sous la forme du mot Khéta. Les Khétas sont un peuple vratya, réfractaire aux lois du brahmanisme, mais incontestablement arian et vivant au nord de l’Himalaya[23].

Au IIe siècle de notre ère, celles des tribus gétiques qui étaient restées dans la haute Asie se transportèrent sur le Sihoun, puis vers la Sogdiane, et eurent la gloire de substituer un empire de leur fondation à l’État bactro-macédonien. Ce succès toutefois fut peu de chose, comparé à l’éclat que leur nom acquit au IVe et au Ve siècle en Europe. Un groupe descendu de leurs frères émigrés, et que nous allons retrouver tout à l’heure avec sa généalogie, partit alors des rives orientales de la Baltique et du sud du pays scandinave pour effacer tout ce que ses homonymes avaient pu faire de grand. La vaste confédération des Goths promena son étendard radieux en Russie, sur le Danube, en Italie, dans la France méridionale, et sur toute la face de la péninsule hispanique. Que les deux formes Goth et Gète soient absolument identiques, c’est ce dont témoigne au mieux un historien national fort instruit des antiquités de sa race, Jornandès. Il n’hésite pas à intituler les annales des rois et des tribus gothiques, Res geticæ.

A côté des Gètes et un peu moins anciennement, se présente sur la Propontide et dans les régions avoisinantes un autre peuple également arian. Ce sont les Scythes, non pas les Scythes laboureurs, véritables Slaves[24], mais les Scythes belliqueux,

les Scythes invincibles, les Styches royaux, que l’écrivain d’Halicarnasse nous dépeint comme des hommes de guerre par excellence. Suivant lui, ils parlent une langue ariane ; leur culte est celui des plus anciennes tribus védiques, helléniques, iraniennes. Ils adorent le ciel, la terre, le feu, l’air. Ce sont bien là les différentes manifestations de ce naturalisme divinisé chez les plus anciens groupes blancs. Ils y joignent la vénération du génie inspirateur des batailles ; mais, dédaignant l’anthropomorphisme, à l’exemple de leurs ancêtres, ils se contentent de représenter l’abstraction qu’ils conçoivent par le symbole d’une épée plantée en terre.

Le territoire des Scythes en Europe s’étend dans la même direction que celui des Gètes, et, pour les connaissances italo-grecques, se confond avec cette région, comme les deux populations se confondaient en réalité[25]. Des Celto-Scythes, des Thraco-Scythes, voilà ce que les plus anciens géographes de l’Hellade connaissent dans le nord de l’Europe, et ils n’ont pas aussi tort qu’on le leur a reproché dans les temps modernes. Cependant leur terminologie n’était ni claire ni précise, il faut en convenir, et, bien qu’elle s’appliquât assez correctement à l’état réel des choses, c’était à leur insu : le vague servait leur ignorance et ne l’égarait pas.

Dans la direction de l’est, les Scythes guerriers donnaient la main à leurs frères, les peuples du nord de la Médie, que les Grecs avaient tort de considérer comme étant leurs auteurs, mais qu’ils avaient raison de leur donner pour parents. Ils

s’étendaient jusque dans les montagnes arméniennes où ils se nommaient Sakasounas. Puis, au nord de la Bactriane, ils se confondaient avec les Indo-Scythes, appelés par les Chinois les Szou. Ils recevaient là une dénomination légèrement altérée et évidemment offerte par ce dernier nom, et devenaient pour les Romains les Sacae ; puis, en reprenant les traditions écrites du Céleste Empire, c’étaient ces Hakas, établis encore, à une époque assez basse, sur les rives du Jénisséi[26]. On ne peut voir en eux que les Sakas du Ramayana, du Mahabharata, des lois de Manou : des vratyas rebelles aux prescriptions sacrées de l’Arya-varta, comme les Khétas, mais, comme eux aussi, incontestablement parents des Arians de l’Inde[27]. Ils l’étaient de même et d’une façon aussi reconnue de ceux de l’Iran  ; et, s’il pouvait rester quelque doute que tous ces Scythes cavaliers de l’Asie et de l’Europe, ces Scythes que les Chinois voyaient errer sur les bords du Hoang-Ho et dans les solitudes du Gobi, que les Arméniens reconnaissaient pour maîtres sur plusieurs points de leur pays[28], et que les rivages de la Baltique, que les provinces kymriques[29] redoutaient tout autant ; que ces Scythes, dis-je, errant dans le Touran[30] et dans le Pont, ces Skolotes[31], comme ils se nommaient eux-mêmes, ne fussent absolument d’une même origine sur les points les plus divers où ils se montraient, sur l’Hémus, autant que sur le Bolor, il y aurait encore à alléguer le témoignage décisif des épigraphistes de la Perse. Les inscriptions achéménides connaissent en effet deux nations de Sakas, l’une résidant aux environs du Iaxartes, l’autre dans le voisinage des Thraces[32].

Ce nom antique des Sakas s’est maintenu non moins longtemps et a parcouru plus de régions encore que celui des Khétas. Aux époques des migrations germaniques, il était

appliqué à la contrée noble par excellence, Skanzia, la Scandinavie, l’île ou la presqu’île des Sakas. Enfin, une dernière transformation, qui fait dans ce moment l’orgueil de l’Amérique, après avoir brillé dans la haute Germanie et dans les îles Britanniques, est celle de Saxna, Sachsen, les Saxons, véritables Sakasunas, fils des Sakas des dernières époques[33].


Les Sakas et les Khétas constituent, en fait, une seule et même chaîne de nations primitivement arianes. Quel qu’ait pu être, çà et là, le genre et le degré de dégradation ethnique subi par leurs tribus, ce sont deux grandes branches de la famille qui, moins heureuses que celles de l’Inde et de l’Iran, ne trouvèrent dans le partage du monde que des territoires déjà fortement occupés, relativement à ce qu’avaient eu leurs frères, et surtout bien inférieurs en beauté. Longtemps embarrassés de fixer leur existence tourmentée par les Finnois du nord, par leurs propres divisions et par l’antagonisme de leurs parents plus favorisés, la plupart de ces peuples périrent sans avoir pu fonder que des empires éphémères, bientôt médiatisés, absorbés ou renversés par des voisins trop puissants[34]. Tout ce qu’on aperçoit de leur existence dans ces régions vagues et illimitées du Touran, et des plaines pontiques, le Touran européen, qui étaient leurs lieux de passage, leurs stations inévitables, révèle autant d’infortune que de courage, une

ardente intrépidité, la passion la plus chevaleresque des aventures, plus de grandeur idéale que de succès durables. En mettant à part celles de ces nations qui réussirent, mais beaucoup plus tard, à dominer notre continent, les Parthes furent encore une des plus chanceuses parmi les tribus arianes de l’ouest[35].

