Essai sur l’inégalité des races humaines/Livre quatrième/Chapitre IV


CHAPITRE IV.

Les Grecs sémitiques.

J’ai beaucoup devancé les temps et embrassé pour ainsi dire l’histoire de la Grèce hellénique dans son entier, après avoir montré les causes de son éternelle débilité politique. Maintenant je reviens en arrière, et, rentrant dans le domaine des questions d’État, je continuerai à suivre l’influence du sang sur les affaires de la Grèce et des peuples contemporains.

Après avoir mesuré la durée de l’aptitude artistique, j’en

ferai autant de celle des différentes phases gouvernementales. On verra par là d’une manière nette quelle terrible agitation amène dans les destinées d’une société le mélange croissant des races.

Si l’on veut faire commencer à l’arrivée des Arians Hellènes avec Deucalion les temps héroïques où l’on vivait à peu près suivant le mode des ancêtres de la Sogdiane, sous un régime de liberté individuelle restreinte par des lois très flexibles, ces temps héroïques auraient leur début à l’an 1541 avant J.-C.

L’époque primitive de la Grèce est marquée par des luttes nombreuses entre les aborigènes, les colons sémites dès longtemps établis et affluant tous les jours, et les envahisseurs arians.

Les territoires méridionaux furent cent fois perdus et repris. Enfin, les Arians Hellènes, accablés par la supériorité de nombre et de civilisation, se virent chassés ou absorbés, moitié dans les masses aborigènes, moitié dans les cités sémitiques, et ainsi se constituèrent isolément la plupart des nations grecques (1)[1].

Grâce à l’invasion des Héraclides et des Doriens, le principe arian mongolisé reprit une supériorité passagère ; mais il finit encore par céder à l’influence chananéenne, et le gouvernement tempéré des rois, aboli pour toujours, fit place au régime absolu de la république.

En 752, le premier archonte décennal gouverna Athènes. Le régime sémitique commençait dans la plus phénicienne des villes grecques. Il ne devait être complet que plus tard, chez les Doriens de Sparte et à Thèbes (1)[2]. L’âge héroïque et ses conséquences immédiates, c’est-à-dire la royauté tempérée, avaient duré 800 ans. Je ne dis rien de l’époque bien plus pure, bien plus ariane des Titans ; il me suffit de parler de leurs fils, les Hellènes, pour montrer que le principe gouvernemental était resté longtemps établi entre leurs mains.

Le système aristocratique n’eut pas autant de longévité. Inauguré à Sparte en 867, et à Athènes en 753, il finit pour cette dernière cité, la ville brillante et glorieuse par excellence, il finit d’une manière régulière et permanente à l’archontat d’Isagoras, fils de Tisandre, en 508, ayant duré 245 ans. Depuis lors jusqu’à la ruine de l’indépendance hellénique, le parti aristocratique domina souvent, et persécuta même ses adversaires avec succès ; mais ce fut comme faction et en alternant avec les tyrans. L’état régulier depuis lors, si tant est que le mot régularité puisse s’appliquer à un affreux enchaînement de désordres et de violences, ce fut la démocratie.

À Sparte, la puissance des nobles, abritée derrière un pauvre reste de monarchie, fut beaucoup plus solide. Le peuple aussi était plus arian (2)[3]. La constitution de Lycurgue ne disparut complètement que vers 235, après une durée de 632 ans (3)[4].

Pour l’état populaire à Athènes, je ne sais qu’en dire, sinon qu’il entasse tant de hontes politiques à côté de magnificences intellectuelles inimitables, qu’on pourrait croire au premier abord qu’il lui fallut bien des siècles pour accomplir une telle œuvre. Mais, en faisant commencer ce régime à l’archontat d’Isagoras en 508, on ne peut le prolonger que jusqu’à la bataille de Chéronée, en 339. Le gouvernement continua plus tard sans doute à s’intituler république ; toutefois l’isonomie était perdue, et, quand les gens d’Athènes s’avisèrent de prendre les armes contre l’autorité macédonienne, ils furent traités moins en ennemis qu’en rebelles. De 508 à 339, il y a 169 ans.

Sur ces 169 ans, il convient d’en déduire toutes les années où gouvernèrent les riches ; puis celles où régnèrent soit les Pisistratides, soit les trente tyrans institués par les Lacédémoniens. Il n’y faut pas comprendre non plus l’administration monarchique et exceptionnelle de Périclès, qui dura une trentaine d’années ; de sorte qu’il reste à peine pour le gouvernement démocratique la moitié des 169 ans ; encore cette période ne fut-elle pas d’un seul tenant. On la voit constamment interrompue par les conséquences des fautes et des crimes d’abominables institutions. Toute sa force s’employa à conduire la Grèce à la servitude.

Ainsi organisée, ainsi gouvernée, la société hellénique tomba, vers l’an 504, dans une attitude bien humble en face de la puissance iranienne. La Grèce continentale tremblait. Les colonies ioniennes étaient devenues tributaires ou sujettes.

Le conflit devait éclater par l’effet de l’attraction naturelle de la Grèce à demi sémitique vers la côte d’Asie, vers le centre assyrien, et de la côte d’Asie elle-même un peu arianisée vers l’Hellade. On allait voir le succès de la première tentative d’annexion. On y était préparé ; mais il trompa tout le monde, car il s’accomplit en sens contraire à ce qu’on avait dû prévoir.

