Encyclopédie moderne/ou Bibliothèque, 2e éd., 1841/Académie des beaux-arts, etc.

ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS, etc. On appelle ainsi une compagnie d’arlistes qui se rassemblent, avec l’autorisation et ~s la protection do gouvernement , pour s’occuper de tous les objets qui coacernent la peinture, -la sculpture, etc., et pour en donner des leçons publiques. L’Italie, que l’on regarde à juste ·tmecomme le berceau de la civilisation moderne, vit naitte dans son tein les premiers établissemeats de ce .genre : Rome, Florence, eurent des académies qui servirent de modèles à toutes celles qui se formèrent plus tard chez les autres halions de l’Europe. Le but des fondàteurs fut de favoriser le perfectionnement des arts , et d’honorer les· hommes qui les cultivaient avec distinction. Ce fut aussi par tes· mêmes motirs qne Louis XIV créa, en ~ 6.48 , l’académie royale de peinture et de sculpture. Les artistes qu•on jugea digues d’en faire partie obtinrent, outre le titre d’académistes et celui de peintres et de sculpteurs du roi , les mêmes avantages et les mêmes priviléges dont jouissaient déjà les membres de l’académie française. Cette faveur étaitjnste ; elle était nécessaire pour établir une ligne de démarcation entre ceux qui n’exerçaientqu’une profession mécanique et les artistes proprement dits, que l’on désignait tous à cette époque sous la dénomination générale d’ouvriers et d’artisans. On confond~t tellement ces deux classes , que les peintres et les sculpteurs de l’académie se voyaient continuellement en butte aux persécutions du corps des doreurs , estoffeurs et marbriers, qui, sous prétexte de les forcer à se faire passer maitres , s’arrogeaient le droit de visite dans leurs ateliers, et poussai~nt l’audace jusqu’à saisir leurs ouvrages, et à eu solliciter la confiscation. Plusieurs arrêts rendus par le conseil-d’état ne purent faire cesser entièrement ces abus ; les académistes, après plusieurs années de débats, furent obligés de transiger avec le corps de la maitrise 1 et d’opérer la jonction des deux corps en un seul , pour parvenir à faire enregistrer les lettres- patentes dn mois de février ~ 6.t 8 , portant approbation des statuts D1g1tizedby 80 ABC de l’académie. L’arrêt d’enregistrement est du 7 juin ~652. L’académie, qui avait eu si fort à se plaiDdre des tracasseries que l’esprit de corps lui avait suscitées , ne sui pu eUe-même s’en affranchir. Elle s’était appuyée, dans toutes ses demandes, sur la nécessité d’accorder aux artistes ceUe noble indépendance sans laquelle ils ne sauraient rien produire de grand et de digne de la postérité ; mais eUe fit voir bientôt qu’elle avait plaidé dans l’intérêt de ses membres plutôt que dans l’intérêt des ar&s : elle obtint, en .f 65.f , le droit exclusif de l’enseignement, avec défense d’ouvrir des ateliers, de poser le modèle, el de donner des leçons publiques de peinture et de 8CIIIplure sans son autorisation ; bien plus, quelques artistes n’avaient pu jugé à propos de solliciter l’honneur d’être admis dans son sein ; on les y contraignit, sous peine d’être abandonnés aux poursuites du corps de la mattrise ; en un mot, il ne fut plus permis de professer les ar&s et d’avoir du talent qu’avec l’agrément et sous Je bon plaisir de l’académie royale de peinture et de sculpture. Cette compagnie a con8ervé son ancienne organisation et une grande partie de ses priviléges jusqu’en~ 789, époque de son entière dissolution. Les ar&s cessèrent alors d’être soumis à un monopole odieux ; chacun put les cultiver avec liberté, et suivre, sans entraves , la carrière où il était appelé par son génie. Les expositions publiques, où les académiciens avaient seuls le droit d’étaler leurs chefs-d’œuvre privilégiés , s’ouvrirent aux ouvrages de tous les artistes sans distinction ; l’ignorance seule en fut exclue : utile concurrence, qui ne pouvait manquer d’exciter une noble émulation parmi les élèves, et d’empêcher les maUres de se livrer à une orgueilleuse sécurité. On ne tarda pu à en ressentir les heureux effe&s : des jeunes gens presque inconnus parurent tout à coup nec un éclat qui fit pllir les vieilles réputations académiques ; formés par les leçons et par le8 exemples d’un peintre habile, qu’ils reconnaissent encore aujourd’hui pour leur maitre , ils travaillèrent , de concert avec lui , à Ja restauration de notre école, au milien des dissensions intestines qui désolaient Ja patrie , et tandis que nos jeunes soldats combattaient avec gloire pour assurer son indépendance. Cependant l’horizon politique commençait à s’épurer ; on avait beaucoup détruit , on voulut reconstruire. Le désir de donner une grande impulsion aux sciences, aux lettres et aux arts , engagea le gouvernement à réorganiser sor un plan nouveau les anciennes académies : l’Institut rut créé et divisé en quatre classes ; on plaça dans la dernière J’académie de peinture et de sculpture et celle d’architecture ; on y joignit une section de musique ; et cette classe ainsi composée porte aujourd’huiltftitre d’académie des beaux-arts. EUe compte au nombre de ses attributions la nominalio !l de ses membres , le jugement des concours, et le choix des professeurs chargés de la surveillance el de Ja direction de J’école. Le mode suivant lequel elle exerce ses jugements a trouvé plus d’un censeur : on a prétendu, et ce n’est pu sans raison, qu’il était absurde de soumettre les ouvrages de peinture, de sculpture et de gravure aux suffrages des musiciens et des architectes ; et qu’il ne l’était pas moins de faire juger par ·des 8t peiiltres, des-sculpteurs etdesgràveurs, les ·projêts d’architecture et les compositions musicales. Mais si ce vice d’organisaLion peut causer quelques erreurs, il en est un autre bien plus grave, bien plus préjudiciable aux arts, puisqu’il tend à les corrompre dans leur source , et à les précipiter dans une fausse direction, je veux parler du vice de l’enseignement. Ce sujet mérite, par son importance, d’être traité avec quelque étendue. J’ai dit que l’Académie avait été supprimée en ~ 789 ; malheureusement l’école ne fut pas comprise dans cette suppression. L’enseignement resta confié à d’anciens académiciens, qui, pour la plupart, dominés par les préjugés de la jeunesse, et ne pouvant se résoudre à ooùdamrier des principes qu’ils avaient professés toute leur vie, se montrèrent constamment les ennemis déclarés des nouvelles doctrines , ou do moins ne les approuvèrent qu’avec de dangereuses restrictions. Placés sous l’inftuence de ces vétérans de l’école française dégénérée, les élèves pouvaient-ils embrasser la réforme avec cette franchise, cet enthousiasme, je dirais presque ce fanalisme , t.i néc.es .. saires pour la rendre complète et durable ?