Ce n’est pas assez que de montrer par les faits que les Khétas, les Sakas, et les Arians, pris dans leur ensemble et à leurs origines, sont tout un. Les trois noms, analysés en eux-mêmes, donnent le même résultat : ils ont tous trois le même sens ; ce ne sont que des synonymes : ils veulent dire également les hommes honorables, et, s’appliquant aux mêmes objets, exposent clairement que la même idée réside sous leurs apparences différentes[36].

Ce point établi, suivons maintenant dans les phases ascendantes de leur histoire les tribus les mieux prédestinées de cette agglomération de maîtres que la Providence amenait graduellement au milieu des peuples de l’ancien monde, et, d’abord, des Slaves.

Il se trouvait parmi elles une branche particulière et fort étendue de nations d’essence très pure, du moins au moment où elles arrivèrent en Europe. Cette circonstance importante est garantie par les documents ; je parle des Sarmates. Ils descendaient, disaient les Grecs du Pont, d’une alliance entre les Sakas et les Amazones, autrement dit, les mères des Ases ou des Arians[37]. Les Sarmates, comme tous les autres peuples de leur famille, se reconnaissent des frères dans les contrées les plus distantes. Plusieurs de leurs nations habitaient au nord de la Paropamise, tandis que d’autres, connues des géographes du Céleste Empire sous les noms de Suth, Suthle, Alasma et Jan-thsaï, vinrent, au IIe siècle avant Jésus-Christ, occuper certains cantons orientaux de la Caspienne[38]. Les Iraniens se mesurèrent maintes fois avec ces essaims de guerriers, et la crainte excessive qu’ils avaient de leur opiniâtreté martiale s’était perpétuée dans les traditions bactriennes et sogdes. C’est de là que Firdousi les a fait passer dans son poème[39].

Ces vigoureuses populations, arrivées en Europe, pour la première fois, un millier d’années avant notre ère, pas davantage[40], avaient mis le pied dans le monde occidental avec des mœurs toutes semblables à celles des Sakas, leurs cousins et leurs antagonistes principaux. Revêtus de l’équipage héroïque des champions du Schahnameh, leurs guerriers ressemblaient assez bien déjà à ces paladins du moyen âge germanique, dont ils étaient les lointains ancêtres. Un casque de métal sur le front, sur le corps une armure écailleuse de plaques de cuivre ou de corne, ajustées en manière de peau de dragon, l’épée au côté, l’arc et le carquois au dos, à la main une lance démesurément longue et pesante[41], ils cheminaient à travers les

solitudes sur des chevaux lourdement caparaçonnés, escortant et surveillant d’immenses chariots couverts d’un large toit. Dans ces vastes machines étaient renfermés leurs femmes, leurs enfants, leurs vieillards, leurs richesses. Des bœufs gigantesques les traînaient pesamment en faisant vaciller et crier leurs roues de bois plein sur le sable ou l’herbe courte de la steppe. Ces maisons roulantes étaient les pareilles de celles que la plus ténébreuse antiquité avait vues transporter vers le Pendjab, la contrée opulente des cinq fleuves, les familles des premiers Arians. C’étaient les pareilles encore de ces constructions ambulantes dont, plus tard, les Germains formèrent leurs camps ; c’était, sous des formes austères, l’arche véritable portant l’étincelle de vie aux civilisations à naître et le rajeunissement aux civilisations énervées, et, si les temps modernes peuvent encore fournir quelque image capable d’en évoquer le souvenir, c’est bien assurément la puissante charrette des émigrants américains, cet énorme véhicule, si connu dans l’ouest du nouveau continent, où il apporte sans cesse jusqu’au delà des montagnes Rocheuses, les audacieux défricheurs anglo-saxons et les viragos intrépides, compagnes de leurs fatigues et de leurs victoires sur la barbarie du désert.

L’usage de ces chariots décide un point d’histoire. Il établit une différence radicale entre les nations qui l’ont adopté et celles qui lui ont préféré la tente. Les premières sont voyageuses ; elles ne répugnent pas à changer absolument d’horizon et de climats  ; les autres seules méritent la qualification de nomades. Elles ne sortent qu’avec peine d’une circonscription territoriale assez limitée. C’est être nomade que d’imaginer l’unique espèce d’habitation qui, par sa nature, soit éternellement mobile et présente le symbole le plus frappant de

l’instabilité. Le chariot ne saurait jamais être une demeure définitive. Les Arians qui s’en sont servis, et qui, pendant un temps plus ou moins long, ou même jamais, n’ont pu se créer d’autres abris, ne possédaient pas et ne voulaient pas de tentes. Pourquoi ? C’est qu’ils voyageaient, non pour changer de place, mais, au contraire, pour trouver une patrie, une résidence fixe, une maison. Poussés par des événements contraires ou particulièrement excitants, ils ne réussissaient à s’emparer d’aucun pays de manière à y pouvoir bâtir d’une manière définitive. Aussitôt que ce problème a pu se résoudre, l’habitation roulante s’est attachée au sol et n’en a plus bougé. Le mode de demeure encore en usage dans la plupart des pays, européens qui ont possédé des établissements arians en offre la preuve : la maison nationale n’y est autre chose qu’un chariot arrêté. Les roues ont été remplacées par une base de pierre sur laquelle s’élève l’édifice de bois. Le toit est massif, avancé, il enveloppe complètement l’habitation, à laquelle on ne parvient que par un escalier extérieur, étroit et tout semblable à une échelle. C’est bien, à très peu de modifications près, l’ancien chariot arian. Le chalet helvétique, la cabane du moujik moscovite, la demeure du paysan norwégien, sont également la maison errante du Saka, du Gète et du Sarmate, dont les événements ont enfin permis de dételer les bœufs et d’enlever les roues[42]. En arriver là, c’était l’instinct permanent, sinon le vœu avoué des guerriers qui ont traîné en tant de lieux et si loin cette demeure vénérable par les héroïques souvenirs qu’elle rappelle. Malgré leurs pérégrinations multipliées, quelquefois séculaires, ces hommes n’ont jamais consenti à accepter l’abri définitivement mobile de la tente  ; ils l’ont abandonné aux peuplades d’espèce ou de formation inférieure.