La puissance perse, si démesurément grosse et redoutée, prit de mauvaises mesures. Xerxès se conduisit en Agramant. Sa giovenil furore n’accorda aucun égard aux conseils des hommes sages. Les Grecs eurent beau, s’abandonnant les uns les autres, commettre des lâchetés impardonnables et les plus lourdes fautes, le roi s’obstina à être plus fou qu’ils n’étaient maladroits, et, au lieu de les attaquer avec des troupes régulières, il voulut s’amuser à repaître les yeux de sa vanité du spectacle de sa puissance. Dans ce but, il rassembla une cohue de 700.000 hommes, leur fit passer l’Hellespont sur des ouvrages gigantesques, s’irrita contre la turbulence des flots, et alla se faire battre, à la stupéfaction générale, par des gens plus étonnés que lui de leur bonheur et qui n’en sont jamais revenus.

Dans les pages des écrivains grecs, cette histoire des Thermopyles, de Marathon, de Platée, donne lieu à des récits bien émouvants. L’éloquence a brodé sur ce thème avec une abondance qui ne peut pas surprendre de la part d’une nation si spirituelle. Comme déclamation, c’est enthousiasmant ; mais, à parler sensément, tous ces beaux triomphes ne furent qu’un accident, et le courant naturel des choses, c’est-à-dire l’effet inévitable de la situation ethnique, n’en fut pas le moins du monde changé (1)[5].

Après comme avant la bataille de Platée, la situation se trouve celle-ci :

L’empire le plus fort doit absorber le plus faible ; et de même que l’Égypte sémitisée s’est agrégée à la monarchie perse, gouvernée par l’esprit arian, de même la Grèce, où le principe sémitique domine désormais, doit subir la prédominance de la grande famille d’où sont sorties les mères de ses peuples, parce que du moment qu’il n’existe pas à Athènes, à Thèbes et même à Lacédémone de plus purs Arians qu’à Suze, il n’y a pas de motifs pour que la loi prépondérante du nombre et de l’étendue du territoire suspende son action.

C’était une querelle entre deux frères. Eschyle n’ignorait pas ce rapport de parenté, lorsque, dans le songe d’Atossa, il fait dire à la mère de Xerxès :

« Il me semble voir deux vierges aux superbes vêtements.

« L’une richement parée à la mode des Perses, l’autre selon la coutume des Doriens. Toutes deux dépassant en majesté les autres femmes. Sans défaut dans leur beauté. Toutes deux sœurs d’une même race (1)[6]. »

Malgré l’issue inespérée de la guerre persique, la Grèce était contrainte par la puissance sémitique de son sang de se rallier tôt ou tard aux destinées de l’Asie, elle qui avait subi si longtemps l’influence de cette contrée.

En vérité la conclusion fut telle ; mais les surprises continuèrent, et le résultat fut produit d’une manière différente encore de ce qu’on se croyait en droit d’attendre.

Aussitôt après la retraite des Perses, l’influence de la cour de Suze avait repris sur les cités helléniques ; comme auparavant, les ambassadeurs royaux donnaient des ordres. Ces ordres étaient suivis. Les nationalités locales s’exaspérant dans leur haine réciproque, ne négligeant rien pour s’entre-détruire, le moment approchait où la Grèce épuisée allait se réveiller province perse, peut-être bien heureuse de l’être et de connaître ainsi le repos.

De leur côté, les Perses, avertis par leurs échecs, se conduisaient avec autant de prudence et de sagesse que leurs petits voisins en montraient peu. Ils avaient soin d’entretenir dans leurs armées des corps nombreux d’auxiliaires hellènes ; ils les affectionnaient à leur service en les payant bien, en ne leur ménageant pas les honneurs. Souvent ils les employaient avec profit contre les populations ioniennes, et ils avaient alors la secrète satisfaction de ne pas voir s’alarmer la conscience calleuse de leurs mercenaires. Ils ne manquaient jamais d’incorporer dans ces troupes les bannis jetés sous leur protection par les révolutions incessantes de l’Attique, de la Béotie, du Péloponèse ; hommes précieux, car leurs villes natales étaient précisément celles contre qui s’exerçaient de préférence leur courage et leurs talents militaires. Enfin quand un illustre exilé, homme d’État célèbre, guerrier renommé, écrivain d’influence, rhéteur admiré, se réclamait du grand roi, les profusions de l’hospitalité n’avaient pas de bornes ; et qu’un revirement politique ramenât cet homme dans son pays, il rapportait au fond de sa conscience, fût-ce involontairement, un bout de chaîne dont l’extrémité était rivée au pied du trône des Perses. Tels étaient les rapports des deux nations. Le gouvernement raisonnable, ferme, habile de l’Asie avait certainement gardé plus de qualités arianes que celui des cités grecques méridionales, et celles-ci étaient à la veille d’expier durement leurs victoires de parade, lorsque l’état de faiblesse inouïe où elles gémissaient fut justement ce qui amena la péripétie la plus inattendue.

Tandis que les Grecs du sud se dégradaient en s’illustrant, ceux du nord, dont on ne parlait pas, et qui passaient pour des demi-barbares, bien loin de décliner, grandissaient à tel point, sous l’ombre de leur système monarchique, qu’un matin, se trouvant assez lestes, fermes et dispos, il gagnèrent les Perses de vitesse, et, s’emparant de la Grèce pour leur propre compte, firent front aux Asiatiques et leur montrèrent un adversaire tout neuf. Mais si les Macédoniens mirent la main sur la Grèce, ce fut d’une manière et avec des formes qui révélaient assez la nature de leur sang. Ces nouveaux venus différaient du tout au tout des Grecs du sud, et leurs procédés politiques le prouvèrent.

