Encyclopédie méthodique/Beaux-Arts/Tome 2/Pratique I

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JAUNE, JAUNE . (adjectif pris substantivement.) Le jaune qu’on employe en peinture se tire des trois regnes. Le plus commun est dû à la terre martiale & se nomme ochre. Le plomb, le bismuth, &c. parmi les substances métalliques, peuvent aussi donner du jaune : mais ces couleurs s’alterent facilement lorsqu’on les employe à l’huile. Le stil-de-grain fournit différens jaunes fort beaux : cette couleur est due à la partie gommeuse ou extrait de la graine d’une espéce de nerprun connue sous le nom de graine d’Avignon. Voyez ochre ; stil de-grain, massicot. Voyez aussi le mot Fiel.

Jaune de Naples. Substance poreuse, mais pesante, & qui fournit une couleur utile à tous les genres de peinture. On la nomme en Italie Ciallolinn, petit jaune. Un grand nombre de physiciens & de chymistes ont taché de deviner quelle peut être cette préparation dont on a prétendu qu’une seule famille napolitaine possede le secret. (Voyez les Mémoires de l’Académie des Sciences, année 1766.) Cependant nous avons en France quelques fabriques de fayence & de porcelaine qui le possedent également, de sorte qu’on va chercher à Naples ce qu’on pour roit trouver ici : mais chacune d’elles en fait un grand mystere. On veut pouvoir se négliger impunément sur la bonté de la matiere & sur le travail, sans avoir de concurrence à craindre. Ce secret, le voici. Douze à treize onces d’antimoine, huit onces de minium, quatre onces de tutie : on pulverise bien ces substances ;on les pase au tamis pour les mieux mêler ; on les met de l’épaisseur de deux doigts sur des assiettes non vernissées & couvertes d’une feuille de papier. On place ces assiettes dans le four de la fayencerie, au-dessus de toutes let casettes, immédiatement sous la voute. Quand la fayence est cuite, on retire ce mêlange. Il est dur, graveleux, & d’un jaune assez vif ; mais il devient citron, & presque chamois, lorsqu’il est porphyrisé. Voilà le jaune de Naples. Si l’on vouloit en composer des pastels, il suffiroit de le broyer à l’eau pure : il faut le broyer longtemps. On peut garantir la solidité de cette couleur employée en émail ; mais les artistes se plaignent qu’à l’huile elle devient verdâtre, surtout lorsqu’on l’amasse avec un couteau de fer sur le porphyre ou sur la palette. (Traité de la peinture au pastel.)

Jaune mineral, ou Turbith mercuriel, ou


Précipité jaune. Le mercure, dissout à l’aide du feu par l’acide vitriolique, fournit une préparation d’une couleur jaune très-riche : c’est le turbith minéral, ou précipité jaune. On en trouve dans la plupart des pharmacies. Quelquefois il est d’un jaune pâle ; quelquefois même un peu gris ; mais lorsqu’il est bien conditionné, plus on le lave, plus la couleur en est vive. Cependant je ne proposerai pas de l’employer dans la peinture, car il n’et pas insensible aux vapeurs du foie de souffre. J’en ai d’une très belle couleur d’or sur lequel cette vapeur ne fait aucune impression, mais qui ne résiste pas au contact même de la liqueur : si peu qu’elle y touche, le mercure est aussitôt revivifié. C’est donc une couleur dont les peintres ne doivent pas se permettre l’usage. Cependant le hasard m’a fait appercevoir dans un bocal, chez un marchand de couleurs, une poudre jaune, qu’il vendoit, disoit-il, depuis deux ou trois ans sous le nom de jaune minéral. En ayant pris une once, & étant rentré chez moi, j’ai considéré ce jaune, & l’ai reconnu pour du turbith mercuriel. Ce qui me l’avoit d’abord fait méconnoître, c’est qu’il étoit d’un jaune un peu pâle. Je l’ai soumis à quelques épreuves pour m’en assurer ; la vapeur du souffre l’a aussitôt rembruni ; voilà donc, malgré ses mauvaises qualités, le turbith minéral dans le commerce, par l’usage de la peinture, sous le nom de jaune minéral ! Il étoit nécessaire qu’on sût à quoi s’en tenir là-dessus, & voilà pourquoi je suis entré dans cette explication. (Traité de la peinture au pastel.)

Jaune de bismuth. Le bismuth, dissout par l’acide nitreux, forme des cristaux qui, sur le feu, laissent échapper leur acide & se changent en une belle chaux de diverses nuances de jaune. Il y en a de souffre & d’orangé, suivant la plus ou moins grande proximité de la flamme, ou la violence du feu. Je ne doute pas que cette chaux ne réussît mieux dans la poterie, au moyen de la couverte vitrifiée de l’émail, que le jaune de Naples, comme plus haute en couleur Elle est très-fixe, & se vitrifie même plutôt que de se volatiliser : mais il ne seroit pas possible de l’employer dans la peinture à l’huile ; aux moindres exhalaisons putrides, elle devient noire, encore plus vîte que le turbith mercuriel ou jaune minéral qui fait l’objet du précédent article. Il en est de même de toutes les chaux du régule d’antimoine, à l’exception de la neige qu’il donne par la vole de la sublimation.(Traité de la peinture au pastel.)

Jaune de Zinc. Le zinc peut fournir on jaune très-agréable, & pour lequel on n’a pas à craindre les dangereux effets des exhalaisons putrides. Il suffit de le faire bouillir longtemps dans du vinaigre un peu fort : il s’y dissout & forme des cristaux de sel qui n’attirent point l’humidité. Ce sel, mis sur le feu dans une capsule de fer, détonne un peu, jette une légere flamme, & se fond. Si l’on pousse le feu, l’acide s’évapore, & la matiere le convertit en une chaux de couleur jaune. Comme les chaux de ce demi-métal sont très-irréductibles, on peut croire que celle-ci fourniroit toujours le jaune le plus solide qu’on pût desirer, & l’on vient de voir qu’il n’est pas difficile à faire. (Traité de la peinture au pastel.)