Les Sarmates[43], les derniers venus des Arians, au Xe siècle avant notre ère, et conséquemment les plus purs, ne tardèrent pas à faire sentir aux anciens conquérants des Slaves la force supérieure de leur bras et de leur intelligence, dans les contestations qui ne manquèrent pas de s’élever. Bientôt ils se firent une grande place. Ils dominèrent entre la Caspienne et la mer Noire, et commencèrent à menacer les plaines du nord[44]. Longtemps, toutefois, les pentes septentrionales du Caucase demeurèrent leur point d’appui. C’est dans les défilés de cette grande chaîne que, plusieurs siècles après, quand ils eurent perdu l’empire exclusif des régions pontiques, celles de leurs tribus qui n’avaient pas émigré allèrent chercher un refuge parmi quelques peuplades parentes plus anciennement établies dans ces gorges[45]. Elles durent à cette circonstance, heureuse pour le maintien de leur intégrité ethnique, l’honneur dont elles jouissent aujourd’hui d’avoir été choisies par la science physiologique pour représenter le type le plus accompli de l’espèce blanche. Les nations actuelles de ces montagnes continuent à être célèbres par leur beauté corporelle, par leur génie guerrier, par cette énergie indomptable qui intéresse les peuples les plus cultivés et les plus amollis aux chances de leurs combats, et par une résistance plus difficile encore à ce souffle d’avilissement qui, sans pouvoir les toucher, atteint autour d’elles les multitudes sémitiques, tatares et slaves. Loin de dégénérer, elles ont contribué, dans la proportion où leur sang s’est mêlé à celui des Osmanlis et des Persans, à réchauffer ces races. Il ne faut pas oublier non plus les hommes éminents qu’elles ont fournis à l’empire turc, ni la puissante et romanesque domination des beys circassiens en Égypte.

Il serait ici hors de place de prétendre suivre dans le détail les innombrables mouvements des groupes sarmates vers l’occident de l’Europe. Quelques-unes de ces migrations, comme celle des Limigantes, s’en allèrent disputer la Pologne à des noblesses celtiques, et, sur leur asservissement, fondèrent des États qui, parmi leurs villes principales, ont compté Bersovia, la Varsovie moderne. D’autres, les Iazyges, conquirent la Pannonie orientale, malgré les efforts des anciens vainqueurs de race thrace ou kymrique, qui déjà y dominaient les masses slaves. Ces invasions et bien d’autres n’intéressent que des histoires spéciales[46]. Elles ne furent pas exécutées sur une assez grande échelle ni avec des forces suffisantes pour affecter d’une manière durable la valeur active des groupes subjugués. Il n’en est pas de même du mouvement qu’une vaste association de tribus de la même famille, issues de la grande branche des Alains, Alani, peut-être, plus primitivement, Arani ou Arians, et portant pour nom fédératif celui de Roxolans[47], opéra du côté des sources de la Dwina, dans les contrées arrosées par le Wolga et le Dnieper, en un mot dans la Russie centrale, vers le VIIe ou VIIIe siècle avant l’ère chrétienne[48]. Cette époque, marquée par de grands changements dans la situation ethnique et topographique d’un grand nombre de nations asiatiques et européennes, constitue également pour les Arians du nord un nouveau point de départ, et par conséquent une date importante dans l’histoire de leurs migrations.

Il n’y avait guère que deux à trois cents ans qu’ils étaient arrivés en Europe, et cette période avait été remplie tout entière par les conséquences violentes de l’antagonisme qui les opposait aux nations limitrophes. Livrés sans réserve à leurs haines nationales, absorbés par les soins uniques de l’attaque et de la défense, ils n’avaient pas eu le temps sans doute de perfectionner leur état social ; mais cet inconvénient avait été largement compensé, au point de vue de l’avenir, par l’isolement ethnique, gage assuré de pureté, qui en avait été la conséquence. Maintenant ils se voyaient contraints de se transporter dans une nouvelle station. Cette station leur était assignée, exclusivement à toute autre, par des nécessités impérieuses.

La propulsion qui les jetait en avant venait du sud-est. Elle était donnée par des congénères, évidemment irrésistibles, puisqu’on ne leur résistait pas. Il n’y avait donc pas moyen que les Arians-Sarmates-Roxolans prissent leur marche contre cette direction. Ils ne pouvaient davantage s’avancer indéfiniment vers l’ouest, parce que les Sakas, les Gètes, les Thraces, les Kymris, y étaient demeurés par trop forts, et surtout par trop nombreux. C’eût été affronter une série de difficultés et d’embarras inextricables. Incliner vers le nord-est était non moins difficile. Outre les amoncellements finnois qui opéraient sur ce point, des nations arianes encore considérables, des métis arians jaunes qui augmentaient chaque jour d’importance, devaient très légitimement faire repousser l’idée d’une marche rétrograde vers les anciens gîtes de la famille blanche. Restait l’accès du nord-ouest. De ce côté, les barrières, les empêchements étaient sérieux encore, mais pas insurmontables. Peu d’Arians, beaucoup de Slaves, des Finnois, en quantité moindre que dans l’est, il y avait là des probabilités de conquêtes plus grandes que partout ailleurs. Les Roxolans le comprirent ; le succès leur donna raison. Au milieu des populations diverses que leurs traditions conservées nous font encore connaître sous leurs noms significatifs de Wanes, de Iotuns et d’Alfars, ou fées, ou nains, ils réussirent à établir un état stable et régulier dont la mémoire, dont les dernières splendeurs projettent encore, à travers l’obscurité des temps, un éclat vif et glorieux sur l’aurore des nations scandinaves.

C’est le pays que l’Edda nomma le Gardarike, ou l’empire de la ville des Arians[49]. Les Sarmates Roxolans y purent dételer leurs bœufs voyageurs, y remiser leurs chariots. Ils connurent enfin des loisirs qu’ils n’avaient plus eus depuis bien des séries de siècles, et en profitèrent pour s’établir dans des demeures permanentes. Asgard, la ville des Ases ou des Arians, fut leur capitale. C’était probablement un grand village orné de palais à la façon des anciennes résidences des premiers conquérants de l’Inde et de la Bactriane. Son nom n’était d’ailleurs pas prononcé pour la première fois dans le monde. Entre autres applications qui en furent faites, il exista longtemps, non loin du rivage méridional de la Caspienne, un établissement médique appelé de même Açagarta[50].