Les Hellènes méridionaux, après la conquête, s’empressaient de tout bouleverser. Sous le prétexte le plus léger, ils rasaient une ville et transplantaient chez eux les habitants réduits en esclavage. C’était de la même manière que les Chaldéens sémites avaient agi à l’époque de leurs victoires. Les Juifs en avaient su quelque chose lors du voyage forcé à Babylone ; les Syriens aussi, quand des bandes entières de leurs populations furent envoyées dans le Caucase. Les Carthaginois usaient du même système. La conquête sémitique pensait d’abord à l’anéantissement ; puis elle se rabattait tout au plus à la transformation. Les Perses avaient compris plus humainement et plus habilement les profits de la victoire. Sans doute, on relève chez eux plusieurs imitations de la notion assyrienne ; cependant, en général, ils se contentaient de prendre la place des dynasties nationales, et ils laissaient subsister les États soumis par leur épée, dans la forme où ils les avaient trouvés.

Ce qui avait été royaume gardait ses formes monarchiques, les républiques restaient républiques, et les divisions par satrapies, moyen d’administrer et de concentrer certains droits régaliens, n’enlevaient aux peuples que l’isonomie : l’état des colonies ioniennes au temps de la guerre de Darius et au moment des conquêtes d’Alexandre en fait suffisamment foi.

Les Macédoniens restèrent fidèles au même esprit arian. Après la bataille de Chéronée, Philippe ne détruisit rien, ne réduisit personne en servitude, ne priva pas les cités de leurs lois, ni les citoyens de leurs mœurs. Il se contenta de dominer sur un ensemble, dont il acceptait les parties telles qu’il les trouvait, de le pacifier et d’en concentrer les forces de manière à s’en servir suivant ses vues. Du reste, on a vu que cette sagesse dans l’exploitation du succès avait été devancée, chez les Macédoniens, par la sagesse à conserver précieusement leurs propres institutions. Avec tous les droits possibles de faire commencer leur existence politique plus haut encore que la fondation du royaume de Sicyone, les Grecs du nord arrivèrent jusqu’au jour où ils se subordonnèrent le reste de la Grèce sans avoir jamais varié dans leurs idées sociales. Il me serait difficile d’alléguer une plus grande preuve de la pureté comparative de leur noble sang. Ils représentaient bien un peuple belliqueux, utilitaire, point artiste, point littéraire, mais doué de sérieux instincts politiques.

Nous avons trouvé un spectacle à peu près analogue chez les tribus iraniennes d’une certaine époque. Il ne faut pourtant pas en décider à la légère. Si nous comparons les deux nations au moment de leur développement, l’une quand, sous Philippe, elle déborda sur la Grèce, et l’autre, dans un temps antérieur, quand, avec Phraortes, elle commença ses conquêtes, les Iraniens nous apparaissent plus brillants et semblent à beaucoup d’égards plus vigoureux.

Cette impression est juste. Sous le rapport religieux, les doctrines spiritualistes des Mèdes et des Perses valaient mieux que le polythéisme macédonien, bien que celui-ci de son côté, attaché à ce qu’on nommait dans le sud les vieilles divinités, se tînt plus dégagé des doctrines sémitiques que les théologies athéniennes ou thébaines. Pour être exact, il faut néanmoins avouer que ce que les doctrines religieuses de la Macédoine perdaient en absurdités d’imagination, elles le regagnaient un peu en superstitions à demi finnoises, qui, pour être plus sombres que les fantaisies syriennes, n’en étaient guère moins funestes. En somme, la religion macédonienne ne valait pas celle des Perses, travaillée qu’elle était par les Celtes et les Slaves.

En fait de civilisation, l’infériorité existait encore. Les nations iraniennes, touchant d’un côté aux peuples vratyas, aux Hindous réfractaires, éclairés d’un reflet lointain du brahmanisme, de l’autre aux populations assyriennes, avaient vu se dérouler toute leur existence entre deux foyers lumineux qui n’avaient jamais permis à l’ombre de trop s’épaissir sur leurs têtes. Parents des Vratyas, les Iraniens de l’est n’avaient pas cessé de contracter avec eux des alliances de sang. Tributaires des Assyriens, les Iraniens de l’ouest s’étaient également imprégnés de cette autre race, et de tous côtés ainsi l’ensemble des tribus fit des emprunts aux civilisations qui les environnaient.

Les Macédoniens furent moins favorisés. Ils ne touchaient aux peuples raffinés que par leur frontière du sud. Partout ailleurs ils ne s’alliaient qu’à la barbarie. Ils n’avaient donc pas le frottement de la civilisation à un aussi grand degré que les Iraniens, qui, la recevant par un double hymen, lui donnaient une forme originale due à cette combinaison même.

En outre, l’Asie étant le pays vers lequel convergeaient les trésors de l’univers, la Macédoine demeurait en dehors des routes commerciales, et les Iraniens s’enrichissaient tandis que leurs remplaçants futurs restaient pauvres.