Jaune d’argent. On fait dissoudre une demi-once d’argent le plus pur & le plus dégagé de cuivre qu’il est possible, dans une quantité suffisante d’esprit de nitre très-pur, jusqu’au point de la saturation. On dissout, dans quatre parties d’eau distillée, une once de sel d’urine qui fait la base du phosphore ; on fait tomber goutte à goutte la dissolution dans l’esprit de nitre qui a dissout l’argent étendu avec quatre parties d’eau ; on continue de laisser tomber la dissolution de sel d’urine, jusqu’à ce qu’il ne se précipite plus rien : par ce moyen, on obtient un précipite de la plus belle couleur de citron. Cette couleur dont la découverte est dûe à M. Marggraf, pourroit, selon toute apparence, être employée avec succès sur l’émail & la porcelaine, en l’édulcorant soigneusement, & en la faisant calciner avant d’en faire usage. (Mém. de l’Acad. de Berlin ; année 1746.)

IMPRESSION. (subst. fém.) Avant de peindre sur des toiles, panneaux, &c. il faut les imprimer, c’est-à-dire, les couvrir de plusieurs couches de couleur égale qui serviront de fond à la peinture.

Les modernes ont plus généralement adopté la toile, surtout pour les grands tableaux, que le bois, le cuivre, &c. Elle a l’avantage d’être moins pesante, de n’être pas sujette à se déjet­ter, à se rompre, à servir de pâture aux vers, comme le bois. Elle a sur le cuivre l’avantage de la légèreté, & celui de se rouler, & d’être ainsi changée de place sans beaucoup d’embarras.

Le choix de la toile dépend de la volonté de l’artiste qui veut l’employer. Quelques uns ne trouvant aucune toile assez fine & assez unie, ont peint sur du taffetas. D’autres ont choisi de fort grosses toiles dont on voit encore le tissu malgré l’épaisseur de couleur qui les couvre ; d’autres ont préféré de fort coutil. Maintenant on choisit assez généralement des toiles neuves, d’un tissu assez serré & ayant le moins de nœuds qu’il est possible ; dans le dernier siecle, un les choisissoit d’un tissu un peu lâche. On les tend sur des chassis de bois avec de petites broquettes, en rebordant la toile sur l’épaisseur du chassis, auquel on l’attache, par le moyen de broquettes qu’on place à quatre doigts les unes des autres. Quand la toile est bien tendue sur le chassis, on l’encolle d’abord avec de la colle faite de rognures de gants ; cette colle doit être froide, médiocrement forte & en consistance de bouillie. Elle se couche avec le tranchant d’un grand couteau assez mince, en le penchant un peu. Le couteau a son manche recourbé vers le dos afin que la main qui le tient ne touche pas à la toile.

On pousse un peu la toile par derriere, aux endroits où l’on passe le couteau, pour étendre la colle plus également, & on n’y en laisse que le moins que l’on peut. La toile en se léchant, après cette opération, devient fort tendue. Cet encollage sert à en boucher tous les trous, & à en coucher tous les petits fils. Quand elle est parfaitement séche, on la rend encore plus unie, en la frottant dans tous les sens avec une pierre-ponce bien applattie.

On imprime ensuite la toile, en lui donnant une couche de quelque couleur simple & amie des autres couleurs, comme du brun rouge, que l’on mêle d’un peu de blanc de plomb bien broyé, pour le rendre plus siccatif. Mais on parvient surtout à ce but, en le broyant à l’huile de noix avec de la litharge, & on le détrempe à l’huile, Cette couleur doit être suffisamment épaisse. On la couche aussi légérement qu’il est possible, & on l’étend sur la toile avec un couteau semblable à celui qui a servi pour la colle. On laisse sécher de nouveau la toile, & on passe la pierre-ponce par-dessus, pour rendre l’impression plus unie.

Il y a eu les peintres qui ont préféré les toiles imprimées d’une seule couche de couleur. Cependant, comme le grain de la toile y paroît bien plus, on ne s’en est guere servi que pour de grands ouvrages.

L’usage ordinaire est de donner une & quelquefois deux couches par dessus la premiere. On donne à ces couches une teinte d’un petit-gris fort doux, en se servant de blanc de ceruse & de noir de charbon broyé très-fin, & détrempés à l’huile de noix & à l’huile de lin, en quantités égales. On peut donner à cette demi-teinte grise un ton rougeâtre, en y mêlant du rouge-brun. Cette couche, ou ces couches, si l’on en veut plusieurs, ne se posent plus au couteau, comme la premiere ; mais elles s’étendent légérement à la brosse. On met le moins de couleur que l’on peut, afin que la toile soit moins cassante, & que la couleur dont elle sera couverte par l’artiste se conserve mieux : ces motifs doivent faire préférer une seule seconde couche, & c’est aussi ce qu’on pratique généralement aujourd’hui dans l’impression des toiles. On unit aussi cette couche à la pierre-ponce. Quelques peintres préférent une impression rouge, d’autres une impression blanche. Mais les toiles, telles qu’on les trouve chez les marchands, sont d’une demi-teinte grise faite au blanc de ceruse & au noir de charbon.

Quoique l’usage constant soit d’imprimer les toiles, on beau observer que les couleurs se conserveroient beaucoup mieux, si elles étoient posées par l’artiste sur la toile nue Il faudroit choisir alors une toile fine & d’un tissu fort ferré.

Ajoutons que les couleurs feroient plus vives sur une impression qui ne seroit qu’en détrempe : elle boiroit l’huile qui ôte aux couleurs une partie de leur éclat. Le Titien & Paul Véronese, persuadés que l’impression à l’huile nuit aux couleurs du tableau, se sont servis de toiles imprimées en blanc à la détrempe. Leurs couleurs à l’huile, placées sur cette impression, ont conservé leur éclat & leur vivacité. L’impression à l’huile perce & se montre toujours, &, comme disent les peintres, elle tue ou fait mourir les couleurs dont on la couvre. Pour remédier à cet inconvénient, on est obligé de repeindre à plusieurs fois une même chose avec la même couleur.

Ce qui a fait préférer les toiles imprimées à l’huile, c’est que celles qui ne sont imprimées que d’une couche de détrempe, sont sujettes à s’écailler, accident qui arrive surtout quand on les roule pour les déplacer.

Il faut observer de ne peindre que sur des impressions bien séches & faites anciennement. Si l’impression est trop fraîche, elle s’imbibera des couleurs qu’elle doit supporter, & produira cet effet terne & désagréable que les peintres nomment embu.

Pour l’impression en détrempe, on couvre la toile bien tendu sur son chassis, d’une couche de blanc d’Espagne, infusé dans l’eau & détrempé avec de la colle de gants, qu’il faut employer chaude. Quand cette couche est séche, on l’unit avec la pierre-ponce, & on donne ensuite une seconde couche, pour laquelle on employe le blanc plus épais & la colle plus forte. On passe encore la pierre-ponce sur cette seconde impression.