Les traditions concernant Asgard sont nombreuses et même minutieuses. Elles nous montrent les pères des dieux, les dieux eux-mêmes, exerçant avec grandeur dans cette royale cité la plénitude de leur puissance souveraine, rendant la justice, décidant la paix ou la guerre, traitant avec une hospitalité splendide et leurs guerriers et leurs hôtes. Parmi ceux-ci nous apercevons quelques princes wanes[51] et iotuns, voire des chefs finnois. Les nécessités du voisinage, les hasards de la guerre forçaient les Roxolans de s’appuyer tantôt sur les uns, tantôt sur les autres, pour se maintenir contre tous. Des alliances ethniques furent alors contractées et étaient inévitables[52]. Toutefois le nombre, et par conséquent l’importance, en resta minime, l’Edda le démontre, parce que l’état de guerre moins constant que jadis, lorsque les Roxolans résidaient aux environs du Caucase, n’en fut pas moins très ordinaire, et surtout parce que le Gardarike, bien qu’ayant jeté beaucoup d’éclat sur l’histoire primitive des Arians Scandinaves, dura trop peu de temps pour que la race qui le possédait ait eu le temps de s’y corrompre. Fondé du VIIe au VIIIe siècle avant l’ère chrétienne, il fut renversé vers le IVe[53], malgré le courage et l’énergie de ses fondateurs, et ceux-ci, forcés encore une fois de céder à la fortune qui les conduisait à travers tant de catastrophes à l’empire de l’univers, remirent leurs familles et leurs biens dans leurs chariots, remontèrent sur leurs coursiers, et, abandonnant Asgard, s’enfoncèrent, à travers les marais désolés des régions septentrionales, au-devant de cette série d’aventures qui leur était réservée, et dont rien assurément ne pouvait leur faire présager les étonnantes péripéties et le succès final.



    autochtones, les déclarait les derniers nés de tous les peuples de la terre et leur donnait une antiquité de quinze cents ans environ avant J.-C. (Livre IV, 5.) La seconde, fournie par les Grecs du Pont, les faisant descendre d’Hercule et d’une nymphe du pays, ne leur assigne que treize cents et quelques années avant notre ère. (Livre IV, 8.) La troisième, due à Aristée de Proconnèse, qui l’avait rapportée de ses voyages dans l’Asie centrale, n’a rien de mythique, et fait simplement venir les Scythes de l’est, d’où ils avaient été chassés par les Issédons, fuyant à leur tour devant les Arimaspes. Il ne serait nullement difficile de montrer le point de concordance de ces trois manières d’envisager le même fait. Quant à la formation des peuples sarmates, nés des Scythes et des Amazones, je l’ai déjà indiquée. Ils parlaient un dialecte arian, différent de celui des Skolotes. (Livre IV, 17.) Pline, Pomponius Mela et Ammien Marcellin font les Sarmates beaucoup plus jeunes que je ne crois devoir l’admettre ici avec Hérodote. Ils supposent que les premiers groupes de leurs tribus furent établis sur le Don par les Scythes, au retour de l’expédition de ces derniers en Asie, vers la fin du VIIe siècle avant notre ère. Au fond, de telles questions sont peu réelles : 1° parce que les Sarmates ne sont qu’une simple variété des Sakas ; 2° parce que leurs nations, venant de l’est, dans la direction du Touran, se succédèrent à des époques très rapprochées, et qu’il n’y a pas lieu d’en choisir une à l’exclusion des autres pour servir aux éphémérides.

