Encyclopédie méthodique/Beaux-Arts/Tome 2/Pratique T

(p. 773-781).

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TABLEAU. (subst. masc.) Nettoyage des tableaux. Il s’opere avec une brosse à peindre un peu rude, qu’on détrempe dans une lessive tiede, composée d’une pinte d’eau de riviere & d’un quarteron de savon noir. Mais il faut se ressouvenir que ce savon est mordant, & bien prendre garde qu’il ne gâte le tableau, & n’enleve les couleurs, & surtout les glacis, ce qui ne manqueroit pas d’arriver, si on le laissoit trop longtemps séjourner sur le tableau, ou si l’on frottoit avec trop peu de ménagement. Il faut donc tenir toujours de l’eau prête, pour noyer promptement le savon, si l’on s’apperçoit qu’il puisse devenir dangereux. Quand le tableau est lavé & bien sec, on y applique une ou deux couches de vernis. On doit donner à ces couches fort peu d’épaisseur, & elles ne communiqueront toujours que trop de brillant à la peinture.

Nous avons annoncé que l’usage du savon noir n’est pas sans danger, & qu’il ne sauroit être employé avec trop de prudence & de dextérité. Il y a cependant des personnes qui usent de moyens plus dangereux encore ; telles que les lessives de potasse & de cendres gravelées, l’urine affoiblie par un mêlange d’eau, &c. Ce n’est pas que ces moyens doivent être absolument rejettés ; mais ils ne doivent être adoptés qu’avec une sorte de crainte & les plus grands ménagemens. Le plus prudent, quand la nécessité n’oblige pas à recourir à de trop violens remedes, c’est de n’employer que l’eau pure : on la laisse séjourner quelque temps sur la couleur, pour qu’elle puisse dissoudre la fumée, la crasse, les ordures de mouches. Avant de nétoyer le tableau, il faut en enlever le vernis : l’eau seule, par son séjour, peut nuire aux tableaux, quand ils ont été couverts de vernis ou autres compositions dont on ignore la nature.


Voici, pour le nettoyage des tableaux, différentes recettes, que je trouve dans la derniere édition des Elémens de peinture pratique. La premiere est la plus innocente ; les autres exigent toute la timidité, toute la prudence que nous avons déja recommandées. Mettez sur le tableau une serviette blanche : mouillez-la continuellement avec de l’eau nette pendant douze ou quinze jours & davantage, s’il en est besoin, jusqu’à ce que le linge ait attiré toute la crasse & toutes les ordures du tableau. Alors prenez de l’huile de lin dépurée longtemps au soleil, & frottez-en votre tableau avec le bout du doigt.



Autre. Prenez deux pintes de la plus vieille lessive, & un quarteron de savon de Gênes rapé ou coupé fort mince : versez dans ce mêlange une chopine de vin blanc, & faites bouillir le tout sur le feu pendant un demi-quart d’heure. Passez cette composition dans un linge, & laissez-la refroidir. Alors ayant trempé une brosse dans cette liqueur, vous en frotterez votre tableau également partout, & le laisserez sécher. Donnez-lui une seconde couche, si vous le jugez nécessaire. Enfin donnez-lui une légere couche d’huile de noix avec un peu de coton ou une éponge. Cette derniere couche étant bien séche, prenez un linge chaud & passez-le par-dessus votre tableau. On sent qu’il faut une main bien expérimentée, pour hazarder de porter sur les couleurs des substances corrosives, telles que la lessive, le savon, le vin blanc. Je crois qu’au lieu de laisser sécher ce mêlange sur la peinture, il faudroit le laver à grande eau, & ensuite laisser sécher.

Autre pour rendre un vieux tableau aussi beau que s’il étoit neuf. Mettez dans un pot de terre environ un quarteron de soude grise en poudre : rapez-y un peu de savon de Gênes, & faites-les bouillir dans de l’eau environ un quart d’heure. tirez cette lessive du feu, pour la laisser un peu refroidir : quand elle ne sera plus que tiede, lavez-en votre tableau & essuyez-le bien. Passez-y de l’huile d’olive & essuyez-la de même. L’observation que nous avons faite sur la recette précédente, porte également sur celle-ci & sur celle qui va suivre.


Autre. Faites bouillir parties égales de cendres gravelées & de soude blanche dans une pinte d’eau commune, jusqu’à la réduction de moitié. Vous vous servirez de cette eau quand elle sera tiede, pour en frotter le tableau avec une éponge. Ensuite vous le laverez avec une éponge qui soit bien claire & bien nette.

Parlerai-je du procédé suivant lequel on met de la limaille dans un linge pour en frotter le tableau ? C’est plutôt user la peinture, que la nétoyer.

Enfin quelques personnes ouvrent une pomme de reinette & en frottent leur tableau. Cette pomme est un acide, & tout acide, pour l’objet dont il s’agit, peut devenir funeste dans une main téméraire. Maniere de nétoyer les tableaux les plus vieux & les plus noirs. Cette condition supposée du tableau, exige des remedes violens, & qui ne peuvent guere manquer de fatiguer les sujets. Prenez une bonne quantité d'oseille, & ayant étendu à plat le tableau sur une table ou sur le plancher, prenez ces feuilles à poignée, & frottez jusqu'à ce qu'elles moussent & se réduisent en une sorte de boue. Renouvellez les poignées d'oseille, jusqu'à ce que le tableau en soit entierement couvert. Alors ôtez les feuilles & le marc, & ne laissez que ce qui est réduit en boue. Prenez une décrottoire un peu forte que vous passerez partout. Ensuite vous laverez le tableau avec de l'eau claire, vous l'essuyerez avec un linge & le laisserez sécher. On prend après cela de la mie de pain, on la froisse entre les mains, & on en frotte encore la peinture. Enfin on prend des blancs d'œufs frais, on les bat, on les fait mousser, on en passe une ou deux couches avec une éponge, & on les laisse sécher, Heureux si, après une si dure opération, l'ouvrage a conservé quelques unes de ses premieres finesses.