L’impression pour la peinture sur bois, se fait en encollant le paneau avec de la colle de gants ou de parchemin bien chaude. Quand la colle est séche, on la racle légérement pour en détruire les inégalités : puis on la couvre d’une couche de blanc d’Espagne détrempé dans la colle de gants, en se servant d’une brosse douce. On multiplie ces couches, en ayant soin de laisser toujours sécher la derniere faite. & de la poncer. Chaque couche doit être passée légérement, & faite promptement, afin qu’elle n’ait pas le temps de détremper la couche inférieure. Quand les couches ont été assez multipliées pour bien boucher les pores du bois, & rendre le panneau très-lisse & très-uni, on les couvre bien également, avec une brosse douce, d’une impression à l’huile, composée, comme nous l’avons dit pour l’impression sur toile, de blanc de céruse & de noir de charbon. On peut donner deux de ces couches à l’huile. Comme les panneaux, ainsi préparés, sont bien plus unis que la toile, ils sont préférables pour les petits ouvrages.

Impression sur cuivre. On donne d’abord au cuivre la même préparation que pour la gravure en taille douce, c’est-à-dire, qu’on le plane bien également, & qu’on en rend la surface encore plus lisse & plus égale qu’elle ne le seroit par le planage, en le frottant d’une pierre-ponce. Mais on n’y passe pas, comme pour la gravure, le charbon de bois blanc ni le brunissoir, car il ne recevroit pas la couleur. Ensuite on l’imprime de couleur à l’huile, de la même maniere qu’on met la derniere couche d’impression sur la toile ou sur le panneau. On met deux ou trois de ces couches, en laissant toujours bien sécher la derniere, avant d’y en ajouter une nouvelle. Comme ces couches seroient trop lisses, & par conséquent trop glissantes, on bat l’impression encore fraîche avec la paume de la main, pour y former un grain capable de happer la couleur. On peut aussi donner ce grain en se servant d’un tampon de taffetas rempli de coton, & en frappant également avec ce tampon toute la surface de l’impression.

On peut aussi ne donner aucune autre préparation au cuivre que de le frotter d’ail : par ce moyen, il recevra & retiendra la couleur. Le cuivre donnera, de cette maniere, plus d’éclat à la peinture, que si on l’avoit imprimé.

Si l’on veut peindre à l’huile sur du verre, il faut aussi le frotter d’ail.

Impression sur les murailles. Quand la muraille est bien unie & bien séche, on y donne deux ou trois couches d’huile de lin bouillante, & cela jusqu’à ce que l’enduit n’emboive plus. Ensuite on l’imprime de couleurs siccatives. On prend, pour cet usage, du blanc de céruse, de l’ochre rouge, ou d’autres sortes de terres qu’on broye un peu ferme, & qu’on détrempe avec de l’huile de lin. Lorsque cette impression est entierement séche, on peut commencer le travail de la peinture, en mêlant un peu de vernis avec les couleurs, afin de n’être pas obligé de les vernir ensuite.

Il est une autre maniere d’enduire les murailles, qui est moins sujette à s’enlever par écailles. On fait un enduit composé de chaux & 662

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de marbre réduit en poudre , ou d’un ciment fait de tuiles bien pulvériféts : on étend cet enduit avec la truelle , & on l’imbibe d’huile de lin au moyen d’une groffe brofie. Enfuire on fait une compofltion de poix. grecque ^ de maftic & de gros vernis qu’on fait bouillir enfemble dans un pot de terre , Se au moyen d’une bioffe, on coavrel’enduitde cette mixtion , qu’on frotte avec une truelle chaude pour la bien étendre & en détruire toutes les inégalités. Cette préparation faîte , il ne refte plus, comme dans l’autre procédé dont nous venons depai’ler, qu’à la couvrir d’une couche d’impreflion au blanc de cérufe & à l’ochre d3trempés àThuile de lin. On peut auflî faire un enduit fur le mur avec du mortier compofe de chaux , de ciment de briques , & de fable ; cet enduit étant bien fec , on lecouvre d’un fécond enduit fait de chaux, de ciment bien faffé & de mâche-fer en quantités égales. Cette compofition Cianr bien battue, & incorporée enfemble avec des blancs d’œufs & de l’huile de lin, forme un enduit fl ferme qu’on n’en peut trouver de meilleur. Mais il ne fait pas inrerrompre cette opération ; elle doit ttre continuée & terminée pendant que la matière efl : encore fraîche, & on doit étendre la compofition avec une truelle jufqu’à ce que le mur foit entièrement couvert. On doit aulTi avoir foin de bien unir cet enduit. Si on opéroit à plufieurs fois , en laiffanr fëcher une partie avant d’enduire l’autre , il fe feroit fur la lurface du mur des fentes qui giteroient toute la préparation. On imprime fur cet enduit de la même manière que fur les deux autres.

On peint ordinairement fur des murailles enduites de plâ re , parce que la lurface en eft plus unie. Cependant on pourroit faire un maftic Compofé de réfine & de beaucoup de brique pilée. Cet enduit , appliqué à chaud , & uni avec la truelle , fur un gros enduit de mortier ordinal re,prépareroit la muraille à recevoir les couleurs à l’huile, qui s’incorporeroient avec les parties de la brique. Cette incrufiation auroit l’avantage de durer bien plus que le plâtre qui ne peut fLbfifter long-temps dans les lieux humides & expofés aux injures de l’air. Le fécond procédé que nous avons rapporté, eft celui que fuivoit Sébaftien de Venife pour peindre fur les murs de pierre- Mais quelque ■moyen qu’on employé , la peinture en huile fur les murailles n’a jamais la folidité de la frefque. Impression. (Peinture d’/mpre^OTi.) C’eft «n des noms que l’on donne à la peinture des bâ’-imens , qu’on appelle auflî peinture à la grolTe brotTe , Ik que M. Robin, dans un article de notre diflionnaire théorique, a propofé d’appel- 1er peinturage. Cette forte de peintt.re n’eft point un art ; toutes les opérations en font puremetit mécaniques. £lle ne tient àl’art de la pein-I M P

ture que par l’emploi des mêmes fubftances. Cependant la reflémblance des nroms pourta perfuader à quelques leéleurs qu’ils trouveront ici les détails de ceite manœuvre, & il ne faut pas qiieleurefpérance foit trompée. Ce qu’on va lire eft extrait de l’ouvrage d’un homme du métier, M. Watin, qui a publié Vart du peintre , doreur , vern JJeur.