Non, sans doute. Le bien s’opéra , 

mais partiellement et avec lenteur ; de précieuses semences commencèrent à éclore, mais mêlées à des germes vicieux qui en arrêtèrent le développement ; la routine et le mauvais golit furent comprimés , mais non pas tolalt’Dlent anéantis ; en un mot ; la régénération de l’école était encore récente, et déjà _tout ·semblait annoncer qu’une nouvelle décadence était prochaine et inévitable. On m’objectera peut-être que ces T, 1. fAcheox résulfats n’auraient point eu lieu, si le choix des professeurs avait été fait avec plus de discernement. Ma réponse sera facile. Quelques circonstances favorables que l’on suppose, on ne pourra jamais trouver chez une même nation, et à une même époque~ qu’un très-petit nombre de peintres et de sculpteurs tous également distingués par la pureté de leur goût et par l’excellence de leurs principes : on sera donc obligé d’admettre dans le corps chargé de l’enseignement, des hommes d’un talent médiocre ; il est même démontré par l’expérience que leur nom,bre augmentera d’année en année, et l’on pourrait presque calculer le moment où ils s’y trouveront en grande majorité. Ainsi voilà , comme dans Je premier cas, la jeunesse tombée entre des mains inhabiles et peucapables de guider son inexpérience. La conséquence se présente naturellement ; les mêmes causes produiront les mêmes effets. En vain deux on trois artistes , fidèles aux sainesdoctrines, viendraient, à de longs in,tervalles, lui indiquer la route qu’il faut suivre : leur voix étouffée par celles de leurs nombreux collègues serait à peine entendue, et leurs sages conseils ne produiraient qu’une impression éphémère sor la génération nouvelle , qui, habituée chaque jour à un autre langage, se trouverait bientôt hors d’état de les comprendre. Sous quelque point de vue que l’on envisage l’enseignement exercé par un corps académique, il est impossible de ne pas être frappé de ses imperfections. Quoi de plus dangereux, par exemple , pour les jeunes gens qui fréquentent l’école, que la diversité des avis qu’ils reçoivent tour à tour de chacun des professeurs en exercice ? 6 o ;9 ;tized by ·~· Trop peu éclairés pour cUsUnper le vrai d’avec le faux, ils changent, malgré eux, de direction toutf ;lS les fois qu’ils changent de guide. Leur espri$ sc perd dans un chaos d’idées incohérentes et souvent opposées ; ils JJlar• chent au hasard 1 sans but fixe, 1WJ4 eppui ; et s’ils finissent, après de longues 6tudes1 par acquérir quelque om-o bre de talent 1 c’est un talent sans Cl· ractère, sans originalité , où l’on peu$ remarquer un certain nombre de qualités médiocres, mais qui ne brille per aucune qualité supérieure. D’un autre côté, comment le professeur pourrait-il pr !>diguer tous Bef soins à un si grand nombre d’élèves • la fois ? Quel intérêt ve11t-on qu’il prenne à leur avancement 1 lorsque 14 majeure partie d’entre eux n’ appartiennent pas à son école particulière , et que leurs succès ne doivent fair~ rejaillir sur lui aucune espèce d’honneur ?