Autre. On commence par bien dégraisser le tableau avec une brosse ou avec une éponge trempée dans une lessive commune, bien chaude ; ensuite on le lave avec de l'eau claire & on le laisse sécher. Il est alors en état de recevoir le vernis suivant.

Prenez un pot neuf de terre vernissée ; remplissez-le de moitié d'huile de noix & de moitié d'eau commune ; ajoutez environ deux poignées de verre concassé & non broyé, & faites bouillir le tout sur un feu de charbon, jusqu'à consommation du tiers. Laissez refroidir. Versez très-doucement la liqueur refroidie dans un autre pot, de maniere qu'elle n'entraîne pas de verre. Laissez-la reposer & transvasez-la dans une bouteille de grès, en y ajoutant une égale quantité d'urine toute fraîche. Exposéz cette bouteille au soleil pendant un mois, ayant soin de la remuer de temps en temps. Laissez-la reposer une huitaine de jours sans la remuer. Ensuite coulez toute l'huile pure dans une autre bouteille, prenant garde qu'il n'y coule en même temps de l'urine : il vaut mieux perdre un peu d'huile. Quand elle est ainsi transvasée, on y ajoute, à proportion de la quantité de l'huile, vingt ou trente clous de gérofle, gros comme un pois de litharge d'or, & autant de blanc de plomb, sans rien piler. Les clous de gérofle ne servent qu'à détruire l'odeur d'urine que l'huile peut avoir contractée. Il faut serrer ce vernis dans une bouteille bien bouchée. Pour s'en servir, on en verse un peu sur une éponge dont on frotte toute la surface du tableau. Ce vernis est fort siccatif, & ne change jamais.

Si le tableau craque, lorsqu'on passe le doigt dessus, c'est une preuve que les couleurs en sont


usées & ne peuvent revenir. On entreprendroit envain de le nétoyer.


Autre. Mettez tremper un peu d'alun en poudre fine, & autant de sel commun dans de l'urine chaude, & lavez-en le tableau doucement. Vous le vernirez ensuite avec la composition suivante. Deux onces de carabé blanc, autant de sandaraque, de la gomme laque, & de la gomme animé, infusés dans une pinte d'esprit de vin. On peut aussi composer le vernis de la maniere suivante. Mettez de l'huile de noix nouvelle dans une bouteille de verre, & ajoutez-y le tiers de bon esprit de vin. Exposez cette liqueur au soleil pendant deux ou trois mois, dans les chaleurs de l'été. Ce vernis est excellent & ne maroquine jamais.


La note suivante de M. ROBIN, indique les procédés que suivent en général les personnes les plus exercées à nétoyer les tableaux.

Le nétoyage des tableaux, dit cet artiste, exige de grandes connoissances ; car il faut choisir entre les divers moyens connus, ceux qui sont propres au genre d'exécution & à la sorte de dégradation des morceaux qu'on veut restaurer.

Si l'on est assez heureux pour que le tableau ait été couvert d'un vernis qui ait reçu toutes les saletés qui le dégradent, sans qu'elles ayent pénétré jusqu'à la couleur, il suffit d'enlever ce vernis, & l'ouvrage se trouve nétoyé. On parvient à ôter le vernis, en prenant, à mesure que le besoin l'exige, de l'esprit de vin sur un linge fin & bien sec, dont on s'entoure le doigt. On peut aussi l'enlever, en le faisant tomber en poussiere par un frottement répété. Si l'on agissoit sans ménagement dans ces deux procédés, on detruiroit le tableau. Par le premier, on délayeroit la couleur ; par le second, on la raperoit comme avec du sable.

Quelquefois une légere eau de savon suffit pour ôter la crasse produite par la fumée. Lorsque la saleté se trouve plus tenace, & qu'elle provient autant des huiles que les couleurs ont poussées au dehors, que de la crasse de l'extérieur ; quand cette crasse s'est durcie par le longtemps qu'elle a résidé sur l'ouvrage, on est alors obligé d'employer un moyen plus puissant. Ce moyen efficace, mais terrible, est l'eau-forte il faut la bien mitiger avec de l'eau simple, &, après ce mêlange, elle se nomme eau seconde.

on peut aussi, dans les cas difficiles, faire usage du savon noir ; mais en se gardant bien de le laisser séjourner sur la peinture, & en le lavant très-promptement avec une éponge bien imbibée d'eau froide & bien claire.

Mais nous ne saurions trop le répéter ; en employant ces moyens dangereux, il faut user de la plus grande circonspection, pour ne pas détruire les teintes dans lesquelles il entre des blancs ou de l’outremer ; couleurs qui se dissolvent très-aisément, & ensuite pour ne pas enlever les glacis, que des yeux peu exercés dans la pratique de l’art de peindre, & dans celle du nétoyage, prennent souvent pour de la crasse.

Une des grandes maladies des tableaux est causée par les ordures de mouches. La fiente de cet insecte est très-mordante, & pénétre dans la couleur au point d’y faire de petits trous. Je ne sache pas qu’on ait trouvé jusqu’à présent aucune liqueur qui puisse dissoudre ces taches sans emporter la couleur du tableau. Le seul moyen que j’aie vu employer avec succès pour les enlever, est de les attendrir autant qu’il est possible, avec les liquides dont j’ai parlé, ou seulement avec de l’eau tiede, & de les détacher ensuite l’une après l’autre avec la pointe d’un bon grattoir ; ce qui demande autant de patience que de légéreté de main. Si cependant les chiures de mouches se trouvent sur un vernis bien épais, elles s’enlevent en même temps que ce vernis.