Dans le métier comme dans l’art de la peinture , il faut que les couleurs foicntbroyéeb avec plus ou moins de foin. Voyez l’article Broyer. Pour la peinture d’impreflion , il eft des préceptes généraux qu’il faut connoître& obferver. i". Ne préparez que la quantité de couleurs néceffaire pour l’ouvrage que vous entreprenez, parce qu’elle ; ne fe confervent jamai. bien , & que celles qui font fraîchement mélangées font toujours plus vives & plus belles. °. Tenez, votre broffe bien droite devant vous,& qu’il n’y en ait que la bafe qui foit couchée fur le lujet : fi l’on tïnoit la brofle penchée , on peindroit inégalement.

°. Il faut cjucher les couleurs hardiment & a grands couds , & cependant les étendre le plus également qu’il eft poflîble. On prendra garda d’engo ger les moulures, & les fculpturesifi cet accident arrivoit , on retireroit avec une broffe la couleur des endroits engagés. ". On remue fouvent les couleurs dans le pot , pour qu’elles confervent toujours la même teinte , & qu’elles ne faffent pas du dépôt au fond.

°. On n’empâte jamais la broffe ; c’efl-àdire, on ne la furcharge pas de couleur. °. On n’applique jamais une nouvelle coucha fur la couche précédente, que celle-ci ne foit abfolument féche : on en fait l’effai en y portant légèrement le dos de la n’ain : la couleur eft féche quand il ne s’en attache à la main aucune partie.

°. Pour que les couches fe féchent plus promptement , & d’une manière plus uniforme, on a foin de les rendre les plus minces qu’il efî pollible.

Détrempe. On employé cette forte de peinture fur les plâtres , les bois , les papiers , dans les endroits qui ne font pas expolës aux injures de l’air. Cette forte de peinture fe conferve long-temps, quand elle eft bien traitée. Il y a trois fortes de détrempes : , détrempe commune , le chipoUn , le hlanc-le-roi. Les obfervations fuivantes convijnnent à toutes.

°. S’il y a de la graiffe fur le fujet , c’eft-i dire, fur le fond qui doit recevoir la peinture , on gratte ce fond , ou on le leffive avec de l’eau féconde , ou on le frotte d’ail ou d’abfynthe, z". Il faut que la couleur détrempée file au bout de la broffe quand on la rçtire du pot : S

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elle y refle attachée , c’eil la preuve qu’il n’y a pas aflez de colle/

°. Toutes les couches fe donnent très-chaudes, mais non bouiilantes^ Avec une chaleur ’ (uffifanie, la couleur pénétre mieux. Si la couleur étoit trop chaude , l’ouvrage bouillonneroit , & fi le tond étoit du bois , il pourroit éclater. La dernière couche fe donne à troid. ". Lorlqu’on veut faire de beaux ouvrages, & rendre les couleurs plusbeiles ^ plus Iblides , on prépare les fujers qu’on veut peindte par des encollages «S : des blancs d’apprêt qui fervent de fond pour recevoir la couleur. Cela rend la furface fur laquelle on veut peindre bien égale & bien unie.

°. Cette impreHiion doit fe faire en blanc, quelque couleur qu’on y veuille appliquer ; elle ■ eft plusavantageule pour faire reflbrrir les couleurs qui empruntent toujoura un peu du fond. C’cft ce qui a déterminé des peintres arciilesà faire imprimer en blanc les toiles ou paneaux fur lefquels ils lé propolbient de peindre. °. Si l’on peint fur du bois , & qu’on y rencontre des nœuds , ce qui furtout arrive ibuvent au fapin , il faut frouerces nœuds avec une tête d’ail ; la colle y prendra mieux. On doit fe rendre compte de la quantité de matière & de liquide dont on aura befoin pour couvrir la furface que l’on veut peindre. C’efu ce qu’on ne peut indiquer qu’à peu près, parce ’ qu’il y a des fnbftances qui boivent plus & d’autres moins. Les pià^res & les lapins pompent beaucoup. Le ? premières couches confomment plus de matières que les fuivantes. Les moulures & fculptures font qu’à égalité de toifé , la furface confomme plus que fi elle étoit unie. Détrempe commune. C’efl celle qu’on employé pour les gros ouvrages qui demandent peu de foins , & n'exigent pa> de préparations. Elle fe fait en infufant des terres à l’eau Se en les détrempancavec de la colle. En voici les procédés. i".On écrafe du blanc d’Efpagtie dans de l’eau, & on l’y laiffe infufer une couple d’heures. On fait infufer de même du noir de charbon ; on mélange le noir avec le blanc , & on fait ce mélange peu-à-peu jufqu’à ce qu’on ait trouvé la ’ teinte que l’on defire. On détrempe cette teinte ’ avec de la colle chaude & d’-.me force fuffifante. ■ Il ne telle plus enfuite qu’à coucher cette cou-’ leur fur ce fujet.

Si l’on veut couvrir de cette teinte une toile quarrée , on employé deux pains de blanc d’Efpagne , p :fani enfemble deux ’.ivres & demie, I on infufe dans une chopine d’çau ; la quantité du charbon varie fuivan ; la teinte ; le tout doit ê-re ■ détrempé dans une pinte de colle. Pour employer ceite détrempe fur de vieux murs, il faut les b’eii gratter ; y paTer deux ou I trois couches d’eau de chaux , jufqu’à ce que le ^ I M P

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roux fok mangé ; époulTeter la chauK avec un balai de crin. Si les murs font neufs , on met plus de colle dans le blanc pour en abreu er la muraille.

On peut faire ufage , dans la détrempe commune , de toutes fortes de couleur.’^. On fait de même la teinte , on l’infufe de même à l’eau , on la détrempe de même à la colle.

Détrempe VERNIE, a/’/'ir//eeCHiPotiN.C’efl : la plus belle des peintures d’imprelTion -.elle approche de l’éclat & de la blancheur de la porce-" laine ; elle ne jette pas de luilant comme la peinture à l’huile , & peut , à tous les jours être regardée avec le même avantage.

Cette forte de détrempe exige fept différentes opérations.

