Encyclopédie méthodique/Physique/ACCÉLÉRATION

ACCÉLÉRATION. Ce mot ſignifie l’augmentation ſucceſſive du mouvement dans un corps, l’accélération eſt oppoſée à la diminution de viteſſe (Voyez Retardation), & s’emploie en phyſique & en aſtronomie. La chûte des corps graves eſt accélérée, & perſonne ne peut douter de cette accélération démontrée par l’expérience ; car plus un corps tombe de haut, plus il choque avec force les corps qu’il rencontre. Suppoſons qu’on laiſſe tomber ſucceſſivement ſur de la terre molle une boule de cuivre, par exemple, de différentes hauteurs qui ſoient entr’elles comme les nombres 1, 2, 3 ; on remarquera que les cavités ou enfoncemens faits par la boule ſeront, 1o. d’autant plus grands que la boule ſera tombée de plus haut, & 2o. que ces enfoncemens ſeront proportionnels aux hauteurs d’où la boule ſera tombée ; ainſi, dans l’expérience indiquée, ils ſeront comme 1, 2 & 3 ; & on en ſera convaincu, en meſurant ces enfoncemens ; ſoit par leur profondeur, ſoit par leur diamètre, ou, plus ſimplement, en les rempliſſant de gouttes d’huile qu’on comptera, ainſi que le dit Hamberger, dans ſa phyſique. La raiſon en eſt que ces effets ſont comme le produit de la maſſe par la viteſſe ; mais la maſſe étant ici la même, ils ſeront comme la viteſſe ; les corps qui tombent de plus haut, ayant plus de force, comme on le voit par les enfoncemens, ont donc plus de viteſſe. La viteſſe d’un corps qui tombe de plus haut, reçoit donc de l’accroiſſement, c’eſt-à-dire, de l’accélération. Ce qui confirme cette vérité, c’eſt que ſi on laiſſe tomber ſur l’argile molle trois boules de cuivre de même diamètre, & dont les maſſes ou poids ſoient comme 1, 2 & 3 ; mais de hauteur réciproque aux maſſes, les enfoncemens ſeront égaux ; ainſi, par exemple, la maſſe 1 tombant d’une hauteur comme 3, produira un effet ſemblable à celui de la maſſe 3 qui parcourt un eſpace comme 1, ce qui prouve évidemment que la viteſſe d’un corps qui tombe de plus haut, eſt accélérée, & que ſon accélération eſt proportionnelle à la hauteur.

Nous trouvons dans le principe qui vient d’être expoſé la raiſon pour laquelle les anciens lançoient fort haut les traits, afin qu’en retombant, ils acquiſſent plus de force. La grêle qui tombe de fort haut, détruit par cette cauſe les moiſſons, tue les beſtiaux, briſe les toîts, les fleurs, les fruits & même les branches de pluſieurs arbres ; & ſans avoir recours à ces exemples, il ſuffit de dire que la chûte d’une pierre fait d’autant plus de mal, qu’elle tombe de plus haut.

[On a imaginé pluſieurs ſyſtêmes pour expliquer cette accélération. Quelques-uns l’ont attribuée à la preſſion de l’air : plus, diſent-ils, un corps deſcend, plus le poids de l’atmoſphère qui pèſe deſſus eſt conſidérable, & la preſſion d’un fluide eſt en raiſon de la hauteur perpendiculaire de ſes colonnes : ajoutez, diſent-ils, que toute la maſſe du fluide preſſant par une infinité de lignes droites qui ſe rencontrent toutes en un point, ſavoir au centre de la terre, ce point où aboutiſſent toutes ces lignes, ſoutient, pour ainſi dire, la preſſion de toute la maſſe ; conſéquemment plus un corps en approche de près, plus il doit ſentir l’effet de la preſſion qui agit ſuivant des lignes prêtes à ſe réunir. Voyez Air & Atmosphère.

Mais ce qui renverſe toute cette explication, c’eſt que plus la preſſion de l’air augmente, plus augmente auſſi la réſiſtance ou la force avec laquelle ce même fluide, tend à repouſſer en en-haut le corps tombant. Voyez Fluide.