Il faut avoir assisté soi-même au~ 

leçons académiques, pour juger jusqu’Il quel point elles sont dol)nées avec négligencll et d’une manière tout-à-fai• opposée au vrai sntème de l’el)seignement. C’est presque toujours sans quitter son siége 1 et sans daigner jeter UIJ seul regard sur le modèle 1 que le sa• vant !1-Cadémiciell , placé dans un d" coins de la salle , corrige à la hâte 1~ dessins qu ’on vient lui soumettre. AIJ lieu de comparer Ja copill à l’original qu’elle doit reproduire, il se contente de la juger d’après l’idée qu’il s’esl formée 1 dans son imagination 1 de 14 figure humaine en gél !éral. Cependapt la nature peut être belle de tant de manières différentes , elle se montre sous des formes et avec des effets sj variés, elle présente des nuances si délicates et si difficiles à saisir, qu’il esl i~4e ’- w. C~GDNtw • • la rendre avee fidélité e~ av" a..., &aDJ l’avoir 4tudiée d’abord ayMJ Pf serupuleu~ Palvet6. L’élilve IPP’eMra par la suite à distinguer f.eqP’t !UO_ .ft de ~Q. OQ. de défeçt~ 1 IIOIJ ~ s’épurera, et, dev.,_u hniJMeur ~ timide 1 il l’embellira, IQaÏI ep lui çonservant ce Clll’~cfère de vérité ~ viduelle qpi ejoute &an’ dechar !UIIIIJ productiollS des art,s. P&f 1• anM.b* opposée 1 il s’habitue à p’imifa-41108 modèle que les ligpes principales de l’attitude et la ~positwn de cJlNoae des parti !!& : do .- jli&e, appliquant.., discerne~Jlf)nt 4 tou.. les indiYW... Je système dç ronneB qu’on lui a 44Pwa. ~ré , il finit par dellsillGl" une jgpl’l8 CO !lUne un architede delliaerait tilt çolonne , un pilastre, wm enlabl.. _ Ainsi l’amour dll beav. et du mi • perd insensiblement , et l’école • peuple d’une multituck d’trtisiBa pra. ticieJU, véritaW. maehiaes, doat IBI ouvrages, dépourvus de8oû& e& deseDo timent , tendeot à faire red.escendN les arts au rllJI8 des prQC8118joa JDé.. canique~~. Les ineoovénient.s que préleote le système d’ensei8nement prtüqué dul les académies , sont si évidents et ai multipliés, que l’on pqurrait a,iooflr beaucoup d’autres •~étleXÎOO$ à. œlJ• qui précèdent ; mais, ret68fré par l’-. pace , je erois en avoir dit assez poar qu’il me soit peJ"mil de conclure que ce système est faux, nuisible aux pro. grès des arts 1 et que la retraite Iucra.. tive qu’il assure à un certain ~ d’artistes est peut-être le seul avaa,. tage qu’il procure et qu’il soit im,_. sible de contester. Delpech.