Eh bien, malgré tant d’avantages assurés jadis aux Mèdes de Phraortes, la lutte ne devait pas être douteuse entre leurs descendants, sujets de Darius, et les soldats d’Alexandre. La victoire appartenait de droit à ces derniers, car lorsque le démêlé commença, il n’y avait plus de comparaison possible entre la pureté ariane des deux races. Les Iraniens, qui déjà au temps de la prise de Babylone par Cyaxares étaient moins blancs que les Macédoniens, se trouvèrent bien plus sémitisés encore lorsque, 269 ans après, le fils de Philippe passa en Asie. Sans l’intervention du génie d’Alexandre, qui précipita la solution, le succès aurait hésité un instant, vu la grande différence numérique des deux peuples rivaux ; mais l’issue définitive ne pouvait en aucun cas être douteuse. Le sang asiatique attaqué était condamné d’avance à succomber devant le nouveau groupe arian, comme jadis il avait passé sous le joug des Iraniens eux-mêmes, désormais assimilés aux races dégénérées du pays, qui, elles également, avaient eu leurs jours de triomphe, dont la durée s’était mesurée à la conservation de leurs éléments blancs.

Ici se présente une application rigoureuse du principe de l’inégalité des races. À chaque nouvelle émission du sang des blancs en Asie, la proportion a été moins forte. La race sémitique, dans ses nombreuses couches successives, avait plus fécondé les populations chamites que ne le put l’invasion iranienne, exécutée par des masses beaucoup moindres. Quand les Grecs conquirent l’Asie, ils arrivèrent en nombre plus médiocre encore ; ils ne firent pas précisément ce qu’on appelle une colonisation. Isolés par petits groupes au milieu d’un immense empire, ils se noyèrent tout d’un coup dans l’élément sémitique. Le grand esprit d’Alexandre dut comprendre qu’après son triomphe, c’en était fait de l’Hellade ; que son épée venait d’accomplir l’œuvre de Darius et de Xerxès, en renversant seulement les termes de la proposition ; que, si la Grèce n’avait pas été asservie lorsque le grand roi avait été à elle, elle l’était maintenant qu’elle avait marché vers lui ; elle se trouvait absorbée dans sa propre victoire. Le sang sémitique engloutissait tout. Marathon et Platée s’effaçaient sous les vénéneux triomphes d’Arbelles et d’Issus, et le conquérant grec, le roi macédonien, se transfigurant, était devenu le grand roi lui-même. Plus d’Assyrie, plus d’Égypte, plus de Perside, mais aussi plus d’Hellade : l’univers occidental n’avait désormais qu’une seule civilisation.

Alexandre mourut ; ses capitaines détruisirent l’unité politique ; ils n’empêchèrent pas que la Grèce entière, et, cette fois, avec la Macédoine comprimée, envahie, possédée par l’élément sémitique, ne devint le complément de la rive d’Asie. Une société unique, bien variée dans ses nuances, réunie cependant sous les mêmes formes générales, s’étendit sur cette portion du globe qui, commençant à la Bactriane et aux montagnes de l’Arménie, embrassa toute l’Asie inférieure, les pays du Nil, leurs annexes de l’Afrique, Carthage, les îles de la Méditerranée, l’Espagne, la Gaule phocéenne, l’Italie hellénisée, le continent hellénique. La longue querelle des trois civilisations parentes qui, avant Alexandre, avaient disputé de mérite et d’invention, se termina dans une fusion de forces également du sang sémitique amenant la proportion trop forte d’éléments noirs, et de cette vaste combinaison naquit un état de choses qu’il est aisé de caractériser.

La nouvelle société ne possédait plus le sentiment du sublime, joyau de l’ancienne Assyrie comme de l’antique Égypte ; elle n’avait pas non plus la sympathie de ces nations trop mélaniennes pour le monstrueux physique et moral. En bien comme en mal, la hauteur avait diminué par la double influence ariane des Iraniens et des Grecs. Avec ces derniers, elle prit de la modération dans les idées d’art, ce qui la conduisit à imiter les procédés et les formes helléniques ; mais d’un autre côté, et comme un cachet du goût sémitique raccourci, elle abonda dans l’amour des subtilités sophistiques, dans le raffinement du mysticisme, dans le bavardage prétentieux et les folles doctrines des philosophes. En cherchant le brillant, faux et vrai, elle eut de l’éclat, rencontra quelquefois la bonne veine, resta sans profondeur et montra peu de génie. Sa faculté principale, celle qui fait son mérite, c’est l’éclectisme ; elle ambitionna constamment le secret de concilier des éléments inconciliables, débris des sociétés dont la mort faisait sa vie. Elle eut l’amour de l’arbitrage. On reconnaît cette tendance dans les lettres, dans la philosophie, dans la morale, dans le gouvernement. La société hellénistique sacrifia tout à la passion de rapprocher et de fondre les idées, les intérêts les plus disparates, sentiment très honorable sans doute, indispensable dans un milieu de fusion, mais sans fécondité, et qui implique l’abdication un peu déshonorante de toute vocation et de toute croyance.

Le sort de ces sociétés de moyen terme, formées de décombres, est de se débattre dans les difficultés, d’épuiser leurs maigres forces, non pas à penser, elles n’ont pas d’idées propres ; non pas à avancer, elles n’ont pas de but ; mais à coudre et recoudre en soupirant des lambeaux bizarres et usés qui ne peuvent tenir ensemble. Le premier peuple un peu plus homogène qui leur met la main sur l’épaule, déchire sans peine le fragile et prétentieux tissu.