On eſſaye pourtant encore de répondre que l’air, à meſure qu’il eſt plus proche de la terre, eſt plus groſſier & plus rempli de vapeurs & de particules hétérogènes qui ne ſont point un véritable air élaſtique ; & l’on ajoute que le corps, à meſure qu’il deſcend, trouvant toujours moins de réſiſtance de la part de l’élaſticité de l’air, & cependant étant toujours déprimé par la même force de gravité qui continue d’agir ſur lui, il ne peut pas manquer d’être accéléré. Mais on ſent aſſez tout le vague & le peu de préciſion de cette réponſe : d’ailleurs, les corps tombent plus vîte dans le vide, que dans l’air. Voyez Machine pneumatique ; voyez auſſi Élasticité.

Hobbes, Philoſop. Probl. c. j. p. 3. attribue l’accélération à une nouvelle impreſſion de la cauſe qui produit la chûte des corps, laquelle, ſelon ſon principe, eſt auſſi l’air : en même temps, dit-il, qu’une partie de l’atmoſphère monte, l’autre deſcend ; car en conſéquence du mouvement de la terre, lequel eſt compoſé de deux mouvemens, l’un circulaire, l’autre progreſſif, il faut auſſi que l’air monte & circule tout à la fois. De-là il s’enſuit que le corps qui tombe dans ce milieu, recevant, à chaque inſtant de ſa chûte, une nouvelle preſſion, il faut bien que ſon mouvement ſoit accéléré.

Mais pour renverſer toutes les raiſons qu’on tire de l’air par rapport à l’accélération, il ſuffit de dire qu’elle ſe fait auſſi dans le vide, comme nous venons de l’obſerver.

Voici l’explication que les Péripatéticiens donnent du même phénomène. Le mouvement des corps peſans en en-bas, diſent-ils, vient d’un principe intrinſèque qui les fait tendre au centre, comme à leur place propre & à leur élément, où étant arrivés, ils ſeroient dans un repos parfait ; c’eſt pourquoi, ajoutent-ils, plus les corps en approchent, plus leur mouvement s’accroît : ſentiment qui ne mérite pas de réfutation.

Les Gaſſendiſtes donnent une autre raiſon de l’accélération : ils prétendent qu’il ſort de la terre des eſpèces de corpuſcules attractifs, dirigés ſuivant une infinité de filets directs qui montent & deſcendent ; que ces filets, partant comme des rayons d’un centre commun, deviennent de plus en plus divergens à meſure qu’ils s’en éloignent ; enſorte que plus un corps eſt proche du centre, plus il ſupporte de ces filets attractifs, plus par conſéquent ſon mouvement eſt accéléré. Voyez Corpuscules & Aimant.

Les Cartéſiens expliquent l’accélération par des impulſions réitérées de la matière ſubtile éthérée, qui agit continuellement ſur les corps tombans, & les pouſſe en en-bas. V. Cartésianisme, Éther, Matière subtile, Pesanteur, &c.

La cauſe de l’accélération ne paroîtra pas quelque choſe de ſi myſtérieux, ſi on veut faire abſtraction pour un moment de la cauſe qui produit la peſanteur, & ſuppoſer ſeulement avec Galilée que cette cauſe ou force agit continuellement ſur les corps peſans ; on verra facilement que le principe de la gravitation qui détermine le corps à deſcendre, doit accélérer ces corps dans leur chûte par une conſéquence néceſſaire. Voyez Gravitation.

Car le corps étant une fois ſuppoſé déterminé à deſcendre, c’eſt ſans-doute ſa gravité qui eſt la première cauſe de ſon commencement de deſcente : or, quand une fois ſa deſcente eſt commencée, cet état eſt devenu en quelque ſorte naturel au corps, de ſorte que, laiſſé à lui-même, il continueroit toujours de deſcendre, quand même la première cauſe ceſſeroit ; comme nous voyons dans une pierre jetée avec la main, qui ne laiſſe pas de continuer de ſe mouvoir après que la cauſe qui lui a imprimé le mouvement a ceſſé d’agir.