  1. (1) Cæs., de Bell. Gall., VI.
  2. (2) Schaffarik, Slawische Alterth., t. I, p. 57.
  3. (3) Ouvr. cité, t. I, p. 74. — Schaffarik considère comme formant la première extension des Slaves en Europe, la région située entre l’Oder, la Vistule, le Niémen, le Bug, le Dnieper, le Dniester et le Danube. Mais ces limites ont très souvent changé.
  4. (1) Ouvr. cité. — Le slave, pourvu des affinités originelles nécessaires avec les autres langues arianes, montre la trace d’une grande influence exercée par la famille finnoise sur ses éléments constitutifs. (T. I, p. 47.)
  5. (2) Ouvr. cité, t. I, p. 33.
  6. (3) Ibidem, t. I, p. 66, 167.
  7. (4) Ibidem, t. I, p. 1, 59.
  8. (1) Ouvr. cité, t. I, p. 271. — Schaffarik fait venir une grande partie de cette production des pays situés derrière les Karpathes. Mais il y avait aussi plus bas, dans la direction du sud-est, une nation à demi wende, celle des Alazons, qui se livrait au même commerce. (Hérod., IV, 17.)
  9. (2) Ils vivaient dans des villages, à la façon des peuples blancs purs, leurs ancêtres. (Schaff., t. I, p. 59.) S’il était besoin d’en donner une preuve, on la trouverait dans le nom d’une tribu slave, les Budini, Βουδίνοι, dont la racine est budy, maison ; par conséquent, les hommes qui habitent des maisons, des demeures permanentes. Ce nom de Budini rappelle une des plus singulières erreurs auxquelles la science ait pu se complaire. Hérodote raconte que les gens ainsi nommés étaient φθειροτραγέοντες ; tous les traducteurs ont compris et dit qu’ils mangeaient de la vermine, ou plus clairement des poux. Cette circonstance, qui parlait peu en faveur des Budini, n’a pas empêché les érudits allemands et les slavistes de se disputer ce peuple, les uns le réclamant pour germain, les autres pour wende. Larcher, Mannert, Buchon, bien d’autres, ont répété que les Budini mangeaient des poux ; enfin Ritter, se rapportant à l’abréviateur de Tzetzés, et guidé par le sens commun, a démontré que, comme beaucoup de populations actuelles de l’extrême nord, ils se nourrissaient de jets de sapin ; mais l’habitude de l’absurde est si bien prise que Passow lui-même, dans son dictionnaire, tout en donnant les deux versions montre une prédilection marquée pour la plus ancienne.
  10. (1) Schaffarik, ouvr. cité, t. I, p. 195.
  11. (2) Id., ibid., t. I, p. 167.
  12. Schaff., ouvr. cité, t. I, p. 128.
  13. Schaff., ouvr. cité, t. I, p. 211.
  14. Hérodote (IV, 11) indique clairement cette situation, quand il raconte qu’au moment où les Scythes vinrent attaquer les Cimmériens, ceux-ci se consultèrent sur ce qu’il y avait à faire. Les rois étaient d’avis de résister, le peuple voulait émigrer ; les deux partis en vinrent aux mains, et, comme ils étaient égaux en nombre, la bataille fut sanglante ; enfin le peuple eut le dessus, c’est-à-dire les Slaves, et, après avoir enterré les morts, on s’enfuit devant les Scythes. — Ce passage donne le sens de cet autre du même livre (102) où les Scythes, attaqués par Darius, demandent secours à leurs voisins. Alors se réunirent les rois des Taures, des Agathyrses, des Neures, des Androphages, des Mélanchlènes, des Gélons, des Boudini et des Sauromates. Le mot rois, βασιλῆες, doit être entendu ici comme au § 11. Il indique les tribus nobles, étrangères, qui régnaient sur les Taures Celtiques, les Agathyrses Slaves, les Neures, les Androphages, les Mélanchlènes Finnois, les Gélons, les Boudini, les Sauromates Slaves. Dans ces derniers, il y a à remarquer que c’étaient des Sarmates Satages ou servants qui formaient la couche inférieure de la population. Ces Satages, bien qu’ayant déjà pris le nom de leurs maîtres, étaient incontestablement de race wende. — Un roi des Agathyrses porte un nom arian : il s’appelle Spargapithès (IV, 78).
  15. Schaff., I, 243.
  16. Ce fut aux invasions kymriques que les poètes de la comédie grecque durent les noms de Davus et de Geta, si souvent appliqués par eux aux esclaves qui jouaient un rôle dans leurs fables. Les hommes portant ces noms appartenaient originairement à la classe supérieure des nations slaves vaincues, et provenaient d’une autre source première. (Schaff., t. I, p. 244.) — Ce même auteur pense que l’extension des Celtes, à cette dernière époque, alla jusqu’à la Save et à la Drave dans l’est, et au nord jusqu’aux sources de la Vistule et au Dniester. (T. I, p. 397.)
  17. Schaffarik (I, 271) croit reconnaître des vestiges de leur domination jusque dans la Bessarabie.
  18. Pline (Hist. natur., IV, 18) place une nation de Gètes après les Thraces, au nord de l’Hémus.
  19. Hérod., IV, 93. — Il est à remarquer que, dans ce même paragraphe, il y a une identification complète des Gètes avec les Thraces, ce qui peut servir d’argument supplémentaire pour appuyer l’origine ariane de ces derniers. — Les médailles apportent ici leur secours. Toutes celles qui appartiennent aux nations situées au nord de l’Hémus et à l’ouest de la Caspienne montrent des types souvent fort grossiers d’expression comme d’exécution  ; la plupart sont évidemment arians, quelques-uns sont slaves, aucun ne montre la plus légère trace de la physionomie finnoise. Je citerai, entre autres, les monnaies de Cotys V, type slave ; celles de la ville de Panticapée, type arian, etc.
  20. Au point de vue physique, ils étaient restés très vigoureux et très grands, puisqu’ils sont assimilés aux géants. (Schaff., I, 307.) — Wachter, qui tient aussi les Jotuns pour un peuple métis, les croit issus d’un mélange celte et finnois. (Encycl. Ersch u. Gr., 83.) — Il est plus que vraisemblable qu’avec le temps toute espèce d’alliage s’opéra dans le sang des différentes tribus gètes ; mais que la base première ait été ariane, c’est ce dont il n’est pas possible de douter.
  21. Les Chinois les nommaient très régulièrement Ta-Yueti, grands Gètes ; ta est la traduction exacte de massa ou maha, grand. (Ritter, 7e Th., 3e Buch, Ve Band., page 609.) — Voir les deux notes qui suivent.
  22. Voir tome 1er.
  23. Les Chinois nommaient aussi certaines nations gétiques, et probablement les groupes les plus nombreux, Yueti ou Yuei-tchi. La première de ces formes se rapproche beaucoup de Jotun, ce qui semble indiquer que, bien que cette dernière nous soit surtout connue par les Scandinaves, elle était déjà employée dès la noire antiquité au fond de la haute Asie. — (Ritter, Asien, 7e Th., 3e Buch, Ve Band., p. 604.) Les renseignements si importants donnés par les écrivains du Céleste Empire sur les nations arianes de la haute Asie empruntent une nuance d’intérêt de plus à ce fait qu’ils ne datent que du IIe siècle avant J.-C., ce qui prouve qu’à cette époque encore, et, par conséquent, bien longtemps après le départ des peuples d’où sont sortis les Scandinaves, puis les Germains, il y avait encore de grandes masses blanches dans l’ouest de la Chine, et que ces masses portaient en partie ces mêmes noms que leurs parents européens, probablement bien oubliés par eux, allaient illustrer, quelques siècles plus tard, sur le Rhin et sur le Danube. — On peut ainsi se faire une idée de l’heureuse influence que ces invasions et les infiltrations latentes de ces peuples eurent sur les races jaunes ou malayes de la Chine.
