Encyclopédie méthodique/Beaux-Arts/Coloris, colorer colorier

Panckoucke (1p. 107-108).
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COLORIS, COLORER & COLORIER. J’ai annoncé, à l’article Carnation, que je réunirois dans l’article Couleur, des notions qu’on auroit pu diviser, à l’occasion des mots carnation, & coloris ; mais, en même-temps, j’ai présenté, dans ce premier article, une idée succincte, de ce que l’on entend par le mot dont il est le sujet. Je dois offrir ici de même quelques mots sur le terme coloris.

Coloris a, dans la langue commune, ainsi que dans le langage des Peintres, un sens moins général que le mot couleur. Assez ordinairement on se sert du mot coloris, pour exprimer certains caractères particuliers de la couleur, des objets, & sur-tout des objets agréables à la vue. Car on dira, le coloris de ces fleurs est admirable : le coloris de la tête de cette nymphe a toute la fraîcheur de la jeunesse, & l’on ne dira guère, le coloris de ce désert, de cette côte aride, de cette mer orageuse : de même, on ne se servira pas du mot coloris, à l’occasion d’une vieille, d’un homme de peine, d’un malade, &c.

Dans le langage plus particulièrement adapté à la peinture, le mot coloris se rapproche, à ce que je crois, plus souvent du mot couleur, dont il est synonyme suivant les circonstances : car on dit également, la couleur & le coloris de tel ou tel Peintre, de tel ou tel tableau. couleur & coloris brillans, vigoureux, agréables, &c. Les verbes colorer & colorier s’emploient assez indifféremment aussi l’un pour l’autre, & les petites nuances que l’on pourroit peut-être désigner dans certains usages de ces verbes, ne sont pas, à ce qu’il me semble, assez décidées pour s’y arrêter. L’une de ces nuances, dont je ferai seulement mention, pour apporter un exemple, se remarque lorsque l’on parle d’estampes, auxquelles des couleurs se trouvent adaptées ; si ces couleurs sont appliquées à l’estampe par le méchanisme de la gravure, ou plutôt de l’impression, en employant plusieurs planches. On se sert assez ordinairement du mot coloré, plutôt que du mot colorié. Ce graveur, dira-t-on, réussit très-bien dans le genre des estampes colorées. Lorsqu’il s’agit d’une estampe, sur laquelle on a appliqué, après coup, des couleurs, ce qu’on appelle vulgairement image enluminée, on dira, cette estampe a été coloriée, ou enluminée, On peut appercevoir aisément, que le mot enluminé convient principalement à ce travail, lorsqu’il est grossier ; & que le mot colorié, s’emploie lorsque l’enluminure a plus de rapport à l’Art. C’est ainsi que le mot image signifie le résultat d’une gravure grossière ; & le mot estampe, l’empreinte d’une gravure faite avec plus d’art.