Mais outre cette détermination à deſcendre, imprimée par la première cauſe, laquelle ſuffiroit pour continuer à l’infini le même degré de mouvement une fois commencé, il s’y joint perpétuellement de nouveaux efforts de la même cauſe, ſavoir, de la gravité, qui continue d’agir ſur le corps déjà en mouvement, de même que s’il étoit en repos.

Ainſi, y ayant deux cauſes de mouvement qui agiſſent l’une & l’autre en même direction, c’eſt-à-dire, vers le centre de la terre, il faut néceſſairement que le mouvement qu’elles produiſent enſemble, ſoit plus conſidérable que celui que produiroit l’un des deux. Et tandis que la vîteſſe eſt ainſi augmentée, la même cauſe ſubſiſtant toujours pour l’augmenter encore davantage, il faut néceſſairement que la deſcente ſoit continuellement accélérée.

Suppoſons donc que la gravité, de quelque principe qu’elle procède, agiſſe uniformément ſur tous les corps à égale diſtance du centre de la terre ; diviſant le temps que le corps peſant met à tomber ſur la terre, en parties égales infiniment petites, cette gravité pouſſera le corps vers le centre de la terre, dans le premier inſtant infiniment court de la deſcente : ſi après cela on ſuppoſe que l’action de la gravité ceſſe, le corps continueroit toujours de s’approcher uniformément du centre de la terre avec une vîteſſe infiniment petite, égale à celle qui réſulte de la première impreſſion.

Mais enſuite, ſi l’on ſuppoſe que l’action de la gravité continue, dans le ſecond inſtant, le corps recevra une nouvelle impulſion vers la terre, égale à celle qu’il a reçue dans le premier, par conſéquent ſa vîteſſe ſera double de ce qu’elle étoit dans le premier inſtant ; dans le troiſième inſtant elle ſera triple ; dans le quatrième, quadruple ; & ainſi de ſuite : car l’impreſſion faite dans un inſtant précédent, n’eſt point du tout altérée par celle qui ſe fait dans l’inſtant ſuivant ; mais elles ſont, pour ainſi dire, entaſſées & accumulées l’une ſur l’autre.

C’eſt pourquoi, comme les inſtans de temps ſont ſuppoſés infiniment petits, & tous égaux les uns aux autres, la vîteſſe acquiſe par le corps tombant ſera dans chaque inſtant comme les temps depuis le commencement de la deſcente, & par conſéquent la vîteſſe ſera proportionnelle au temps dans lequel elle eſt acquiſe.

De plus, l’eſpace parcouru par le corps en mouvement pendant un temps donné, & avec une vîteſſe donnée, peut être conſidéré comme un rectangle compoſé du temps & de la vîteſſe. Je ſuppoſe donc Α (fig. 87) le corps peſant qui deſcend, Α B le temps de la deſcente ; je partage cette ligne en un certain nombre de parties égales, qui marqueront les intervalles ou portions du temps donné, ſavoir, Α C, C E, E G, &c. je ſuppoſe que le corps deſcend durant le temps exprimé par la première des diviſions Α C, avec une certaine vîteſſe uniforme provenant du degré de gravité qu’on lui ſuppoſe ; cette vîteſſe ſera repréſentée par Α D, & l’eſpace parcouru, par le rectangle C Α D.

Or, l’action de la gravité ayant produit, dans le premier moment, la vîteſſe Α D, dans le corps précédemment en repos ; dans le ſecond momens elle produira la vîteſſe C F, double de la précédente ; dans le troiſième moment à la vîteſſe C F, ſera ajouté un degré de plus, au moyen duquel ſera produite la vîteſſe E H, triple de la première, & ainſi du reſte ; de ſorte que dans tous le temps Α B, le corps aura acquis la vîteſſe B K : après cela prenant les diviſions de la ligne qu’on voudra, par exemple, les diviſions Α C, C E, &c. pour les temps, les eſpaces parcourus pendant ces temps, ſeront comme les aires ou rectangles C D, E F, &c. enſorte que l’eſpace décrit par le corps en mouvement, pendant tous le temps Α B, ſera égal à tous les rectangles, c’eſt-à-dire, à la figure dentelée Α B K.