Première opération Ehcoiler. 1°. Prenez trois têtes d’ail , & une poignée de feuilles d’abfynthe : faires-les bouillir dans trois chopines d eau que vous réduirez à une pinte. PalTez ce jus au travers d’un linge & mêlez-y une chopine de bonne & forte colle de parchemin : jetrez-y une demi poignée de fel & un demi-feptier de vinaigre : faites bouillir le tout. x°. Imbibez le bois de cette liqueur bouillante, avec une broffe courte de fanglier ; imbibez- en les -’culptures & : les parties unies , ayant foin de bien relever la colle, & de n’en lalffer dans aucun endroit de l’ouvrage pour qu’il ne refte pas d’épaiffeur.

°. LailTez infufer, l’efpace d’une demi-heure deux poignées de blanc d’Efpagne dans une pinte de forte colle de parchemin, à laquelle vous joindrez un demi-feptier d’eau , & que vous ferez chauffer. Remuez bien ce blanc , & donnez-en une feule couche très-chaude , mais non bouillante, en tapant également & régulieiement , pour ne pas engorger les moulures & fculptures , s’il y en a : c’eft ce qu’on appelle encollage blanc , quî fert à recevoir les blancs d’apprêt.

Seconde opération. Arrêter de blanc. Les couches fuivantes doivent être égales , tant pour la quantité du bhnc, que pour celle delà colle. Si une couche foible de coUe en recevoir une plus forte, l’ouvrage tomberoit par ccailles. Evitez de la faire bouin.’j, parce que la trop grande chaleur l’engra-ffi roir ; il ne faut pas même qu’elle foit trop chaude , parce qu’elle dégarniroit les blancs de deffous. A melure qu’on laiffe à chaque couche lé temps de fecher , il faut en abba-tre les boffes , aboucher le^ défauts avec uii mêlinge de blanc Sz ie colle qu’on appelle gros blanc, il faut aufu a’ec -ine pierre-crues <k. une peau de chien de mer, ôter à fec les barbes du bois âe toutes '66^

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les parties qui empêcheroient d’adoucir l’ouvrage.

ir-our apprêter de blanc , prenez de la forte colle de parchemin , faupoudrez-y légèrement aveclamain dublanc de plomb pulvérifé & tamifé, jufqu’à ce aue la colle en (bit couverte d’un doigt d’épaifleûr : vous laifferez intufer le blanc dans la colle , pendant une demi-heure , tenant un peu loin du feu le pot que vous aurez foin de couvrir, mais affez près cependant pour donner au blanc une chaleur tiède. Remuez bien votre blanc avec la brofle, jufqu’à ce que vous n’y voyez plus de grumeaux , & que le toucparoiffe bien mêlé. Servez- vous de ce blanc pour en donner une couche de moyenne chaleur, en tapant, comme à l’encollage ci-deflus , très-fixement & bien également : car s’il étoit employé en trop grande abondance, l’ouvrage feroitfu jet à bouillonner , & donneroit beaucoup de peine à adoucir. Il faut donner fept, huit ou dix couches de blanc , félon que l’ouvrage & la défeftuofité des bois de fculpiure l’exigent, donnant plus de blanc aux parties qui doivent être adoucies : c’eft ce qu’on appelle apprêter de blanc. Il faut que la dernière couche de blanc foit plus ckire, ce qu’on fait en y jettant un peu d’eau : qu’elle foit appliquée légèrement, en adoucilfanc avec la brofle , comme lorfqu’on imprime , ayant foin de paffer dans les moulures avec de petites brotfes , & de vuider les onglets , pour qu’il ne refte pas d’épaifleûr de blanc. Troifiéme opération- Adoucir & poncer. On prend de l’eau très-fraîche , & même , dans l’e é , on y ajoute un peu de glace. On mouille le blanc a/ec une broffe qui ait fervi à apprêter de blanc , Se l’on a foin de ne mouiller chaque fois que ce qu’il faut adoucir , dans la crainte de détremper le blanc. Enfuite on adoucit & l’on ponce ;ce qui fe fait à l’aide de petits bâtons & : de pierres- ponces auxquelles on a donné les différentes furmes qu’exigent les parties planes, & celles qui font chargées de moului es ou de fciilptures. On lave arec une brofl^e à mefure que l’on adoucit , & on paRe par-deffus l’ouvrage un lipge neuf pour y donner un beau luftra. Quatrième opération. Reparer. L’ouvrage adouci, vous nettoyerez avec un fer toutes les moulures, fans aller trop avant, de peur de faire des barbes au bois. Il eftd’ufagc, quand il V a des fculptures , de les réparer avec les mêmes ’fers pour dégorger les refends remplis deblanc, Ç.S qui nettoyé & répare l’ouvrage , & approche les fculptuics de l’état oij elles font forties des mains de l’artifte.

Cinquième opération. Peindre. L’ouvrage pînfi réparé eft prêt à recevoir la couleur qu’on veut lui dounet. Si la teinte qu’on choifit eft du î M P

blanc argentin , broyez du blanc de cérufe & du blanc de Bougival, chacun féparément à l’eau , & en quantité égale ; mêlez-les enfemble. Ajoutez-y du bleu d’indigo & très-peu de noir de charbon de vigne, que vous broyerez à l’eau féparément. Vous mettrez de l’un & de l’autre la quantité qu’exigera la teinte que vous cherchez. Détrempez cette teinte avec de bonne colle de parchemin. Paffez le tout dans un tamis de foie très-fin. Pof’ez enfin les couches fur votre ouvrage en adouciflant , & ayez loin de les étendre bien uniment. Donnez deux couches, &lacouleur eftappliquée.

Sixième opération. Encoller. Faites une colle très-foible, très-belle & rrès-claire. Après l’avoit battue à froid & pafTé au tamis , vous en donnerez deux couches fur l’ouvrage avec une brofle très- douce, qui aura fervi à peindre & qui fera nettoyée ; une brofle neuve feroit des raies fur l’ouvrage & le gâteroit. Ayez foin de n en pas engorger vos moulures , ni d’en donner plus épais dans un endroit que dans un autre. Etendez-la bien légéremenc , de peur de détremper les couleurs en pafl’ant , &de faire des ondes qui tachent les panneaux ; ce qui arriva quand on paflTe trop fouvent fur le même endroit. De ce dernier encollage dépend la beauté de l’ouvrage ; il peut la perdre, s’il eft mal fait ; car s’il y avoit des parties qui n’eufl’entpas été encollées, le verni.s les noirciroit. Septième opération. Vernir. Après avoir laifl^e fecher les deux encollagrs , on donne deux ou trois couches de vernis à l’efprit de vin. Il faut , en l’appliquant , que l’endroit foit bien chaud. Ces couches de vernis ajoutent à la beau.» té de la détierape , en la garantiflant de l’hu-»midité.