On se sert aussi du gratoir pour toutes les taches de matieres trop mordantes que les liquides indiqués ne peuvent emporter sans altérer l’ouvrage : mais on conçoit avec quelle adresse & quelle attention il faut user de cet instrument.


Recette pour garantir les tableaux des ordures de mouches. Faites tremper une botte de poreaux dans un demi-seau d’eau, & lavez-en le tableau. Ce lavage le préservera des dégats qu’y causent ces insectes. Je trouve ce secret dans lesElémens de peinture pratique. Si, comme on l’assure, il est éprouvé, on ne peut nier qu’il ne soit fort important. Il est aisé d’en faire l’essai sur un morceau de peu de valeur.

TAFFETAS. (subst. masc.) Quand on veut peindre à l’huile sur le taffetas, il faut le préparer avec une gomme dont voici la composition. Prenez gros comme une féve de colle de poisson ; coupez-la par petits morceaux, & faites-la tremper pendant douze heures dans un verre d’eau. Ensuite faites-la fondre sur le feu jusqu’au premier bouillon, puis coulez-la & la laissez refroidir. Quand vous voudrez vous en servir, vous la ferez chauffer, & ayant bien étendu votre taffetas, vous l’y appliquerez bien chaude avec une éponge le plus également qu’il vous sera possible. Le taffetas étant sec, vous pouvez y coucher vos couleurs, sans craindre qu’elles ne s’imbibent dans le tissu de l’étoffe, ou qu’elles ne s’étendent plus qu’il ne faut.

TAILLE. (subst. fém.) C’est le nom qu’on donne, en gravure, à ce qu’on appelle hachure dans la peinture & dans le dessin. Voyez l’article GRAVURE.

TAMPON. (subst. masc.) Les graveurs sur


cuivre appellent ainsi une bande de drap, de feutre ou de lisiere, dont on forme un rouleau de deux pouces à-peu-près de diametre. On imbibe d’huile un des bouts de ce rouleau pour nétoyer le cuivre. Quand on a dessein de voir l’effet des tailles, on frotte d’abord le tampon sur l’huile de la pierre à l’huile, on le passe ensuite sur l’ouvrage ; le noir dont l’huile est mêlée, pénétre dans les tailles, qui se détachent alors en brun sur le brillant du cuivre. L’expérience apprend que cet effet est flatteur, & qu’il ne faut pas toujours en attendre un aussi agréable aux épreuves.

TAPETTE. (subst. fém.) C’est un morceau de taffetas dans lequel on renferme du coton sans le fouler, ensorte qu’on forme une sorte de boule assez molle. L’usage de la tapette est de taper sur le vernis encore chaud & fluide, pour l’étendre également sur la surface du cuivre.

TAS. (subst. masc.) Les graveurs donnent ce nom à une petite enclume armée d’acier trempé dur. Elle leur sert, quand ils ont effacé quelque partie de leur ouvrage, & que cette partie effacée fait sur le cuivre un enfoncement qu’atteindroit avec peine la main de l’imprimeur, à repousser le cuivre du côté opposé au travail. Le tas, dans sa partie inférieure, entre & s’engage par une pointe ou queue, dans un billot qui lui sert de base. Voyez les articles Gravure & Repousser.

TERRE. (subst. fém.) Sur la maniere de laver & d’épurer les terres colorées dont on fait usage dans la peinture, voyez à l’article Blanc, la maniere de purifier le blanc d’Espagne : voyez aussi l’article Ochre, dans lequel on donne le moyen de l’épurer encore plus parfaitement.

TERRE de Cologne. Elle est très-bitumineuse, d’un brun noirâtre, grasse au toucher, ne s’imbibant d’eau que difficilement, & répandant une odeur fétide. Elle s’affoiblit employée à l’huile, inconvénient qu’elle perdroit, si on la purifioit par le feu. Il faut la calciner longtemps sur la braise dans une cuiller de fer ou dans un creuset. Quand on l’aura tirée du feu toute rouge, on la portera dans un lieu bien aëré, pour l’y laisser bruler jusqu’à ce qu’elle s’éteigne d’elle-même. Alors on la fera porphyriser long-temps avec de l’eau claire, puis on la jettera sur le philtre pour l’arroser abondamment : elle donnera une couleur d’un brun foncé & olivâtre.

TERRE d’Italie. C’est une terre martiale à-peu-près de la même couleur que l’ochre de rut. Lorsqu’on la calcine, elle passe au rouge. A un feu très-violent, dans des vaisseaux fermés, elle devient noire, & est alors attirable par l’aiman.

TERRE d’ombre. La terre qu’on vend à Paris sous ce nom, est pesante, brune, ou d’un jaune noirâtre : c’est une argile ferrugineuse ; le fer y est enfermé sous la forme d’un safran de mars, semblable à celui qui est préparé à la rosée. Cette terre, exposée au feu dans un creuset, ne répand aucune odeur bitumineuse ; elle perd la quatriéme partie de son poids, & prend une couleur plus foncée. On l’appelle quelquefois brun de montagne & ochre brune. Dans la peinture à l’huile, elle s’écaille, elle change, & attire même les teintes voisines. Des artistes ont cru pouvoir prononcer qu’elle n’est bonne en ce genre de peinture, ni dans son état naturel, ni brulée. Leur sentiment est capable d’inspirer quelque défiance pour l’opinion de l’auteur du Traité de la peinture au pastel. En parlant des inconvéniens attribués à la terre d’ombre & à celle de Cologne, il prétend qu’ils doivent cesser lorsque ces terres ont passé par le feu. « Quel changement peuvent éprouver, dit-il, des substances échappées à la voracité de cet étément, si l’on excepte quelques chaux métalliques, promptes à se revivifier aux émanations du principe inflammable ?… Quand, ajoute-t’il, on aura soin, dans la peinture à l’huile, de bien purifier les couleurs, soit par l’eau, soit par le feu, suivant la nature des différentes substances, on n’éprouvera pas ces sortes d’inconvéniens. » Nous avons grand soin de recueillir les observations & les conseils de cet écrivain, qui paroît savant en chymie : mais nous croyons qu’ils doivent être soumis à l’expérience des artistes.