Voilà ce qui arriveroit ſi les accroiſſemens de vîteſſe ſe faiſoient, pour ainſi dire, tout-à-coup, au bout de certaines portions finies de temps ; par exemple, en C, en E, &c. enſorte que le degré de mouvement continuât d’être le même juſqu’au temps ſuivant où ſe feroit une nouvelle accélération.

Si l’on ſuppoſe les diviſions ou intervalles de temps plus courts, par exemple, de moitié ; alors les dentelures de la figure ſeront à proportion plus ſerrées, & la figure approchera plus du triangle.

S’ils ſont infiniment petits, c’eſt-à-dire, que les accroiſſemens de vîteſſe ſoient ſuppoſés être faits continuellement & à chaque particule de temps indiviſible, comme il arrive en effet ; les rectangles ainſi ſucceſſivement produits, formeront un véritable triangle, par exemple, Α B E, fig. 88, tout le temps Α B conſiſtant en petites portions de temps Α 1, Α 2, &c. & l’aire du triangle Α B E en la ſomme de toutes les petites ſurfaces ou petits trapèzes qui répondent aux diviſions du temps ; l’aire ou le triangle total exprime l’eſpace parcouru dans tout le temps Α B.

Or, les triangles Α B E, Α 1 f, étant ſemblables, leurs aires ſont l’une à l’autre comme les quarrés de leurs côtés homologues Α B, Α 1, &c. & par conſéquent les eſpaces parcourus ſont l’un à l’autre, comme les quarrés des temps.

De-là nous pouvons auſſi déduire cette grande loi de l’accélération : « qu’un corps deſcendant avec un mouvement uniformément accéléré, décrit, dans tous le temps de ſa deſcente, un eſpace qui eſt préciſément la moitié de celui qu’il auroit décrit uniformément dans le même temps avec la vîteſſe qu’il auroit acquiſe à la fin de ſa chûte ». Car, comme nous l’avons déjà fait voir, tout l’eſpace que le corps tombant a parcouru dans le temps Α B, ſera repréſenté par le triangle Α B E ; & l’eſpace que ce corps parcouroit uniformément en même temps avec la vîteſſe B E, ſera repréſenté par le rectangle Α B E F : or, on ſait que le triangle eſt égal préciſément à la moitié du rectangle. Ainſi l’eſpace parcouru ſera la moitié de celui que le corps auroit parcouru uniformément dans le même temps avec la vîteſſe acquiſe à la fin de ſa chûte.

Nous pouvons donc conclure, 1o. que l’eſpace qui ſeroit uniformément parcouru dans la moitié du temps Α B, avec la dernière vîteſſe acquiſe B E, eſt égal à celui qui a été réellement parcouru par le corps tombant pendant tout le temps Α B.

2o. Si le corps tombant décrit quelqu’eſpace ou quelque longueur donnée dans un temps donné dans le double du temps, il la décrira quatre fois ; dans le triple, neuf fois, &c. En un mot, ſi les temps ſont dans la proportion arithmétique 1, 2, 3, 4, &c. les eſpaces parcourus ſeront dans la proportion 1, 4, 9, 16, &c. c’eſt-à-dire, que ſi un corps décrit, par exemple, 15 pieds dans la première ſeconde de ſa chûte, dans les deux premières ſecondes priſes enſemble, il décrira quatre fois 15 pieds ; neuf fois 15 dans les trois premières ſecondes priſes enſemble, & ainſi de ſuite.

3o. Les eſpaces décrits par le corps tombant dans une ſuite d’inſtans ou intervalles de temps égaux, ſeront comme les nombres impairs 1, 3, 5, 7, 9, &c. c’eſt-à-dire, que le corps qui a parcouru 15 pieds dans la première ſeconde, parcourra dans la ſeconde trois fois 15 pieds, dans la troiſième cinq fois 15 pieds, &c. Et puiſque les vîteſſes acquiſes en tombant ſont comme les temps, les eſpaces ſeront auſſi comme les quarrés des vîteſſes ; & les temps & les vîteſſes en raiſon ſoûdoublée des eſpaces.