Le nouveau monde comprit l’espèce d’unité qui s’établissait. Il voulut que les choses fussent représentées par les mots. Dès lors, pour marquer le plus haut degré possible de perfection intellectuelle, on s’accoutuma à se servir du terme d’atticisme, idéal auquel les contemporains et compatriotes de Périclès auraient eu peine à prétendre. On plaça au-dessous le nom d’Hellène ; plus bas, on étagea des dérivés comme hellénisant, hellénistique, afin d’indiquer des mesures dans les degrés de civilisation. Un homme né sur la côte de la mer Rouge, dans la Bactriane, dans l’enceinte d’Alexandrie d’Égypte, au bord de l’Adriatique, se considéra et fut tenu pour un Hellène parfait. Le Péloponèse n’eut plus qu’une gloire territoriale ; ses habitants ne passaient pas pour des Grecs plus authentiques que les Syriens ou les gens de la Lydie, et ce sentiment était parfaitement justifié par l’état des races.

Sous les premiers successeurs d’Alexandre, il n’existait plus dans la Grèce entière une nation qui eût le droit de refuser la parenté, je ne dis pas l’identité, avec les hellénisants les plus obscurs d’Olbia ou de Damas. Le sang barbare avait tout envahi. Au nord, les mélanges accomplis avec les populations slaves et celtiques attiraient les races hellénisées vers la rudesse et la grossièreté trônant sur les rives du Danube, tandis qu’au sud les mariages sémitiques répandaient une dépravation purulente pareille à celle de la côte d’Asie ; pourtant, ce n’étaient là au fond que des différences peu essentielles, et qui ne tournaient pas au profit des facultés arianes. Certes, les vainqueurs de Troie, s’ils fussent revenus des enfers, auraient en vain cherché leur descendance ; ils n’auraient vu que des bâtards sur l’emplacement de Mycènes et de Sparte[7].

Quoi qu’il en soit, l’unité du monde civilisé était fondée. À ce monde il fallait une loi, et cette loi où l’appuyer ? De quelle source la faire jaillir, quand les gouvernements ne présidaient plus qu’à un immense amas de détritus, où toutes les nationalités anciennes étaient venues éteindre leurs forces viriles ? Comment tirer des instincts mélaniens, qui désormais avaient pénétré jusqu’aux derniers replis de cet ordre social, la reconnaissance d’un principe intelligent et ferme, et en faire une règle stable ? Solution impossible ; et pour la première fois dans le monde on vit ce phénomène, qui depuis s’est reproduit deux fois encore, de grandes masses humaines conduites sans religion politique, sans principes sociaux définis, et sans autre but que de les aider à vivre. Les rois grecs adoptèrent, faute de pouvoir mieux, la tolérance universelle en tout et pour tout, et bornèrent leur action à exiger l’adoration des actes émanés de leur puissance. Qui voulait être république le restait ; telle ville tenait aux formes aristocratiques, à elle permis ; telle autre, un district, une province, choisissait la monarchie pure, on n’y contredisait pas. Dans cette organisation, les souverains ne niaient rien et n’affirmaient pas davantage. Pourvu que le trésor royal touchât ses revenus légaux et extralégaux, et que les citoyens ou les sujets ne fissent pas trop de bruit dans le coin où ils étaient censés se gouverner à leur guise, ni les Ptolémées, ni les Séleucides n’étaient gens à y trouver à redire.

La longue période qu’embrassa cette situation ne fut pas absolument vide d’individualités distinguées ; mais elle n’offrit pas à celles qui surgirent un public suffisamment sympathique, et dès lors tout resta dans le médiocre. On s’est souvent demandé pourquoi certains temps ne produisent pas telle catégorie de supériorité : on a répondu, tantôt que c’était par défaut de liberté, tantôt par pénurie d’encouragement. Les uns ont fait honneur à l’anarchie athénienne du mérite de Sophocle et de Platon, affirmé, et en conséquence, que sans les troubles perpétuels des communes d’Italie, Pétrarque, Boccace, le Dante surtout, n’auraient jamais étonné le monde par la magnificence de leurs écrits. D’autres penseurs, tout au rebours, attribuent la grandeur du siècle de Périclès aux générosités de cet homme d’État, l’élan de la muse italienne à la protection des Médicis, l’ère classique de notre littérature et ses lauriers à l’influence bienfaisante du soleil de Louis XIV. On voit qu’en s’en prenant aux circonstances ambiantes, on trouve des avis pour tous les goûts, tels philosophes reportant à l’anarchie ce que tels autres donnent au despotisme.

Il est encore un avis : c’est celui qui voit dans la direction prise par les mœurs d’une époque la cause de la préférence des contemporains pour tel ou tel genre de travaux, qui mène, comme fatalement, les natures d’élite à se distinguer, soit dans la guerre, soit dans la littérature, soit dans les arts. Ce dernier sentiment serait le mien, s’il concluait ; malheureusement il reste en route, et lorsqu’on lui demande la cause génératrice de l’état des mœurs et des idées, il ne sait pas répondre qu’elle est tout entière dans l’équilibre des principes ethniques. C’est, en effet, nous l’avons vu jusqu’ici, la raison déterminante du degré et du mode d’activité d’une population.