TERRE de Sienne, ou de Venise. Elle est de la classe des ochres brunes. « Elle est très-compacte, semblable dans sa cassure à la terre d’ombre, ou plutôt à la gomme-gutte, c’est-à-dire, luisante. Elle est de couleur canelle mordorée. Cette matiere a de l’apparence, & l’on en fait beaucoup d’usage dans la peinture à l’huile ; mais elle ne vaut rien, quoique fort chere. C’est du fer dissout par les acides minéraux, tel qu’en produisent les fabriques de vitriol. On croiroit, à la voir, qu’elle a beaucoup plus d’intensité que l’ochre brune : mais, outre qu’elle est bien moins solide, elle prend le même ton sous la molette, &, calcinée, elle devient beaucoup plus orangée. » Traité de la peinture au pastel.

TERRE de Vérone. C’est une chaux de cuivre. Sa couleur est verte. Elle ne doit, comme toutes les autres chaux de cuivre, être employée que par les peintres de bâtimens pour les ouvrages les plus grossiers.

TERRE d’Uzès ou de Cornillon. « Entre les minéraux propres à fournir le jaune, indépen-


damment des ochres, il se trouve dans le diecèse d’Uzès en Languedoc, tout près d’un endroit appellé Cornillon, une terre très-fine, d’un jaune citron, dont la couleur résiste au feu. Comment n’en-a-t’on pas mis dans le commerce ? Est-il si difficile de s’en procurer ? Peut-être n’auroit-elle pas de corps à l’huile ; mais au moins ce seroit une importante acquisition pour la fresque, le pastel, la détrempe, & la fayencerie. » Traité de la peinture au pastel.

TIRE-LIGNE. (subst. comp. masc.) Instrument utile pour tirer des lignes à la regle. Il est plus commode que la plume, & n’est pas sujet de même à faire à la regle des taches d’encre qui se communiquent au papier. Il est formé de deux platines de cuivre, minces, terminées en pointe, & qui s’appliquent l’une sur l’autre au moyen d’une vis. Vous le verrez représenté à la planche II. de la gravure en bois, fig. 33.

TOILE. (subst. fém.) De grands maîtres ont peint sur des toiles grossieres & lâches ; d’autres ont préféré des toiles fines & serrées. Chacun d’eux auroit donné de bonnes raisons de son choix, qui tenoit à sa maniere d’opérer. La toile, avant de recevoir le sujet dont elle sera couverte, doit être imprimée, c’est-à-dire, qu’elle doit être couverte de plusieurs couches de couleur. Voyez l’article Impression.

Toile. Maniere de transporter un vieux tableau sur une toile neuve. Lorsqu’un tableau peint sur toile s’écaille, se gerse ; lorsque cette toile est moisie & déchirée tellement que les bords ne peuvent plus tenir au chassis ; lorsqu’enfin le tableau est détendu, qu’il fait des bosses, qu’il a des trous & menace ruine, il est très-urgent de le remettre sur toile.

Quelques personnes, pour rendre la vieille toile & la couleur plus douces & moins rebelles, exposent pendant plusieurs jours le tableau à l’humidité d’une cave. Voici d’ailleurs la méthode qu’on suit le plus ordinairement. On colle sur le côté peint du tableau, du papier blanc avec un empois léger. Cette premiere opération est nécessaire pour que le tableau ne s’écaille pas dans les mouvemens & les frottemens qu’il doit éprouver. D’un autre côté, on a tendu sur un fort chassis à clef, une bonne toile neuve sur laquelle on couche très-également, avec une grosse brosse, de la colle bien cuite & faite avec de la farine de seigle & une gousse d’ail. On met une semblable couche de cette colle sur le derriere du tableau. Cela étant fait promptement, on pose le revers du tableau sur cette toile neuve. On le frotte avec un tampon de linge, que l’on appuie assez fortement, en partant toujours du centre & en faisant soutenir les coins du tableau. Par ce moyen, on oblige à s’échapper l’air qui pourroit rester entre les deux toiles, & y causer ce qu’on appelle des cloches.

Le tableau étant ainsi rentoilé, on le pose sur une table bien unie, du côté de la peinture, & on frotte très-rudement le derriere de la toile neuve avec un lissoir. C’est un instrument de verre, ou même de fer bien poli, avec lequel on lisse le linge, la papier, les étoffes, les bas de soie, &c. Quelques personnes ajoutent à ces procédés celui de passer un fer chaud sur le tableau, en opposant, par derriere, une planche pour faire résistance à cette pression. Par ce moyen, la colle échauffée devient plus liquide, pénétre, du côté du tableau, la vieille toile, & fixe d’autant plus la peinture, tandis que, du côté de la toile neuve, la colle excédente sort à travers le tissu, ensorte qu’il n’en reste partout qu’une épaisseur égale. Il faut faire attention de ne pas employer le fer trop chaud, & de ne frotter le tableau, qu’en interposant, entre lui & le fer, quelques feuilles de papier, car celle qui est sur la peinture ne seroit pas suffisante.

Quand on juge que le tableau rentoilé est bien sec, on humecte avec une éponge abbreuvée d’un peu d’eau tiede, le papier blanc collé sur la peinture. Il s’enleve aisément, ainsi que l’empois qui l’attachoit sur le tableau. Il reste à le nétoyer, & souvent à le restaurer. Voyez les articles Restauration & Tableau.