Le mouvement d’un corps montant ou pouſſé en en-haut, eſt diminué ou retardé par le même principe de gravité agiſſant en direction contraire, de la même manière qu’un corps tombant eſt accéléré. Voyez Retardation.

Un corps lancé en haut s’élève juſqu’à ce qu’il ait perdu tout ſon mouvement ; ce qui ſe fait dans le même eſpace de temps que le corps tombant auroit mis à acquérir une vîteſſe égale à celle avec laquelle le corps lancé a été pouſſé en en-haut.

Et par conſéquent les hauteurs auxquelles s’élèvent des corps lancés en en-haut avec différentes vîteſſes, ſont entr’elles comme les quarrés de ces vîteſſes.

Accélération des corps ſur des plans inclinés. La même loi générale qui vient d’être établie pour la chûte des corps qui tombent perpendiculairement, a auſſi lieu dans ce cas-ci. L’effet du plan eſt ſeulement de rendre le mouvement plus lent. L’inclinaiſon étant par-tout égale, l’accélération, quoiqu’à la vérité moindre que dans les chûtes verticales, ſera égale auſſi dans tous les inſtans depuis le commencement juſqu’à la fin de la chûte. Pour les lois particulières à ce cas, voyez l’article Plan incliné.

Galilée découvrit le premier ces lois par des expériences, & imagina enſuite l’explication que nous venons de donner de l’accélération.

Sur l’accélération du mouvement des pendules, voyez Pendule.

Sur l’accélération du mouvement des projectiles, voyez Projectile.

Sur l’accélération du mouvement des corps comprimés, lorſqu’ils ſe rétabliſſent dans leur premier état & reprennent leur volume ordinaire, voyez Compreſſion, Dilatation, Cordes, Tension, &c.

Le mouvement de l’air comprimé eſt accéléré, lorſque par la force de ſon élaſticité il reprend ſon volume & ſa dimenſion naturelle : c’eſt une vérité qu’il eſt facile de démontrer de bien des manières. Voyez Air, Élasticité.

On peut démontrer, aux yeux mêmes, l’accélération de la chûte des corps graves, & ſur-tout les loix de cette accélération ſelon la progreſſion des nombres impairs, en employant la machine d’Atwood. Voyez le mot Mouvement accéléré, dans lequel on trouvera la deſcription de cette machine, & la manière de faire un grand nombre d’expériences ſur cet objet.

Accélération, des corps ſur des plans inclinés. Les corps qui tombent par des plans inclinés, ſuivent, dans leur chûte, la même loi qu’obſervent les corps qui tombent perpendiculairement ; leur vîteſſe eſt accélérée, & ſuit la même progreſſion des nombres impairs 1, 3, 5, 7, 9, 11, &c. parce que, la gravité eſt la cauſe de leur chûte, & que le plan incliné ne produit, dans les corps qui tombent ſur lui, d’autre effet que de rendre le mouvement plus lent. L’inclinaiſon d’un plan étant la même dans toute ſa longueur, l’accélération des graves ne pourra être aucunement altérée ; &, quoique plus petite que dans la chûte verticale, cette accélération ſuivra toujours la même proportion.

Preſque tous les phyſiciens, avant Galilée, ont dit que la vîteſſe des graves dans leur chûte, s’accéléroit ſelon la progreſſion des nombres naturels 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, &c. & que ſi un corps tombant librement pendant pluſieurs inſtans égaux, parcouroit un pied, par exemple, dans le premier inſtant, il en parcouroit deux dans le ſecond, trois dans le troiſième, &c.

Regis a penſé que l’accélération des graves, qui tomboit, ſe faiſoit ſelon une proportion géométrique ſoûdouble ; mais l’expérience dément toutes ces aſſertions.