Z)/f«/n/’e ûzi Blakc-le-Roi. Elle fe préparç comme le chipolin. Quand l’encollage & le» blancs d’apprêts font finis, quand l’ouvrage eft adouci & réparé dans les moulures, on broyé à l’eau du blanc de cérufe & une égale partie de blanc de plomb , en y mêlant très-peu d indigo, pour ôter le jaune du blanc , & lui donner un œil vif. Enfuite on détrempe ce blanc avec dç très -belle colle de parchemin, d’une bonne force, on pafl’e le tout par un tamis de foie , & on en donne deux couches de moyenne chaleur. Ce blanc fe gâte dans lés appartement fouvent habités , & furtout dans les chambres à coucher, parce que les vapeurs forties des corps animés noirciflTent le blanc de plomb. Il a d’ailleurs l’avantage d’être favorable à la dorure , que leiuat qui le caraftérifefaic briller davantage. Peinture d’impression à /’Ai^’/f. Cettp peinture, qui eft I4 plus folide, ferçit aufli J^ £llU plus parfaite, si l’huile, avec le temps, n’altéroit pas les couleurs en leur donnant un ton roussâtre.

Il y a deux sortes de peintures à l’huile, celle à l’huile simple, & celle à l’huile vernie-polie.

1°. Il faut, dans la peinture à l’huile, broyer à l’huile de noix ou d’œillet les couleurs claires, & à l’huile de lin pure les couleurs sombres.

2°. Toutes les couches se donnent à froid : mais si l’on veut préparer un mur ou plâtre neuf, il faut les appliquer bouillantes.

3°. On remue de temps en temps la couleur dans le pot, avant d’en prendre avec la brosse, pour qu’elle soit toujours du même ton & de la même épaisseur. Si, malgré cette précaution, le fond devenoit plus épais, on y ajouteroit de nouvelle huile.

4°. Tout sujet qu’on veut peindre doit recevoir d’abord une ou deux cou­ches d’impression, c’est-à-dire, une ou deux cou­ches de blanc de ce­ruse, broyé & détrempé à l’huile.

5°. Pour les ouvrages extérieurs, ou qu’on ne se propose pas de vernir, les impressions se font à l’huile de noix pure, sans mélange d’essence : celle-ci les ren­droit bises & les feroit tomber en poussiere.

6°. Pour les ouvrages intérieurs, ou qu’on a dessein de vernir, on broye & l’on détrempe la pre­miere couche à l’huile, & on détrempe la seconde avec de l’essence pure. Le vernis devient plus brillant sur une couleur détrempée à l’huile & coupée d’essence, ou broyée à l’essence pure ; il s’emboiroit dans une couche à l’huile. Quand on ne veut pas vernir, on fait la premiere couche à l’huile pure, & la seconde à l’huile coupée d’essence.

7°. Pour peindre sur des métaux, il faut mettre un peu d’essence dans les premieres couches d’im­pression : cette essence fait pénétrer l’huile dans le sujet.

8°. Si l’on peint sur du bois, & qu’on y rencontre des nœuds sur lesquels la couleur ne prenne pas, il faut, si l’on peint à l’huile simple, préparer à part de l’huile, la forcer de siccatif, c’est-à-dire, y mettre beau­coup de litharge, en broyer un peu de couleur, & la réserver pour les parties noueuses. Si l’on peint à l’huile vernie-polie, il faut y mettre plus de ce qu’on appelle de la teinte dure : nous verrons ce que c’est qu’on appelle ainsi.

L’emploi des siccatifs est aussi nécessaire pour certaines couleurs qui sé­chent très-difficilement, tel­les que les stils-de-grain, les noirs de charbon, d’os & d’ivoire. Les siccatifs sont la litharge, le vitriol ou la couperose, & l’huile grasse.

On ne met de siccatif que peu de temps avant d’employer la couleur : si on le mettoit longtemps d’avance, il l’épaissiroit.

On ne met pas de siccatif, ou l’on en met très-peu, dans les teintes où il entre du blanc de plomb ou de ceruse, parce que ces couleur sont siccatives elles-mêmes.

Quand on se propose de vernir l’ouvrage, on ne met de siccatif que dans la premiere couche ; les au­tres couches, étant mises à l’essence, sé­cheront assez d’elles-mêmes.

Par la même raison on met le siccatif en petite quantité dans les ouvrages qui ne doivent pas être vernis, mais dans lesquels l’huile est coupée d’es­sence.

Pour employer des couleurs sombres à l’huile, il faut, quand on détrempe les couleurs, y jetter, pour chaque livre, une demi-once de li­tharge. Si les couleurs sont claires, telles que le blanc & le gris, on peut mettre dans chaque livre de couleur, en la détrempant, un gros de couperose blanche, broyée avec la même huile qui est celle de noix ou d’œillet. Ces couleurs seroient ter­nies par la litharge ; mais la coupe­rose n’a pas de cou­leur & ne peut leur nuire.

Quand, au lieu de li­tharge ou de couperose, on employe l’huile grasse, & on en fait surtout usage pour les citrons & les verds de composition, on met, par chaque livre de cou­leur, un poisson d’huile grasse. On détrempe le tout à l’essence pure, car l’huile grasse qu’on ajoute­roit à l’huile pure, rendroit les couleurs grasses & pâteuses.

Pelnture à l’huile vernie-polie : on appelle ainsi une peinture que l’on polit pour en augmenter l’éclat.

1°. On prépare les sujets que l’on veut peindre de cette manière, par une impression, qui sert de fond pour recevoir la teinte- dure, ou le fond-poli & les couleurs. Cette impression doit être faite en blanc, quelque couleur qu’on y veuille appliquer ; parce que les fonds blancs sont toujours les plus avan­tageux. L’impression se fait, en donnant une pre­miere couche de blanc de ceruse broyé très-fin à l’huile de lin, avec un peu de litharge, & détrempé avec de la même huile coupée d’essence.

2°. On fait un fond-poli, en mettant sept à huit couches de teinte-dure. Il est des ouvrages pour lesquels on en donne jus­qu’à douze ; tels sont les équipages.

La teinte-dure se fait en broyant très-fin, à l’huile grasse pure, du blanc de ceruse qui ne soit pas trop calciné, afin qu’il ne pousse pas les couleurs ; on dé­trempe ce blanc avec de l’essence.