Si le tableau n’en pas bien vieux, qu’il n’ait pas besoin d’être remis sur toile, & qu’il ait cependant un trou à réparer, on peut y appliquer une piece que l’on colle derriere le trou de la maniere que nous venons d’indiquer & avec la même colle. On observe d’effiler les bords de la piece, afin qu’étant fortement pressée, elle ne marque pas sa forme sur le tableau.

Lorsqu’un ouvrage est peint sur bois, ou même sur une toile mal imprimée, ou devenue tellement mauvaise, que la couleur s’écaille absolument, on court risque de perdre l’ouvrage, à moins d’enlever entierement toute la peinture pour l’appliquer sur une toile neuve.

Ce moyen de conserver les chefs-d’œuvre de la peinture à l’huile, n’est connu qu’en France : C’est une invention du milieu de notre siecle ; invention si belle & si étonnante, que j’ai vu les Italiens eux-mêmes, les plus adroits des hommes, douter de la vérité de ce que je leur en racontois.

Le sieur Picaud est le premier inventeur de la maniere d’enlever la peinture à l’huile de dessus un mauvais fond. C’est ainsi qu’il a transporté sur toile le Saint Michel, sublime ouvrage de Raphael, & la Charité d’Andrea del Sarto, deux tableaux de la collection du roi. Ils avoient été peints sur bois, & ils périssoient de toutes parts, lorsque M Picaud entreprit de les enlever de leurs fonds. Il a fait voir aussi sur toile, des ouvrages qui avoient été peints à l’huile sur plâtre. Son procédé est resté secret ; il en a laissé seul dépositaire son fils, qui en use encore avec un grand succès.

Le sieur Hacquin n’ayant pu découvrir cette méthode, s’est occupé d’en chercher une qui produisît le même effet. Il a été assez heureux pour réussir, par un procédé qu’on croit être tout différent, & qui a les mêmes avantages. M. Hacquin, second fils de l’inventeur, est chargé de l’entretien des tableaux du roi, & remplit avec honneur l’emploi qui lui est confié.

Quelques personnes présument que son procédé consiste à amincir & à finir par user entierement le fond soit de bois, soit de toile, sur lequel le tableau a été peint. Les résultats du sieur Picaud prouvent au contraire qu’il a obtenu le moyen de détacher l’ouvrage de peinture sans en altérer le fond, puisque les planches des tableaux dont j’ai parlé ont été exposées à côté des ouvrages portés sur toile, & l’on a remarqué qu’elles étoient dans une parfaite intégrité. (Article de M. Robin.)


Toile. Maniere d’ôter les tableaux de dessus leur vieille toile. Il faut commencer par ôter le tableau de son chassis, & l’attacher ensuite sur une table extrêmement unie, le côté de la peinture en dessus, en prenant bien garde qu’il soit bien tendu, & ne fasse aucuns plis. Après cette préparation, vous donnerez sur tout votre tableau une couche de colle forte ([1]), sur laquelle vous appliquerez à mesure des feuilles de grand papier blanc, le plus fort que vous pourrez trouver ; & vous aurez soin, avec une molette à broyer les couleurs, de bien presser & étendre votre papier, afin qu’il ne fasse aucun pli, & que partout il s’attache bien également à la peinture. Laissez sécher le tout : après quoi vous déclouerez le tableau, & le retournerez, la peinture en dessous & la toile en dessus, sans l’attacher ; pour lors vous aurez une éponge, que vous mouillerez dans de l’eau tiede, avec laquelle vous imbiberez petit à petit toute la toile, essayant de temps en temps sur les bords, si elle ne commence pas à s’enlever & à quitter la peinture. Alors vous détacherez avec soin & tout doucement un coin de la toile que vous roulerez, & continuant ainsi de la pousser avec les deux mains & de la rouler, vous la détacherez successivement toute entiere. Cela fait, avec votre éponge & de l’eau, vous laverez bien le derriere de la peinture, jusqu’à ce que toute l’ancienne colle, nu à-peu-près, en soit enlevée ; vous observerez dans cette opération, que cette éponge ne soit jamais trop remplie d’eau, parce qu’il pourroit en couler par dessous la peinture, qui détacheroit la colle qui tient le papier que vous avez mis d’abord. Tout cela fait avec soin, vous donnerez sur l’envers de votre peinture ainsi bien nétoyée, une couche de votre colle, ou de l’apprêt ordinaire dont on se sert pour apprêter les toiles sur lesquelles on peint ; & sur le champ vous y étendrez une toile neuve, que vous aurez soin de laisser plus grande qu’il ne faut, afin de pouvoir la clouer par les bords, pour l’étendre de façon qu’elle ne fasse aucun pli ; après quoi avec votre molette vous presserez légérement en frottant, pour faire prendre la toile également partout, & vous la laisserez sécher ; ensuite vous donnerez pardessus la toile une seconde couche de colle par partie & petit à petit, ayant soin, à mesure que vous coucherez une partie, de la frotter & étendre avec votre molette, pour faire entrer la colle dans la toile, & même dans la peinture, & pour écraser les fils de la toile ; le tableau étant sec, vous le détacherez de dessus la table, & le reclouerez sur son chassis ; après quoi, avec une éponge & de l’eau tiede, vous imbiberez bien vos papiers pour les ôter. Lorsqu’ils seront ôtés, vous laverez bien pour enlever toute la colle & nétoyer toute la peinture ; ensuite vous donnerez sur le tableau une couche d’huile de noix toute pure, & le laisserez sécher, pour mettre ensuite le blanc d’œuf.

Lorsque les tableaux que l’on veut changer de toiles, se trouvent écaillés, crevassés, ou lorsqu’ils ont des ampoules, il faut avoir soin, sur les endroits défectueux, de coller des feuilles de papier l’une sur l’autre pour soutenir ces endroits & les empêcher de se fendre davantage, ou de se déchirer dans l’opération ; & après avoir remis la toile neuve, on rajustera ces défauts de la maniere suivante. Ceux que l’on change de toile se trouvent raccommodés par l’opération même ; mais si la toile est bonne, & qu’on ne veuille pas la changer, on fait ce qui suit.