Galilée, après avoir fait beaucoup de recherches ſur ce ſujet, découvrit le premier, par voie d’expérience & de raiſonnement, que la progreſſion ſelon laquelle les graves accéléroient leur chûte, étoit celle des nombres impairs, ainſi qu’on vient de l’expoſer & de le prouver. Cet illuſtre phyſicien imagina très-ingénieuſement de faire tomber les graves ſur des plans inclinés, dont l’effet étant de rendre le mouvement plus lent, il devoit être plus facile d’obſerver les rapports des eſpaces parcourus dans les différens inſtans ; & le réſultat de ſes expériences fut tel que la théorie le lui donnoit.

En phyſique, on fait cette expérience d’une manière bien ſimple : après avoir tendu une corde d’une douzaine de pieds de longueur environ, de telle ſorte qu’elle faſſe avec l’horiſon un angle de 22 degrés & demi à peu près ; ſi on a tracé ſur cette corde neuf diviſions égales, & qu’on ait enfilé ſur elle un curſeur de cuivre, d’un poids ſuffiſant pour vaincre le frottement & deſcendre, on obſervera que ſi le curſeur parcourt une diviſion dans un inſtant, il en parcourra trois dans le ſecond inſtant égal au premier, & cinq diviſions dans le troiſième inſtant ; d’où il réſultera encore que les eſpaces parcourus ſont comme les carrés des temps. On s’aſſure de la juſteſſe de ces réſultats par le moyen d’une pendule qui ſonne les ſecondes vraies ou arbitraires (on obtient celles-ci en élevant ou en abaiſſant un peu la lentille d’une pendule) & par celui d’une plaque de cuivre fixée d’abord à la fin de la première diviſion, enſuite à la ſeconde, & après à la troiſième. On obſervera alors que les coups de la pendule, & ceux du curſeur coïncideront enſemble.

Le père Sébaſtien Truchet avoit imaginé une machine pour démontrer la vérité de la loi de l’accélération des graves dans leur chûte. Cette machine étoit compoſée de deux ou de quatre paraboles égales, ſe coupant à leur ſommet, en faiſant des angles égaux, & qui avoient un axe commun perpendiculaire à l’horiſon. Cela formoit un paraboloïde, autour duquel tournoit une ſpirale, compoſée de deux fils de laiton parallèles, faiſant un plan incliné fort étroit, & tellement diſpoſé que le premier tour de la ſpirale ayant un pouce de diamètre, le ſecond en a 3, le troiſième 5, le quatrième 7, &c. Ces tours de ſpirale, qui ſont entr’eux comme leurs diamètres, ſont les eſpaces inégaux que les corps qui tombent, doivent parcourir en des temps égaux. En laiſſant tomber du ſommet du paraboloïde une petite boule d’ivoire, on la voyoit parcourir tout le plan ſpiral incliné, & de plus en parcourir tous les tours dans le même temps. Ceci devient encore plus ſenſible, ſi deux boules tournent autour du paraboloïde en même-temps et à quelque diſtance l’une de l’autre ; car quand on les a vues paſſer dans le même inſtant ſur le même arc d’une des paraboles, on les apperçoit continuer d’aller toujours enſemble, & ſe retrouver dans le même inſtant ſur quelqu’autre arc que ce ſoit ; quoiqu’étant à différentes hauteurs, elles parcourent des tours de ſpirale fort inégaux. On peut voir, à la fin des mémoires de l’académie des ſciences, année 1699, une explication détaillée de cette machine. Le P. Sébaſtien avoit encore imaginé de mettre au bas de la rampe ſpirale inclinée, une pièce qui arrêtoit la boule ; le mouvement étoit détendu ; la boule entroit dans une cuiller à reſſort qui la rejettoit auſſitôt au haut de la machine dans la pièce qui couronnoit l’appareil. Voyez les articles Pesanteur, Mouvement, Pendule, Plan incliné.

Accélération diurne des étoiles. C’eſt la quantité dont le paſſage au méridien, & conſéquemment le lever & le coucher des étoiles, avance chaque jour ; cette quantité eſt de trois minutes 56 ſecondes. Cette accélération provient du retardement effectif du ſoleil ; car le mouvement propre de cet aſtre vers l’orient, qui eſt de 59 minutes 8 ſecondes de degrés tous les jours, fait que, une étoile qui paſſoit au méridien la veille en même-temps que le ſoleil, ſera, 24 heures après, plus occidentale de 59 minutes 8 ſecondes, ce qui exige trois minutes 56 ſecondes de temps. L’étoile paſſera donc plutôt de la même quantité.