Lorsque l’Asie était partagée en un certain nombre d’États délimités par des différences réelles de sang entre les nations qui les habitaient, il existait sur chaque point particulier, en Égypte, en Grèce, en Assyrie, au sein des territoires iraniens, un motif à une civilisation spéciale, à des développements d’idées propres, à la concentration des forces intellectuelles sur des sujets déterminés, et cela parce qu’il y avait originalité dans la combinaison des éléments ethniques de chaque peuple. Ce qui donnait surtout le caractère national, c’était le nombre limité de ces éléments, puis la proportion d’intensité qu’apportait chacun d’eux dans le mélange. Ainsi, un Égyptien du XXe siècle avant notre ère, formé, j’imagine, d’un tiers de sang arian, d’un tiers de sang chamite blanc et d’un tiers de nègre, ne ressemblait pas à un Égyptien du VIIIe, dans la nature duquel l’élément mélanien entrait pour une moitié, le principe chamite blanc pour un dixième, le principe sémitique pour trois, et le principe arian à peine pour un. Je n’ai pas besoin de dire que je ne vise pas ici à des calculs exacts ; je ne veux que mettre ma pensée en relief.

Mais l’Égyptien du VIIIe siècle, bien que dégénéré, avait pourtant encore une nationalité, une originalité. Il ne possédait plus, sans doute, la virtualité des ancêtres dont il était le représentant ; néanmoins la combinaison ethnique dont il était issu continuait, en quelque chose, à lui être particulière. Dès le Ve siècle il n’en fut plus ainsi.

À cette époque l’élément arian se trouvait tellement subdivisé, qu’il avait perdu toute influence active. Son rôle se bornait à priver les autres éléments à lui adjoints de leur pureté, et dès lors de leur liberté d’action.

Ce qui est vrai pour l’Égypte s’applique tout aussi bien aux Grecs, aux Assyriens, aux Iraniens ; mais on pourrait se demander comment, puisque l’unité s’établissait dans les races, il n’en résultait pas une nation compacte, et d’autant plus vigoureuse qu’elle avait à disposer de toutes les ressources venues des anciennes civilisations fondues dans son sein, ressources multipliées à l’infini par l’étendue incomparablement plus considérable d’une puissance qui ne se voyait aucun rival extérieur. Pourquoi toute l’Asie antérieure, réunie à la Grèce et à l’Égypte, était-elle hors d’état d’accomplir la moindre partie des merveilles que chacune de ses parties constitutives avait multipliées, lorsque ces parties étaient isolées, et, de plus, lorsqu’elles auraient dû souvent être paralysées par leurs luttes intestines ?

La raison de cette singularité, réellement très étrange, gît dans ceci, que l’unité exista bien, mais avec une valeur négative. L’Asie était rassemblée, non pas compacte ; car d’où provenait la fusion ? Uniquement de ce que les principes ethniques supérieurs, qui jadis avaient créé sur tous les points divers des civilisations propres à ces points, ou qui, les ayant reçues déjà vivantes, les avaient modifiées et soutenues, quelquefois même améliorées, s’étaient, depuis lors, absorbés dans la masse corruptrice des éléments subalternes, et, ayant perdu toute vigueur, laissaient l’esprit national sans direction, sans initiative, sans force, vivant, sans doute, toutefois sans expression. Partout les trois principes, chamite, sémite et arian, avaient abdiqué leur ancienne initiative, et ne circulaient plus dans le sang des populations qu’en filets d’une ténuité extrême et chaque jour plus divisés. Néanmoins, les proportions différentes dans la combinaison des principes ethniques inférieurs se perpétuaient éternellement là où avaient régné les anciennes civilisations. Le Grec, l’Assyrien, l’Égyptien, l’Iranien du Ve siècle étaient à peine les descendants de leurs homonymes du XXe : on les voyait de plus rapprochés entre eux par une égale pénurie de principes actifs ; ils l’étaient encore par la coexistence dans leurs masses diverses de beaucoup de groupes à peu près similaires ; et cependant, malgré ces faits très véritables, des contrastes généraux, souvent imperceptibles, cependant certains, séparaient les nations. Celles-ci ne pouvaient pas vouloir et ne voulaient pas des choses bien différentes ; mais elles ne s’entendaient pas entre elles, et dès lors, forcées de vivre ensemble, trop faible chacune pour faire prévaloir des volontés d’ailleurs à peine senties, elles penchaient toutes à considérer le scepticisme et la tolérance comme des nécessités, et la disposition d’âme que Sextus Empiricus vante sous le nom d’ataraxie comme la plus utile des vertus.

Chez un peuple restreint quant au nombre, l’équilibre ethnique ne parvient à s’établir qu’après avoir détruit toute efficacité dans le principe civilisateur, car ce principe, ayant nécessairement pris sa source chez une race noble, est toujours trop peu abondant pour être impunément subdivisé. Cependant, aussi longtemps qu’il reste à l’état de pureté relative, il y a prédominance de sa part, et donc pas d’équilibre avec les éléments inférieurs. Que peut-il arriver, dès lors, quand la fusion ne se fait plus qu’entre des races qui, ayant passé déjà par cette transformation première, sont en conséquence épuisées ? Le nouvel équilibre ne pourrait s’établir (je dis ne pourrait, car l’exemple ne s’en est pas encore présenté dans l’histoire du monde) qu’en amenant non plus seulement la dégénération des multitudes, mais leur retour presque complet aux aptitudes normales de leur élément ethnique le plus abondant.

Cet élément ethnique le plus abondant, c’était pour l’Asie le noir. Les Chamites, dès les premières marches de leur invasion, l’avaient rencontré bien haut dans le nord, et probablement les Sémites, quoique plus purs, s’étaient, à leurs débuts, aussi laissé tacher par lui.