Il faut avoir attention de tenir bien égales toutes ces couches de teinte dure ; elles doivent être égales quant à l’épaisseur dont elles sont appliquées ; égales, quant à la dose du blanc de ceruse & de l’huile ; égales encore, quant au degré de cal­cination de la ceruse.

3°. On adoucit tout le fond avec une pierre-ponce. 666

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°. On le polit avec un morceau de fcrge qu’on tient en forme de tampon. On trempe cette ferge dans un feau d’eau dans lequel on a mis bsai.coup de ponce en poudre , paffée au tamis de foie : on lave à mefure avec une éponge , pour voir lion adoucit également. Il ne faut pas épargner l’eau pour cette opération ; elle ne peut rien gâter.

j"^. Choififfez la teinte dont vous voulez décorer vo :re ouvrage. Qu’elle foit bien broyée à l’huile & détrempée à l’effence ; paffez-la au tamis de foie très-fin ; donnez-en trois ou qua-re coi ;ches bien éiendaes ; mieux elles le font , & plus la couleur eft belle. Toutes fortes de couleurs peuvent être ainfi employées à l’huile & à l’elTence.

". Donnez deux ou trois couches d’un vern’s blanc à i’efprit de vin, fi ce font des appartemens ; & d- vernis gras--, fi ce font des panneaux d’équipages.

Si l’on veut polir le vernis , il faut en mettre fept à huit couches au moins, c^bien é c.idues , avec g-ande a tention de ne pas charger un endroit plus qu’ion autre ; car cela feroit des radies, 7°. On polit encore avec de la ponce en poudre, de l’eau , & un morceau de l’erge , comme en vient de le dire On eiTuie l’ouvrage avec des linges doux , de fai^on qu’il foit bien iuil’ant , & qu’on n’y voye aucune raie : quand il elt fec,on le decrafle avec de la poudre d’amidon ou du blanc d’El’pagne, tn frottant avec la paume de la main, &efruyant avec un linge ;c’eft ce qu’on appelle lujl-er. Au lieu du la picrrerponce , réduite en poudre impalpable, dont on fe fert pour les vernis gras , on employé le tripoli pour les vernis à I’efprit de vin.

Peinture au llar.c vemi-’oli à l’Tiuih. Ce blanc à l’huil« répond au bianc-le-roi de la détrempe.

Si on l’employé fur bois , on donne une imprcffion de blanc de cértife broyé à l’huile de roix , avec un peu de coupcrofe calcinée -, on détrempe ce blanc à l’elTencî.

Si on l’emplo) e fur la pierre, on fait ufage de l’hu le de noix pure , avec la couporofe calcinée. Enfi.ire on broyé du blanc de cérufe très-fin à l’effence , & on le détrempe avec un beau vernis gras blanc au copal.

On en donne fept ou huit couches. Le vernis eînplp)é avec le blaire de cérufe , fiche fî promptement , qu’on peut donner jufqu’à trois couches par jour.

On adoucit & on polit toutes les couches ; comme on l’a indiquépourla manière précédente. On donne deux ou trcis couches de blanc de plomb broyé à l’huile de noix , & détrempé à l’effence pure.

. On ’es fait fuivre de fept à huit couches de teioii blanc à I’efprit de yin pur. I M P

Enfin on donne le poli.

Peinture au vernis. Peindre au vernis, c’eft employer, fur quelque fujet que ce foit, des couleurs broyées & détrempées au vernis, foi : à I’efprit de vin , foit à l’huile. Cette manière approche de la beauté du chipolin , fans cependant y atteindre ; mais les opérations en font plus promptes & : moins minutieufes. Elle a l’avantage de n’avoir pas longtemps, comme la peinture à l’huile , une odeur défagréable & même nuifible.

Il faut, pour ce genre de peinture, commencer par les trois premières opérations du chipolin dont nous ave ns donné le détail ; c’eft-à-dire , qu’il faut encoUtr , apprêter de blanc , adoucir ù poncer.

Lorfque , après ces opérations, le bois eft bien uni , fuppoions que vous vouliez faire du gris , prenez une livre de blanc de cérufe bi tamifé , un gros do bleu de Pruffe, ou de noir de charbon ou d’ivoire ; mêlez le tout dans une peau d’agneau que vous iiez fortement pour que la couleurne s’échappe pas . fecouez fortement cette peau , ou bien paflèz le tout plufieurs foi» par ’..n tamis couvert : par-là vous mélangerez bien voire couleur.

Prenez-sn deux onces , que vous mettrez dans un poiffonde vernis ; délayez bien le tout ; paffez la première couche fur le blanc d’apprêt dont votre boib eft couvert.

La première couche feche , mettez dans pareille quantité de vernis une once feulement de couleur , & donnez votre féconde couche. La troifiéme couche ne contiendra , dans la même quantité de vernis, qu’une demi-once feuk-ment de couleur.

Il faut taire attention, lorfque chacune de ces trois coucher eft donnée , de la frotter à chaque fois avec une toile neuve & rude. Evitez cependant d’emporter la couleur : comme les coi :ches fcchent à-peu-près d’heuve en heure , i ! faut ne les frotter que lorfqu’elles font bien féches. Si l’on veut donner un lultre parfait à i’ouvtagc , il faut paffer une quatrième couche dcfée de même que la troifiéme. On peut la donner de vernis pur.

On voit que , dans cette opération , on met toujours la même quantité de vernis , & qu’à chaque couche , on diminue de moitié la dofe des couleurs. Toutes les autres teintes s’employent de même.

L’ne autre manière de peindre au vernis avec beaucoup plus de promptitude , & même en trois heures, c’eft de s’exempter de faire les encollages & le blanc d’apprêt , & d’appliquer tout de fuite les teintes au vernis, comme ci-deffus ; mais le luftre ne fera jamais aulïï brillant. Détail des différentes teintes , pour tous Its I M P

genrii de [-einture â l’imprejp.on. Bleu. CéruCe & bleu de Pruffe , en dlft’iîrentes proportions , fuivant la tein ;e que l’on defire. Cette couleurs’eniploye en détrempe ; mais elle ell- plus belle broyée à l’huile d’œiUec Se détrempée à l’elTence.

Brun. On n’employé guère dans la peinture d’impiefllon de teintes Ibmb.es , que pour imiter la couleur des bois.

