Encyclopédie méthodique/Beaux-Arts/Roide

ROIDE, (adj) Les formes roides sont contraires à la nature qui, dans les objets animés, a plus ou moins prodigué la souplesse, & dans les choses inanimées, la variété : l’art doit s’efforcer de ne se pas lalisser vaincre par la nature. Toutes les fois que, dans les formes de l’homme ou des animaux, elle semble près d’affecter la ligne droite qui auroit de la roideur, elle l’abandonne aussitôt pour tracer une ligne ondoyante. Dans les campagnes cultivées, on peut rencontrer des formes roides ; on n’en trouve point dans la campagne sauvage & abandonnée à elle-même. Le terrein est différemment sillonné par le passage ou le séjour des eaux, par l’impétuosité des vents ou des tempêtes. Si dans une vieille forêt, quelques arbres élèvent directement leurs tiges vers le ciel, la roideur de ces tiges est interrompue par des plantes parasites, & d’autres arbres diversement tortueux contrarient par leurs formes bizarres ces formes trop régulières : les rochers, brisés par les efforts des siècles, offrent l’image d’antiques ruines. Tout s’écarte de la roideur & d’une froide régularité.

L’homme qui s’abandonne à lui-même n’a jamais de roideur dans ses attitudes : s’il en affecte quelquefois, c’est par effort ; c’est qu’il pense que ce maintien annonce une meilleure éducation que celui qu’il prendroit naturellement. Si cette roideur, longtemps étudiée, lui est devenue familiére, c’est qu’en lui l’habitude a vaincu la nature.

L’objet de l’art est la nature libre & non la nature contrariée : l’artiste doit l’étudier & l’imiter dans toute la variété de les formes & dans toute la souplesse de ses mouvemens. Dès


qu’elle prend de la roideur à ses yeux, il doit croire que ce n’est plus tale ; & dés qu’il en remarque dans son propre ouvrage, il doit tre persuadé qu’il n’a fait qu’une fausse imitation. (L)