Il faut, avec un pinceau, mettre de la colle forte tiede sur les ampoules, ensuite percer de petits trous avec une épingle dans lesdites ampoules, & tâcher que la colle les pénétre de façon à passer dessous. Il faut, après cela, essuyer légérement ladite colle, & avec un autre pinceau, passer sur les ampoules seulement un peu d’huile de lin ; après quoi on aura un fer chaud, sur lequel on passera une éponge ou linge, mouillé, jusqu’à ce qu’il ne frémisse plus (crainte qu’il ne soit trop chaud) ; alors on poussera ledit fer sur les ampoules, ce qui les rattachera à la toile, & les supprimera entierement.

Il faut cependant remarquer qu’après avoir ôté ces ampoules, il est nécessaire de mettre par derriere une seconde toile pour maintenir l’ancienne & empêcher que les ampoules ne viennent à se former de nouveau : en voici la maniere.


Il faut mettre d’abord sur l’ancienne toile une couche de forte colle tout le long des bords le long du cadre, & rien dans le milieu ; après quoi on appliquera la seconde toile qu’on fera prendre en passant la molette légérement dessus ; on clouera ensuite le tableau sur la table, & on couchera de la colle par parties, que l’on pressera & étendra avec la molette, comme pour changer les tableaux de toile.

Pour raccommoder les crevasses & les endroits écaillés, tant aux tableaux changés de toile qu’aux autres, il faut prendre de la terre glaise en poudre, & de la terre d’ombre, délayer ensuite ces deux matieres avec de l’huile de noix, de façon qu’elles forment comme une pâte ; on y ajoute, si l’on veut, un peu d’huile grasse pour faire sécher plus vîte : on prend ensuite de cette pâte avec le couteau à mêler les couleurs, & on l’insinue dans les crevasses & dans les endroits écaillés, essuyant bien ce qui peut s’attacher sur les bords & hors des trous ; cette pâte étant bien seche, on donne sur tout le tableau une couche d’huile de noix bien pure ; & lorsqu’elle est seche, on fait sur la palette les teintes des couleurs justes aux endroits où se trouvent les crevasses, & on les applique avec le couteau ou avec le pinceau.

Pour faire revivre les couleurs des tableaux, ôter tout le noir, & les rendre comme neufs, il faut mettre par derriere la toile une couche de la composition suivante.

Prenez deus livres de graisse de rognon de bœuf, deux livres d’huile de noix, une livre de céruse broyée à l’huile de noix, une demi-livre de terre jaune, aussi à l’huile de noix ; faites fondre votre graisse dans un pot ; & lorsqu’elle sera tout-à-fait fondue, mêlez-y de l’huile de noix, ensuite la céruse & la terre jaune ; vous remuerez le tout avec un bâton pour mêler toutes les drogues ; vous employerez cette composition tiede.

Pour les tableaux sur cuivre, prenez du mastic fait avec de la terre glaise & de la terre d’ombre délayée à l’huile de noix ; remplissez-en les endroits écaillés ; après quoi vous prendrez du sublimé corrosif, que vous ferez dissoudre dans une quantité suffisante d’eau ; vous l’appliquerez dessus, & le laisserez sécher ; au bout de quelques heures vous le laverez bion avec de l’eau pure ; & s’il n’est pas encore bien dégraissé, vous recommencerez : on peut aussi se servir de cette eau de sublimé pour les tableaux sur bois & sur toile.

Pour ôter le vieux vernis des tableaux, il suffit de les frotter avec le bout des doigts, & les essuyer ensuite avec un linge mouillé. (Article de M. DE Montamy, dans l’ancienne Encyclopédia.)
CONJECTURE
Sur le moyen de transporter sur toile les tableaux
peints sur bois.

M. Picaud a enlevé de dessus le paneau un tableau de Raphaël & un d’André del Sarre, & les a transportés sur toile. Les planches sur lesquelles ces tableaux avoient été peints, ont éte exposées aux regards du public. Peut être cette opération dépend-elle mains d’un secret difficile à trouver, que de beaucoup d’adresse & de patience. On n’ignore pas que les paneaux destinés à recevoir un sujet peint, étoient d’abord imprimés de plusieurs couches de détrempe, & que par conséquent c’étoient ces couches de détrempe qui tenoient collée la peinture au paneau. Si donc on fixe sur la peinture à l’huile une toile avec une forte colle, & qu’ensuite on parvienne à humecter un petit coin de la détrempe qui est sous cette peinture, on enlèvera une petite partie du tableau que l’on roulera : on pourra s’aider aussi d’un instrument à lame mince & tranchane : on continuera d’humecter successivement la détrempe & de rouler la partie de tableau qui s’en sera détachée, jusqu’à ce qu’enfin, & aprè un long travail, on ait détaché tout le tableau de dessus la planche. Il ne s’agira plus que d’en coller le revers sur une toile neuve, avec de la colle très-forte ou du marouffle, & l’on décolera ensuite la toile qui en contre la surface.