  24. Le mot de γεώργοι employé par Hérodote marque, de l’aveu commun, une catégorie de populations qui étaient soumises à des tribus militaires, et, par conséquent, une classe inférieure, une race différente et soumise. Il n’est pas sans intérêt de remarquer qu’elle se retrouvait chez d’autres nations arianes, les Sarmates, par exemple. C’étaient partout des Slaves, soit purs, soit mêlés de débris de noblesses subjuguées avec eux. (Schaff., t. 1, p. 181-185, 350.) Un exemple de cette dernière situation existait au IIIe siècle de notre ère dans la Dacie, où les Sarmates Yazyges dominaient des tribus gétiques, et, par contre-coup, les Slaves qui en formaient la base sociale. (Schaff., I, 250.)
  25. Les pays situés sur la Baltique et sur le golfe de Finlande s’appelaient, longtemps avant Ptolémée, la Scythie. Pythéas les nommait ainsi, et il était dans le vrai, comme on va le voir plus bas. (Schaff., I, 221.)
  26. Westergaard, dans ses études sur les inscriptions cunéiformes de la seconde espèce, observe que le mot Saka doit y être lu avec deux k, pour exprimer la palatale dure avec l’s aspirée, que les Perses n’avaient pas. Ceci rapproche d’autant Haka de Saka, et semble indiquer que les tribus arianes du nord avaient conservé un dialecte plus rude, qui confondait volontiers la sibilante avec l’aspiration. (P. 32.) — Les Sakas ou Hakas sont aussi nommés, dans les annales chinoises, Sse. (Ritter, l. c., p. 605 et pass.)
  27. Sur cette origine commune, ouvertement consentie par la tradition brahmanique, je ne puis que donner le passage du Ramayana qui l’expose ; je me sers de l’admirable traduction de M. Gorresio : « Di nuovo ella (la vacca Sabalâ) produsse i fieri Saci, misti insieme cogli Yavani. Da questi Saci, commisti cogli Yavani, fu inondata la terra. Erano scorridori, robustissimi, condensati, in frotte come fibre di loto  ; portavano bipenni e lunghe spade, avean armi e armadure d’ oro. » — (Gorresio, Ramayana, t, VI, Adicanda, cap. LV, p. 150.) Voilà une description qui fait, avec justice, des Sakas tout autre chose qu’une borde misérable de pillards mongols. — Voir aussi Manava-Dharma-Sastra, ch. X, 44.
  28. Sharon-Turner, Hist. of the Anglo-Saxons, t. I.
  29. Une des stations avancées, non pas la plus avancée, des Arians vers le sud-ouest, était, au VIIIe siècle avant notre ère, celle des Sigynnes, qui, vêtus comme les Mèdes et vivant, disait-on, dans des chariots, se disaient colonie médique au temps d’Hérodote. Ils étaient voisins des Vénètes de l’Adriatique. (V, 9.)
  30. Spiegel, Benfey et Weber se sont récemment occupés de fixer la signification du mot persan توران, zend, tuirya, sanscrit, tûrya. Il est d’un grand intérêt de préciser, en effet, si cette dénomination, qui faisait naître dans les esprits des Hindous et des Iraniens de si fortes idées de haine et de crainte, renferme une notion de différence ethnique entre ces peuples et leurs adversaires. Il parait qu’il n’en est rien, tûrya ne signifie qu’ennemi. — Voir Spiegel, Studien über das Zend-Avesta, Zeitschrift d. deutsch. morg. Gesellsch., t. V, p. 223.
  31. Σκολόται, Hérod., IV, 6. — Ce mot semble formé de Saka et de lot, ou d’une racine parente de cette expression sanscrite qui signifie être hors de soi, exalté, furieux ; les Saka lota auraient été les Sakas au courage inspiré, téméraire, sans bornes, pareils aux Berserkars scandinaves.
  32. Westergaard et Lassen, Inscript. de Darius, p. 94-95. — Hérodote, Pline et Strabon se prononcent dans le même sens. Le dernier est encore plus péremptoire, puisqu’il confond nettement les Sakas avec les Massagètes et les Dahae : Οἱ μὲν δὴ πλείους τῶν Σκυθῶν ἀπὸ τῆς Κασπιὰς θαλάττης ἀρξόμενοι, Δαάι προσαγορεύονται τοὺς δὲ προσεῴυς τούτων μᾶλλων Μασσαγέτας καὶ Σάκας ὀνομάζουσι, τοὺς δ’ ἄλλους κοινῶς μὲν Σκύθας ὀνομάζουσιν, ἰδίᾳ δ’ ὧς ἑκάστους. — Ainsi il est bien convenu pour Strabon que, sur les bords de la Caspienne, les Dahae et les Scythes sont un même peuple ; qu’à l’orient de ces contrées, les Massagètes et les Saces sont dans des rapports égaux d’identité, et que, de plus, le nom de Scythe convient à l’un comme à l’autre de ces groupes. — J’ai longtemps hésité à classer les Scythes ; les Skolotes comme ils doivent l’être, au nombre des groupes arians et non pas mongols, bien que soutenu par l’imposante autorité d’hommes tels que M. Ritter et M. A. de Humboldt. Je répugnais à rompre en visière, sans nécessité bien démontrée, à une opinion fortement établie, et, dans le premier volume de cet ouvrage, j’ai même raisonné dans le sens routinier  ; mais il m’a fallu me rendre à l’évidence, et comprendre qu’une complaisance exagérée me jetterait dans des erreurs et des non-sens trop graves. Je me suis donc résigné. Ayant allégué déjà plusieurs des motifs sur lesquels j’appuie mon opinion, je me bornerai surtout, pour en bien établir la force, à résumer l’état de la question. D’une voix presque unanime, la science moderne considère les Scythes Skolotes comme des Finnois. Elle a pour cela trois raisons : d’abord, qu’Hippocrate les décrit comme tels ; ensuite que les Grecs appelaient Scythie tout le nord de l’Europe, et ne faisaient aucune distinction entre les populations de ce pays ; enfin que, puisqu’elle a prononcé une fois, elle ne veut pas se déjuger. Laissant respectueusement à l’écart le troisième motif, je ne m’occuperai que des deux premiers. Il est bien vrai qu’Hippocrate décrit des hommes habitant sur les rives de la Propontide comme ayant le caractère physiologique de la race finnoise, et ces hommes, il les qualifie de Scythes. Mais, de la façon dont il emploie ce nom, il est de toute évidence qu’il n’entend par là que des gens établis en Scythie parmi beaucoup d’autres qui ne leur ressemblaient pas. Or, qu’au temps d’Hippocrate, c’est-à-dire deux cents ans après Hérodote, des tribus jaunes pussent être descendues jusque dans le voisinage de la Propontide, et, y habitant pêle-mêle avec bien d’autres races, y eussent reçu des Grecs le nom de Scythes, il n’y a rien là que de très naturel et de très admissible. Il ne s’ensuit pas nécessairement qu’à une époque antérieure, ces mêmes gens fussent déjà dans le pays. Hérodote parle beaucoup des Scythes, il les avait visités, il avait conversé avec eux, il savait