Plus nombreuses que toutes les émigrations blanches dont l’histoire ait fait mention, les deux premières familles venues de l’Asie centrale sont descendues si loin vers l’ouest et vers le sud de l’Afrique, que l’on ne sait encore où trouver la limite de leurs flots. Pourtant on peut attester, par l’analyse des langues sémitiques, que le principe noir a pris partout le dessus sur l’élément blanc des Chamites et de leurs associés.

Les invasions arianes furent, pour les Grecs comme pour leurs frères les Iraniens, peu fécondes en comparaison des masses plus d’aux deux tiers mélanisées dans lesquelles elles vinrent se plonger. Il était donc inévitable qu’après avoir modifié, pendant un temps plus ou moins long, l’état des populations qu’elles touchaient, elles se perdissent à leur tour dans l’élément destructeur où leurs prédécesseurs blancs s’étaient successivement absorbés avant elles. C’est ce qui arriva aux époques macédoniennes ; c’est ce qui est aujourd’hui.

Sous la domination des dynasties grecques ou hellénisées, l’épuisement, grand sans doute, était loin encore de ressembler à l’état actuel, amené par des mélanges ultérieurs d’une abondance extrême. Ainsi, la prédominance finale, fatale, nécessaire, de plus en plus forte, du principe mélanien a été le but de l’existence de l’Asie antérieure et de ses annexes. On pourrait affirmer que depuis le jour où le premier conquérant chamite se déclara maître, en vertu du droit de conquête, de ces patrimoines primitifs de la race noire, la famille des vaincus n’a pas perdu une heure pour reprendre sa terre et saisir du même coup ses oppresseurs. De jour en jour, elle y parvient avec cette inflexible et sûre patience que la nature apporte dans l’exécution de ses lois.

À dater de l’époque macédonienne, tout ce qui provient de l’Asie antérieure ou de la Grèce a pour mission ethnique d’étendre les conquêtes mélaniennes.

J’ai parlé des nuances persistant au sein de l’unité négative des Asiatiques et des hellénisants : de là, deux mouvements en sens contraire qui venaient encore augmenter l’anarchie de cette société. Personne n’étant fort, personne ne triomphait exclusivement. Il fallait se contenter du règne toujours chancelant, toujours renversé, toujours relevé d’un compromis aussi indispensable qu’infécond. La monarchie unique était impossible, parce qu’aucune race n’était de taille à la vivifier et à la faire durer. Il n’était pas moins impraticable de créer des États multiples, vivant d’une vie propre. La nationalité ne se manifestait en aucun lieu d’une façon assez tranchée pour être précise. On s’accommodait donc de refontes perpétuelles de territoire ; on avait l’instabilité, et non le mouvement. Il n’y eut guère que deux courtes exceptions à cette règle : l’une causée par l’invasion des Galates ; la seconde par l’établissement d’un peuple plus important, les Parthes (1)[8], nation ariane mêlée de jaune, qui, sémitisée de bonne heure comme ses prédécesseurs, s’enfonça à son tour dans les masses hétérogènes.

En somme, cependant, les Galates et les Parthes étaient trop peu nombreux pour modifier longtemps la situation de l’Asie. Si une action plus vive de la puissance blanche n’avait pas dû se manifester, c’en était fait déjà, à cette époque, de l’avenir intellectuel du monde, de sa civilisation et de sa gloire. Tandis que l’anarchie s’établissait à demeure dans l’Asie antérieure, préludant avec une force irrésistible aux dernières conséquences de l’abâtardissement final, l’Inde allait de son côté, quoique avec une lenteur et une résistance sans pareilles, au-devant de la même destinée. La Chine seule continuait sa marche normale et se défendait avec d’autant plus de facilité contre toute déviation, que, parvenue moins haut que ses illustres sœurs, elle éprouvait aussi des dangers moins actifs et moins destructeurs. Mais la Chine ne pouvait représenter le monde ; elle était isolée, vivait pour elle-même, bornée surtout au soin modeste de régler l’alimentation de ses masses.

Les choses en étaient là quand, dans un coin retiré d’une péninsule méditerranéenne, une lueur commença à briller. Faible d’abord, elle s’accrut graduellement, et, s’étendant sur un horizon d’abord restreint, éclaira d’une aurore inattendue la région occidentale de l’hémisphère. Ce fut aux lieux mêmes où, pour les Grecs, le dieu Hélios descendait chaque soir dans la couche de la nymphe de l’Océan, que se leva l’astre d’une civilisation nouvelle. La victoire, sonnant de hautaines fanfares, proclama le nom du Latium et Rome se montra.



