Esprit des lois (1777)/L12/C14

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CHAPITRE XIV.

Violation de la pudeur dans la punition des crimes.


Il y a des regles de pudeur observées chez presque toutes les nations du monde : il seroit absurde de les violer dans la punition des crimes, qui doit toujours avoir pour objet le rétablissement de l’ordre.

Les orientaux, qui ont exposé des femmes à des éléphans dressés pour un abominable genre de supplice, ont-ils voulu faire violer la loi par la loi ?

Un ancien usage des Romains défendoit de faire mourir les filles qui n’étoient pas nubiles. Tibere trouva l’expédient de les faire violer par le bourreau, avant de les envoyer au supplice[1] : tyran subtil & cruel ! il détruisoit les mœurs pour conserver les coutumes.

Lorsque la magistrature Japonoise a fait exposer dans les places publiques les femmes nues, & les a obligées de marcher à la maniere des bêtes, elle a fait frémir la pudeur[2] : mais, lorsqu’elle a voulu contraindre une mere… lorsqu’elle a voulu contraindre un fils… je ne puis achever ; elle a fait frémir la nature même[3].


  1. Suetonius, in Tiberio.
  2. Recueil des voyages qui ont servi à l’établissement de la compagnie des Indes, tom. V. part. II.
  3. Ibid. p. 496.