Encyclopédie méthodique/Beaux-Arts/Copie

Panckoucke (1p. 152-153).
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COPIE, (subst. fém.). Tableau fait d’après un autre tableau. On emploie aussi ce mot pour les statues, les dessins, `les estampes. Quand c’est le maître lui-même qui s’est copié, le second tableau s’appelle un double. Il y a des copies faites avec tant d’art, qu’il est difficile de les distinguer des originaux. Il y en a qui ont été faites, sous les yeux du maître, par d’habiles élèves, & retouchées par lui. Il y a enfin des tableaux qui ne sont en quelque sorte ni de vrais originaux, ni de véritables copies : tels sont la plupart des tableaux de chevalet de Raphaël : il en faisoit les dessins, les laissoit peindre par ses élèves, & y mettoit la dernière main.

Vasari, témoin oculaire, raconte un fait capable de rendre circonspectes les connoisseurs qui prétendent ne pouvoir être trompés par des copies. Raphaël avoit fait le portrait de Léon X, Jules Romain y avoit travaillé. Le Duc de Mantoue obtint ce tableau du Pape Clément VII ; mais Octavien de Médicis différa d’envoyer le portrait, sous prétexte de l’orner d’une bordure plus riche, & en fit faire une copie par André del Sarte. Ce fut cette copie qui fut envoyée au Duc. Personne ne soupçonna la supercherie ; Jules Romain lui-même, qui étoit à Mantoue, fut trompé comme les autres, & crut reconnoître l’ouvrage de sa main. Il ne put être désabusé que par Vasari, qui avoit vu faire la copie, & qui lui montra les marques qu’on y avoit mises pour la reconnoître. Ce fait est à peine vraisemblable ; mais il faudroit pousser à l’excès le pyrrhonisme historique, pour récuser en cette occasion le témoignage de Vasari.

Bien des artistes conviennent modestement qu’ils pourroient être trompés à des copies : les marchands sont loin de faire le même aveu, & l’on trouve des amateurs qui s’expriment à cet égard comme les marchands.

En général, de belles parties des originaux sont perdues dans les copies ; celles sur-tout qui dépendent de la main du maître, & cette liberté qui donne tant de charmes au travail. Mais d’autres parties bien importantes sont conservées, si le copiste est habile : la composition, l’entente générale du clair-obscur & de la couleur, le dessin, si l’on en excepte les plus grandes finesses & l’extrême intelligence. On recherche une estampe faite d’après un bon tableau ; une bonne copie, même une copie passable en donne encore une idée plus juste. Les copies ne sont donc pas méprisables ; mais elles sont dédaignées par la vanité des amateurs. Ils les rejettent avec dédain quand ils sont avertis ; ils les révèrent comme des originaux quand ils sont abandonnés à leurs propres connoissances. Ils sont parvenus à les faire mépriser des jeunes artistes qui pourroient en retirer de grands avantages.

On distingue trois sortes de copies : les première, fidèles & serviles ; les secondes, faciles & peu fidèles ; les troisièmes, fidèles & faciles à la fois. La gêne que le copiste a éprouvée dans les premières, les fait aisément reconnoître, quoique le dessin & la couleur de l’original y soient conservées.

La facilité des secondes peut leur donner une apparence d’originalité ; mais comme le copiste ne s’est pas asservi à imiter exactement la touche, le pinceau, le style du maître qu’il a copié, on voit que le tableau n’est pas de la main de ce maître.

Les troistèmes, réunissant la facilité à une imitation précise, jettent dans le doute les plus grands connoisseurs.

Au reste si Jules-Romain fut trompé à la copie du portrait de Léon X, c’est que le tableau original n étoit pas entièrement de lui, & que son travail avoit été en grande partie recouvert par celui de Raphaël. On a beau raconter qu’un élève d’un peintre habile copia


si parfaitement un tableau de son maître que celui-ci y fut trompé. Croire tout ce qu’on raconte sans en examiner la possibilité, c’est se disposer à prendre pour des vérités une foule d’erreurs. M. Chardin assuroit qu’il ne se méprendroit jamais aux copies que l on pourroit faire de ses tableaux. Il faut avouer que tous les peintres ne sont pas aussi difficiles à copier que M. Chardin. (Article de M. Levesque.)