  1. (1) Les nations helléniques ont souvent la prétention d’être autochtones ; mais lorsque l’on en vient à la preuve, on trouve généralement qu’elles descendent d’un dieu, quand ce n’est pas d’une nymphe topique. Dans le premier cas, je vois un ancêtre arian ou sémite ; dans le second, un mélange initial avec les aborigènes. Ainsi, je conçois qu’on puisse appeler le pirate chananéen Inachus fils de l’Océan et de Téthys. Il avait surgi de la mer. Ainsi encore Dardanus était fils de Jupiter, de Zeus, du dieu arian par excellence. Il était donc Arian lui-même, et venait de la Samothrace, de l’Arcadie ou même d’Italie, bref du nord. Dans la Laconie, avant l’invasion dorienne, on rencontre des demi-autochtones, c’est-à-dire des peuples qui ne sont ni entièrement arians, ni entièrement sémites. Leurs généalogies remontent à Lélex et à la nymphe topique Kléocharia. (Voir Grote, t. I, p. 133, 230, 387.)
  2. (1) Cumes, Argos et Cyrène conservèrent aussi le nom de roi (βασιλεύς) à leur principal magistrat, investi d’ordinaire du commandement de l’armée et de la présidence générale (ἀγορά). (Mac Cullagh, t. I, p. 15.)
  3. (2) Ils avaient une certaine parenté avec les Thessaliens. Du moins les Aleuades se disaient Héraclides comme les rois de Sparte, et on observe de grandes analogies entre l’organisation servile des Hélotes et des Périakes des uns et celle des Pœnestes, des Perrhœbes et des Magnètes des autres. Les Doriens, bien supérieurs aux autres tribus helléniques au point de vue social, furent d’ailleurs les hommes d’une migration récente. Ils n’avaient aucun renom mythique, et ne sont pas même nommés dans l’Iliade. Ce sont des espèces de Pandavas. (Grote, t. II, p. 2.) — Ils paraissent avoir envahi le Péloponèse par mer, ainsi que les Arians Hindous ont fait du sud de l’Inde. (Ibid., p. 4.) À cet égard, il est curieux d’observer comme les Arians, nation si méditerranéenne d’origine sont toujours facilement devenus des marins intrépides et habiles.
  4. (3) M. Mac Cullagh attribue gravement le déclin et la chute de Sparte à la fâcheuse persistance des institutions aristocratiques. Il a aussi des paroles de pitié pour ces infortunés Doriens de la Crète, dont la constitution restera inébranlable pendant de longues séries de siècles. La comparaison des dates indiquées ici aurait dû le consoler ; ou du moins, s'il voulait persister à gémir sur le peu de longévité des lois de Lycurgue, ne se maintenant que le court espace de 632 ans, il eût pu réserver la plus grande part de sa sympathie pour la démocratie athénienne, encore bien plus promptement décédée. (Mac Cullagh, t. I, p. 208 et 227.) — Mais M. Mac Cullagh, en sa qualité d'antiquaire libre-échangiste, a particulièrement l'horreur de la race dorienne. Je doute qu'il vienne à bout des préférences toutes contraires d'O. Müller (die Dorier). L'érudit allemand est un bien rude antagoniste.
  5. (1) Les dates sont persuasives : la bataille de Platée fut gagnée le 22 novembre 479 avant J.-C. et l’enivrement des Grecs dure encore et se perpétue dans nos collèges. Mais, outre que la plus grande partie de la Grèce avait été l’alliée des Perses, Sparte, le plus fort de leurs antagonistes, se hâta de conclure une paix séparée en 477, c’est-à-dire deux ans après la victoire. Si Athènes résista plus longtemps à cet entraînement naturel, c’est qu’elle trouvait du profit à maintenir la confédération pour avoir des alliés à opprimer et piller. (Mac Cullagh, t. I, p. 157.) — On peut juger du caractère de cette politique par le décret rendu sur la proposition de Périclès et en vertu duquel le peuple athénien déclarait ne devoir aucun compte de l’emploi des fonds communs de la ligue. (Ibid., p. 161 ; Bœckh, die Staatshaushaltung der Athener, t. I, p. 429.)
  6. (1) Eschyle, les Perses.
  7. On suit, avec une grande facilité, les transformations de la population lacédémonienne. À la bataille de Platée, la ville de Lycurgue avait mis en ligne 50,000 combattants, savoir :

             5,000 Spartiates et 7 Hélotes par Spartiate,
    soit 35,000 Hélotes armés,

    5,000 hoplites
    5,000 peltastes
    Périœkes.

    Total 50 000

    Sur le champ de bataille de Leuctres, il ne paraît plus que 1,000 Spartiates. Depuis longtemps, l’État ne soutenait ses guerres extérieures qu’au moyen d’Hélotes affranchis Νεοδαμώδεις (neodamôdeis). En 370, avant J.-C., lorsque Épaminondas envahit la Laconie, il fallut encore donner la liberté à 6, 000 Hélotes pour pouvoir se défendre. Cent ans après, on ne comptait plus que 700 familles de citoyens, et 100 seulement possédaient des terres ; le reste était ruiné. On reforma alors une aristocratie avec des Périœkes, des étrangers et des Hélotes. À Sellasie, toute cette bourgeoisie nouvelle fut exterminée par le roi Antigone et les Achéens, sauf 200 hommes. Machanidas et son successeur Nabis employèrent le moyen ordinaire pour relever la république : il y eut une vaste promotion de citoyens. Mais peu après, malgré cette ressource, Sparte, encore vaincue et découragée, se fondit dans la ligne achéenne. Cette histoire est celle de tous les États grecs, d’Argos, de Thèbes, comme d’Athènes. (Zumpt, p. 7 et passim)

  8. (1) Ils parlaient le pehlvi et y substituèrent ensuite le parsi, où affluèrent un plus grand nombre de racines sémitiques, résultant du long séjour des Arsacides à Ctésiphon et à Séleucie. Suivant Justin, le fond original est scythique ; mais les Scythes parlaient un dialecte arian. Le Mahabharata connaît les Parthes, qu’il nomme Parada. Il les allie aux Saka (Sacæ), certainement Mongols. Les Parthes donnent, par leur comparaison ethnique, une assez juste idée de ce que devaient être plusieurs races touraniennes.