leur histoire ; nulle part il ne témoigne qu’ils eussent le moindre trait de la nature finnique ; tout au contraire, quand il décrit cette nature, à l’occasion du récit qu’il fait des mœurs des Argippéens, il avoue qu’il n’a pas vu lui-même ces hommes chauves, au nez aplati, au menton allongé et que tout ce qu’il en rapporte, il ne le sait que par tradition des marchands et des voyageurs. Et non seulement il n’indique pas par un seul mot, lui, observateur si soigneux et si attentif, que les Scythes aient eu le moindre trait différent de la physionomie grecque ou thrace, mais aucun écrivain d’Athènes, de cette ville d’Athènes où la garde de police était composée, en partie, de soldats scythes, n’a jamais fait la moindre allusion à une particularité qui aurait, au moins, pu fournir l’étoffe d’une plaisanterie à Aristophane, lequel introduit un Scythe fort grossier dans une de ses pièces. Ce n’est pas tout : Hérodote, parlant de la Scythie, proteste contre l’usage de ses compatriotes de la considérer comme étant d’un seul tenant et habitée par une seule race ; il déclare, au contraire, que le nombre des Skolotes y est relativement très petit ; avec eux il nomme un grand nombre de nations qui ne leur sont apparentées en rien (IV, 20, 21, 22, 23, 46, 57, 99). Il les considère comme le peuple dominateur de la région pontique, et, en outre, comme le plus intelligent (IV, 46). Il leur attribue une langue médique, et, en effet, d’après tous les mots et tous les noms qu’il allègue, les Scythes parlaient incontestablement une langue ariane ; enfin, il n’y a pas de doute à conserver que, pour lui, les Skolotes ne soient les Sakas des Hindous et les Iraniens. Beaucoup plus tard, c’est encore l’avis de Strabon. Il est inévitable désormais de s’y ranger et de convenir, dans le cas actuel, comme dans bien d’autres, que c’est un mauvais système que de ne vouloir jamais apercevoir dans un pays qu’une seule race ; d’attribuer à cette race le premier type venu, en dépit des réclamations des gens mieux informés, et il faut donner raison, en l’affaire présente, au plus récent historien de la Norwège, M. Munch, qui, dans l’admirable préambule de son récit, montre les régions pontiques, avant le Xe siècle qui précéda notre ère, comme incessamment parcourues et dominées par des nations de cavaliers arians qui se succédaient les unes aux autres, courbant les populations slaves, finniques et métisses sous leur souffle, comme le vent d’est courbe les épis sous le sien. (Munch, Det norske folk Historie, trad. all. p. 13.) — En dernier lieu, enfin, il faut en croire les médailles des rois scythes, qui ne portent jamais dans leurs effigies l’ombre d’un trait mongol, comme on peut s’en convaincre aisément un jetant un coup d’œil sur les monnaies de Leuko Ier, de Phascuporis Ier, de Gegaepirés, de Rhaemetalcés, de Rhescuporis, etc. Toutes ces médailles montrent la physionomie ariane parfaitement évidente, ce qui constitue une démonstration matérielle à laquelle il n’y a pas de réplique. — Voir aussi toute la série des démonstrations appuyées sur des faits et des témoignages historiques, puisés dans les écrivains grecs, romains et chinois. Ritter, Asien, Ier Th., VIe Buch, West-Asien, Band. V, p. 583 à p. 716.) J’ai emprunté de nombreux détails à cette admirable et féconde accumulation de recherches.
  33. A l’ordinaire, on fait dériver le nom de Saxon du mot sax ou scax, couteau. Cette étymologie convient d’autant moins que les Saxons étaient remarqués pour la grandeur de leurs épées, et se servaient d’ailleurs préférableinent des haches d’armes : « Securibus gladiisque longis, » dit Henri de Huntingdon. — Kemble produit un passage d’un document ancien qui repousse de même cette opinion : « Incipit linea Saxonum et Anglorum descendens ab Adamo linealiter usque ad Sceafum de quo Saxones vocabantur. » — Mullenhoff ne me paraît nullement bien fondé dans la critique qu’il fait de ce texte. (Voir Zeitschrift für d. d. Alterth., t. VII, p. 415.) — Sceaf est un personnage tellement ancien, au jugement de la légende germanique, qu’il est placé à la tête des aïeux d’Odin. Les Scandinaves chrétiens ont exprimé cette idée en le faisant naître dans l’arche de Noé. Mullenhoff lui-même considère les aventures qui sont attribuées à ce personnage comme un mythe de l’arrivée par mer des Roxolans dans la Suéde. (Loc cit., p. 413.)
  34. On compte cependant dans ces États, souvent réduits à un bien faible périmètre, de nombreuses villes. On y remarque la présence de familles royales très respectées pour leur antiquité, une agriculture développée et surtout la mise en rapport de vignobles célèbres, l’élève de superbes races de chevaux, une grande réputation de bravoure militaire, une habileté commerciale dont les annalistes chinois, excellents juges en cette matière, se préoccupent beaucoup, et, ce qui est plus honorable encore, l’existence d’une littérature nationale et d’un ou plusieurs alphabets particuliers. (Ritter, loc. cit., pass.) — Je rappellerai que les traits distinctifs physiologiques de tous ces peuples, aux yeux des écrivains chinois, sont d’avoir eu les yeux bleus, la barbe et la chevelure blondes et épaisses, et le nez proéminent. (Loc. cit.)
  35. Les médailles des rois barbares, des rois sakas, qui renversèrent l’empire gréco-macédonien, ne permettent pas non plus de douter que les conquérants ne parlassent une langue ariane, qu’ils n’eussent un culte arian, et enfin que leurs traits ne fussent tout à fait ceux de la famille blanche, sans rien qui rappelle le type mongol. (Benfey, Bemerkungen über die Gœtter-namen auf Indo-skythischen-münzen, Zeitsch. d. d. m. Gesellsch., t. VIII, p. 450 et seqq.)
  36. J’ai déjà parlé ailleurs du changement normal de l’r en s dans les langues arianes, et de la cause de cette loi. Je n’en donnerai ici que quelques exemples, amenés par le sujet, et pour montrer qu’elle s’exécute partout également. Dans les inscriptions achéménides de la seconde espèce, Westergaard observe que le mot asa peut également être lu arsa ; ainsi Parsa ou Posa. Le savant indianiste ajoute que le médique n’admettait pas l’r devant une consonne et le supprimait (pp. 87, 115.) On se rappelle involontairement ici la façon complexe dont Ammien Marcellin et Jornandés transcrivirent le nom des dieux scandinaves : au lieu d’ases, ils disent anses ou anseis. (On sait combien la mutation de l’r en n est d’ailleurs fréquente.) Cette forme ansi était connue des Chinois, qui disent indifféremment asi et ansi. (Ritter, loc. cit., pass.) — Chez les Doriens, la même mobilité avait lieu entre l’s et l’r. On lit, dans le décret des Spartiates contre Timothée, Τιμόθεος ὁ Μιλέσιορ pour Τιμόθεος ὁ Μιλέσιος, etc. — Chez les Latins, même observation, mais en sens inverse ; ainsi genus, generis, majosibus, majoribus, plurima, plusima, Papisius, Papirius, arbos, arbor. On en trouve des traces dans un dialecte français, le poitevin, où on dit : il ertait pour : il estait, et dans les romans du XIIe siècle. — Ainsi, Arya et Asa sont identiques. L’Asie, Asia, c’est le pays des Arians. Sak ou hak veut dire honorer. (Lassen et Westergaard, p. 25.) — Ket, ...., en persan moderne, veut dire honorable.