On parviendra de même à transporter sur toile une peinture à l’huile faite sur le mur. Il faudra scier avec grand son une partie médiocrement étendue de la muraille peinte, coller une toile sur la peinture avec une colle bien tenace ; user avec précaution, & sans exciter aucun éclat, l’épaisseur de la muraille, & quand elle sera devenue très-mince, établir tout autour un rempart de cire ; alors on jettera dessus un acide qui décomposera la pierre calcaire, & l’on observera bien le moment où cet acide sera près de toucher à la peinture, pour se hâter de l’enlever & de verser à la place de l’eau claire. Il ne s’agira plus que de mettre sur toile la peinture détachée de la muraille, & l’on suivra à cet égard le même procédé que pour la peinture détachée d’un pineau. Comme on auroit été obligé de scier par parties une grande composition, on rajusteroit avec soin ces parties sur la toile, & un peintre habile répareroit les jointures. Peut-être ne seroit-il pas nécessaire d’établir un rempart autour de la peinture, & de couvrir la pierre d’une certaine épaisseur d’acide : il pourroit bien suffire d’humecter doucement la pierre calcaire avec un linge trempé dans l’acide. De cette maniere on seroit plus maître de son opération, parce qu’elle se feroit avec plus de lenteur. Nous avons supposé que la peinture


étoit sur la pierre ; mais si elle étoit sur un enduit de plâtre, comme il arrive plus ordinairement, le succès seroit plus facile. L’enduit de plâtre représente assez bien les couches en détrempe de l’impression des peintures sur paneaux.

M. de Montamy ne conseille que l’eau tiede pour détacher une vieille toile de la peinture à l’huile qui y d’adhérente. L’opération ne seroit-elle pas plus facile & plus prompte si l’on employoit l’eau forte ou seconde ? Je crois qu’avec beaucoup de prudence & d’attention, on l’empêcheroit d’attaquer la peinture ; mais il faudroit se hâter d’avoir recours à l’eau pure, aussitôt que la toile commenceroit à le détruire.

On pourroit changer en certitude les conjectures que je hasarde, en prenant pour essais de mauvais ouvrages peints à l’huile sur toile, sur paneau & sur muraille. Toutes faciles que seroient ces expériences, si on les faisoit en petit, le temps ne me permet pas de les tenter. Il y a bien des années que j’avois formé cette conjecture, & j’aurois pu la vérifier ; mais d’autres objets l’avoient éloignée de ma pensée.

Je doute que l’un puisse trouver aucun moyen de sauver une peinture à fresque, en la détachant de mur sur lequel elle a été faite, parce qu’elle est intimement adhérente à l’enduit, qu’elle l’a pénétré, & ne fait plus avec lui qu’un même corps.

TORCHE-PINCEAU. (subst. comp. masc.) Vieux linge dont les peintres essuyent leurs pinceaux,

TOURET. (subst. masc.) Sorte de petit tour à l’usage des graveurs en pierres fines. L’arbre du touret porte les bouteroles qui usent, au moyen de la poudre de diamant ou d’émeril mêlée d’huile, dont elles sont enduites, la partie de la pierre qu’on leur présente. Le mouvement est communiqué à l’arbre du touret par une grande roue de bois placée sous l’établi, & par une corde sans fin, qui passe sous cette roue & la poulie de l’axe. La grande roue se meut par le moyen d’une marche ou pédale sur laquelle l’ouvrier pose le pied.

TOURNESOL. (subst. masc.) On appelle bleu de tournesol un suc exprimé de la plante qui, dans le systême de Tournefort, est la premiere & la principale espece des ricinoïdes. Cette couleur peut être d’usage dans la détrempe, le lavis & l’enluminure. Il seroit fort inutile de détailler ici les procédés par lesquels, dans un village nommé Galargue, distant de quatre à cinq lieues de Montpellier, plus de mille paysans sont occupés, dans la saison, à extraire le suc de l’héliotrope, qu’ils appellent maurelle, & à en teindre des chiffons pour faite ce qu’on appelle l’héliotrope en drapeaux : Ce drapeaux deviennent deviennent l’objet d’un commerce assez fructueux. Ils sont, en grande partie, achetés par les Hollandois qui, par un procédé sur lequel ils gardent le secret, font, de la couleur dont ces chiffons sont empreints, la base d’une pâte qu’ils nous vendent sous le nom de pierre de tournesol. C’est une sorte de laque seche. Trempée dans l’eau, elle donne une assez belle couleur bleue. Quoiqu’elle ait peu de solidité, elle étoit d’un usage fort étendu avant qu’on eût découvert le bleu de Prusse, l’indigo, le pastel, &c. Sans les longs, laborieux & dégoutans apprêts que font du suc de la maurelle les paysans de Galargue ; sans la réduction en pâte opérée par les Hollandois, ce suc mêlé d’alun suffiroit à l’usage qu’en peuvent faire les, peintres, puisque l’alun a la propriété de conserver les couleurs extraites des plantes : si on ajoutoit de la craie à ce premier mêlange, on auroit de la laque. Mais les artistes font une bien foible consommation de cette couleur, qui est surtout employée à teindre les papiers bleus, quelques liqueurs & quelques confitures & conserves.

Sur la maniere de rendre utiles à la peinture ou au lavis des sucs de végétaux, voyez les articles Bleu pour le lavis, Laque, Lavis, Plante & Stil-de-grain. Nous donnons ici l’indication de ces articles, parce qu’à l’article Aquarelle, nous avons mal-à-propos renvoyé pour cet objet au mot Héliotrope.

TRANCHET. (subst. masc.) Sorte de brosse. Voyez l’article BROSSE. Le tranchet est une espece de brosse plate dont on se sert pour peindre de l’architecture, & pour tirer des filets dans de grands ouvrages. Il se fait de poil de cochon, dont on coupe presque toutes les barbes. Pour cet effet, on prépare deux morceaux de bois applatis par l’un des bouts & assez tranchans : il faut qu’ils soient coupés de biais, afin que le poil étant appliqué & arrangé également sur l’un de ces morceaux, selon la longueur du bois, il soit un peu couché par rapport à l’extrêmité avec laquelle on travaille. Quand le poil est ainsi arrangé & mis d’égale épaisseur sur l’un des morceaux de bois, on le couvre de l’autre morceau qui doit être exactement figuré de même, & on les lie fortement ensemble assez proche du poil. On les lie aussi en deux ou trois autres endroits le long des morceaux de bois, qui sont plus étroits vers le haut que vers le bout où est le poil, à moitié arrondis, pour ne faire ensemble qu’une espece de manche. Un colle ensuite la ficelle, ou bien on la peint comme on l’a dit au sujet des brosses. Cependant le poil ne peut jamais être bien serré entre ces deux morceaux de bois plat, & il faut, avant que d’y mettre le poil, les frotter d’un peu de poix noire, pour que le poil puisse y happer, à mesure qu’on


l’arrange dessus. (Élémens le peinture pratique édition de 1766.)