Couleur de chêne. Trois quarts de blanc de céruTe , un quart d’ochre de rjr, plus ou moins de terre d’ombre tk. de jaune de ficrry. Couleur de noyer. Blanc de et rufe , ochre de rut , terre d’ombre, rouge &r jaune de Berry. Maron. Rouge d’Angleterre, ochre de rut, noir d’ivoire. On eclaircit la teinte en mettant moins de noir& plus de ronge.

Olive ; en détrempe : jaune de Berry , indigo , blanc d’Efpagne, ou quand on veut couvrird un vernis , blanc de céruie.

A l’huile : jaune de Berry, verd-de-grîs & noir , détrempés à l’huile coupée d’eflence. Couleur de rose. Du blanc de plomb , peu de carmin , & une pointe de vermillon. Ces deux teintes feront plus belles à l’huile d’œillet, & détrempées à l’effence.

Ckamoisi. Delà laque carminée, du carmin, & ttès-peu de blanc decérufe.

Gris. .^ gris argentin fe fait en prenant de beau blanc , & le mélangeant avec du bleu d’indigo & du noir de vigne, en très-petite quantité. Le gris de lin le compol’e avec du blanc ds eérufe , de la laque , & très peu de bleu de Pruffe qu’on broyé féparément.

Pour le gris de perle, on peur fubftituer le bleu de Prufle à l’indigo.

Le gris ordinaire lé compofe avec du blanc ,& du noir de charbon. Toutes ces teintes s’employent indifféremment à l’huile ou k la détrempe.

Jaune. L’ochre de Berry donne un jaune foilcé , s’il eftpur. On l’attendrit à volonté avec du blanc de eérufe. Cette teinte s’employe en détrempe & à l’huile. Broyée à l’huile , on peut la détremper à l’huile , à l’effence , ou à l’huile coupée.

Chamois- Blanc de eérufe , beaucoup de jaune de Naples , une pointe de vermillon , & un peu de jaune de Berry.

Jonquille. Cérufe, ftil-de-grain de Troies. Jaune citron 2r aurore. Blanc de cérufe , flilde-grain de Troies ou jaune de Naples. Couleur d’or. Plus ou moins de blanc de cérufe , de jaune de Naples , &p d’oçhre de Berry. I M P


VerDi Ve’d d’eau , à la détrempe ; blanc de cérufe avec plus ou moin ; de verd de Montagne -, ou mieux encore , cérufe, cendre bleue, ik. ihlde-grain de Troies. Cette dernière teinte eijb plus vive & moins fujette à changer. Même teinte au vernis. Broyez féparément à l’effence du verd-de-gris diftillé, & du bleu de céruie : incorporez ces deux couleurs dans la proportion convenable : détrempe» le tout avec un vernis à l’effence.

Ferd de compofition. Blanc de cérufe, ftilde-grain de Troies , bleu de Pruffs. Si l’on employé ce vrd en détrempe , on le broyé à l’eau, &c on le détrempe à la colle de parchemin. Si l’on en fait ufageà l’huile , on le broyé à l’huile, & : on le dé :rempe à l’elVence. I.e verd des treillages fe compofe de verd de gris & :de blanc de cérufe. On les broyé féparément à l’huile de noix , & on les détrempe à la même huile. Pour la campagne, on met deux fois plus de blanc que de verd de gris ; mais à Paris , où l’a'r efl plus chargé de vapeur putride , on met trois fois plus de blanc. Violet. Laque , bleu de Pruffe , un peu àe carmin, très-peu de blanc de plomb. INDE & INDIGO. {Bl-u d’ ) VInde efl plus claire & pbti vive que l’Indigo ; ce qui vient du choix de la matière dont on les fait : car au f(»nd c’eft la même : l’indigo eft extrait de l’écorce des branches , de la tige & Je ; fe ailles de ~ l’anil , plante qui croît au Biéfil, 8c VInde efi extraite feulement des feuilles de cette plante. VInde eH ordinairement par petites tablettes de deux à trois lignes d’épaiffeur ; 8c V Indigo eft par morceaux irréguliers d’un bleu brun , & quelque fois tirant fur le violet. On fait ufage de ces couleurs dans la peinture en les mêlant avec du blanc pour faire une cou- leur bleue. Vlndigo peut s’employer feul pour les parties brunes des bleus. Dans la peinture à l’huile, on fait peu d’ufage de ces couleurs, parce qu’employées avec l’huile , elles finiffent par pouffer au noir. On peut cependant s’en fecn vir , en glaçant par-dcfl’us avec de l’outremer. INDIGO. Il n’eft point d’ufage dans la pein= ture au paftel, apparemment parce que les fabriquans n’ont pas imaginé de moyen pour le réduire 8c vaincre fa ténacité ; car l’efprit-de-vin n’y peut rien. C’ell la couleur la plus folide que les végétaux aient jamais fournie. Il eft cependant vrai que la peinture à f efque Se celle en émail , font les feules où cette lubftancenepuiffe être employée.

Voici le moyen de faire des paftels à’indiga, 8c il donne un très-beau bleu-fuyant. Il faut d’abord le faire pulvérifer dans un mortier chez un droguifte. On le fera broyer enfuite fur un porphyre avec de l’eau chaude. On le jettera dans P p p p îj

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un pot de terre verniflëe plein d’eau bomllatite. On y joindra , par intervalles , gros comme deux noix d’alun de Rome en poudre, dans la ruppofition oià l’on employera gios comme une noix ff indigo : telle efi : à-peu-piès l’échelle des proportions que l’on doit obfervcr. On mettra le pot fur le feu. La matière ne tardera point à gonfler. Dfaut prendre garde qp’elle ne s’élève hors du vale ; pour éviter cet inconvénient, on laremue avec une cuiller de bois , en l’éloignant de temps en temps du feu. Quand elle aura jette fix ou fept bouillons , on la laiffera refroidir & repofer quelques heures ; on jettera la majeure I N D

partie de l’eau comme inutile ; on verferale d^ pôtfurun filtre ds papier foutenu par un linge ; on l’arrofera d’eau chaude pour enlever tout l’acide vitricliqje de l’alun. Quand l’eau aura été pafTée au travers du filtre , on ramaflera la fécule qui fera refiée dcffus , pour la faire broyer fut le porphyre. Si l’on a mis tout l’alun néceffaire , & que le lavage en ait bien emporté l’acide , & n’en ait laiffé que la terre qui s’eft incorporée avec l’imligo , les crayons feront aufli friables que le blanc de Troies. ( Traité de la pcintun au pajlel. )

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