  37. Le mot mère est, en sanscrit, âmaba. Il s’agit ici d’une forme dialectique plus courte.
  38. Voir Tome Ier.
  39. Les trois fils de Féridoun sont Iredj, Tour et Khawer. Ce sont les personnifications des trois rameaux blancs de la Perse, de l’Iran, proprement dit, puis de l’intérieur de l’Asie, puis des contrées occidentales du monde. La parenté de ces trois groupes est ainsi rigoureusement reconnue. On ne manquera pas de retrouver dans la forme Khawer une transcription toute naturelle de l’antique expression de Yavana. C’est un témoignage de plus de l’antiquité des renseignements dont s’est servi Firdousi. (Voir tome Ier. — Schaffarik, Slawische Alterth., t. I, p. 350-351.)
  40. Hérodote fournit trois traditions sur l’origine des Scythes et une sur celle des Sarmates. La première, considérant les Scythes comme
  41. Ces détails de costume et d’armement se trouvent dans les écrivains romains et grecs qui ont parlé des Sarmates avec détail. Quant à l’équipement général des autres peuples de la même famille, on a vu plus haut que le Ramayana attribuait aux Sakas des armures d’or, de lourdes haches et de longues épées. Hérodote, en parfait accord avec ce livre, montre les Massagétes avec des baudriers, des cuirasses et des casques revêtus d’or, et employant le cuivre à forger les pointes de leurs lances, de leurs javelots et de leurs flèches. (Hérodote, II, 215.) — Dans l’expédition de Xerxès, les Arians Perses avaient des cuirasses de fer travaillées en écailles de poisson. (Hérodote, VII, 61.) Cette coutume, dit l’historien, avait été empruntée aux Mèdes. (Livre VII, 62.) — Les Arians Cissiens la suivaient aussi. (Ibidem), ainsi que les Arians Hyrcaniens. (Ibidem). Il en était de même des Parthes, des Chorasmiens, des Sogdiens, des Gandariens, des Dadices et des Bactriens. (Ibidem., 64 et 66.) — Il n’y a donc nul doute possible que les armures complètes de métal et en forme d’écaillés ne fussent d’un usage général chez toutes les nations arianes désignées par les Hindous sous le nom de Sakas.
  42. Weinhold, Die deutschen Frauen in dem Mittelalter, Wien 1851, p. 337. — A. de Haxthausen, dans son excellent ouvrage sur la Russie, fait une remarque qui aboutit au même résultat: « Les ornements, dit-il, et les découpures qui ornent les toits (des maisons des paysans russes aux environs de Moscou), les galeries et l’escalier conduisant à l’intérieur, rappellent les habitations des Alpes, et particuliérement les chalets suisses. » (T. I, p. 19-20.)
  43. Ce nom est formé des deux racines sâr et mat, qui signifient destructeur des peuples. L’une, sâr, est médique. (Westergaard, p. 81.) L’autre, mat, répond au verbe sanscrit déchirer. — Je crois avoir déjà dit, mais je le répète encore, qu’il ne s’agit pas de trouver, pour des mots touraniens, une source directe dans le sanscrit, mais seulement des analogies de dialectes qui puissent faire entrevoir le sens à travers la forme peu concordante des vocables. — Le mot sâr, habitant, est le même qui apparaît dans le nom de la capitale de la Lydie, Σάρδεις, de sâr et de dhâ, Sarda, le lieu où l’on établit des habitants, la colonie.
  44. Schaffarik, Slaw. Alterth., t. I, p. 120-121, 141.
  45. Les Ossètes du Caucase, nommés, dans les anciennes annales russes, Iasi ou Osi, et par Plan-Carpin, au XIIIe siècle, Alani et Asses, s’attribuent à eux-mêmes le titre d’Iron, et à leur pays celui d’Ironistan. C’est un nouvel exemple de permutation de l’r en s. ( Schaff., Slaw. Alterth., t. I, 141, 353.)
  46. Schaffarik reconnaît quelques faibles restes d’une tribu de Sarmates Iazyges dans la population aujourd’hui clairsemée sur la rive gauche de la Pialassa. Ils sont d’une carnation très brune, s’habillent de noir, et conservent des usages différents de ceux des races qui les entourent. Ils parlent le russe blanc, mais avec un accent lithuanien. Ils sont nommés par les gens du pays Iatwjèses ou Iodwezaj. C’est une formation de métis tout à fait tombés. (Schaff., Slawische Alterth., t. I, p. 338, 340, 343, 349.)
  47. Munch (Det Norske Folk Historie (traduct. allem.), p. 63) cherche assez péniblement à établir l’étymologie de ce mot. Il veut que, de même que les Allemands sont appelés par les Slaves Njemzi, muets, parce qu’on ne comprend pas ce qu’ils disent, ces mêmes Slaves, mieux instruits du langage des Sarmates, leur aient donné le nom de Ruotslaine, Rootslaine, de la racine rot, le peuple de ceux qui parlent.
  48. Munch, p. 14, 52-53.
  49. Garta est employé dans les Védas dans le double sens de chariot et de maison. On en voit la cause. Sur une inscription achéménide, karta signifie château. Dans ce sens, il fait partie de la composition du nom de plusieurs capitales asiatiques, entre autres Tigranocerta, le château de Tigrane. En latin, en gothique, et dans toutes les langues dérivées de cette double source, hortus, gard, gardun, gurten, giœrd, giardino, jardin, garden, veut dire principalement une enceinte, et c’est là, certainement, le sens intime du mot. (Dieffenbach, Vergleichendes Wœrterbuch der gothischen Sprache, t. II, p. 382.) — Lassen et Westergaard, Die Achem. Keilinschriften, p. 29 et 72. — Weinhold, Die Deutschen Frauen in dem Mittelalter, Wien, 1851, p. 327. — Pott (Etymologische Forschungen, th. I, p. 144) y joint très bien le χόρτος grec et le mot italiote chors. J’y ajouterai le terme militaire de même origine cohors, qui garde dans ses flexions le t primitif.
  50. Ptolémée nomme le peuple de ce pays Σαγάρτοι. Une inscription perse recueillie par Niebuhr, I, tabl. XXXI, le mentionne également. Hérodote compte huit mille Sagartes dans l’armée de Darius (VII, 85). (Lassen et Westergaard, Achem. Keilinschriften, p. 54.)
  51. l’Edda place les Ases, les Roxolans, sur la rive orientale du Don, tandis que les nations wendes indépendantes occupent la rive occidentale. (Schaffarik, t. I, p. 134, 307, 358.)
  52. Suivre la trace et l’indication de ces mélanges dans l’Edda, principalement dans la Vœluspa. La forme mythique du récit n’empêche en aucune façon d’apercevoir le noyau historique.
  53. Munch attribue la ruine du Gardarike à la pression des nations de Sakas qui avaient remplacé les Sarmates dans les régions du Caucase, et qui étaient elles-mêmes dépossédées par les Achéménides. (P. 61.)