TRANSPARENT. (subst. masc.) Terme de l’art des décorations en peinture.

Sur un chassis sans traverses, on tend des feuilles de papier réunies, ou de la toile serrée & très-fine, ou de la gaze, ou mieux encore du taffetas : on peint sur ces matieres en glacis, avec des couleurs légeres, quelqu’objet que ce soit, & cet ensemble forme ce qu’on nomme dans le Décore, ou la décoration en peinture, un transparent. Voyez l’article GLACIS.

Ce genre de peinture transparente est destiné à n’être apperçu que par le moyen du passage de la lumiere, soit naturelle, soit artificielle, qui se trouve derriere l’ouvrage.

Pour peindre sur le papier, en choisit celui qui se nomme Serpente. Les feuilles en étant collées les unes contre les autres avec propreté, & le tout bien sec, fixé & tendu sur le chassis, on passe sur le papier, avec une éponge, une légere couche de belle huile siccative, soit de noix, d’œillet, ou de noisette, &c.

Le taffetas est, comme nous l’avons dit, infiniment préférable à la toile & à la gaze : mais ces deux matieres le sont elles-mêmes au papier lorsqu’elles ne font pas voir de coutures : effet désagréable qu’on ne peut éviter avec le papier, à cause de la jonction des feuilles.

Les étoffes exigent, avant que l’on y peigne, une préparation essentielle, afin que la peinture qui s’employe ordinairement à l’huile, n’y fasse pas des taches qui s’étendroient fort au-delà du trait des objets peints. Pour prévenir cet inconvénient, on fait fondre au bain-marie, ou de la colle de poisson, ou une belle & forte colle faite avec des rognures de parchemin ou de gants. Celle de poisson est la plus claire. Lorsque cette colle, quelle qu’elle soit, est fondue, on la passe rapidement & avec légéreté sur l’étoffe. Cette préparation étant seche, on peut peindre sans craindre que l’huile ne fasse des taches à l’étoffé.

La méthode de peindre les transparens, est de réserver sur les lumieres, le fond sur lequel on peint, ainsi qu’on le fait pour les dessins sur papier blanc. Il faut employer, autant qu’on le peut, les couleurs les plus légeres : les blancs de plomb ou de céruse, ne doivent pas servir à ces peintures, & si l’on use des terres, il faut qu’elles soient d’une finesse impalpable & employées très-légérement. Les meilleures couleurs a l’usage des transparens sont les stils ou sucs de graines ou de fleurs, & toutes les autres couleurs légeres dont nous avons parlé à l’article GLACIS du Dictionnaire théorique.

L’art d’éclairer les transparens avec une lumiere artificielle, demande une grande discrétion, car il faut que la flamme n’en soit pas trop voisine pour n’être pas apperçue & ne pas enflammer une peinture très-combustible, & qu’elle ne soit pas trop eloignée, parce qu’alors elle ne produiroit pas un éclat suffisant.

On se sert de transparens pour former des dessus de porte à des cabinets obscurs, dans lesquels on veut cependant introduire de la clarté. Dans ce cas-là, les transparens sont sur la gaze.

Les peintres de décore font des transparens d’un autre genre, en peignant sur des matieres dures & polies, telles que le papier doré, argenté & le fer blanc. Dans ces cas ils font valoir les fonds métalliques pour produire des clairs étincelans. Quand les glacis propres à faire des peintures transparentes sont bien secs, on les couvre d’un vernis blanc.

C’est par des procédés à-peu-près semblables que se font ces papiers brillans & colorés à l’usage des brodeurs, qui en font ce qu’on appelle des paillons. (Article de M. Robin.)

TREPAN. (subst. masc.) Le trépan des sculpteurs & des marbriers est un outil qui sert à forer & percer les marbres & les pierres dures. On s’en sert aussi quelquefois pour le bois. Il y a trois sortes de trépans. L’un, qui est le plus simple, est un vrai vilebrequin, mais avec une mêche plus longue & plus acérée. Le second


trépan se nomme à archet ; il est semblable au foret à archet des serruriers, & a, comme ni, sa boëte, son archet & sa palette ; il est seulement plus fort, & ses mêches sont de plusieurs figures ; enfin le troisième, qui se nomme simplement trépan, est le plus composé des trois, & le plus en usage en sculpture. Les parties de ce trépan sont la tige, que l’on appelle aussi le fût, la traverse, la corde de cette traverse, un plomb, une virole & une mêche. La tige est de bois, & à l’une de ses extrémités est une virole qui sert à y attacher & à y affermir la mêche qu’on peut changer, suivant que le besoin indique d’en employer de plus ou de moins fortes, de rondes, de quarrées, de pointues, &c. à l’autre extrémité du fût, est un trou, par où passe la corde, qui est attachée aux deux bouts de la traverse. Cette traverse est elle-même enfilée du fût par un trou qu’elle a au milieu ; au-dessous de la traverse, & un peu au-dessus de la virole, est le plomb qui est de figure sphérique, & joint & posé horisontalement au pied du fût, qui donne au trépan un mouvement plus lent ou plus prompt, suivant qu’on lève ou qu’on abaisse avec plus ou moins de vîtesse, la traverse où elle est attachée. (M. DE Jaucourt, dans l’ancienne Encyclopédie.)



  1. (1) Il ne s’agit pas ici de la colle forte des menuisiers, mais d’une forte colle de farine.