Le vrai paſſage d’une étoile au méridien, dit M. Delalande, n’avance pas tous les jours de 3 minutes 56 ſecondes, ni tous les jours également, par rapport au ſoleil vrai qui règle nos cadrans, mais ſeulement relativement à un ſoleil moyen ſuppoſé uniforme, que les aſtronomes imaginent pour conſtruire leurs tables, & pour régler leurs horloges. Le temps moyen diffère d’un quart d’heure du temps vrai en certain temps de l’année ; & il s’en faut de la même quantité, que les accélérations diurnes des étoiles ne faſſent des ſommes toujours égales.

Accélération dans le moyen mouvement des planètes. C’eſt la quantité dont une planète, au bout de quelques ſiècles, eſt plus ou moins avancée qu’elle ne le ſeroit, ſi ſes révolutions avoient été toujours de la même durée. On lui a donné le nom d’équation ſéculaire. L’équation ſéculaire de ſaturne a été déterminée de 47 ſecondes pour le premier ſiècle, & de 5 degrés 13 minutes 20 ſecondes pour 2 000 ans ; & l’équation ſéculaire de jupiter de 30 ſecondes pour le premier ſiècle, & de 3 degrés 23 minutes 20 ſecondes pour 2 000 ans, mais en ſens contraire, parce que le mouvement de jupiter a paru avoir accéléré, tandis que celui de ſaturne paroiſſoit retarder. L’équation ſéculaire de la lune a été trouvée de 9 ſecondes, pour le premier ſiècle, & de 1 degré pour 200 ans. Mais, ſelon M. de la Place, la cauſe de l’accélération du mouvement de la lune, provient de la diminution qu’éprouve l’excentricité de l’orbite de la terre, diminution produite par l’action des planètes. On avoit encore cru juſqu’à lui qu’il y avoit une accélération dans le mouvement de jupiter, & un retardement dans celui de ſaturne, comme on vient de le dire, en parlant du ſentiment de ceux qui l’avoient précédé ; mais cet académicien a reconnu que ces apparences provenoient d’une inégalité dont la période eſt d’environ 918 ans, & que par l’effet de cette inégalité, les mouvemens apparens des deux planètes ont le plus différé des véritables depuis environ 200 ans. Cette découverte importante, ſur les inégalités de jupiter & de ſaturne, fut annoncée à l’académie par M. de la Place, le 10 mai 1786. Voyez les mémoires de l’académie de cette année.

Il y en a qui par accélération des planètes, déſignent le mouvement apparent d’une planète qui eſt dans certaines circonſtances plus grand que ſon mouvement réel ; cette apparence d’accélération dépend uniquement de la combinaiſon du mouvement de la terre, ſur laquelle eſt le ſpectateur avec celui de la planète ; & elle a lieu pour les planètes inférieures, quelque temps après leur conjonction inférieure, & pour les planètes ſupérieures quelque temps après leur conjonction au ſoleil. Suppoſons que l’orbite de la terre, fig. 89, ſoit D E G T, & celle de mars Α B M C, & que le ſoleil ſoit en S, la terre en T, & mars en Α dans ſa conjonction au ſoleil ; mars vu du ſoleil ou de la terre, ſera alors rapporté au point N du ciel, qui eſt ſon vrai lieu, lequel, dans ce cas, ne diffère pas du lieu apparent. Mais la vîteſſe de la terre, dans ſon orbite, étant plus grande que celle de mars dans la ſienne, la terre arrivera en G, tandis que mars ne ſera qu’au point X ; & le ſpectateur, qui eſt ſur la terre, rapportera mars au point I, dans le temps que cette planète, vue du ſoleil S, ne ſeroit rapportée qu’en K. Or, cette apparence, qui place le point I avant le point K, produit une accélération qui n’eſt pas réelle.

Accélératrice (force). Voyez Force accélératrice.